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où, par une mort glorieuse, vous allez les délivrer d'une servitude. éternelle.

(BOSSUET.)

16. Ce pourquoi je suis né, et pourquoi je suis venu dans le monde, c'est que je rende témoignage à la vérité; quiconque a la vérité pour principe écoute ma voix.― Ces paroles de vaient sonner d'une manière bien singulière aux oreilles de ce Romain, qui, élevé dès sa jeunesse dans les écoles des sophistes, avait appris de ses maîtres que la vérité n'existe pas, mais que chaque opinion a pour elle et contre elle des raisons qui se balancent. Aussi répondit-il à Jésus en levant les épaules: Qu'est-ce que la vérité? On a remarqué que les paroles latines Quid est veritas? renferment l'anagramme suivant: Est vir qui adest. Qu'estce que la vérité? Cette question nous révèle l'état du rationalisme théologique de cette époque aussi bien que de celle où nous vivons. Le protestantisme en est encore aujourd'hui à cette question; et dans l'extrême division des sectes qu'il a produites, il ne sait plus comment y répondre. Cette question, nous l'entendons faire encore tous les jours par ceux qui ne veulent pas reconnaître qu'il n'y a qu'une seule Église, hors de laquelle il n'y a point de salut. Car ils confessent par là qu'il n'y a point de vérité universelle ou catholique, par conséquent point de certitude; mais que les diverses confessions se partagent en quelque sorte les fragments de la révélation, et doivent, à cause de cela, être également tolérées. Or, qui ne voit que cette opinoin renverse par la base l'idée même de religion, comme rapport nécessaire avec Dieu ? (Dr SEPP.)

17. Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité? — Jésus-Christ affirme la gloire de sa royauté, et ce n'est pas seulement parce que Pilate l'a dit, c'est aussi pour notre instruction. Oui, il est Roi, comme Dieu, y auraitil sur la terre quelqu'un qui ne le voudrait pas. Il nous fait voir doublement la force de la vérité : Pilate, malgré lui, est obligé d'avouer sa gloire, Vous l'avez dit, je suis Roi. Il est né Roi dans les cieux, et il est venu sur la terre, il s'est fait homme pour rendre hommage à la vérité, pour effacer jusqu'aux derniers vestiges du mensonge, pour renverser l'empire tyrannique du démon, pour rétablir la vérité sur son trône. Il est venu pour réhabiliter la nature reine, celle nature qui doit présider à tous les actes, commander et imposer sa lumière à toutes les intelligences. Le cœur de Pilate ne lui est pas inconnu ; son obstination et ses desseins préconçus ne lui échappent pas. Quiconque a la vérité pour principe écoute ma voix, lui dit-il. Le nom de la vérité. est agréable à tous ceux qui la connaissent et qui l'aiment, mais non à

ceux qui ne la connaissent pas. C'est pourquoi il est dit dans le prophète Isaïe: Si vous n'avez la foi, vous ne comprendrez pas. Qu'est-ce donc que la vérité? lui dit Pilate. Un aveugle peut-il distinguer la couleur de l'or ou la beauté d'une pierre préciense? L'éclat du soleil ne fai aucune impression sur lui. Ainsi la vérité n'est qu'un nom pour les esprits aveugles, quoiqu'elle inonde d'une lumière divine les âmes qui la comprennent. (SAINT CYRILLE D'ALEXANDRIE.)

17. Pilate lui dit: Qu'est-ce que la vérité? Et ayant dit cela, il sortit de nouveau vers les Juifs... — Qu'il me serait aisé, chrétiens, de vous faire voir en ce lieu que la plupart des vertus du monde sont des vertus de Pilate, c'est-à-dire un amour imparfait de la vérité et de la justice! On l'estime, on en parle, on en veut savoir les devoirs, mais faiblement et nonchalamment. On demande à la façon de Pilate: « Qu'est-ce que la vérité?» Et aussitôt on se lève sans avoir reçu la réponse. C'est assez qu'on s'en soit enquis en passant, et seulement pour la forme; mais on ne veut pas pénétrer le fond. Ainsi l'on ignore la vérité, ou l'on ne la sait qu'à demi; et la savoir à demi, c'est pis que de l'ignorer tout entière, parce que cette connaissance imparfaite fait qu'on pense avoir accompli ce qui souvent n'est pas commencé. C'est ainsi qu'on vit dans le monde; et manque de s'être affermi dans un amour constant de la vérité, on étale magnifiquement une vertu de parade dans de faibles occasions, qu'on laisse tout à coup tomber dans les occasions importantes. (BOSSUET.)

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23. Et dès qu'il sut qu'il était de la juridiction d'Hérode, il le renvoya à Hérode, qui était aussi à Jérusalem en ces jours-là. Suivant l'esprit de la loi romaine qui ordonnait que tout criminel fût jugé par le gouverneur de sa province, Pilate envoya Jésus à Hérode, gouverneur de Galilée. Celui-ci en conçut une grande joie, non qu'il cût quelque intérêt à voir Jésus-Christ, mais il était poussé par un instinct de curiosité à voir un homme qui s'était acquis une grande renommée par sa sagesse et par ses miracles. Il voulait lui aussi voir quelque miracle de Jésus, non qu'il eût confiance en lui, mais seulement pour le plaisir de ses yeux; son désir n'avait d'autres motifs que ceux qui vous conduisent aux théâtres des prestidigitateurs, où nous sommes heureux de voir un homme avaler des serpents, des glaives ou toute autre chose. Or, poussé par ce désir insensé, il interrogea beaucoup Jésus-Christ, et il lui demandait des réponses par des louanges ironiques et exagérées. Mais le Sauveur ne lui répondit rien. Car, que répondre à un homme qui n'interroge pas pour apprendre? Il vaut mieux se

taire, sans doute. Nous voyons par là que Jésus-Christ avait jugé Pilate plus sage qu'Hérode; car il avait répondu à ses questions. Hérode ne voulait le voir que pour satisfaire sa curiosité; il désirait beaucoup voir un miracle. C'est dans de telles dispositions qu'il le reçut et qu'il le questionna; il le prit et le fit prendre en dérision par toute sa suite, et, après lui avoir donné un vêtement blanc, il le renvoya à Pilate. (THEOPHILACTE.)

24. Hérode, voyant Jésus, en eut une grande joie : depuis longtemps il désirait le voir, parce qu'il avait entendu dire beaucoup de choses de lui, et qu'il espérait le voir opérer quelque miracle. — Que dirons-nous de cet Hérode, qui, se jouant de tout ce qu'il y a de plus auguste sur la terre, l'innocence persécutée, ne veut plus faire de Jésus que le spectacle vain d'une cour désœuvrée, comme il a fait de la tête de JeanBaptiste l'horrible amusement d'une cour dissolue? Que penser de Pilate, courtisan corrompu, qui, au seul nom de la faveur, fait taire la justice; qui, mêlant lâchement sa politique avec son devoir, met des négociations à la place des règles, et des expédients où il ne faut que la vérité; juge infâme, qui lave ses mains, et souille son ministère ; qui en appelle à la loi, et la profane; et qui, barbare pour être indulgent, perdant tout pour concilier tout, marche de faiblesse en faiblesse au crime même qui lui fait horreur? Mais laissons ces lâches déserteurs de la justice s'agiter sans frein dans les actes de leur violence, et sans pudeur dans les détours de leurs iniquités: et admirons Jésus, qui, juge et roi de ses propres juges, les force de se condamner avant de le condamner lui-même, et qui, se jouant de leurs vains complots, les défie hautement de jamais déshonerer ni la sainteté de sa vie, ni l'innocence de sa mort. Cependant les clameurs vont sans cesse croissant; le parti de l'injustice domine ; je ne sais quel démon s'est emparé de tous les cœurs... Ils ont juré la mort du juste; ils ne s'arrêteront point que leur crime ne soit consommé (DE BOULOGNE.)

25. Et Hérode se mit à faire à Jésus un grand nombre de questions; mais Jésus ne lui répondit rien. - Quelle grandeur Jésus-Christ fait paraître devant ses juges! Qu'il est auguste devant Hérode, dont il trompe le désir curieux et l'allente orgueilleuse, auquel il fait sentir qu'il n'attend rien de la faveur des rois ni de la protection des hommes; qu'il est venu sauver les simples et les petits, et non les téméraires et les superbes; qu'il a opéré des miracles pour les malheureux, mais qu'il n'en fera point pour contenter le libertin et l'incrédule; et que s'il

a des grâces à accorder, c'est à la foi craintive, à la prière humble, et non au caprice des princes, à la fierté des grands, ni à la vaine présomption des faux sages du siècle qui ne cherchent qu'à tenter Dieu! Qu'il est magnanime devant Pilate, quand il brave, par sa contenance assurée et sa sécurité paisible, la majesté des faisceaux romains; quand il lui annonce hautement que son royaume n'est pas de ce monde; et que son juge n'a sur sa vie d'autre pouvoir que celui qu'il tient d'en haut; quand il refuse ensuite de se justifier, el d'échapper par un seul mot au supplice dont il est menacé; et que, disant tout à son juge par son silence même, il le force de reconnaître, dans un excès d'admiration et de surprise, que quelque chose de divin est ici, qu'un tel empire sur lui-même est vraiment au-dessus de l'homme: ita ut miraretur præses vehementer! (DE BOULOGNE.)

ÉLÉVATION.

O Jésus! lorsque, descendant au milieu de nous, vous vous êtes annoncé en disant : « Je suis la vérité, et je suis venu pour lui rendre témoignage,» vous avez prononcé votre sentence; vous fûtes un scandale et une folie, et vos disciples seront traités comme l'a été le Maître. Les peuples vous attendaient, ils soupiraient après vous; mais ils voulaient voir avec vous leurs passions satisfaites, leurs vices autorisés. Ils étaient comme nous, ils ne voulaient pas que la vérité descendît du ciel, ou ils auraient voulu qu'elle fût semblable à l'homme, faible et imparfaite comme lui. Bon Jésus! nous ne nous étonnerons plus de lui voir tant d'ennemis; comme votre royaume, elle n'est point de ce monde; son sort ici-bas est d'être persécutée. Nous nous appliquerons à écouter les leçons de cette vérité divine, en fuyant le bruit, et en nous mettant, autant que nous le pourrons, hors de ce monde qui n'a rien de commun avec la vérité : il change, il passe; la vérité reste toujours la même, et elle demeure. En formant notre cœur et notre esprit sur ses leçons, nous ne périrons pas lorsque vous viendrez détruire tout ce qui n'est pas la vérité. Nous ne craindrons que ce jour, bon Sauveur, et nous l'aurons sans cesse présent à notre pensée pour nous retenir, nous encourager ou nous consoler.

CHAPITRE CIX.

14. Pilate essaie de renvoyer Jésus.-5-16. Parallèle entre Jésus et Barabbas. encore aux Juifs; leur fureur est au comble.

(vendredi saint, vers dix heures du matin).

17-20. Pilate parle 21-26. Flagellation de Jésus-Christ, outrages inouis

MATH., XXVII, 15-30; MARC, XV, 6-19; Luc, XXIII, 13-23; JEAN, XVIII, 59-40,

Pilatus autem, convocatis Principibus sacerdotum, et magistratibus, et plebe,

Dixit ad illos: Obtulistis mihi hunc hominem quasi avertentem popuJum, et ecce ego coràm vobis interrogans, nullam causam inveni in homine isto ex his in quibus eum accusatis.

Sed neque Herodes: nam remisi vos ad illum, et ecce nihil dignum merle actum est ei.

Emendatum ergò illum dimittam.

b Per diem autem festum solebat dimittere illis unum ex vinctis, quemcumque petissent.

Et cùm ascendisset turha, cœpit regare, s

XIX, 1-3.

4. Alors Pilate, ayant convoqué les Princes des prêtres et les magistrats et le peuple,

2. Leur dit : Vous m'avez présenté cet homme comme soulevant la nation; et voilà que, l'interrogeant devant vous, je n'ai trouvé en lui rien de ce dont vous l'ac

cusez;

3. Ni Hérode non plus, car je vous ai renvoyés à lui, et l'on n'a établi contre cet homme rien qui mérite la mort :

4. Je vais donc le faire châtier et le renvoyer.

5. Or, au jour de la fête, le gouverneur avait coutume de délivrer un prisonnier 2 celui que le peuple voulait.

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6. Et le peuple, étant monté devant le cut semper fac ebat ilis, prétoire, se mit à demander ce qu'il leur

accordait toujours.

13. àvinefa yàp úμãs πρòs Kỷτò», car je vous ai renvoyés à lui. Grotius atteste que beaucoup de manuscrits portent : ἀνέπεμψε γὰρ αὐτὸν πρὸς ἡμᾶς, car il la renvoyé vers nous. Ce sens est très-exact, va exprime plutôt le renvoi d'Hérode à Pilate.

25. Cet usage avait été ajouté aux autres cérémonies que la loi prescrivait pour célébrer la délivrance de la captivité d'Egypte et du glaive de l'ange exterminateur. 5 y 6. La plupart des manuscrits grecs que nous possédons portent va6onsis

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