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roles, pourquoi l'avez-vous traité de séducteur? pourquoi donc lui reprochiez-vous de venir séduire le monde? Vous pensez qu'il répondra plutôt à une question perfide qu'à ces paroles impérieuses, De quel droit faitesvous ces choses? Vous l'honorez maintenant; vous le traitez comme un magistrat. Maître, que vous semble-t-il? dites-vous. Perfides! cette déférence, cette flatterie dissimulée, cette soumission de disciples seraient sans doute un moyen souverain pour prendre accès dans le cœur d'un homme. Mais votre malice et vos ruses seront confondues. Car Jésus-Christ est le Fils de Dieu et il connaît avant vous vos plus secrètes pensées. Hypocrites, pourquoi me tentez-vous? Vous venez à moi sous des dehors trompeurs; mais ce que vous savez, ce que vous cachez dans votre cœur, que votre oreille l'entende; vous n'osez faire ce que vous pensez, et vous prenez le voile de l'hypocrisie. Vous feignez de me demander ce qui est juste, et vous voudriez faire naître de ma réponse un abîme pour m'y précipiter. (B.)

4. Nous est-il permis de payer le tribut à César, ou devons-nous ne point le payer? - Le peuple juif s'était nourri dans cette pensée qu'il ne pouvait pas être assujetti à des infidèles. Les Romains avaient occupé la Judée, ils avaient même réuni à leur empire une grande partie du royaume qu'ils avaient donné autrefois à Hérode et à sa famille; Jérusalem était elle-même dans cette sujétion, et il y avait un gouverneur qui commandait au nom de César et faisait payer les tributs qu'on lui devait. Si Jésus eût décidé contre le tribut, ils le livraient aussitôt, comme dit saint Luc, entre les mains du gouverneur, et s'il disait qu'il fallait payer, ils le décrieraient parmi le peuple comme un flatteur des Gentils et de l'empire infidèle. Mais il leur ferme la bouche, premièrement en leur faisant voir qu'il connaissait leur malice, secondement par une réponse qui ne laisse aucune réplique. Hypocrites, pourquoi me tentez-vous? Hypocrites, vous faites paraître un faux zèle pour la liberté du peuple de Dieu contre l'empire infidèle et vous couvrez de ce beau prétexte le dessein de perdre un innocent; mais donnez-moi la pièce d'argent dont on paie le tribut, je ne veux que cela pour vous confondre. De qui est cette image et cette inscription? De César. Vous voilà donc convaincus de la possession où était César de la puissance publique et de votre assujettissement et de celui de tout le peuple. Qu'avez-vous donc à répondre? Si vous reconnaissez César pour votre prince, si vous vous servez de sa monnaie et que son image intervienne dans tous vos contrats, en sorte qu'il soit constant que vous faites sous son autorité tout le commerce de la vie humaine, pouvez

vous vous exempter des charges publiques et refuser à César la reconnaissance qu'on doit naturellement à la puissance légitime pour la protection qu'on en reçoit? Rendez donc à César ce qui est à César. Reconnaissez son empreinte, payez-lui ce qui lui est dû. Payez-le, disje, par cette monnaie à qui lui seul donne cours. Ou renoncez au commerce et en même temps au repos public, ou reconnaissez ce i par qui vous en jouissez. Et à Dieu ce qui est à Dieu. Par cette pare 3 il fait deux choses, la première c'est qu'il décide que se soumettre at ordres publics, c'est se soumettre à l'ordre de Dieu qui établit le: empires; la seconde, c'est qu'il renferme les ordres publics dans leurs bornes légitimes. A César ce qui est à César, car Dieu même l'ordonne ainsi pour le bien des choses humaines, mais en même temps à Dieu ce qui est à Dieu, son culte et l'obéissance à la loi qu'il vous a donnée. Car voilà ce qu'il se réserve et il a laissé tout le reste à la dispensation du gouvernement public. Il épuise la difficulté par cette réponse, et non-seulement il répond au cas qu'ils lui proposaient par un principe certain dont ils ne pouvaient disconvenir, mais encore il prévient l'objection secrète qu'on lui pouvait faire si vous ordonnez d'obéir sans bornes à un prince ennemi de la vérité, que deviendra la religion? Mais cette difficulté ne subsiste plus, puisqu'en rendant à César ce que Dieu a mis sous son ressort, en même temps il réserve à Dieu ce que Dieu s'est réservé, c'est-à-dire la religion et la conscience. Et ils s'en allèrent confus et ils admirèrent sa réponse, où il réglait tout ensemble et les peuples et les Césars sans que personne pût se plaindre.

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(Bossuet.)

4. Est-il permis de payer le tribut à César ? ou devons-nous ne point le payer? Si par sa réponse il eût approuvé cette nouvelle imposition, c'était choquer directement les intérêts des Juifs, à qui les Pharisiens prêchaient sans cesse qu'étant le peuple de Dieu, ils ne pouvaient s'assujettir aux lois des hommes comme les autres nations de la terre. Mais d'ailleurs s'il eût répondu favorablement pour l'exemption du peuple, c'était s'exposer à être traité de séditieux par les Hérodiens, qui, suivant les mouvements de la cour et du sénat de Rome; à l'exemple d'Hérode leur souverain, s'efforçaient partout de publier que, puisque les Romains par leurs armes maintenaient le repos de la Judée et en étaient les protecteurs, on ne pouvait sans injustice leur refuser une telle reconnaissance et un tribut si raisonnable. Vous savez, chrétiens, quelle fut la décision du Sauveur du monde, lorsque, prenant la pièce de monnaie qu'on lui avait présentée et y voyant l'image de Tibère:

Allez, hypocrites, dit-il, rendez à César ce que vous confessez vousmêmes être à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu. Réponse qui confondit la malice des hommes sans engager l'innocence du Fils de Dieu, qui donna tout à César sans rien ôter au peuple, et dont les ennemis mêmes de Jésus-Christ conçurent de l'admiration. (BOURDaloue.)

7. De qui est cette image et cette inscription? — Quittons la monnaie publique et l'image de César; chrétien, tourne tes yeux sur toi-même. De qui es-tu l'image, et de qui portes-tu le nom? O Dieu! vous nous avez faits à votre image et ressemblance. Vous êtes en nous, ô Seigneur! comme dans votre temple, et votre saint nom a été invoqué sur nous. O Père, Fils et Saint-Esprit! nous avons été baptisés en votre nom, votre empreinte est sur nous, votre image que vous aviez mise audedans de nous en nous créant, y a été réparée par le baptême. Ame raisonnable faite à l'image de Dieu, chrétien renouvelé par sa grâce, reconnais ton auteur, et l'image que tu portes t'apprendra qui tu es. Connaître Dieu, aimer Dieu, s'estimer heureux par-là, c'est ce qui s'appelle, dans saint Paul, la vie de Dieu, dont les Gentils étaient éloignés dans leur ignorance et l'aveuglement de leur cœur. Car c'est par-là que nous entendons que Dieu même est heureux, parce qu'il se connaît et aime lui-même ; et lorsque nous l'imitons, en nous estimant heureux par sa connaissance et son amour, nous vivons de la vie de Dieu. Que la connaissance de Dieu ne soit pas en nous une simple curiosité, ni une sèche méditation de ses perfections; qu'elle tende à établir en nous son saint amour; nous vivrons de la vie de Dieu et nous rétablirons en nous son image. Unissons-nous à la vie de Dieu, à la connaissance et à l'amour qu'il a pour lui-même; lui seul se connaît et s'aime dignement. Unissons-nous autant que nous pouvons à l'incompréhensible connaissance qu'il a de lui-même et consentons de tout notre cœur aux louanges dont il est digne, que lui seul conçoit; nous vivrons de sa vie et son image sera parfaite en nous. Tout ce que nous connaissons de Dieu, transportons-le en nous. Nous connaissons sa miséricorde; ce n'est pas assez, imprimons ce trait en nous-mêmes. Et soyons miséricordieux comme notre Père céleste est miséricordieux. Nous admirons sa perfection; ce n'est pas assez, imitons-la: Soyez parfaits, dit le Sauveur, comme votre Père céleste est parfait. Pour se faire connaître à nous d'une manière sensible et proportionnée à notre nature, Dieu nous a envoyé son Fils, dont l'exemple est notre règle. Imitons-le donc; apprenons de lui qu'il est doux et qu'il est humble; ren

dons-nous semblables à lui, et nous serons semblables à Dieu, et nous vivrons de sa vie, et son image sera rétablie en nous, et nous parviendrons à la vie où nous lui serons tout à fait semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est. Rendons-nous donc de vrais enfants de Dieu en portant l'image et en faisant les œuvres de notre Père. Ne faisons donc point les œuvres du diable de peur que nous n'entendions la dure sentence que Jésus-Christ prononça aux Juifs: Vous êtes les enfants du diable, et vous voulez faire ses œuvres; il est malin, envieux, calomniateur, menteur et père du mensonge, cruel et homicide dès le commencement. Il inspire la sensualité, il enflamme la concupiscence, afin de faire servir l'esprit à la chair, et effacer en nous l'image de Dieu. (BossUET.)

10. Ce même jour vinrent à Jésus quelques-uns des Saducéens qui nient la résurrection. - N'écoutez point ceux qui disent que ce corps ne sera point jugé, parce qu'il ne ressuscitera point. N'est-ce pas dans ce corps que vous avez été appelés au salut, et éclairés par la lumière de la foi ? Nous devons donc considérer notre corps comme le temple de Dieu; et comme vous avez été appelés à la foi revêtus de cette chair, vous ressusciterez dans cette chair. Jésus-Christ, notre Seigneur, l'auteur de notre salut, Dieu dans tous les siècles et d'une substance spirituelle comme son Père, s'est fait chair, et dans cette chair nous a appelés à lui. C'est aussi dans cette chair que nous recevrons la récompense qu'il nous réserve. Aimons-nous donc les uns les autres, afin d'entrer tous en partage du royaume de Dieu. Pendant qu'il est encore un remède à nos maux, jetons-nous entre les bras de Dieu, le seul médecin qui puisse les guérir; mais témoignons-lui en même temps notre reconnaissance. Et comment? Par une pénitence sincère : car rien n'échappe à la connaissance de Dieu, et il connaît tous les mouvements de notre cœur. Nous devons donc le glorifier, non pas seulement de bouche, mais du plus intime de notre âme, afin qu'il nous reçoive au nombre de ses enfants. (Saint-Clément, pape.)

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17. Vous vous trompez faute d'entendre les Écritures et la puissance de Dieu. C'est la source de toutes les erreurs en matière de religion. On ne veut point entendre que Dieu puisse faire des choses au-dessus du sens et du raisonnement humain, ni autre chose que ce qu'on voit; et, pour ne point étendre ses vues sur l'immensité de la puissance de Dieu, on abaisse les Écritures à des sens proportionnés à notre fai

blesse. On ne veut croire ni incarnation, ni eucharistie, ni résurrection, ni rien de ce que Dieu peut et de ce qu'il veut bien faire pour l'amour de ses serviteurs. Ainsi les Saducéens ne voulaient pas croire qu'il pût rendre à chacun le corps qu'il avait sur la terre, ni qu'il le lui pût rendre avec de plus nobles qualités qu'en cette vie, ni enfin donner à l'homme d'autre plaisir que ceux qu'il a coutume de sentir. Les temps sont changés, mais l'aveuglement des hommes et les prétentions insensées de la fausse philosophie sont encore aujourd'hui les mêmes. (Bossuet.)

20. Or, que les morts doivent ressusciter, Moïse l'enseigne. — On a peine à concevoir le dogme de la résurrection des corps et de l'immortalité des âmes. Comment cette matière, réduite à rien, pourra-t-elle redevenir un corps? O vous qui élevez ce doule dans votre cœur, jetez un instant les yeux sur vous-même, et vous n'aurez plus de peine à croire. Qu'éliez-vous avant d'être homme? Vous n'étiez rien. Or, ce même Dieu qui vous a appelé du néant à l'existence ne peut-il pas vous y ramener encore quand il le voudra? Qu'y aura-t-il en cela de si nouveau? Vous n'étiez pas, et vous êtes; vous ne serez plus, et vous recommencerez d'être. Expliquez-moi, si vous le pouvez, comment vous êtes entré dans la vie, et vous me demanderez ensuite comment vous y pourrez revenir. Sera-t-il plus difficile de redevenir ce que vous étiez déjà, que d'être ce que vous n'aviez jamais été ? Révoqueriez-vous en doute la puissance de ce Dieu qui, en créant ce vaste corps du monde, commandait au néant (comme un jour il commandera à la mort), répandait dans la nature l'esprit de vie qui l'anime, et, de sa main divine, imprimait autour de vous les images les plus frappantes de la résurrection à venir? Voyez chaque jour la lumière expirer et renaître, les ténèbres lui succéder pour lui faire place encore, les astres s'éteindre et se rallumer, le temps recommencer où il finit, les fruits passer et revenir, la semence se corrompre pour se féconder, tout se conserver par sa destruction même, et se reproduire par sa propre mort. Et toi, ô homme, créature si excellente, quand tu n'aurais appris à te connaître que par cet oracle qui t'appelle le seigneur de tout ce qui meurt et de tout ce qui naît, pourrais-tu croire que toi seul, en mourant, tu périras pour ne plus revivre? Non! quelque part que soit restée ta dépouille mortelle, quelque corps que ce soit qui ait détruit le tien, qui l'ait englouti, consumé et, ce semble, anéanti, il te sera rendu : le néant obéit à celui de qui le monde entier dépend. (TERTULLIEN.)

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