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20. Or, que les morts doivent ressusciter, Moïse l'enseigne. Si tout meurt avec nous, comme le veut la philosophie incrédule, les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles; l'honneur qu'on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu'il est ridicule d'honorer ce qui n'est plus; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu'il faut jeter au vent et qui n'appartient à personne; les dernières intentions des mourants, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son d'une machine qui se dissout; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée; les rois et les souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes; la loi des mariages, un vain scrupule; la pudeur, un préjugé; l'honneur et la probité, des chimères; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés? Voilà où se réduit la philosophie sublime des impies; voilà cette force, cette raison, cette sagesse qu'ils nous vantent éternellement. Convenez de leurs maximes, et l'univers entier retombe dans un affreux chaos; et tout est confondu sur la terre; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s'évanouissent; et la discipline des mœurs périt; et le gouvernement des États et des empires n'a plus de règle; et toute l'harmonie des corps politiques s'écroule; et le genre humain n'est plus qu'un assemblage d'insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n'ont plus d'autres lois que la force, plus d'autres freins que leurs passions et la crainte de l'autorité, plus d'autre lien que l'irréligion et l'indépendance, plus d'autres dieux qu'eux-mêmes. Voilà le monde des impies; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux tout ce qui nous reste à dire, c'est que vous êtes dignes d'y occuper une place. (MASSILLON.)

22. Tous vivent devant lui. Ils ont perdu le rapport qu'ils avaient à leur corps et aux autres hommes. Ils avaient un autre rapport à Dieu, qui les a faits à son image pour en être loué. Ce rapport ne se perd pas, car si le corps se dissout et n'est plus animé de l'âme, Dieu, pour qui l'âme a été faite, et dont elle porte l'empreinte, demeure toujours. Ainsi les amis de Dieu subsistent toujours par le rapport qu'ils ont à Dieu. Et c'est pourquoi il se dit leur Dieu, non-seulement durant leur vie, mais encore après leur mort. Car leur vie a été trop courte pour

donner à Dieu une dénomination éternelle. Or le titre de Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob est éternel. Dieu donc se dit leur Dieu, parce qu'ils vivent toujours devant lui, et qu'il les tient sous sa face, et comme dit l'apôtre saint Paul: Dieu ne rougit pas d'e s'appeler leur Dieu, parce qu'il leur a bâti une ville permanente, et qui avait des fondements éternels. Autrement comment n'aurait-il pas honte de s'appeler leur Dieu, s'il les avait abandonnés, et ne leur eût laissé pour demeure qu'un tombeau? Ils sont donc vivants devant lui, et ce qui leur convient, convient à tous les enfants de Dieu, puisque c'est le fondement de l'alliance à laquelle par conséquent tout le monde a part. Car ce même Dieu qui se dit le Dieu d'Abraham, se dit en même temps le Dieu de nos pères, et en disant à Abraham : Je serai ton Dieu, il a ajouté Et de ta postérité après toi. Il leur a donc également destiné cette demeure éternelle. On dira que Jésus ne prouve que l'immortalité des âmes, et non pas la résurrection des corps. Mais la coutume de l'Écriture est de regarder l'une de ces choses comme la suite de l'autre. Car si on revient à l'origine, Dieu avant que de créer l'âme lui a préparé un corps. Il n'a répandu sur nous ce souffle de vie, c'est-à-dire l'âme faite à son image, qu'après qu'il a donné à la boue qu'il maniait si artistement avec ses doigts tout-puissants, la forme du corps humain. Si donc il a fait l'âme pour la mettre dans un corps, il ne veut pas qu'elle en soit éternellement séparée. Aussi voulut-il d'abord qu'elle y fût unie éternellement, puisqu'il avait fait l'homme immortel, et que c'est par le péché que la mort a été introduite sur la terre. Mais le péché ne peut pas détruire à jamais l'œuvre de Dieu, car le péché et son règne doit être lui-même détruit. Alors donc l'homme sera rétabli dans son premier état la mort mourra, et l'âme sera réunie à son corps pour ne le perdre jamais. Car le péché qui en a causé la désunion ne sera plus. Il a donc prouvé aux Saducéens plus qu'ils ne voulaient, puisqu'il leur a prouvé non-seulement la résurrection des corps, mais encore la subsistance éternelle des âmes, qui est la racine et la cause fondamentale de la résurrection des corps, puisque l'âme à la fin doit attirer après elle le corps qu'on lui a donné dès son origine pour son éternel compagnon. Que reste-t-il donc après cela, sinon de nous réjouir avec les Pharisiens, de ce que Jésus a fermé la bouche aux Saducéens, qui ne voulaient croire ni la résurrection ni la subsistance des âmes après la mort? Le Sauveur les a confondus: il est allé d'abord à la source de l'erreur, en leur prouvant l'immortalité des âmes. Joignons-nous donc à ces docteurs de la loi, qui, ravis de ce qu'ils

venaient de dire, s'écrièrent avec une espèce de transport : Maître, vous avez bien dit. Mais ce n'est pas de vains applaudissements que Jésus cherche. S'il a bien dit, profitons de sa doctrine. Vivons comme devant vivre éternellement; ne vivons pas comme devant mourir, pour terminer tous nos soins à cette vie : songeons à cette vie qui nous est réservée éternellement devant Dieu, et pour Dieu.

ÉLÉVATION.

(Bossuet.

Seigneur, que vous savez bien discerner la malice et la duplicité des Pharisiens; et, tout en sauvegardant les intérêts de la justice et de la vérité, comme vous les confondez en réduisant leur orgueil à un silence humiliant! Ces hommes qui, en toute circonstance, déversaient sur vous et vos œuvres divines l'injure et le mépris; ces orgueilleux ennemis dont les yeux ne voulaient point voir, dont l'esprit ne voulait point comprendre une doctrine qui était la condamnation de leur vie, savent bien changer de langage pour masquer leur haine et tendre des piéges à celui auquel rien des plus secrets replis de leurs cœurs mauvais n'était inconnu. Ils croient ne servir que leurs passions, et involontairement ils rendent à la vérité l'hommage le plus complet. Préservez-nous, Seigneur, de cet esprit de duplicité; donneznous la droiture du cœur ; qu'en cherchant la vérité, en nous occupant de la vérité, nous ne cherchions pas à satisfaire quelque passion cachée qui s'agite imperceptible au-dedans de nous; que ce soit pour connaître mieux nos devoirs, et ce que vous avez droit d'attendre de nous. Aidez-nous dans nos recherches, car, livrés à nous-mêmes, nous ne savons ni vous chercher comme il faut, ni vous trouver. Nous planterons, nous arroserons avec confiance, mais nous n'oublierons point que vous seul pouvez faire fructifier nos travaux. Amen.

CHAPITRE LXXXIX.

Jésus continne d'enseigner dans le Temple. 1-10. Quel est le grand commandement de la loi ? 18-30. Fuir l'orgueil des Pharisiens (mardi saint, quatrième

- 11-17. De qui le Christ est-il fils?

année de la vie publique du Sauveur).

MATH., XXII, 34-46, et XXIII, 1-12; MARC, XII, 28-59; Lcc, XX, 20-46.

Pharisæi autem audientes quod silentium imposuisset Sadducæis, convenerunt in unum ;

b Et accessit unus de Scribis, legis doctor, qui audierat illos con. quirentes; et videns quo. niam benè illis responderit, interrogavit, ten

tans eum :

Magister, quod est mandatum magnum bet

1. Or, apprenant que Jésus avait réduit les Saducéens au silence, les Pharisiens s'assemblèrent.

2. Et l'un d'eux, Docteur de la loi, qui avait entendu les Saducéens l'interroger, et voyant que Jésus leur avait bien répondu, s'approcha, et lui demanda, pour le tenter:

3. Maître, quel est le plus grand et le primum omnium in premier de tous les commandements de la

lege?

bAit illi Jesus: Audi, Israel, Dominus Deus fuus, Deus unus est; et diliges Dominum Deum luum ex toto corde tuo, et ex tolâ animâ tuâ, et ex totâ mente tua, et ex totâ virtute tuâ.

Iloc est maximum, et primum mandatum.

Loi?

4. Jésus lui dit : Écoute, ô Israël: Le Seigneur ton Dieu, est le seul Dieu; et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et de toutes tes forces 2.

5. C'est là le premier et le plus grand commandement;

4. On se tourmente à demander quand est-ce qu'il faut exercer l'acte d'amour. La réponse est claire. Il faut l'exercer autant qu'on peut, autrement on n'aime pas de tout son cœur. Quand l'amour est sincère, et dans le cœur, il s'exerce assez de luimême, et il ne faut point d'autre loi que lui-même pour son exercice. (BossUET.) 24. Il me semble que l'amour du cœur se rapporte au zèle de l'affection; l'amour de l'âme, à la pénétration et au jugement de la raison, et l'amour des forces, à la constance et à la vigueur de l'esprit. Aimez donc le Seigneur votre Dieu d'une affection pleine et entière; aimez-le de toute la sagesse et de toute la prudence

b Secundum autem simile est illi: Diliges proximum tuum tanquam teipsum. Majus horum aliud mandatum non est.

In his duobus mandatis universa lex pendet, et prophetæ,

b Et ait illi Scriba : Bene, Magister, in veritate dixisti, quia unus est Deus, et non est alius præter eum.

Et ut diligatur ex toto corde, et ex toto intellectu, et ex totâ animâ, et ex totá fortitudine; et diligere proximum tanquàm seipsum, majus est omnibus holocautomatibus, et sacrificiis.

Jesus autem videns quòd sapienter respondisset, dixit illi: Non es longè à regno Dei.

Et docens in templo, congregatis Pharisæis,

6. Mais en voici un autre qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Aucun commandement n'est plus grand que ceux-ci.

7. Ces deux commandements renferment la Loi et les Prophètes.

8. Le Docteur2 repartit: Bien, Maître; et vous êtes dans la vérité en disant que Dieu est un, qu'il n'y en a point d'autre que lui;

9. Et qu'on doit l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute son âme, de toutes ses forces; et qu'aimer son prochain comme soi-même, est plus que tous les holocaustes et tous les sa crifices.

10. Jésus, voyant qu'il avait parlé avec sagesse, lui dit Vous n'êtes pas loin du royaume de Dieu 3.

11. Et il continuait d'enseigner dans le interrogavit eos Jesus, temple. Et les Pharisiens s'y étant rassemblés, il les interrogea, en leur disant:

dicens:

Quid vobis videtur de Christo? cujus filius est? Dicunt ei: David.

b Et Jesus respondens dicebat: Quomodò di

12. Que vous semble du Christ? de qui est-il fils? Ils lui répondirent de David.

13. Et Jésus dit à la foule: Comment

de votre raison; aimez-le de toutes les forces de votre esprit, en sorte que vous ne redoutiez pas même de mourir pour lui. (SAINT BERNARD.)

6. L'obligation de s'entr'aimer est égale dans tous les hommes et pour tous les hommes. Mais comme on ne peut pas également les servir tous, on doit s'attacher principalement à servir ceux que les lieux, les temps et les autres rencontres semblables nous unissent d'une façon plus particulière. (BOSSUET.)

8. Plein d'admiration pour la réponse de Jésus-Christ et sans doute aussi touché par sa grâce, malgré les sentiments hostiles qui l'avaient amené.

10. Vous n'êtes pas loin des dispositions qu'il faut avoir pour être chrétien.

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