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adresse ces paroles: « Ne vous fiez point à votre prudence. » Mais il ne suffit pas d'aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, et de tout notre esprit; nous devons aussi l'aimer de toute notre puissance, de toute notre force : « Seigneur, dit le roi-prophète, c'est à vous servir que je veux consacrer ma force. Il est des hommes qui consacrent leur force au péché, qui ne révèlent leur puissance que dans le vice; c'est à eux que s'adressent ces menaçantes paroles d'Isaïe : « Malheur à vous qui n'avez de force que pour vous livrer à la débauche et de courage que pour vous enivrer! » Il en est d'autres qui déploient au détriment de leur prochain la puissance qu'ils devraient déployer en servant ses intérêts: «Arrachez à la mort celui qui va périr, » dit Salomon; c'est ainsi qu'il convient de se montrer fort et puissant. Nous devons donc, pour accomplir pleinement le précepte de l'amour divin, donner à Dieu notre cœur, notre âme, notre esprit, notre puissance, c'est-à-dire dans toutes nos œuvres avoir Dieu pour but de notre intention, de notre volonté, de nos pensées et de nos efforts.

(SAINT THOMAS D'Aquin.)

4. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. - Rien n'est plus aisé que de dire: J'aime Dieu; mais rien, dans la pratique, n'est plus rare que cet amour. Pourquoi? C'est que nous nous flattons, et que nous ne distinguons pas le vrai et le faux amour de Dieu. Nonseulement nous trompons les autres par notre hypocrisie, mais nous nous trompons nous-mêmes par un aveuglement volontaire. Qu'il s'élève dans notre âme le plus léger sentiment d'amour pour Dieu, nous voilà persuadés que tout est fait, et nous croyons avoir la plénitude de ce divin amour. Ce qui n'est souvent qu'affection naturelle, nous le prenons pour un mouvement de la grâce; ce qui n'est qu'un mouvement de la grâce, nous le regardons comme un effet de notre fidélité; nous confondons l'inspiration qui nous porte à aimer, avec l'amour même; et ce que Dieu opère dans nous indépendamment de nous, nous nous l'attribuons, comme si c'était tout ce que Dieu veut que nous fassions pour lui. Mais abus, chrétiens; et malheur à nous, si nous tombons ou si nous demeurons en de si grossières erreurs! Aimer Dieu, c'est s'interdire tout ce que défend la loi de Dieu, et pratiquer tout ce qu'elle ordonne; c'est se renoncer soi-même, c'est faire une guerre continuelle à ses passions, c'est humilier son esprit, crucifier sa chair, et la crucifier, comme dit saint Paul, avec les vices et concupiscences; c'est résister aux illusions du monde, au torrent de la coutume, à l'attrait du mauvais exemple; en un mot, c'est

vouloir plaire en tout à Dieu et ne lui vouloir déplaire en rien. (BOURDALOUE.)

4. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute lon âme, de tout ton esprit, de toutes tes forces. Quoi! il sera dit que les amants insensés de la terre porteront jusqu'à un excès de délicatesse et d'ardeur leurs folles passions, et on ne vous aimerait que faiblement et avec mesure! Non, non, mon Dieu, il ne faut pas que l'amour profane l'emporte sur l'amour divin. Faites voir ce que vous pouvez sur un cœur qui est tout à vous. L'accès vous en est ouvert, les ressorts vous en sont connus. Vous savez ce que votre grâce est capable d'y exciter. Vous n'attendez que mon consentement et que l'acquiescement de ma liberté. Je vous donne mille et mille fois l'un et l'autre. Prenez tout agissez en Dieu; embrasez-moi, consumez-moi. Faible et impuissante créature que je suis, je n'ai rien à vous donner que mon amour. Augmentez-le, Seigneur, et rendez-le plus digne de vous. Oh! si j'étais capable de faire pour vous de grandes choses! Oh! si j'avais beaucoup à vous sacrifier! Mais tout ce que je puis n'est rien. Soupirer, languir, aimer, et mourir pour aimer encore davantage, c'est désormais tout ce que je veux. (FÉNELON.)

6. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. - Quand les docteurs de la loi demandèrent à Jésus quel était le précepte fondamental de la morale, il fit à cette question unique deux réponses : « Vous aimerez, leur dit-il, le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre esprit et de toute votre force. » Nous avons traité de cette première partie du précepte. «Et vous aimerez, ajouta-t-il, votre prochain comme vous-même. » Remarquons que l'accomplissement de cette seconde partie du précepte renferme l'accomplissement de tous les devoirs de l'homme envers l'homme : « L'entier accomplissement de la loi, dit l'apôtre, c'est la charité. » Quatre motifs nous invitent à l'amour du prochain. Le premier, c'est l'amour divin: «Celui-là ment qui prétend aimer Dieu en détestant son prochain. » N'est-ce point mentir que de prétendre aimer quelqu'un en détestant ses enfants et sa famille? Or tous les fidèles sont les enfants de Dieu; ils ne forment qu'une famille dont Dieu est le père: « Vous êtes, dit saint Paul, le corps et les membres de Jésus-Christ. » Par conséquent, celui qui hait son frère ne peut aimer Dieu, qui est notre père commun. Le second motif qui nous invite à l'amour du prochain, c'est l'obéissance que nous devons à la volonté divine. Entre autres préceptes que Jésus

Christ nous a laissés avant de quitter la terre, il a principalement recommandé à votre obéissance celui de l'amour du prochain, en disant à ses disciples : « Voici le précepte que je vous donne : Aimezvous les uns les autres comme je vous ai aimés. » On ne peut donc accomplir la volonté de Dieu en détestant son prochain, et le témoignage le plus éclatant de votre soumission à la loi divine, c'est l'amour que nous avons pour nos frères. Aussi Notre-Seigneur lui-même a-t-il dit: «Voici à quoi tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, c'est à l'amour que vous aurez les uns pour les autres.» Il n'a point dit : On vous reconnaîtra au pouvoir qui vous sera donné de ressusciter les morts, ou bien à quelque autre signe éclatant, mais « à l'amour que vous aurez les uns pour les autres. » Saint Jean appréciait toute l'importance du précepte de son divin maître; aussi disait-il : « Nous avons passé de la mort à la vie; » et pourquoi? Parce que nous aimons nos frères; celui qui ne les aime point demeure dans la mort. » Le troisième motif qui nous invite à l'amour du prochain, c'est l'identité de notre nature: Tout être vivant, dit l'ecclésiastique, aime son semblable; » et puisque les hommes se ressemblent par leur nature, ils doivent s'aimer mutuellement, et la haine de l'homme contre l'homme n'est pas seulement une violation de la loi divine, c'est aussi une violation de la loi naturelle. Le quatrième motif qui nous invite à l'amour du prochain, c'est l'utilité générale. Grâce à la charité, ce qui est avantageux à chacun le devient à tous, c'est la charité qui unit les fidèles dans le sein de l'Église et qui établit entre eux une communauté de sentiments, de besoins et d'intérêts. « Seigneur, s'écrie le roiprophète, je m'unis à ceux qui vous craignent et qui observent votre sainte loi. » (SAINT THOMAS D'AQUIN.)

6. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.« Vous aimerez votre prochain comme vous-même, » tel est le second précepte de la loi morale. Nous avons dit combien nous devons aimer notre prochain; il nous reste à dire comment nous devons l'aimer. L'Évangile nous l'indique en nous disant : « Vous aimerez votre prochain comme vousmême. » Il y a dans cette parole de l'Évangile cinq choses à considérer, et qui sont les éléments essentiels de l'amour du prochain. Premièrement, nous devons aimer notre prochain avec vérité, c'est-àdire l'aimer pour lui-même et non pour nous. Remarquons à ce sujet qu'il y a trois sortes d'amour dont une seule est l'amour vrai. L'amour repose quelquefois sur l'intérêt : « Un ami, dit l'ecclésiastique, n'est

souvent qu'un compagnon de plaisir, souvent il nous abandonne dans les jours de détresse. » Ce n'est point là le véritable amour; il naît de l'égoïsme, et l'égoïsme le tue. Tant qu'il règne dans notre cœur, ce n'est pas le bonheur du prochain, mais le nôtre que nous souhaitons. Quelquefois l'amour a pour base la vertu, et c'est le seul véritable amour. Alors nous n'aimons point notre prochain pour nous-mêmes, mais pour lui. Secondement, nous devons aimer notre prochain avec mesure, c'est-à-dire ne pas l'aimer plus que Dieu ni autant que Dieu, mais juste autant que nous devons nous aimer nous-mêmes. « Il a moderé son amour pour moi, » est-il dit dans le cantique des cantiques. Notre-Seigneur a pris soin de nous indiquer la mesure d'affection que nous devons à notre prochain en disant : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas non plus digne de moi. » Troisièmement, nous devons aimer notre prochain avec efficacité. L'homme ne se borne point pour lui-même à un amour stérile; il fait tous ses efforts pour obtenir ce qui lui est avantageux, pour éviter ce qui lui est funeste. C'est ainsi qu'il doit aimer son prochain. « Que notre amour, dit saint Jean, ne se témoigne point par de vaines paroles, mais par des actes de dévouement sincère. » Ceux-là sont les pires de nos ennemis dont la bouche est remplie de paroles d'amitié et le cœur plein de sentiments de haine. C'est d'eux que parle le roi-prophète quand il dit : « Leur bouche a des paroles de paix pour le prochain et leur cœur cache des pensées criminelles.» «Que votre amour soit sans feinte,» dit aussi l'apôtre. Quatrièmement, nous devons aimer notre prochain avec persévérance, comme nous faisons pour nous-mêmes : « Un véritable ami aime toujours, et la puissance de son affection se révèle dans les jours de détresse; » il nous est fidèle dans le malheur comme dans la prospérité, et c'est quand la fortune nous abandonne qu'il s'attache plus fortement à nous, ainsi que l'observe Salomon. Deux choses contribuent à la durée de l'amitié : d'abord la patience; en effet, un homme irascible ne cherche que les querelles; ensuite l'humilité qui produit la patience car « la discorde est compagne de l'orgueil. » Celui qui est fier de lui-même et qui méprise les autres ne peut supporter leurs défauts. Cinquièmement, nous devons aimer notre prochain avec justice et sainteté, c'est-à-dire ne pas l'aimer jusqu'à faire le mal pour lui; car ce n'est pas ainsi que nous devons nous aimer nous-mêmes, et une pareille amitié serait contraire à l'amour divin, qui doit être la règle principale de notre conduite, et que Salomon appelle la source

de nobles affections. « Vous aimerez votre prochain comme vousmême. » Les Juifs et les Pharisiens comprenaient mal ce précepte en croyant que Dieu ordonnait aux hommes d'aimer leurs amis et de haïr leurs ennemis. Le terme de prochain était pour eux synonyme de celui d'ami; mais cette interprétation est fausse, et la preuve en est dans ces paroles de Jésus-Christ: «Aimez vos ennemis. » Il ne faut pas oublier que quiconque déteste son frère n'est point en état de grâce: « Celui qui déteste son frère, dit saint Jean, est plongé dans les ténèbres. >> Il y a cependant ici une distinction à faire. Des hommes d'une sainteté éminente ont connu la haine : « Seigneur, s'écrie le roi-prophète, je hais d'une haine profonde ceux qui foulent aux pieds votre sainte loi.»>" Jésus-Christ déclare lui-même « qu'on ne peut être son disciple si on ne hait pas et son père et sa mère, et toute sa famille. » Or nous devons en toutes choses suivre l'exemple de ce divin maître et savoir aimer et haïr, comme lui, à propos; car Dieu connaît aussi l'amour et la haine. Pourquoi cela? C'est qu'il y a dans l'homme deux choses à considérer, la nature humaine et le vice. La nature humaine, dans tout homme, a droit à l'amour. Dans tout homme, le vice mérite la haine. Souhaiter à son prochain la damnation éternelle, c'est détester en lui la nature humaine et aimer le péché ; mais faire des vœux pour son salut, c'est détester en lui le péché et aimer la nature humaine. « Seigneur, dit le psalmiste, vous haïssez tous ceux qui font le mal.» «Seigneur, dit Salomon, vous aimez tout ce qui existe, et vous ne haïssez rien de ce que vous avez fait.» Quels sont donc les objets de l'amour et de la haine de Dieu? L'objet de son amour, c'est la nature; l'objet de sa haine, c'est le mal. (SAINT THOMAS D'AQUIN.)

20-21. Les Scribes et les Pharisiens sont assis sur la chaire de Moïse; observez donc et faites tout ce qu'ils vous disent; mais gardez-vous d'eux avec soin, et ne les imitez pas dans leurs œuvres: car ce qu'ils disent, ils ne le font point.-Les pécheurs superbes et opiniâtres, convaincus par tous les endroits qu'il n'y a aucune raison qui puisse autoriser leur résistance contre les prédicateurs de l'Évangile, s'imaginent faire quelque chose de bien considérable pour appuyer leur rébellion, en alléguant de mauvais exemples, et surtout quand ils se rencontrent dans ceux qui sont destinés pour les instruire : c'est alors qu'ils triomphent et qu'ils croient que désormais il n'y a plus rien par où l'on puisse combattre leur impénitence. C'est pourquoi le Sauveur Jésus, prévoyant qu'ils auraient encore ce misérable prétexte pour ne point se rendre à la vérité, a été au-devant, dans son Évangile, lorsqu'il a

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