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-CHRIST. différents arbres, et en jonchaient son passage, etc.-En cette occasion, il plut au Sauveur de laisser éclater l'admiration que les peuples avaient pour lui. C'est pourquoi ils accoururent au-devant de lui avec des palmes à la main, criant hautement qu'il était leur roi, le vrai fils de David qui devait venir, et enfin le Messie qu'ils attendaient. Les enfants se joignirent à ces cris de joie, et le témoignage sincère de cet âge innocent faisait voir combien ces transports étaient véritables. Jamais peuples n'en avaient tant fait à aucun roi ils jetaient leurs habits par terre sur son passage, ils coupaient à l'envi des rameaux verts pour en couvrir les chemins, et tout, jusqu'aux arbres, semblait vouloir s'incliner et s'abattre devant lui. Les plus riches tapisseries qu'on ait jamais tendues à l'entrée des rois n'égalent pas ces ornements simples et naturels. Tous les arbres ébranchés pour l'usage qu'on vient de voir, tout un peuple qui se dépouille pour parer en cette manière le chemin où passait son roi, fait un spectacle ravissant. Dans les autres entrées, on ordonne aux peuples de parer les rues, et la joie, pour ainsi dire, est commandée. Ici tout se fait par le seul ravissement du peuple. Rien au-dehors ne frappait les yeux : ce roi pauvre et doux était monté sur un ânon, humble et paisible monture; ce n'était point sur ces chevaux fougueux, attelés à un chariot, dont la fierté attirait les regards. On ne voyait ni satellites, ni gardes, ni l'image des villes vaincues, ni leurs dépouilles ou leurs rois captifs. Les palmes qu'on porlait devant lui marquaient d'autres victoires : tout l'appareil des triomphes ordinaires était banni de celui-ci. Mais on voyait à la place les malades qu'il avait guéris et les morts qu'il avait ressuscités. La personne du roi et le souvenir de ses miracles faisaient toute la recommandation de cette fête. Tout ce que l'art et la flatterie ont inventé pour honorer les conquérants dans leurs plus beaux jours cède à la simplicité et à la vérité qui paraissent dans celui-ci. On conduit le Sauveur avec cette pompe sacrée par le milieu de Jérusalem jusqu'à la montagne du temple. Il y paraît encore comme le seigneur et comme le maître, comme le fils de la maison, le Fils du Dieu qu'on y sert, ainsi que nous verrons. Ni Salomon, qui en fut le fondateur, ni les pontifes, qui officiaient avec tant d'éclat, n'y avaient jamais reçu de pareils honneurs. Arrêtons-nous ici, et donnons-nous le loisir de considérer le détail de ce grand spectacle. (Bossuet.)

15. Et, pleins de joie, ses disciples, en différents groupes, se mirent à louer Dieu à haute voix. — Ces fervents disciples, transportés de zèle pour la personne de leur Maître, n'attendent pas qu'il soit aux portes

de la ville pour se disposer à le recevoir; au premier bruit qu'ils entendent de sa venue, ils sortent de leurs maisons et, par respect, ils viennent au-devant de lui. De plus, ils se présentent à lui, les uns portant des branches de palmier, et les autres avec des branches d'olivier, qu'ils coupaient sur la montagne, selon la remarque expresse de l'Évangile. Or, la palme est le symbole de la victoire, et l'olive est le signe de la paix. Sous ces deux symboles, l'Esprit-Saint nous enseigne que nous ne devons point approcher de Jésus-Christ, si nous ne portons la palme en témoignage de la victoire que nous avons remportée sur le péché, et l'olive pour signe de la paix que nous avons conclue avec Dieu. (BOURDALOUE.)

16. Et quelques-uns des Pharisiens, du milieu de la foule, dirent à Jésus: Maître, imposez silence à vos disciples. La jalousie les dévorait; et pendant que jusqu'aux enfants, tout criait qu'il était le fils de David, ils lui disaient : Maître, réprimez vos disciples; entendez-vous bien ce qu'ils disent? Il leur répondit deux choses, l'une: N'avez-vous jamais lu ce qui est écrit? Vous avez tiré la louange la plus parfaite de la bouche des petits enfants et de ceux qui sont à la mamelle. Vous devez-vous donc étonner si, dans un âge plus avancé, les enfants rendent à Dieu, en ma personne, des louanges et un témoignage plus éclatant? Si vous aviez la simplicité et la sincère disposition d'un âge innocent, vous loueriez Dieu comme eux; comme eux vous honoreriez celui qu'il envoie, mais votre envie, votre fausse gloire, votre hypocrisie et votre fausse politique vous en empêchent. Dépouillons-nous de tous ces vices, et revêtons-nous de l'innocence et de la simplicité des enfants, pour chanter sincèrement et purement les louanges de Jésus-Christ. Le Sauveur répondit encore au reproche des pontifes et des docteurs de la loi : Si ceux-ci se taisent, les pierres mêmes crieront. Dieu est assez puissant, disait Jean-Baptiste, pour faire naître même de ces pierres des enfants à Abraham, et des cœurs les plus endurcis, en faire de vrais fidèles. Le temps devait venir, et il était venu, que la gloire de Jésus-Christ retentirait si hautement par toute la terre, que les Gentils s'assembleraient à cette voix, et que Dieu serait adoré par un peuple qui jusqu'alors ne le connaissait pas, et qui dormait endurci dans son péché. O pierres, ô cœurs endurcis, éveillez-vous et attendrissez-vous à cette parole du Sauveur!

(BossUET.)

19. Béni soit le règne de David, notre père, qui va commencer.Voilà donc ce règne admirable prédit dans les psaumes, et tous les

peuples gagnés au Sauveur par le charme de sa parole et par la grâce répandue sur ses lèvres. Le prophète y ajoutait celle de la vérité qu'il annonçait, de la justice dont il était le parfait modèle, de la douceur et de la bonté avec laquelle il guérissait tous les malades, ne faisant servir sa puissance que pour le soulagement des malheureux et de tout le genre humain. Qui jamais avait régné de cette sorte? Mais c'est ainsi que Jésus régna. Ainsi sa doctrine et ses miracles firent tout l'effet extérieur qu'ils devaient faire naturellement sur tous les esprits. On le suivait, on l'admirait, on lui applaudissait, on le recevait avec des cris de joie; il n'y avait que ses envieux qui frémissaient et néanmoins n'osaient parler. Mais d'où vient donc qu'il eût si peu de véritables disciples? D'où vient que les cris qui l'envoyaient à la croix : crucifiezle, crucifiez-le, suivirent de si près ceux qui le célébraient comme le fils de David? Et que l'on compte à peine six-vingts hommes parmi les frères, c'est-à-dire parmi les disciples qui se renfermèrent dans le cénacle pour recevoir le Saint-Esprit? C'est que les disciples de JésusChrist ne sont pas ceux qui l'admirent, qui le louent, qui le célèbrent, qui le suivent même à l'extérieur et jusqu'à un certain point, mais ceux qui le suivent au-dedans et partout, qui observent tous ses préceptes, qui portent sa croix, qui se renoncent eux-mêmes, et le nombre en est petit, et il faut, outre les attraits de la parole et les miracles, une parole intérieure que tout le monde ne veut pas entendre, et un miracle qui change les cœurs dont notre orgueil et notre mollesse empêchent l'effet. (BOSSUET.)

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20. Quand Jésus fut près de Jérusalem, voyant cette ville, il pleura sur elle. Ce jour où le Fils de Dieu, accompagné de ses disciples, entra dans Jérusalem avec tant de solennité et au milieu des acclamations publiques, ce jour de la visite du Seigneur, c'était, selon l'expression de Jésus-Christ même, le jour de cette ville incrédule, parce que c'était en ce jour de grâce que le Sauveur des hommes venait répandre sur elle un nouveau rayon de sa lumière, et faire un dernier effort pour l'éclairer et la convertir. Il prévoyait de quels malheurs l'infidélité de ce peuple serait suivie, le profond aveuglement où il tomberait, les désolantes extrémités où l'ennemi le réduirait, le ravage affreux qui le ruinerait de fond en comble et le détruirait, la haine de toutes les nations qu'il encourrait. Tristes, mais immanquables effets de son opiniâtre résistance à la voix du ciel et aux pressantes recherches de la divine miséricorde ! Voilà, dis-je, ce qu'il avait en vue ce Rédempteur

d'Israël, et ce qu'il eût voulu prévenir en amollissant la dureté de ces cœurs jusque-là toujours rebelles, en les touchant par sa présence. (BOURDALOUE.)

21. Si toi aussi, tu avais connu, et même en ce jour qui s'offre encore à loi, si tu reconnaissais ce qui serait ton salut! Mais maintenant tout cela est caché à tes yeux. - Suivons Jésus et apprenons de saint Luc ce qu'il fit en descendant vers Jérusalem, et en approchant de ses portes et en la regardant. Dans les malheurs de Jérusalem que Jésus-Christ prédit, nous voyons ceux des âmes qui périssent. Il viendra, dit Jésus, un temps malheureux pour toi où tes ennemis t'environneront de tranchées, ils t'enfermeront et te serreront de toutes parts. Ainsi arriverat-il à Jérusalem de point en point; on sait les effroyables travaux que firent les Romains, et cette muraille qu'ils élevèrent autour de cette ville malheureuse, qui la serrait tous les jours de plus en plus, ce qui causa l'horrible famine que tout le monde attendait, où les mères mangeaient leurs enfants. Ainsi en arrivera-t-il à l'âme pécheresse, serrée de tous côtés par ses mauvaises habitudes. La grâce ni le pain de vie n'y pourront plus trouver d'entrée; elle périra de faim, elle sera accablée de ses péchés et il ne restera plus pierre sur pierre. Etrange état de cette âme, renversement universel de tout l'édifice intérieur! Plus de raison ni de partie haute, tout est abruti, tout est corps, tout est sens, tout est abattu entièrement à terre. Qu'est devenue cette belle architecture qui marquait la main de Dieu ? Il n'y a plus rien, il n'y a plus pierre sur pierre, ni suite ni liaison dans cette âme, nulle pièce ne tient à une autre et le désordre y est universel. Pourquoi ? Le principe en est ôté, Dieu, sa crainte, la conscience, ces premières impressions qui font sentir à la créature raisonnable qu'elle a un souverain. Ce fondement renversé, que peut-il rester en son entier? A ce triste spectacle Jésus ne peut retenir ses larmes. Si tu savais! ô âme, si tu savais! Il n'achève pas, les sanglots interrompent son discours, sa langue ne peut exprimer l'aveuglement de cette âme. Si tu savais ! du moins en ce jour qui t'est encore donné et où Dieu te visite par sa grâce. Il y a un jour que Dieu sait, après lequel il n'y a plus pour l'âme aucune ressource, parce que, dit Jésus, tu n'as pas connu le temps où Dieu te visitait. Quand une lumière intérieure te montrait tes crimes, quand tu es invitée à donner gloire à Dieu et que tout crie en toi qu'il faudrait se donner à lui (comme en ce jour de la visite de Jérusalem, tout le monde et jusqu'aux enfants criaient: ô fils de David!), si tu n'écoutes, le moment passe, cette grâce si vive et si forte ne reviendra plus. Tout ceci est caché à tes yeux. Si ton cœur est appesanti, tes yeux sont fermés et

obscurcis, tes passions l'aveuglent, un voile obscur est sur tes paupières, un affreux assoupissement les appesantit. O mon âme! Jésus en pleure et tu ne te pleures pas toi-même? Pleure, pleure, ô spirituelle Jérusalem! pleure tå perte du moins en ce jour que le Seigneur te visite d'une manière si admirable; si jusqu'ici tu as été insensible à ta propre perte, pleure aujourd'hui et tu vivras! Ne perds aucun moment de grâce, parce que tu ne sais jamais si ce ne sera pas le dernier qui sera donné. (BOSSUET.)

22. Viendront pour toi des jours où tes ennemis l'environneront de tranchées ; ils l'environneront et te presseront de tous côtés. - Titus, voyant qu'il serait difficile d'empêcher les sorties, attendu que son armée ne suffisait pas pour entourer toute la ville (Jérusalem), fut d'avis qu'on l'entourât comme d'un mur. Il commanda aux principaux chefs de partager ce travail entre les différentes légions; et l'on vit aussitôt dans toute l'armée une émulation qui semblait avoir quelque chose de surnaturel. Ce mur commençait au camp des Assyriens, où ce prince avait pris son quartier, continuait jusqu'à la nouvelle ville basse ; et, après avoir traversé la vallée de Cédron, allait gagner la montagne des Oliviers, qu'il enfermait du côté du midi jusqu'au rocher du Colombier, ainsi que la colline qui était au-dessus de la vallée de Siloë, d'où tournant vers l'orient il descendait dans cette vallée où est la fontaine qui en porte le nom. De là il allait gagner le sépulcre du grand sacrificateur Ananus, environnait la montagne où Pompée s'était autrefois campé, retournait ensuite vers le septentrion, allait jusqu'au bourg d'Érébinthon, enfermait le sépulcre d'Hérode du coté de l'orient, et de là regagnait le lieu où il avait commencé. Tout ce circuit était de trente-neuf stades, et il y avait treize forts dont le tour était de dix stades; mais ce qui paraît incroyable, et qui est digne des Romains, c'est que ce grand ouvrage, qui apparemment aurait eu besoin de trois mois pour s'exécuter, fut commencé et achevé en trois jours. (JOSÈPHE.)

22. Et ils te renverseront dans la poussière, toi et les enfants qui seront dans tes murs. Les Juifs se voyant alors entièrement renfermés dans la ville, désespérèrent de leur salut. La famine, qui croissait toujours, dévorait des familles entières. Les maisons étaient pleines des corps morts des femmes et des enfants, et les rues de ceux des vieillards. Les jeunes, tout enflés et languissants, allaient en chancelant à chaque pas dans les places publiques: on les aurait plutôt pris pour des spectres que pour des personnes vivantes, et la moindre chose qu'ils

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