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Picard, t. 4, p. 816). - Par conséquent, on doit décider en principe, et d'une manière générale, que le commissionnaire ne peut, en cas de perte des marchandises à lui confiées, se soustraire à la réparation du dommage, sous prétexte qu'il n'aurait commis aucune faute en remettant

(1)(Chemin de fer de l'Etat autrichien C. Chemin de fer de l'Est et autres.) Le 27 avr. 1865, jugement du tribunal de commerce de Schlestadt, ainsi conçu : - « Sur l'action en garantie, devenue action principale, dirigée par la compagnie de l'Est contre la direction générale des voies de communication du grand duché de Bade-Considérant que la direction défenderesse oppose à la compagnie demanderesse le principe universellement admis par la jurisprudence française, à savoir que les commissionnaires ou voituriers intermédiaires ne peuvent être recherchés en garantie des avaries de l'objet transporté qu'à la condition de prouver leur faute personnelle, preuve qui incombe aux demandeurs; Considérant que les tribunaux, conformément à l'esprit de la loi et aux principes de l'équité naturelle, n'admettent d'exception à cette règle générale que dans les trois cas suivants: 1° si la faute personnelle est établie par le fait même et en résulte nécessairement; 20 si l'avarie a été apparente; 3o si l'intermédiaire s'est volontairement substitué aux obligations du commissionnaire; qu'il convient donc d'examiner si la compagnie demanderesse rapporte la preuve de la faute personnelle de la direction défenderesse ou si cette dernière se trouve dans l'un des cas d'exception énumérés ci-dessus; Considérant que la demanderesse est dépourvue de tout titre, de tout acte, de toute reconnaissance qui constaterait l'existence d'une faute personnelle imputable à la défenderesse; que les constatations des manquants dressées à Strasbourg et à Benfeld contradictoirement entre l'agent badois et le chemin de fer de l'Est ne contiennent aucune reconnaissance de responsabilité, et que la demanderesse l'a si bien reconnu elle-même que, subsidiairement, elle a conclu contre les autres chemins de fer mis en cause et a posé des faits avec offre de preuve; Considérant que les faits posés ne sont évidemment pas pertinents, puisqu'ils ne portent que sur des circonstances déjà acquises, savoir la décharge des wagons badois à Strasbourg ou Benfeld et la constatation des avaries; mais que ces faits non contestés, n'établissent pas que les avaries dont s'agit soient le résultat de la faute personnelle de la défenderesse ou qu'elle s'en soit reconnue coupable; Considérant, d'autre part, que la défenderesse ne se trouve dans aucun des cas d'exception au principe général ci-dessus posé; qu'en effet, il est constant en fait que la défenderesse a reçu de la direction wurtembergeoise les wagons renfermant les blés, fermés, cadenassés et plombés; qu'il lui était interdit de les ouvrir; qu'elle n'a donc pu vérifier en les recevant l'état des sacs, et qu'elle a dû se borner à les transmettre à la compagnie de l'Est dans l'état où elle les a reçus; - Considérant que lors de la réception des wagons par la direction badoise des mains de la direction royale de Wurtemberg, il n'existait aucune avarie apparente; qu'il n'en a pas existé davantage au moment de leur arrivée sur le territoire français; que l'avarie était intérieure, c'est-à-dire qu'elle n'a pu être constatée qu'après l'ouverture des wagons, ouverture à laquelle il était interdit à la défenderesse de procéder avant l'arrivée en France; Considérant qu'il a déjà été établi que les attestations données par l'agent badois sur l'état des sacs au moment de l'arrivée et du transbordement des marchandises sur les wagons de la compagnie de l'Est n'ont constaté qu'un fait matériel se manifestant à la fin du voyage de Pesth à Strasbourg, mais ne portent trace d'aucune acceptation de responsabilité; que ces attestations n'ont été évidemment exigées par la compagnie de l'Est que pour établir que, si elle livrait à Albrecht des sacs en mauvais état, ce n'était pas elle qui les avait mis dans cet état: mais que, dans aucune supposition, elles ne peuvent servir à prouver que cet état est résulté de la faute ou du fait du chemin de fer badois, seule condition de la responsabilité de celui-ci; - Qu'ainsi, il n'existe ni faute personnelle prouvée, ni avarie apparente à reprocher à la défenderesse, et que l'on ne peut pas davantage luí reprocher, comme l'a fait le jugement du 19 nov. 1862, de s'être volontairement substituée aux obligations du premier commissionnaire, puisque la défenderesse s'est bornée à recevoir les wagons des mains de la direction wurtembergeoise et à les transmettre à la compagnie de l'Est; - Considérant, dès lors, que la demande n'étant pas fégalement prouvée, il y a lieu d'en débouter la demanderesse, sauf son recours contre qui de droit; Sur les conclusions subsidiaires de la compagnie de l'Est contre la Société autrichienne des chemins de fer de l'Etat - Considérant qu'il convient d'examiner séparément les exceptions et fins de non-recevoir opposées par la compagnie de l'Etat aux conclusions de la compagnie de 'Est avant de passer à la discussion du fond de la demande ;Sur l'exception d'incompétence: - Considérant qu'aux termes de l'art. 14 c. nap., l'étranger, même non résidant en France, peut être traduit devant les tribunaux de France pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français; - Considérant, en fait, que, par convention en date du 12 août 1861,

ces marchandises au transporteur intermédiaire qui les a égarées ou perdues (Civ. cass. 28 oct. 1885 précité). Il ne peut non plus se prévaloir des exceptions qu'il aurait à opposer aux transporteurs intermédiaires (Colmar, 30 juin 1865) (1).

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respectivement avouée et exécutée, le chemin de fer autrichien s'est engagé à transporter pour le compte du sieur Albrecht, domicilié à Sand, de Pesth à Strasbourg, une grande quantité de blés, et que l'instance actuelle a pour objet l'exécution des obligations ainsi contractées par ledit chemin de fer; qu'ainsi aux termes de l'article précité, les tribunaux français auraient été compétents pour connaitre du litige s'il était élevé entre Albrecht et le chemin de fer autrichien; Considérant que par le jugement du 19 nov. 1862, il a été souverainement jugé que la compagnie de l'Est, en acquittant la dette de la compagnie autrichienne a été subrogée aux droits d'Albrecht; qu'elle peut donc exercer toutes les actions qui appartenaient autrefois à ce dernier, et que la compétence du tribunal n'a point été modifiée; - Considérant que l'art. 181 c. pr. civ. invoqué par la défenderesse, n'est pas applicable dans l'espèce, puisque, par suite de la disposition d'Albrecht dans la cause en vertu des dispositions du jugement du 19 nov. 1862, l'action dirigée par la compagnie de l'Est contre la compagnie autrichienne de l'Etat n'est plus une demande en garantie, mais est devenue une demande principale, formée par f'ayant droit d'Albrecht, qui a succédé à toutes les actions qui compétaient à ce dernier contre son prétendu débiteur; - Considérant enfin que l'art. 420 c. pr. civ., qui indique, en matière de commerce, quels sont les tribunaux devant lesquels ces sortes de contestations peuvent être portées, reçoit exception alors qu'il s'agit d'un litige entre Français et étrangers, et que cette exception est formellement énoncée dans l'art. 14 c. nap. déjà cité; qu'ainsi l'exception d'incompétence n'est pas fondée; Sur l'exception tirée de la prescription: Considérant que si l'art. 108 c. com. fixe à six mois pour les marchandises destinées à l'intérieur, et à un an pour celles expédiées à l'étranger, le délai de recours en garantie accordé au destinataire pour obtenir indemnité des manquants ou des avaries, la jurisprudence de la cour suprême a décidé que l'action dirigée par l'expéditeur, et par parité de raison par le destinataire, contre le commissionnaire de transport, interrompt la prescription même vis-à-vis des commissionnaires ou voituriers intermédiaires qui ont été employés au même transport; - Considérant que par le jugement de 1862, il a été établi en fait qu'Albrecht, destinataire, a exercé son recours contre la compagnie de l'Est dans les délais légaux; que sur l'action en garantie dirigée contre la direction badoise, ce jugement a ordonné l'appel en cause de la compagnie autrichienne de l'Etat; que cette mise en cause a été effectuée par exploit d'ajournement du 27 juill. 1863, et qu'ainsi, selon la jurisprudence de la cour de cassation, ladite compagnie est non recevable aujourd'hui à invoquer les dispositions de l'art. 108 c. com. ci-dessus cité, puisqu'elle a été indirectement représentée par l'une des parties intéressées dans la cause; Mais considérant qu'en admettant momentanément que l'action de la compagnie de l'Est n'ait pas été formée dans les délais impartis par l'art. 108 déjà cité, et que la défenderesse fût autorisée, sous ce rapport, à invoquer la prescription, elle serait aujourd'hui non recevable à se prévaloír de ce moyen, puisqu'elle y a virtuellement et expressément renoncé longtemps avant l'instance liée; qu'en effet, par sa lettre du 12 sept. 1861 répondant à Albrecht qui se plaignait des avaries, elle lui recommande de les faire constater au moment de l'enlèvement des blés à la gare, et lui promet de l'indemniser des manquants; Considérant que cette promesse, appuyée sur la constatation régulière des manquants et dont il sera parlé ci-après, dispensait Albrecht, et par suite son ayant-cause, de l'observation du délai de garantie fixé par la loi, et formait contrat entre les parties; qu'ainsi, sous tous les rapports, l'exception de prescription doit être repousée; Sur le moyen tiré de la constatation non régulière des manquants: Considérant que la défenderesse, tout en soutenant, mais à tort, que les règlements autrichiens sont applicables à l'espèce, reconnait cependant qu'aux termes du paragraphe 14 du réglement du 1er déc. 1856, la vérification et la constatation des manquants et avaries doivent être faites selon les lois du lieu de la réception;-Considérant que, dans l'espèce, l'avarie et les manquants ont été constatés à la gare d'arrivée à Beufeld, contradictoirement entre Albrecht et le dernier commissionnaire intermédiaire; qu'il a ainsi été satisfait à la prescription de la défenderesse, prescription retenue dans sa lettre déjà citée du 12 sept. 1861; Considérant que si ces circonstances ne sont pas conformes au mode prescrit par l'art. 106 c. com., il n'est pas moins certain que les formalités indiquées par cet arrêt peuvent être suppléées par d'autres constatations, pourvu que ces constatations soient faites de bonne foi, non entachées de fraude ou de surprise, et d'une exactitude irréprochable; et que, daus l'espèce, aucun reproche de cette nature n'est dirigée contre les vérifications faites à Beufeld; Sur le moyen tiré de la réception de la marchandise sans

Il n'y a pas, à cet égard, de distinction à faire entre le commissionnaire de transport libre et les compagnies de. chemins de fer: celles-ci encourent les mêmes responsabilités que les autres entrepreneurs de transports. Ainsi, la compagnie de chemin de fer qui accepte un colis à destination d'une localité qui n'est pas desservie par son réseau, même si elle est située en pays étranger, se rend responsable des transporteurs intermédiaires qu'elle se substitue pour l'exécution de son mandat, sauf son recours en garantie contre eux. En conséquence, elle est tenue envers l'expéditeur du retard éprouvé par l'expédition, bien qu'elle ait elle-même opéré le transport sur son réseau dans les

protestation de la part des chemins de fer Elisabeth: Considérant que la compagnie demanderesse est substituée aux droits d'Albrecht; que ce dernier a traité avec la défenderesse et non avec le chemin de fer Elisabeth, qui n'est à son égard qu'un voiturier intermédiaire; qu'ainsi c'est à la défenderesse seule qu'Albrecht, modo la compagnie de l'Est, peut s'adresser pour obtenir réparation du dommage par lui éprouvé; que si la défenderesse peut prouver plus tard que c'est sur le chemin de fer Elisabeth que doit retomber la responsabilité de la perte, toute action lui reste réservée devant les juges compétents, mais qu'étant seule responsable envers Albrecht, vis-à-vis duquel elle est liée par son contrat, elle ne peut se prévaloir contre lui ou son ayant-cause de faits auxquels il est resté complètement étranger; Considérant, d'ailleurs, qu'Albrecht n'a reçu les blés qu'après constatation des manquants, et que sa correspondance et les réponses de la défenderesse prouvent suffisamment que la réception n'a été faite que sous la réserve de l'indemnité ; Sur le moyen tiré du déchet légal de 1 pour 100:- Considérant qu'à l'appui de ce moyen la défenderesse invoque le paragraphe 14, no 3, lettre C de son règlement de 1856, et le paragraphe 11, lettre A du règlement de 1852, d'après lesquels il ne serait dú par elle aucune indemnité pour les manquants de poids, si ces manquants ne dépassent pas 1 pour 100, et qu'elle soutient que, dans l'espèce, les marchandises objet du transport ont atteint en poids une importance totale de 774853 livres, poids d'Allemagne, soit de 3874269 kilog. et demi, que dès lors, le déchet légal ne donnant pas lieu indemnité s'élevait à 38742 kilog. et qu'Albrecht ne s'étant plaint que d'un déficit d'environ 36898 kilog. inférieur de près de 2000 kilog. au déchet légal, il doit être déclaré non recevable; Considérant que ce moyen a déjà été plaidé par la compagnie de l'Est contre Albrecht, et que, par son jugement du 19 nov. 1862, le tribunal l'a repoussé; qu'en effet, les conventions font la loi des parties, et que dans le traité passé entre Albrecht et la compagnie autrichienne de l'Etat, aucune stipulation sur bonification de déchets n'est intervenue; que cette réserve aurait été d'autant plus naturelle et nécessaire qu'Albrecht, étranger à l'Autriche, n'était pas censé même légalement connaitre ses lois et règlements; Considérant, d'ailleurs, qu'une pareille réserve aurait dû paraître étrange alors que selon la lettre de la compagnie du 12 sept. 1861, le transport devait s'effectuer jusqu'à Beufeld dans un délai de douze à quinze jours, et qu'il est évident que, dans un aussi court espace de temps, il n'a pu se produire aucune perte par dessiccation, seule cause légale et justifiable de l'existence d'un déchet; Considérant, d'autre part, que la défenderesse a reconnu elle-même, par sa lettre du 12 sept. 1861, qu'Albrecht aurait droit à la bonification de tous les manquants, et qu'elle ne s'est réservé que son recours contre les commissionnaires intermédiaires qui seraient les causes de ces manquants;

Considérant que les termes exprès et formels dans lesquels est conçue cette déclaration excluent toute bonification pour déchets; Considérant enfin que, dans l'espèce, il n'est pas question de déchets dans le sens légal du mot, puisqu'il n'existe aucune diminution de la marchandise par voie de dessiccation, mais bien une véritable avarie ou perte de marchandise par suite de la mauvaise disposition des sacs dans les wagons, fait officiellement reconnu à l'ouverture des wagons par l'agent badois, et d'ailleurs nullement contesté; qu'ainsi cette dernière fin de nonrecevoir doit être rejetée de même que les précédentes; Au fond: Considérant que la défenderesse ne conteste pas l'existence des manquants constatés contradictoirement à la gare de Beufeld et s'élevant à environ 27000 kilog., ni l'évaluation de leur valeur en espèces à raison de 34 fr. les 100 kilog. soit 10165 fr. 39, mais qu'elle soutient qu'aucune responsabilité ne saurait l'atteindre, puisqu'elle n'a exécuté le transport que de Pesth à Vienne; que là, elle a remis les marchandises à son bureau de ville qui, à son tour, les a fait transporter à la gare du chemin de fer Elisabeth, lequel en a délivré récépissé constatant le poids total sans aucun manquant et les a expédiées sur Salzbourg, d'où par l'entremise des chemins de fer badois et français, ces marchandises sont arrivées à destination; de ces faits la défenderesse fait - Considérant que découler la conséquence que, s'il existe des manquants ou avaries, elle ne peut en être réputée responsable, puisqu'elle justifie avoir mis l'intégralité des objets à elle confiés au chemin de fer Elisabeth qui

délais réglementaires (Req. 24 avr. 1872 et Civ. rej. 9 juill. 1872 précités; Civ. rej. 15 avr. 1873, aff. Chemin de fer du Nord C. Quaratesi, D. P. 73. 1. 231; Féraud-Géraud, no 816). En pareil cas, en effet, la compagnie a une situation spéciale: elle prend l'engagement de faire parvenir les marchandises à leur destination définitive, par elle-même d'abord, quant à la partie du transport qui s'opère sur son réseau, et par la compagnie qui lui succède, quant à la partie du parcours en dehors de sa ligne. En contractant cette obligation, elle est bien réellement un commissionnaire de transport, et doit, par conséquent, être tenue de toutes les obligations qui dérivent pour ce commissionnaire de l'art. 99 c. com. La

l'a reconnu, et que, dès lors, la responsabilité doit retomber tout entière sur ledit chemin de fer ou sur ses intermédiaires; Considérant qu'Albrecht n'a traité ni avec le chemin de fer Elisabeth ni avec les chemins de fer intermédiaires; que la convention de transport n'est intervenue qu'entre lui et le chemin de fer autrichien de l'Etat défendeur; que celui-là seul peut donc être déclaré responsable envers lui où son ayant cause de toutes les pertes ou avaries survenues dans le cours du trajet; - Considérant que la présomption établie au profit des commissionnaires intermédiaires, et en vertu de laquelle ils ne peuvent être déclarés responsables qu'autant que l'on prouve qu'ils se sont rendus coupables d'une faute personnelle, ne milite pas en faveur du premier commissionnaire chargeur qui a traité avec l'expéditeur et s'est rendu responsable de la conservation de la chose pendant tout le trajet et de sa remise en bon état au destinaire ; Considérant, dès lors, que les faits et constatations intervenus entre la défenderesse et le chemin de fer Elisabeth, ou d'autres intermédiaires, peuvent bien lui ouvrir un recours contre ces derniers, mais ne sauraient en aucun cas mettre sa responsabilité à l'abri de l'action d'Albrecht ou de son ayant cause; qu'ainsi c'est à bon droit que la demanderesse insiste sur la condamnation sollicitée contre la société défenderesse, aux offres qu'elle fait de laisser déduire du montant de cette condamnation la somme proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus entre Strasbourg et Beufeld eu égard au nombre total de kilomètres entre Pesth et Beufeld; Par ces motifs statuant sur la demande principale dirigée par la compagnie de l'Est contre la direction du chemin de fer badois, débouté la demanderesse de sa demande ; faisant droit à la demande subsidiaire dirigée par la compagnie de l'Est en sa qualité de subrogée aux droits d'Albrecht contre la compagnie autrichienne de l'Etat, sans s'arrêter aux exceptions d'incompétence et aux fins de non-recevoir, condamne la compagnie defenderesse, par les voies de droit, à payer à la demanderesse, ès qualité, la somme de 10165 fr. 39 par elle déboursée en exécution du jugement intervenu en ce siège le 19 nov. 1862 et pour les causes y mentionnées, donne acte à la compagnie autrichienne de l'Etat de ses réserves de tous droits, moyens, actions, exceptions, tant contre la société du chemin de fer Elisabeth que contre toutes autres administrations allemandes ayant concouru aux transports dont s'agit en cause ». Appel par la société autrichienne. Appels subsidiaires par les compagnies française, badoise et wurtembergeoise. Arrêt.

Attendu,

LA COUR; Adoptant les motifs des premiers juges; au surplus, en ce qui touche les moyens de compétence et de prescription, que par sa lettre du 12 sept. 1861, la société autrichienne impériale et royale des chemins de fer de l'Etat a pris l'engagement d'indemniser Albrecht, qui se plaignait d'avaries, des manquants constatés à la gare de Beufeld; - Que la constatation du dommage et par suite le règlement immédiat de l'indemnité ne pouvaient donc avoir lieu qu'entre le destinataire et la compagnie des chemins de fer de l'Est, qui se trouvait chargée par le fait même de la promesse adressée à Albrecht des pouvoirs de la société autrichienne; que de là découlait pour Albrecht le droit de retenir sur le prix de transport de sa marchandise une somme égale à la perte qu'il éprouvait, et pour la compagnie de l'Est, la mission de la payer au nom et pour le compte de la société autrichienne; que ce n'était plus en vertu du contrat de commission, mais à titre de mandataire ou de gérant d'affaires que la compagnie de l'Est faisait ce payement; Qu'en effet, elle n'a pu prendre sur les frais de transport qui lui étaient attribués ou qu'elle avait déjà remboursés aux commissionnaires allemands, les 10165 fr. 39 dont elle a tenu compte à Albrecht, mais qu'elle les a avancés de ses propres deniers; qu'il suit de là, d'une part, que la compagnie de l'Est, alors même qn'elle n'aurait pas été subrogée au destinataire, avait le droit d'exercer personnellement et directement l'action mandati contre la société autrichienne devant les tribunaux français; d'autre part, que l'exercice de cette action n'était pas soumis à la prescription spéciale de l'art. 108 c. com., la créance d'un mandataire contre son mandant n'étant prescriptible que par trente ans; Confirme, etc.

Du 30 juin 1865.-C. de Colmar, 1re ch.-MM. Pillot, pr.-De Laugardière, 1er av. gén.-Lederlin, Gérard, Chauffour et Koch, av.

compagnie de chemin de fer est donc, suivant les termes de cet article, « garante du fait du commissionnaire intermédiaire auquel elle adresse la marchandise ».

208. Toutefois, la responsabilité indéfinie du commissionnaire chargeur peut être écartée par une convention spéciale (art. 98). Disparaît-elle également quand l'expéditeur a désigné le voiturier intermédiaire auquel les colis devront être remis? Suffit-il, dans ce cas, au commissionnaire chargeur, pour repousser l'action de l'expéditeur ou du destinataire, de prouver que l'avarie, la perte ou le retard ne proviennent pas de son fait? La question est controversée. Nous avions adopté au Rép. n° 402 l'affirmative. Il nous semblait que lorsque l'expéditeur avait désigné lui-même les intermédiaires et les avait imposés au commissionnaire chargeur, cette désignation devait décharger le premier voiturier de la garantie de leur fait. La jurisprudence ne l'a d'abord pas admis; elle a paru longtemps dominée par cette idée que le premier voiturier avait toujours accepté l'obligation du transport total, du moment qu'il n'y avait eu qu'un seul contrat; qu'il devait donc être présumé avoir agréé les autres voituriers qui devaient lui succéder, et que probablement même il avait proposé ces voituriers à l'expéditeur.Ainsi, on avait jugé que le voiturier qui s'oblige par la lettre de voiture à faire parvenir des objets expédiés à la destination indiquée, et par des intermédiaires désignés, pouvait,par interprétation de ce contrat, être déclaré responsable de la perte de ces objets, arrivée à défaut par l'un des intermédiaires de s'être conformé aux prescriptions de la lettre de voiture (Civ. rej. et cass. 29 déc. 1845, aff. Osmont, D. P. 46. 1. 51). Depuis lors, on a admis, au contraire, que la désignation formelle du voiturier ultérieur par l'expéditeur décharge virtuellement le premier voiturier de toute responsabilité à l'égard des faits du second; il perd la qualité de commissionnaire de transport, pour se réduire au rôle pur et simple de voiturier (Lyon, 24 mars 1874, aff. Chemin de fer de Lyon C. Bless, D.P. 76. 1. 241, et la dissertation de M. Boistel, ibid.). -La cour de cassation dans son arrêt du 28 oct. 1885, cité suprà, no 207, semble incliner vers le système de la cour de Lyon. Cet arrêt, en effet, constate que la compagnie générale transatlantique, commissionnaire intermédiaire choisi par le commissionnaire chargeur, n'avait pas été désignée par l'expéditeur pour recevoir les colis. Toutefois, la question n'y est point examinée en elle-même, et la solution qu'implique cette constatation de fait est contredite par l'un des motifs de l'arrêt, qui pose en principe que la responsabilité spéciale incombant au commissionnaire chargeur est absolue et n'est pas régie par les règles ordinaires du mandat. Or, c'est précisément par application des règles ordinaires du mandat (c. civ. art. 1994), qu'on décide que le commissionnaire n'est pas responsable du substitué que le commettant lui a désigné.

Quoi qu'il en soit, nous croyons devoir persister dans l'opinion que nous avons émise au Répertoire d'accord en cela avec plusieurs auteurs (Domenget, op. cit.; Bédarride, Des commissionnaires, nos 278 et suiv.-Contrà: Lyon-Caen et Renault, n° 885).

M. Boistel propose un système intermédiaire (D. P. 76. 1. 241, note, et Précis de droit commercial, 3o éd., no 567). Il distingue selon que les voituriers successifs ont été formellement désignés par l'expéditeur, imposés par sa volonté expresse, ou déterminés uniquement, et en quelque sorte forcément, par la nature même des voies de communication, comme par exemple les compagnies de chemins de fer les unes à l'égard des autres. Dans le premier cas, le commissionnaire chargeur ne serait point tenu de garantir le fait des voituriers subséquents. Il y serait tenu, au contraire, dans le second cas. M. Boistel reconnaît, toutefois, que la question est particulièrement délicate en ce qui concerne des compagnies de chemins de fer. Celles-ci sont soumises à une législation toute spéciale et, à raison de leur monopole, sont tenues de certaines obligations corrélatives, édictées soit par leurs cahiers des charges, soit par les arrêtés ministériels, notamment, de recevoir toutes les marchandises que le public leur apporte pour être transportées. Ne pouvant refuser le transport, elles n'ont pas la même latitude que les autres voituriers pour en díscuter les conditions, et ne peuvent exiger que l'on insère dans le contrat des stipulations que leur cahier des charges ne les autorise pas à imposer aux parties. On peut donc se demander si

les cahiers des charges ne leur interdisent pas une stipulation qui tend à limiter leur rôle à celui de simple voiturier, à leur enlever la qualité de commissionnaire garant des faits des voituriers successifs. La réponse n'est pas douteuse au cas où il existe des tarifs communs à deux ou à plusieurs compagnies pour le trajet d'un point à un autre. La compagnie qui a consenti à l'établissement de ces tarifs doit être censée contracter comme représentant de toutes les compagnies avec lesquelles elle a un traité, et ne peut évidemment repousser la garantie du fait des compagnies au nom desquelles elle stipule et promet. En outre, et même en dehors du cas où il existe un tarif commun, une compagnie de chemin de fer ne peut repousser la responsabilité du transport au delà de son réseau, car l'art. 61, § 5, du cahier des charges fait aux compagnies une obligation s'arranger entre elles de manière que le transport ne soit jamais interrompu au point de jonction des diverses lignes »>, ou en d'autres termes de transmettre matériellement les marchandises d'un réseau à un autre (V. conf. Féraud-Giraud, no 822; Civ. rej. 9 juill. 1872, aff. Chemin de fer de Lyon C. Gancel, D. P. 72. 1. 224. V. également Civ. cass. 12 juin 1872, suprå, no 170).

« de

209. La question de savoir si la règle que le commissionnaire de transport est garant du commissionnaire qu'il se substitue pour la continuation du transport de la marchannise reçoit exception au cas où la marchandise doit continuer le voyage par voie de mer, est toujours controversée en doctrine. Certains auteurs nient, en ce cas, l'obligation de garantie du premier commissionnaire (Delamarre et Le Poitvin, Traité de droit commercial, t. 2, n° 204, note). Elle est admise, au contraire, par MM. Persil et Croissant, Des commissionnaires, et par M. Pouget, Des transports par eau et par terre. Ce dernier système se fonde sur les motifs mêmes qui ont servi de base à la disposition de l'art. 99 c. com. Si, dit-on, l'intérêt du commerce et la nécessité de prévenir des procès multipliés exigent que le commissionnaire expéditeur soit indéfiniment responsable des intermédiaires qu'il emploie, il n'y a aucun motif de distinguer à cet égard entre les commissionnaires de transport par terre ou par rivière et les commissionnaires de transport par mer; bien que ces derniers ne soient pas spécialement dénommés dans l'art. 99, ils n'en doivent pas moins être soumis à la responsabilité qu'il déterminé, et l'art. 1994 c. civ., destiné à régler les rapports du mandataire et du mandant en matière civile, ne leur est pas applicable. En conséquence, on doit décider que le commissionnaire de transport est garant du commissionnaire qu'il se substitue au cas où la marchandise doit continuer le voyage par voie de mer (Req. 25 juin 1873, aff. Albrecht, D. P. 73. 1. 432). Il est à remarquer cependant que, lorsque le transport par mer succède à un transport par terre, il y a, même alors qu'une seule entreprise en a été chargée, deux expéditions différentes de la marchandise, soumises l'une et l'autre aux règles qui leur sont propres. Ainsi on a jugé que le contrat par lequel un expéditeur charge un commissionnaire, tel que la compagnie des Messageries maritimes, d'adresser un cofis, par l'intermédiaire d'une compagnie de chemin de fer, au directeur de son exploitation des services maritimes, pour l'embarquer sur un paquebot de la compagnie à l'adresse d'un destinataire d'outre mer, a pour objet deux expéditions distinctes, de nature différente, un transport par terre et un transport par mer. En conséquence, lorsque, le colis ayant été livré au directeur des services maritimes, la première expédition est définitivement réglée, l'action en indemnité pour cause d'avaries doit être exercée soit par l'expéditeur, soit par le destinataire, contre le capitaine ou contre la compagnie des Messageries dans les conditions fixées par les art. 435 et 436 c. com., aux termes desquels les réclamations doivent, à peine de nullité, être faites et signifiées dans les vingt-quatre heures de la réception de la marchandise et suivies dans le mois de leur date d'une demande en justice (Civ. cass. 24 janv. 1870, aff. Comp. des Messageries impériales, D. P. 70. 1. 101; Ch. réun. cass. 22 juill. 1873, aff. Comp. des Messageries impériales, D. P. 74. 1. 207).

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210. La responsabilité du premier commissionnaire qui s'étend, ainsi qu'il a été dit au Rép. nos 388 et 389 et suprà, n° 207, aux faits des commissionnaires intermédiaires et de leurs agents, s'applique non seulement aux avaries, pertes

et retards que la marchandise a pu subir mais à tous les autres faits qui ont été préjudiciables au propriétaire de la marchandise. Par exemple, le commissionnaire de transport qui a remis les objets à transporter à un voiturier est responsable envers le destinataire du changement apporté par ce voiturier dans le mode de transport convenu, et, par exemple, de la substitution du transport par la voie d'eau au transport stipulé par la voie de terre (Paris, 24 mai 1848, aff. Noséda, D. P. 48. 2. 127), ou de la substitution d'un transport par navire à voiles au transport convenu par navire à vapeur (Bordeaux, 9 avr. 1869, aff. Albert, D. P. 70. 2. 222). Il a été également jugé qu'une compagnie de chemin de fer est responsable de la perte des marchandises transportées, survenue comme conséquence d'un changement de direction dans le transport, par le commissionnaire intermédiaire (Req. 24 avr. 1872, aff. Chemin de fer de Lyon, D. P. 73. 1. 68). De même, le commissionnaire de transport est responsable de la perte des objets transportés provenant de ce que le voiturier, par l'intermédiaire duquel ce transport a été effectué, a remis ces objets à un autre que le destinataire (Civ. cass. 15 avr. 1846, aff. Thomas, D. P. 46. 1. 140).

211. — II. RESPONSABILITÉ DES COMMISSIONNAIRES INTERMÉDIAIRES. Nous avons exposé au Rép. no 398 que l'obligation contractée par le commissionnaire intermédiaire est, en principe, de même nature que celle qui est contractée par le premier commissionnaire, c'est-à-dire que l'un et l'autre s'engagent à remettre la chose transportée en bon état au destinataire.

Mais la question de savoir quelle est l'étendue de cette obligation, quelles sont les conséquences qui en dérivent, est très délicate, et elle a soulevé d'assez nombreuses et d'assez graves difficultés. Pour exposer avec clarté cette matière, il convient d'examiner successivement: 1° l'action qui appartient à l'expéditeur ou au destinataire contre les commissionnaires ou voituriers autres que celui qui s'est chargé de l'expédition au point de départ; 2° les recours auxquels peuvent donner lieu entre les divers commissionnaires ou voituriers les condamnations prononcées contre l'un d'eux au profit des intéressés.

212. — 1o Action de l'expéditeur ou du destinataire. Aucune difficulté n'existe au point de vue de la recevabilité de cette action. Il est certain qu'elle peut être exercée indistinctement contre l'une quelconque des parties qui ont concouru à l'exécution du transport. Ce droit dérive tout à la fois de l'art. 101 c. com. d'après lequel la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur et le voiturier, ou entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier, et de l'art. 1994, 2o al., c. civ. qui permet au mandant d'agir directement contre la personne que le mandataire s'est substituée (Sarrut, nos 784 à 786; Lyon-Caen et Renault, no 909; Picard, t. 4, p. 818).

213. Mais à quelles conditions l'action de l'expéditeur ou du destinataire, recevable en principe, pourra-t-elle réussir au fond? A ce point de vue la situation des voituriers intermédiaires diffère sous plusieurs rapports de celle du premier commissionnaire ou voiturier. Dans l'exposé qui va suivre, on comprendra, au nombre des voituriers intermédiaires, le dernier voiturier, celui qui achève le transport, et auquel s'appliquent en principe toutes les règles admises en ce qui touche les voituriers précédents. D'autre part, on se placera, d'une façon générale, dans l'hypothèse où l'action en responsabilité est exercée pour cause d'avarie, sauf à signaler ensuite ce qu'il y a de particulier aux cas de perte ou de retard.

214. La première condition nécessaire pour que le voiturier intermédiaire puisse être utilement actionné, c'est qu'il soit établi que le voiturier a participé au contrat de transport, en se chargeant d'en continuer l'exécution (Guillemain, Des transports successifs, p. 91 et suiv.). Comment cette preuve sera-t-elle fournie ? A cet égard, il y a lieu de re

(1) (Comp. du chemin de fer rhénan C. Société du chemin de fer Grand-Central belge; et Société du Grand-Central belge C. Best.)

Le sieur Best, d'Anvers, ayant expédié à Oswald frères, á Mulhausen, des balles de coton livrables en gare, et une partie de ces balles s'étant perdue, Oswald a assigné Best en dommagesintérêts devant le tribunal de commerce d'Anvers. Best a appelé en garantie le chemin de fer Grand-Central belge, transporteur premier de la marchandise. Mais plusieurs compagnies de chemin

marquer que la formule de l'art. 101 c. com, : « la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le commissionnaire et le voiturier », est inexacte en ce sens qu'il ne suffit pas à l'expéditeur ou au destinataire de produire l'instrument du contrat conclu avec le commissionnaire chargeur pour faire admettre l'action en responsabilité dirigée contre le commissionnaire ou voiturier intermédiaire. Ce dernier, en effet, n'est lié par la lettre de voiture (ou le récépissé qui en tient lieu) qu'autant qu'il l'a acceptée; en d'autres termes, le commissionnaire où voiturier intermédiaire ne peut être utilement actionné que s'il est devenu partie, en se l'appropriant, au contrat passé par le commissionnaire chargeur.- La preuve de l'immixtion du voiturier intermédiaire dans ce contrat, et par conséquent, de l'existence d'un lien de droit entre lui et l'expéditeur ou le destinataire résultera des circonstances de la cause, appréciées souverainement par le juge du fond, et le plus ordinairement de la prise en charge des colis (Comp. Civ. rej. 12 juin 1872, aff. Chemin de fer du Nord C. Danset, D. P. 72. 1. 216).

En est-il de même quand le transport effectué par des compagnies de chemin de fer s'accomplit sous l'empire d'un tarif commun? En d'autres termes, les compagnies sont-elles, vis-à-vis de l'expéditeur, dans les liens d'une indivisibilité si étroite que chacune d'elles doive être considérée comme seule chargée de l'entier transport, si bien que la preuve de la réception des colis par l'une quelconque d'entre elles équivaudrait à la preuve de la réception par toutes les compagnies? La question a été résolue négativement par la cour de cassation (Civ. cass. 31 mai 1886, aff. Chemin de fer London Chatam and Dover, D. P. 87. 1. 123), et cette solution paraît bien fondée. Le tarif international ne peut rationnellement exercer une influence qu'autant que des rapports juridiques se sont établies sur la base de ce tarif. Or, de même que, à l'encontre de la compagnie du lieu de départ, il faut prouver l'existence du contrat de transport, de même les compagnies suivantes ne peuvent être appelées à répondre de l'exécution du contrat s'il n'est établi qu'elles l'ont accepté (V. Voirie par chemin de fer).

215. La participation du voiturier intermédiaire au contrat de transport une fois établie, doit-on admettre qu'il est lié vis-à-vis de l'expéditeur (ou du destinataire) de la même manière que le commissionnaire chargeur, dont il aurait assumé les obligations en se substituant à lui; qu'en conséquence, il est présumé avoir reçu les marchandises en bon état et qu'il est responsable de l'avarie à moins qu'il ne prouve que celle-ci est due à une cause qui ne lui est pas imputable? Cette question, que le code de commerce n'a pas tranchée, a été diversement résolue.

216. Suivant un système consacré par quelques arrêts, les transporteurs successifs doivent être assimilé d'une manière complète au commissionnaire originaire; ils ont exactement les mêmes droits et les mêmes obligations. En conséquence, au regard de l'expéditeur (ou du destinataire), chacun d'eux indistinctement répond comme lui de toutes les fautes commises au cours du transport, et se trouve placé sous le coup des mêmes présomptions; il est donc indifférent à l'expéditeur ou au destinataire de s'adresser à l'un ou à l'autre des divers agents qui ont coopéré au transport, son action s'exercera contre l'un quelconque d'entre eux dans des conditions identiques (Limoges, 12 avr. 1861, aff. Couderchet, D. P. 63. 2. 19; Nîmes, 18 nov. 1865, aff. Gay, D. P. 66. 2. 219; Riom, 17 janv. 1870, aff. Chemin de fer de Lyon, D. P. 72. 1. 168). C'est en ce sens qu'est fixée la jurisprudence belge (V. notamment: C. cass. de Belgique, 17 juill. 1873, aff. Chemin de fer rhénan C. Boulogne, Pasicrisie belge, 1873. 1. 302; Liège, 22 mai 1875, aff. Grande compagnie du Luxembourg C. Havelange, ibid., 1875. 2. 310; C. cass. de Belgique, 30 janv. 1879 (1); Bruxelles, 26 mars 1880, infrà, no 243. V. dans le même sens : Alauzet, t. 3, no 1177; Domenget, Du mandat, t. 2, nos 1180 et suiv.).

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de fer ayant successivement contribué au transport des balles de coton d'Anvers à Mulhausen, le Grand-Central belge a intenté une action récursoire contre la Compagnie du chemin de fer rhénan qui s'est retournée elle-même, contre le chemin de fer du Palatinat. Celui-ci, à son tour, a exercé son recours contre le chemin de fer d'Alsace-Lorraine. Le tribunal d'Anvers a prononcé un premier jugement déclarant Best responsable vis-à-vis d'Oswald, mais condamnant le Grand-Central à la garantie et le

Ce système soulève de graves objections. Comme le disent MM. Lyon-Caen et Renault, no 910, « il serait d'une rigueur excessive d'appliquer soit aux voituriers intermédiaires, soit au dernier, la présomption de réception en bon état, au moins s'il est question d'avaries intérieures. Les agents intermédiaires sont en fait dans l'impossibilité de vérifier les colis, à la différence du premier voiturier. Au point de vue de la célérité des transports, le commerce est même intéressé à ce que les vérifications ne se fassent point. Il est donc équitable d'exiger du demandeur qu'il prouve que le voiturier poursuivi par lui a reçu les marchandises en bon état, lorsqu'il s'agit d'avaries intérieures » (V. dans le même sens: Boistel, no 570; Sarrut, nos 731 et suiv.).

217. Ces motifs ont déterminé la jurisprudence française à rejeter la solution admise par les cours de Limoges et de Nîmes, et adoptée par les cours de Belgique. Mais ils l'ont conduite en même temps à faire une distinction entre les avaries apparentes ou extérieures et les avaries intérieures ou occultes. S'agit-il d'avaries apparentes, le commissionnaire ou voiturier intermédiaire est traité de la même façon que le commissionnaire chargeur, c'est-à-dire qu'il est présumé en faute, et répond de l'avarie s'il n'est pas en mesure de fournir la preuve contraire (Req. 20 juin 1853, aff. Chemin de fer du Havre, D. P. 53. 1. 225; Rouen, 26 mai 1873, aff. Langstaff, D. P. 76. 2. 52; Civ. cass. 13 avr. 1874, aff. Chemin de fer de Lyon C. Fabry, D. P. 76. 1. 255). Cette solution se conçoit facilement : « Puisque le commissionnaire intermédiaire, dit M. Sarrut, no 735, n'est pas présumé être l'auteur des avaries parce qu'il n'a pas pu vérifier les colis, la présomption doit nécessairement tomber dès que la vérification a été possible. Or quand une avarie est extérieure..., elle saute aux yeux. Le commis

Rhénan à garantir le Grand-Central. Un second jugement a fixé le chiffre des condamnations. Un arrêt du 5 mars 1878 de la cour de Bruxelles (Pasicrisie belge, 1878. 2. 272) a confirmé ces sentences. Il n'a rien été décidé quant aux chemins de fer du Palatinatet d'Alsace-Lorraine. Pourvoi en cassation par le Rhénan contre le Grand-Central et par le Grand-Central contre Best s'appuyant sur ce que les marchandises se sont perdues après qu'ils s'en étaient dessaisis et alors qu'elles se trouvaient entre les mains du Palatinat ou du chemin de fer d'Alsace-Lorraine, et fondé sur ce double motif que l'art. 99 c. com. ne régit que les rapports de l'expéditeur et de l'entrepreneur de transport auquel il remet lui-même ia marchandise, et non ceux des commissionnaires intermédiaires entre eux, et que, du reste, les obligations du chemin de fer Rhénan et Grand-Central ayant pris naissance sur le territoire allemand sont réglées par les lois allemandes et non par les lois belges. - Arrêt. LA COUR; Sur le premier moyen fausse application des art. 98 et 99 c. com.; violation de l'art. 105 du même code et des art. 1315, 1382, 1384 et 1784 c. civ., en ce que l'arrêt attaqué rend les chemins de fer Rhénan et Grand-Central responsables d'une perte de marchandises qui n'était pas causée par leur faute personnelle, mais par le fait et la faute d'un intermédiaire ultérieur dont aucune loi ne les déclare garants ou solidaires : Considérant que le commissionnaire intermédiaire représente le commissionnaire chargeur dans l'exécution du contrat dont la lettre de voiture détermine l'objet et les conditions; — Qu'à ce titre, il assume la responsabilité du chargeur; qu'il est garant comme lui de la perte des marchandises; - Que cela résulte et de l'art. 1994, § 2, c. civ., disposant que le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s'est substituée, et de la discussion qui a eu lieu au conseil d'Etat sur la portée dé l'art. 99 c. com.; · Qu'il y a été dit, en effet, que le commissionnaire chargé du transport et l'intermédiaire qu'il emploie sont tenus solidairement de la remise des marchandises au destinataire; Considérant que les obligations de l'intermédiaire et celles du commissionnaire originaire étant les mêmes, il s'ensuit : 1° que le commissionnaire intermédiaire répond, conformément à l'art. 99 c. com., des faits de l'agent dont il s'est lui-même servi; 2o que la force majeure légalement prouvée peut seule, en principe, le dispenser de l'accomplissement de son mandat; Considérant que

l'art. 1382 c. civ., invoqué par le pourvoi, n'est pas applicable à la violation des services contractuels; que le commissionnaire intermédiaire prétendrait donc en vain, pour se soustraire à ses engagements, qu'il est exempt de faute, sauf à lui à appeler en garantie son propre mandataire, et à celui-ci à mettre en cause l'intermédiaire suivant, en allant, au besoin, jusqu'au dernier ; Que ces recours successifs sont le moyen le plus pratique et le plus sûr d'arriver à découvrir à qui la perte de la chose est imputable; -Que s'il était forcé de s'adresser directement au commissionnaire entre les mains duquel les marchandises se sont perdues, l'expéditeur se trouverait le plus souvent, en raison du nombre des intermédiaires et de leur éloignement, dans l'impossibilité d'obte

sionnaire intermédiaire ne peut pas ne pas l'apercevoir quand il reçoit le colis ».

218. La présomption de faute qui pèse sur le voiturier intermédiaire dans le cas d'avaries apparentes a, d'ailleurs, été étendue aux avaries même intérieures et non apparentes qui se manifesteraient par des traces extérieures (Pau, 2 avr. 1873, aff. Chemin de fer du Midi, D. P. 74. 5. 95).

On assimile également aux avaries apparentes un déficit, soit sur le poids, soit sur la quantité. Le commissionnaire ou voiturier intermédiaire est donc, en principe, responsable envers le destinataire s'il ne livre pas le nombre de colis indiqué sur la lettre de voiture (Civ. rej. 12 juin 1872, aff. Chemin de fer du Nord C. Danset, D. P. 72. 1. 216). Il en est de même en ce qui concerne les manquants qui seraient constatés à l'arrivée des marchandises (Civ. cass. 14 août 1876, aff. Chemin de fer de l'Est, D. P. 76. 1. 479).

219. La responsabilité du voiturier intermédiaire en cas d'avaries apparentes ne repose, comme on l'a vu suprà, n° 217, que sur une présomption qui disparaît, lorsque le voiturier peut prouver que l'avarie ne lui est pas imputable. Cette preuve sera fournie, notamment, lorsque le voiturier aura eu soin de faire constater, en la recevant, le mauvais état de la marchandise (Arrêt du 12 juin 1872, cité suprà, n° 218); Décidé, de même, que le dernier commissionnaire qui, en recevant la marchandise, a fait constater une avarie, ne peut en être déclaré responsable (Civ. cass. 27 août 1878, aff. Chemin de fer de l'Est, D. P. 78. 1. 383; Civ. cass. 20 janv. 1886, aff. Chemin de fer de l'Est, D. P. 86. 1. 152).

La preuve que l'avarie apparente n'est pas imputable au voiturier intermédiaire peut résulter aussi de ce que le commissionnaire chargeur a reconnu que cette avarie lui

nir les réparations qui lui sont dues; Considérant qu'il s'agit dans l'espèce de balles de coton expédiées d'Anvers par John Best, pour le compte d'Oswald frères, en destination de Mulhausen, et transportées successivement par le chemin de fer Grand-Central belge, la compagnie Rhénane, le chemin de fer du Palatinat et la compagnie d'Alsace-Lorraine'; Que le destinataire a réclamé de Best la valeur d'une certaine quantité de balles perdues; que Best a assigné en garantie le Grand-Central, auquel il avait confié le transport, et que la compagnie Rhénane a été actionnée par le Grand-Central en sous-garantie; Que le tribunal de commerce d'Anvers a déclaré Best responsable de la perte, et qu'il a condamné Best à des dommages-intérêts envers Oswald, le Grand-Central à garantir Best, et la compagnie Rhénane à garantir le Grand-Central des condamnations prononcées; Considérant que, dans ces circonstances, et d'après tout ce qui précède, l'arrêt dénoncé, en confirmant le jugement du tribunal d'Anvers, en décidant notamment qu'il n'y avait pas nécessité d'établir que la compagnie Rhénane où la société du Grand-Central belge fût personnellement en faute, n'a contrevenu à aucun des textes cités à l'appui du premier moyen;

Sur le second moyen: violation des art. 1134, 1135, 1159 c. civ. et 101 c. com., en ce que l'arrêt attaqué refuse d'appliquer comme loi aux engagements des parties, pour ce qui concerne la perte des marchandises sur le réseau allemand, les lois allemandes et les dispositions des tarifs réglementaires des chemins de fer allemands, alors que la lettre de voiture, formant contrat entre tous les intéressés, stipulait que le transport devait se faire, du lieu d'expédition au lieu de destination, par l'entremise des chemins de fer, aux conditions des règlements en vigueur; que de plus la convention qui liait la compagnie Rhénane au Grand-Central s'était formée sur le territoire allemand: -- Considérant que l'arrêt dénoncé déclare que le contrat dont l'exécution est poursuivie a été passé à Anvers ; Qu'il en déduit avec raison la conséquence que les commissionnaires s'y sont soumis, chacun dans le lieu où les marchandises lui ont été remises; - Qu'il est certain, en effet, que les intermédiaires sont substitués au commissionnaire originaire, qu'ils sont liés, comme il l'est luimême, dans les termes de la lettre de voiture, qu'ils répondent en son lieu et place des obligations qu'il a souscrites; Considérant que le caractère d'un engagement et la responsabilité qui en découle doivent, à défaut de stipulation contraire, être appréciés d'après la législation du lieu où il a été conclu; D'où il suit qu'en refusant de se référer aux dispositions des lois et des règlements étrangers, non expressément acceptées par les parties, l'arrêt attaqué, loin de violer les articles mentionnés au second moyen, en a fait une juste application; Que le second moyen n'est donc pas fondé;

Par ces motifs, rejette, etc.

Du 30 janv. 1879.-C. cass. de Belgique, 1re ch.-MM. le baron de Crenier, 1er pr.-de Rongé, rap.-Mélot, av. gén., c. conf.-Aug. Orts, L. Leclercq et Woeste, av.

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