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cela un homme de bonne volonté, et provoque du regard, du geste et de la voix celui qu'il sait le plus capable d'une mauvaise action. Ne serait-ce pas là que Milton aurait pris le sujet de ces tableaux saisissants où il nous représente l'ennemi du genre humain délibérant avec les puissances infernales sur les moyens de tromper nos premiers parents? On ne sait si ces mots du verset 20, l'un parla d'une façon l'autre d'une autre, signifient que l'étrange proposition du président de l'assemblée rencontra des opposants, ou bien que, le fond de la proposition étant jugé bon, on ne différa que sur les moyens d'exécution. Les avis étaient donc partagés ou les cœurs irrésolus, lorsque soudain se présente un esprit audacieux, qui se charge d'aller jouer le rôle de menteur. Était-ce un bon ou un mauvais ange? Le texte l'appelle seulement l'esprit (1). Si c'était Satan lui-même, on n'a pas le droit de s'étonner qu'il se fût glissé là; il n'était assurément pas déplacé dans une réunion où l'on délibérait sur de telles matières, et d'ailleurs, au livre de Job, ch. 1er, v. 6-12, et ch. 2, v. 1-7, il est dit expressément que Satan assistait aussi aux conseils de la cour céleste. Quel que fût cet esprit, Jéhovah accepte son offre, et l'envoie remplir sa commission de trompeur, en lui donnant l'assurance qu'il réussira. Quelle occupation pour Dieu et ses ministres ! Le livre qui consacre de pareilles impiétés ne pourrait-il pas être jugé sur ce trait seul?

הָרוּחַ (1)

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EFFETS D'UNE MALÉDICTION D'ÉLISÉE; SES ORDRES
SAUVAGES, SES MIRACLES.

Livre 4, ch. 2, v. 23 et 24, de petits enfants, rieurs et évaporés comme on l'est quelquefois à cet âge sans être arrivé pour cela aux dernières limites de la dépravation, rencontrent le prophète Élisée sur le chemin de Béthel, et se moquent de lui en l'appelant chauve. Cela était mal sans doute et méritait une petite correction. Que fait Élisée? Il les maudit au nom de Jéhovah, et aussitôt deux ours sortent de la forêt et déchirent à eux seuls quarante-deux de ces petits enfants (1).

Ch. 5, v. 19, il ordonne aux Israélites, qui vont marcher contre les Moabites, de couper tous les arbres fruitiers du pays ennemi, et il leur donne cet ordre au nom du même Dieu qui ailleurs (Deuteronome, ch. 20, v. 19) avait expressément défendu cet acte de sauvagerie. Il veut aussi que l'on tarisse les sources et que l'on couvre de pierres les bons champs. Les bons seulement ! quelle distinction délicate!

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(1) Le traducteur français de la Bible protestante (Londres, 1842) fait de ces petits enfants des jeunes gens. Le mot du verset 23 est accompagné de l'adjectif ' qui signifie petits et ne peut se dire que d'enfants en bas âge. Il y a donc ici plus qu'une inexactitude de traduction; c'est une véritable falsification ayant évidemment pour but de pallier l'odieux de la conduite du prophète. L'abbé Du Clot veut qu'il s'agisse ici de petites gens, de personnes de la lie du peuple, et il les dit coupables du crime de lèse-majesté, puisque le gouvernement de la nation juive était théocratique, et que Dieu avait expressément ordonné de respecter ses prophètes. (La sainte Bible vengée, t. IV, Lyon et Paris, 1824.)

Le même prophète fait beaucoup de miracles dont plusieurs, chapitres 4 et 5, rappellent ceux d'Élie, son maître, et paraissent avoir servi de modèles à quelques-uns de ceux des Évangiles. Ceux du chapitre 5 présentent quelques traits d'immoralité, qui doivent être mentionnés. Élisée vient de guérir de la lèpre Naaman, un des grands officiers de la cour de Syrie. Celui-ci, dans un accès de dévote reconnaissance, veut emporter deux charges de mulets de la terre d'Israël; il déclare qu'il n'y a de véritable Dieu que celui des Juifs, et que désormais il n'en servira pas d'autre. Seulement lorsque, de retour en Syrie, il accompagnera son roi dans le temple de Remmon, il se prosternera aussi devant l'idole et fera semblant de l'adorer, et il prie Élisée d'intervenir auprès de son Dieu pour qu'il veuille bien fermer les yeux sur ces actes d'hypocrisie. On s'attend à ce que le serviteur du Dieu jaloux s'indigne d'une pareille prière, et réponde qu'on ne peut pas servir ainsi plusieurs maîtres à la fois. Eh bien! non. Le saint homme congédie gracieusement le courtisan, en lui disant d'aller en paix. Naaman part. Mais certains beaux présents qu'avait refusés Élisée, avaient tourné la tête à son serviteur Giézi. Celui-ci court après le Syrien, se dit envoyé par le prophète, et, au moyen d'un mensonge assez grossier, obtient de l'argent et de riches vêtements, qu'il vient cacher à la maison. Mais Élisée, qui sait tout, lui déclare alors qu'en punition de ce qu'il a voulu se procurer de la sorte de quoi acheter des champs d'oliviers, des vignes, des brebis, des bœufs et des esclaves des deux sexes, la lèpre de Naaman s'attachera à son corps, ce qui était juste, et à sa race, ce qui ne l'était pas, puisqu'il est évident pour quiconque n'a pas puisé ses principes de morale dans la Bible, que les enfants et les petits

enfants d'un homme ne doivent pas porter la peine de ses fautes. A l'instant même le corps de Giézi devint blanc comme la neige.

Le prophète, qui vient de punir sévèrement le mensonge chez son serviteur, se permet lui-même un mensonge bien caractérisé et ayant pour but de tromper les soldats du roi de Syrie, mensonge d'autant plus inutile d'ailleurs que les Syriens venaient d'être miraculeusement frappés de cécité et réduits à l'impuissance de nuire, ch. 6, v. 18 et 19.

Afin sans doute de mieux faire ressortir le mérite du miracle qui devait, au chapitre 7, mettre en fuite les Syriens assiégeant Samarie affamée, l'auteur sacré nous apprend, aú ch. 6, v. 25-29, que des femmes mangeaient leurs enfants, et qu'on vendait une tête d'âne 80 sicles d'argent, et le quart d'une mesure de frente de pigeons 5 sicles d'argent (1). Que pouvait-on faire, en temps de famine, de la fiente de pigeons pour la payer ce prix? C'est une question qui a causé aux interprètes de cruelles insomnies. L'historien Joseph dit que les assiégés s'en servaient au lieu de sel (2), comme si, en temps de famine, la grande affaire était de se procurer des condiments pour aiguillonner l'appétit. Le savant hébraïsant Bochart se moque de cette explication; il trouve qu'elle ne manque pas de sel, et ajoute à ce jeu de mots des réflexions de même goût (3). Il

(1) Dans le grec, la tête d'âne ne se vend que cinquante sicles, Kɛpaλù čva πεντήκοντα αργυρίου.

(2) ̓Αντὶ ἀλῶν. ('Αρχαιολογία, livre 9, ch. 4.)

(3)

Quamvis agnoscam in eo non deesse salem, tamen si excrementitio sale iis utendum erat, nemo est qui nesciat in urinâ multò plus esse salis et faciliùs elici et minori cum fastidio. Ut nihil opus fuerit tanti emere quod

fait ensuite une longue dissertation, tendant à prouver qu'il ne s'agit pas ici de véritable fiente de pigeons, mais bien d'une espèce de pois chiche, ainsi appelé par métaphore. Il démontre, ce qui était assez inutile, que la fiente de pigeon est un puissant engrais mais un détestable manger, et qu'il serait impossible de s'en nourrir même en temps de famine. Gesenius n'est pas de cet avis; il veut qu'on prenne littéralement le texte sacré (1).

Parmi les miracles d'Élisée, il en est qui surpassent peutêtre ceux des Évangiles, celui-ci par exemple. Le prophète est mort et enseveli. Un autre mort, qui avait touché seulement son cadavre, se dresse à l'instant sur ses pieds, ch. 15, v. 20 et 21. Jésus, quoique fils unique de Dieu, n'ira pas jusque-là une fois dans la tombe, il se contentera d'en sortir, mais n'en fera plus sortir personne.

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§ 8. JÉHU EXTERMINE LA FAMILLE D'ACHAB, ET MASSACRE LES PRÊTRES DE BAAL.

Chapitre 9, Élisée envoie un jeune prophète donner la couronne de Joram, Roi d'Israël, à Jéhu, mais à la condition que celui-ci massacrera toute la famille d'Achab, v. 1-10. Jéhu

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unusquisque domi habebat. " (Hierozoicon, part. 2, lib. 1, cap. 7, Leyde, 1712.)

"

(1) Propriè accipiendum videtur; minimè enim incredibile homines diuturnâ fame pressos stercora columbina comedisse. “ (Thesaurus linguæ hæbrææ, article D', tome Ier, Leipsick, 1829.)

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