Page images
PDF
EPUB

enfants d'un homme ne doivent pas porter la peine de ses fautes. A l'instant même le corps de Giézi devint blanc comme la neige.

Le prophète, qui vient de punir sévèrement le mensonge chez son serviteur, se permet lui-même un mensonge bien caractérisé et ayant pour but de tromper les soldats du roi de Syrie, mensonge d'autant plus inutile d'ailleurs que les Syriens venaient d'être miraculeusement frappés de cécité et réduits à l'impuissance de nuire, ch. 6, v. 18 et 19.

Afin sans doute de mieux faire ressortir le mérite du miracle qui devait, au chapitre 7, mettre en fuite les Syriens assiégeant Samarie affamée, l'auteur sacré nous apprend, au ch. 6, v. 25-29, que des femmes mangeaient leurs enfants, et qu'on vendait une tête d'âne 80 sicles d'argent, et le quart d'une mesure de frente de pigeons 5 sicles d'argent (1). Que pouvait-on faire, en temps de famine, de la fiente de pigeons pour la payer ce prix? C'est une question qui a causé aux interprètes de cruelles insomnies. L'historien Joseph dit que les assiégés s'en servaient au lieu de sel (2), comme si, en temps de famine, la grande affaire était de se procurer des condiments pour aiguillonner l'appétit. Le savant hébraïsant Bochart se moque de cette explication; il trouve qu'elle ne manque pas de sel, et ajoute à ce jeu de mots des réflexions de même goût (5). Il

(1) Dans le grec, la tête d'âne ne se vend que cinquante sicles, Kɛyaλù čvou πεντήκοντα ἀργυρίου.

(2) ̓Αντὶ ἀλῶν. ( ̓Αρχαιολογία, livre 9, ch. 4.)

(3)

[ocr errors]

Quamvis agnoscam in eo non deesse salem, tamen si excrementitio sale iis utendum erat, nemo est qui nesciat in urinâ multò plus esse salis et ☐ faciliùs elici et minori cum fastidio. Ut nihil opus fuerit tanti emere quod

fait ensuite une longue dissertation, tendant à prouver qu'il ne s'agit pas ici de véritable fiente de pigeons, mais bien d'une espèce de pois chiche, ainsi appelé par métaphore. Il démontre, ce qui était assez inutile, que la fiente de pigeon est un puissant engrais mais un détestable manger, et qu'il serait impossible de s'en nourrir même en temps de famine. Gesenius n'est pas de cet avis; il veut qu'on prenne littéralement le texte sacré (1).

Parmi les miracles d'Élisée, il en est qui surpassent peutêtre ceux des Évangiles, celui-ci par exemple. Le prophète est mort et enseveli. Un autre mort, qui avait touché seulement son cadavre, se dresse à l'instant sur ses pieds, ch. 13, v. 20 et 21. Jésus, quoique fils unique de Dieu, n'ira pas jusque-là une fois dans la tombe, il se contentera d'en sortir, mais n'en fera plus sortir personne.

[blocks in formation]

JÉHU EXTERMINE LA FAMILLE D'ACHAB, ET MASSACRE
LES PRÊTRES DE BAAL.

Chapitre 9, Élisée envoie un jeune prophète donner la couronne de Joram, Roi d'Israël, à Jéhu, mais à la condition que celui-ci massacrera toute la famille d'Achab, v. 1-10. Jéhu

" unusquisque domi habebat." (Hierozoicon, part. 2, lib, 1, cap. 7, Leyde, 1712.)

"

(1) Propriè accipiendum videtur; minimè enim incredibile homines diuturnâ fame pressos stercora columbina comedisse. " (Thesaurus linguæ hæbrææ, article D', tome Ier, Leipsick, 1829.)

• TT:

enfants d'un homme ne doivent pas porter la peine de ses fautes. A l'instant même le corps de Giézi devint blanc comme la neige.

Le prophète, qui vient de punir sévèrement le mensonge chez son serviteur, se permet lui-même un mensonge bien caractérisé et ayant pour but de tromper les soldats du roi de Syrie, mensonge d'autant plus inutile d'ailleurs que les Syriens venaient d'être miraculeusement frappés de cécité et réduits à l'impuissance de nuire, ch. 6, v. 18 et 19.

Afin sans doute de mieux faire ressortir le mérite du miracle qui devait, au chapitre 7, mettre en fuite les Syriens assiégeant Samarie affamée, l'auteur sacré nous apprend, aú ch. 6, v. 25-29, que des femmes mangeaient leurs enfants, et qu'on vendait une tête d'âne 80 sicles d'argent, et le quart d'une mesure de frente de pigeons 5 sicles d'argent (1). Que pouvait-on faire, en temps de famine, de la fiente de pigeons pour la payer ce prix? C'est une question qui a causé aux interprètes de cruelles insomnies. L'historien Joseph dit que les assiégés s'en servaient au lieu de sel (2), comme si, en temps de famine, la grande affaire était de se procurer des condiments pour aiguillonner l'appétit. Le savant hébraïsant Bochart se moque de cette explication; il trouve qu'elle ne manque pas de sel, et ajoute à ce jeu de mots des réflexions de même goût (5). Il

(1) Dans le grec, la tête d'âne ne se vend que cinquante sicles, Kɛpaλù ĉvov πεντήκοντα ἀργυρίου.

(2) ̓Αντὶ ἀλῶν. ('Αρχαιολογία, livre 9, ch. 4.)

(3)

[ocr errors]

Quamvis agnoscam in eo non deesse salem, tamen si excrementitio sale iis utendum erat, nemo est qui nesciat in urinâ multò plus esse salis et

■ faciliùs elici et minori cum fastidio. Ut nihil opus fuerit tanti emere quod

fait ensuite une longue dissertation, tendant à prouver qu'il ne s'agit pas ici de véritable fiente de pigeons, mais bien d'une espèce de pois chiche, ainsi appelé par métaphore. Il démontre, ce qui était assez inutile, que la fiente de pigeon est un puissant engrais mais un détestable manger, et qu'il serait impossible de s'en nourrir même en temps de famine. Gesenius n'est pas de cet avis; il veut qu'on prenne littéralement le texte sacré (1).

Parmi les miracles d'Élisée, il en est qui surpassent peutêtre ceux des Évangiles, celui-ci par exemple. Le prophète est mort et enseveli. Un autre mort, qui avait touché seulement son cadavre, se dresse à l'instant sur ses pieds, ch. 13, v. 20 et 21. Jésus, quoique fils unique de Dieu, n'ira pas jusque-là une fois dans la tombe, il se contentera d'en sortir, mais n'en fera plus sortir personne.

§ 8. JÉHU EXTERMINE LA FAMILLE D'ACHAB, ET MASSACRE LES PRÊTRES DE BAAL.

Chapitre 9, Élisée envoie un jeune prophète donner la couronne de Joram, Roi d'Israël, à Jéhu, mais à la condition que celui-ci massacrera toute la famille d'Achab, v. 1-10. Jéhu

[ocr errors]

unusquisque domi habebat." (Hierozoicon, part. 2, lib, 1, cap. 7, Leyde, 1712.)

"

(1) Propriè accipiendum videtur; minimè enim incredibile homines diuturnâ fame pressos stercora columbina comedisse. " (Thesaurus linguæ hæbrææ, article D', tome Ier, Leipsick, 1829.)

• TT:

s'acquitte de cette mission et va même au delà : il tue Joram, son roi, et Ochozias, roi de Juda, v. 24 et 27, fait jeter par une fenêtre Jézabel, veuve d'Achab, et à laquelle, après boire et parce qu'elle est fille de roi, il veut faire des funérailles dont les chiens se sont chargés déjà, v. 33-36, puis se fait apporter les têtes de 70 autres fils d'Achab, ch. 10, v. 6-8, et égorge tout ce qui restait de sa maison à Jezrahel, y compris les grands de sa cour, ses connaissances mêmes et ses prêtres, v. 11. Il se dirige ensuite vers Samarie, et chemin faisant, égorge les 42 frères d'Ochozias, v. 14. La soif de ce tigre n'étant point assouvie, il prend un témoin de son zèle pour Jéhovah, et vient à Samarie où il tue tout ce qui reste de la maison d'Achab, v. 16 et 17. Après quoi il fait annoncer aux prêtres de Baal qu'il veut adorer leur Dieu avec eux, les réunit tous dans un temple sous ce prétexte d'hypocrite provocation au mal, et en fait, v. 18-25, une immense boucherie. La cérémonie terminée, il détruit le temple de Baal, et le remplace par des latrines, selon la fine plaisanterie du verset 27. Enfin, et comme si, dans la Bible, l'absurde et l'horrible devaient toujours brocher l'un sur l'autre, ce Jéhu qu'on vient de voir si ardent à venger son Dieu et à punir l'idolâtrie, continue, après ces expéditions saintes, d'adorer des images de veaux, v. 29, et Jéhovah lui fait des compliments sur sa belle conduite à l'égard de la maison d'Achab, v. 30!

On vient de voir, dans les vengeances exercées sur la famille d'Achab, une application du système que j'ai noté plus haut (1), et d'après lequel le Dieu des Juifs et des chrétiens punit les hommes dans leurs descendants et leurs proches. Eh bien!

(1) Ch. 2, § 6.

« PreviousContinue »