Page images
PDF
EPUB

véritable point de la question et l'unique solution du problème) cette même famille est la seule autorité dans le monde qui puisse influencer les actions du mendiant. C'est elle seule qui lui a dit : «< Va mendier, je ne puis rien pour toi. » C'est elle seule qui peut lui dire : « Reviens, j'aurai soin de toi ; » elle seule, offrant au mendiant, sous le toit qui l'a vu naître, un asile qu'il connaît et qu'il aime, peut lui faire perdre l'habitude qu'il a contractée. »

<< Supposez, épuisez toutes les combinaisons possibles et vous reconnaîtrez que la famille seule peut avoir action sur le mendiant, et que c'est au sein de sa famille seulement que la société a marqué sa place quand elle veut qu'il ne mendie plus. >>

Pour parvenir à ce que la famille reprît volontairement cette charge, M. de Vindé comprit qu'il fallait lui en fournir les moyens. A cet effet, et sans s'occuper du mendiant, il se borna à donner des secours à sa famille, en lui imposant, pour condition unique, la cessation de la mendicité de la part de celui qui s'y livrerait.

Des secours réguliers consistèrent en distributions hebdomadaires et proportionnelles de rations de pain et de pomme de terre, à quelques vêtemens pour les enfans et à des soins suffisans en cas de maladie, le tout sur la présentation du maire et du bureau de bienfaisance.

<< En annonçant publiquement ces secours, dit M. de Vindé, on fit connaître qu'ils ne seraient jamais délivrés à aucune famille dont un des membres mendierait. »

<< Un mois ne s'était pas écoulé que les mendians de la commune ne l'étaient déjà plus, et nul habitant de la même commune n'a mendié depuis vingt ans (de 1804 à 1825). »

<«< Une aussi longue expérience prouve que l'on était parti d'un principe profondément vrai en pensant que, non seulement la famille avait action sur le mendiant, mais que cette action était toute-puissante. La crainte d'être privée de secours certains a subitement déterminé la

famille à rappeler son mendiant, et le mendiant a subitement obéi à cet appel. »

« Auparavant, la famille, endurcie par la misère et l'exemple commun, ne rougissait pas d'abandonner l'aïeul, le vieux père ou le frère infirme, et de l'envoyer mendier. Depuis vingt ans, comme on en a perdu l'habitude, on en a acquis la honte. L'opinion s'est rétablie en faveur du respect filial ou de l'amour fraternel, et la bienveillance. de famille a surpassé tout ce qu'on avait osé en attendre. »

Ce remarquable exemple d'une bienfaisance éclairée suffirait pour faire apprécier aux grands propriétaires combien serait noble, utile et politique la résolution de vivre désormais dans leurs terres, pour y répandre autour d'eux l'aisance, les lumières et la pratique des vertus. Eloignés aujourd'hui, en général, des fonctions publiques, qu'ils conservent, du moins, le privilége de la charité et reprennent par elle le rang que la raison et la justice leur assignaient dans la hiérarchie sociale! Qu'ils soient la Providence visible des populations qui les entourent! C'est la véritable destinée des hommes que le sort a investis des richesses de la terre. Elle est bien au-dessus de tout ce que l'ambition et les passions humaines pourraient leur faire espérer ailleurs, et si jamais ils étaient appelés de nouveau à diriger les affaires de l'état, ils auraient puisé, à cette école, l'expérience et les principes qui, seuls, peuvent guider sûrement les hommes condamnés à cette grande responsabilité morale.

CHAPITRE XXV.

RÉSUMÉ DU NOUVEAU SYSTÈME D'ORGANISATION DES

SECOURS EN FAVEUR DES INDIGENS.

Secours à l'impuissance et au défaut de travail. Travail et charité à tous les indigens.

Ici s'arrête l'exposé des moyens qui nous paraissent propres à diriger, avec plus d'action, d'harmonie et d'efficacité, les efforts de la charité légale et de la charité volontaire. Jetons un regard sur l'ensemble de ce nouveau système de secours.

Il comprend trois grandes catégories d'indigens:

1o Les pauvres hors d'état de travailler.

2o Les pauvres qui manquent de travail ou d'un salaire suffisant.

3o Les pauvres qui se refusent au travail.

Aux uns, il assigne les hôpitaux, les hospices et les établissemens spéciaux; aux autres, des secours libres volontaires, choisis et distribués avec discernement, et sous des conditions justes et réciproques.

L'administration de la charité légale, dans le royaume, est confiée à l'autorité d'un haut fonctionnaire ecclésiastique, investi du titre de grand-aumônier de France et entouré d'un conseil composé des hommes les plus éclairés

et les plus charitables de la nation. Dans chaque département, dans chaque arrondissement, dans chaque commune, une autorité correspondante et des conseils de charité départementaux, d'arrondissement et communaux, exercent les mêmes attributions, sous la direction de la grande-aumônerie nationale. La gestion des établissemens de charité demeure entre les mains de l'autorité civile et des commissions administratives actuellement établies.

Des auditeurs placés près des commissions administratives sont appelés à former une pépinière d'administrateurs charitables éclairés.

Des visiteurs des pauvres, des deux sexes, sont créés pour être partout les ministres de la charité volontaire. Des aumôniers ecclésiastiques, dans chaque paroisse, dirigent les visiteurs des pauvres.

Le soin des malades, l'enseignement des enfans indigens, sont exclusivement confiés à des congrégations religieuses et charitables.

Enfin, des sociétés libres de charité sont créées pour appliquer les lumières et la force de l'esprit d'association au soulagement matériel et moral de tous les genres d'infortune et d'indigence. Si nous ne nous abusons pas, ce système ne saurait manquer d'appeler la confiance, de réveiller l'esprit de charité et de parvenir à faire disparaître, autant qu'on peut raisonnablement l'espérer, une partie des causes et des effets de la misère publique; nous disons une partie seulement, car nous ne pouvons nous dissimuler qu'une amélioration complète exigerait la régénération totale de la société humaine. Or, ce triomphe de la charité appartient seulement à la puissance divine qui, sans doute, en a réglé l'époque, comme elle en a choisi d'avance les instrumens. Du moins, nous avons la certitude que nos propositions sont conformes aux vérités qu'elle a révélées aux hommes, aux lois sociales qu'elle a établies, aux vertus qu'elle recommande. Nous pouvons donc espérer que notre

système, appliqué avec sagesse et persévérance, introduirait dans le sort des indigens des améliorations qui pourraient successivement s'accroître, se développer et se compléter. Mais tout ne sera consommé que lorsque chaque membre de la société voudra accomplir, autant qu'il est en lui, les deux grandes lois fondamentales de l'ordre social et du christianisme, le travail honnête et la charité.

« Le mal a été, jusqu'à ce jour, dans nos systèmes économiques, dans notre éducation aride et personnelle, dans nos habitudes antisociales, dans notre égoïsme; il dépend de nous de le perpétuer et de l'aggraver. Mais craignons, dans ce cas, des conséquences désastreuses; c'est l'épée de Damoclès suspendue sur nos têtes. Il dépend de nous de le diminuer, d'en tarir les sources. >>

« Le moyen est simple : le remède, si l'on veut l'employer, est facile; il est le même pour une rue que pour un quartier, pour une ville que pour une province, pour un royaume que pour le monde entier. Il est à la portée de tous les hommes, sans distinction de rang, de fortune, de profession, d'age, de culte et d'opinion. Il est indépendant des formes de gouvernement, des temps, des lieux et des événemens. Partout où on l'a essayé, il a réussi à diminuer les maux présens; il a prévenu ceux à venir. Ce moyen, le voici : >>>

<«< Voisin, secourez votre voisin malheureux. Si, comme lui, vous tombez un jour dans la misère, il vous tendra à son tour une main secourable. Parcourez d'abord votre propre maison; si aucune infortune ne sollicite vos pas, allez frapper à la porte voisine. Avant de sortir de la rue que vous habitez, visitez-en toutes les demeures. Puis, si vous en avez le temps et le pouvoir, étendez le cercle de votre mission; mais, autant que possible, ne dépassez pas votre quartier; c'est pour trop s'éparpiller, c'est pour vouloir trop embrasser, que les efforts les plus louables

« PreviousContinue »