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biens des pauvres, au mode d'organisation des secours publics, à l'acceptation des dons et fondations charitables, à certains prélèvemens opérés sur les produits des spectacles et des octrois en faveur des indigens, aux fonds de non valeurs pour couvrir des cotes irrecouvrables, et aux contributions qui pouvaient, en certains cas, être prélevées sur les revenus communaux et départementaux pour des distributions de secours en ateliers de charité, ou sous une autre forme; mais nulle part on ne trouve de solution. sur le droit absolu ou relatif des pauvres à l'assistance publique, ni sur l'exercice et la limite de ce droit.

Cependant, indépendamment des institutions spéciales, et dont la destination est déterminée, il existe des hospices et des revenus affectés à la généralité des pauvres d'une ville ou d'un canton. Dans quel ordre, à quelles conditions ces revenus doivent-ils être distribués? à quelle catégorie de pauvres les hospices seront-ils affectés de préférence? Toutes ces questions, demeurées pour la plupart indécises, sont livrées, en quelque sorte, à l'arbitraire des commissions administratives; et comme tous les pauvres, dont les droits semblent égaux d'ailleurs, ne peuvent à la fois participer à ces secours, il en résulte nécessairement des préférences et des faveurs qui, sans doute, ne sont point injustes et abusives, mais qui pourraient le devenir, puisque rien ne garantit, à cet égard, de la partialité et du caprice des administrateurs.

Puisqu'il existe une charité légale, puisqu'il existe des biens destinés exclusivement aux pauvres, il en résulte nécessairement des droits dont il convient de déterminer la nature et de régler l'exercice. Or, une loi seule peut remplir la lacune que nous signalons.

D'un autre côté, nous avons fait remarquer déjà combien la législation sur les mendians était vicieuse, et illusoire, depuis la suppression des dépôts de mendicité.

Le système de secours adopté en faveur des enfans.

trouvés excite également, à juste titre, des plaintes graves et presque universelles. Enfin, la législation actuelle concernant les ouvriers n'offre, à cette classe nombreuse, aucune protection contre la cupidité et le despotisme des entrepreneurs d'industrie; nulle précaution n'est prise pour garantir aux individus employés dans les manufactures la santé, la moralité, l'instruction et la prévoyance.

Toutefois, la société tout entière a un grand intérêt à prévenir toutes les causes immédiates ou éloignées de l'indigence et de la démoralisation. Or, c'est aux pouvoirs qui la représentent à protéger et à défendre cet intérêt, car ils en ont le droit, comme ils en ont le devoir.

De ces considérations dérive la nécesité de réviser, sous divers rapports, la législation actuelle concernant les pauvres et les classes ouvrières et indigentes.

Pour procéder avec fruit à cette révision, nous pensons qu'il conviendrait d'établir, auprès du ministère de la justice, une commission composée de pairs de France, de députés, de conseillers d'état, de magistrats et de citoyens éclairés, laquelle se livrerait à l'examen de la législation ancienne et moderne, provoquerait, s'il y avait lieu, des enquêtes sur l'état actuel des pauvres, des mendians, des classes ouvrières, etc., et préparerait les projets de lois dont la nécessité, la convenance et l'utilité auraient été démontrées.

C'est à cette commission, dont nous supposons que la formation aurait été adoptée, que nous allons soumettre les observations suggérées par la nature des choses, par l'état actuel de la législation, par l'expérience des faits, et par les écrits de quelques publicistes dont l'autorité ne saurait être dédaignée.

CHAPITRE II.

DES LOIS RELATIVES AU SOULAGEMENT DES PAUVRES.

Res sacra miser.

« La société doit des secours à l'homme privé des moyens de pourvoir à son existence. Mais dans quelles limites ces secours doivent-ils être restreints? suivant quel système doivent-ils être administrés pour ne pas grever la société d'une charge trop pesante, et pour ne pas encourager l'oisiveté? C'est un problème qui, depuis long-temps, a fixé l'attention des hommes d'état, des personnes vouées au bien public, et dont la solution est loin d'être complète. »

« Il ne suffit pas, pour la résoudre, d'examiner, en remontant à l'origine de la société, quels sont les droits du pauvre. Des principes vrais en eux-mêmes, des théories spécieuses et très brillantes, peuvent conduire, dans leur application, à des conséquences funestes et à des résultats tout-à-fait contraires au but proposé. »

« L'assemblée constituante avait chargé un de ses comités de lui présenter un plan pour l'extinction de la mendicité et l'administration des secours publics. Les rapports de ces comités, ainsi qu'on a pu en juger par ce que nous

avons cité, sont dignes d'intérêt. Ils respirent l'amour de l'humanité. Ils renferment des documens précieux, de judicieuses observations, des vues utiles et lumineuses ; mais le comité y posa pour premier principe, et comme base de tout son système, que le soulagement de l'indigence était une dette nationale que l'état devait acquitter directement. Ce principe est développé avec éloquence dans les rapports du comité, et il était facile de l'appuyer sur des considérations puisées dans les sentimens les plus nobles et les plus patriotiques. Mais quelles étaient les conséquences que le comité lui-même en déduisait? Le soulagement de l'indigence étant une dette nationale, tous les fonds destinés à secourir les pauvres étaient remis entre les mains de l'état, et l'état devait pourvoir, sur les revenus publics, aux secours nécessaires pour assurer l'existence des enfans, des vieillards et des malades, et pour suppléer, à l'égard des pauvres valides, au manque du travail ou à l'insuffisance de son produit. »

« Quelque audacieuse qu'elle ait été dans ses créations, l'assemblée constituante redouta les suites de son système. Ce ne fut que sous la convention que des lois furent rendues sur des bases analogues. Les orages révolutionnaires permirent à peine d'en essayer l'exécution, et bientôt après elles furent rapportées. Mais un semblable système, eût-il été adopté dans des temps de tranquillité, que ses résultats en auraient été funestes. On aurait vu peu à peu la charité renoncer à des bienfaits dont elle n'aurait plus eu le pouvoir de déterminer l'application; le pauvre, assuré d'obtenir du gouvernement des moyens d'existence, ne plus les chercher dans l'emploi de ses forces et de son industrie; le nombre des indigens s'accroître progressivement, les demandes de secours se multiplier dans la même proportion; l'urgence et l'étendue des besoins entraîner le gouvernement malgré lui à augmenter les ressources destinées à y faire face, et enfin cette dépense toujours crois

sante menacer d'absorber les revenus de l'état et de le conduire à sa ruine. »

«< En Angleterre, on est parti d'un point différent, et les suites n'en ont été pas moins fâcheuses. On a posé en principe que chaque paroisse devait pourvoir aux besoins de ses pauvres. Ce principe n'avait rien que de juste en soi; mais on en a conclu que si les contributions volontaires des paroissiens n'étaient pas suffisantes pour subvenir à ces besoins, il fallait suppléer à cette insuffisance par une taxe forcée. Les administrateurs des pauvres ont été chargés d'imposer et de régler cette taxe, de concert avec le juge de paix. Aucune limite n'a été fixée, et toutes celles que la prévoyance n'a pu poser ont été franchies. >>

Ces observations appartiennent au judicieux traducteur des rapports présentés, en 1817 et 1818, à la chambre des communes d'Angleterre par le comité chargé de l'examen des lois relatives aux pauvres (1). On les trouve dans la préface dont il a fait précéder sa traduction, et où il établit le parallèle de l'administration des secours publics en France et en Angleterre.

Nous regrettons que ce publiciste éclairé, auquel nous avons emprunté des notions précieuses, n'ait pas donné à son travail tout le développement dont il était susceptible. Nous nous sommes efforcés d'y suppléer dans l'exposé historique de la législation française et anglaise sur les pauvres. Nous chercherons à traiter ici les questions qu'il n'a que légèrement indiquées.

Il existe en ce moment deux systèmes de secours à l'égard des pauvres.

Le premier admet le droit légal des pauvres à l'assistance publique ; il entraîne la nécessité d'une organisation générale et complète de secours en faveur de tous les individus, sans exception, qui éprouvent les rigueurs de

(1) Rapports sur les lois relatives aux pauvres en Angleterre, traduits de de l'anglais. Paris, chez Delaunay, 1818.

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