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gine historique de la législation anglaise que nous avons exposée suffisamment ailleurs. On sait que la destruction des établissemens religieux et charitables et la politique du clergé et de l'aristocratie d'Angleterre, ont amené et conservé les lois qui substituent des aumônes volontaires forcées aux aumônes volontaires et libres. On connaît également les résultats déplorables de cette législation, et nous ne sommes pas surpris qu'ils soient l'objet de plaintes si générales et si vives. Ces résultats étaient infaillibles, puisque la législation ne s'était pas basée sur les deux lois sociales du travail et de la charité. En confondant les principes, on s'exposait à ces conséquences funestes que l'économie politique déplore aujourd'hui avec tant d'amertume et qui lui font même révoquer en doute l'utilité de la plupart des institutions de charité.

Aux notions que nous avons déjà données sur les effets des lois sur les pauvres d'Angleterre, et pour mieux prouver comment on les apprécie dans ce royaume, nous ajouterons ici quelques observations extraites du rapport fait à cet égard en 1817, à la chambre des communes de la Grande-Bretagne.

« De cette taxe forcée pour les pauvres, imposée sur les fonds qui étaient le fruit du travail et de l'industrie, devait résulter dans la suite, et avec les progrès de la population qu'on s'était proposé de favoriser par ce réglement, un effet fâcheux, celui de diminuer dans les classes. laborieuses cette activité qui, par la nature des choses contribue si puissamment au bonheur et au bien-être des hommes en société. »

<«< En considérant l'augmentation du nombre des pauvres et celle des fonds perçus pour les secourir, le comité n'a pu se dissimuler, qu'en affaiblissant ce penchant naturel qui porte l'homme à l'industrie et à la bonne conduite, en rendant moins nécessaire de pourvoir dans la saison de la santé et de la vigueur, aux besoins qui doivent accompa

gner la vieillesse et la maladie, en faisant de la pauvreté et de la misère, les conditions requises pour obtenir des secours, ce système n'ait favorisé l'augmentation des dépenses qu'il devait diminuer, et n'ait donné lieu à des demandes illimitées sur des fonds qu'il ne peut contribuer à augmenter. >>

«< D'un autre côté, comme tout système de secours fondé sur des moyens coercitifs, exclut toute idée et tout caractère de bienfaisance, il en exclut aussi les effets salutaires. Comme la charité n'en est point le mobile, il ne produit aucun sentiment de reconnaissance, et souvent, au contraire, crée des dispositions et des habitudes propres à séparer, plutôt qu'à rejoindre, les intérêts des classes élevées et ceux des classes inférieures de la nation. On ne laisse pas même les affections naturelles suivre leur propre impulsion, et l'obligation de secourir les plus proches parens a été prescrite par une loi positive qui serait continuellement violée si l'on n'invoquait l'autorité des magistrats pour la faire respecter. »>

« Les progrès de ces maux, qui sont inhérens au système même, paraissent avoir été favorisés par les circonstances des derniers temps, par l'extension donnée à la loi dans la pratique et par la manière dont on s'est écarté de quelques-unes de ses dispositions les plus importantes. Le résultat, toutefois, paraît avoir été extrêmement préjudiciable au caractère moral et par conséquent au bonheur d'une grande partie du peuple qui a été réduite à l'humiliante nécessité de vivre aux dépens des paroisses, tandis que le reste de la nation est écrasé de contributions prises sur des ressources qui auraient été appliquées avec plus d'avantages à des travaux où cette classe aurait trouvé de l'occupation. >>

« Après avoir examiné les difficultés de répartir la taxe des pauvres d'une manière juste et égale, le comité regarde comme un devoir impérieux de déclarer à la chambre

qu'il y a tout lieu de penser qu'à moins d'un obstacle puissant, le montant de la taxe continuera à augmenter jusqu'à ce qu'à une époque plus ou moins éloignée, suivant les progrès que le mal a déjà faits dans différentes parties du royaume, il ait absorbé les revenus de la propriété sur laquelle la taxe est établie et produit par-là l'abandon et la ruine des propriétés territoriales, la perte et le transport à l'étranger des autres espèces de propriétés, et enfin, la subversion totale de cet heureux état social qui s'est maintenu si long-temps dans cet empire. »

Sur la question de savoir jusqu'à quel point l'augmentation de la taxe était possible, le comité pense que l'accroissement continuel des fonds prélevés pour être distribués aux pauvres, ne servira qu'à enfoncer, de plus en plus et sans retour, les classes laborieuses dans l'abîme des maux attachés à la condition des pauvres. La véritable bienfaisance et la charité indiquent d'autres moyens que l'on ne peut mieux exprimer qu'en empruntant ces paroles énergiques de M. Burke: « Il faut recommander la patience, la frugalité, le travail, la sobriété et la religion; le reste n'est que fraude et mensonge. »

Nous n'avons besoin de rien ajouter à cette conclusion si imposante, elle résume toute la pensée de notre ouvrage, et nous n'aurions pu fournir d'argument plus puissant en sa faveur.

En revenant au système que nous proposons d'adopter en France et qui pourrait très probablement être appliqué à tous les états chrétiens, nous devons faire remarquer qu'il consacre, comme les lois anglaises, une taxe forcée en faveur des pauvres; mais c'est seulement en faveur d'une catégorie tout-à-fait exceptionnelle de pauvres, et qui ne peut entraîner aucune conséquence fâcheuse pour l'ordre social. Ce n'est pas la pauvreté seule, ce serait l'infirmité entraînant l'impuissance de travailler, ce serait l'enfance ou la vieillesse abandonnées qui auraient droit

et part aux secours forcés. Dès lors on n'aurait point à craindre l'accroissement progressif de ces secours et les désordres moraux du paupérisme.

En fait, notre proposition se borne à demander que la charité légale embrasse, pour l'avenir, la totalité d'une classe d'infortunés, dont une partie, seulement, participe aujourd'hui à ses bienfaits.

Dans nos villes, dans les campagnes surtout, beaucoup de vieillards, d'infirmes, de malades n'ont pu être admis dans les hospices ou aux secours à domicile, faute de place ou de fonds, tandis que d'autres, plus heureux, ont eu la priorité et la préférence. Notre système tend à ce que tous, sans exception, soient convenablement secourus par la communauté, lorsqu'une enquête régulière et exacte, confiée à des ministres de la charité, aurait constaté leurs infirmités et l'impuissance de leur famille à les entretenir et à les soigner.

CHAPITRE III.

DES LOIS DESTINÉES A PRÉVENIR L'INDIGENCE.

Le premier devoir des gouvernemens est de rechercher et de prévenir les causes génératrices de la misère.

UNE bonne législation sur les pauvres ne saurait se borner à assurer les secours les plus efficaces pour le soulagement de l'indigence. Elle doit embrasser les moyens de prévenir cette indigence elle-même, autant que la prévoyance humaine peut s'étendre sur ce point. C'est aux causes du mal, non moins qu'au mal même, qu'elle doit apporter des remèdes

Mais ces causes, il faut les étudier, les approfondir, les constater.

Nous avons, dans le courant de cet ouvrage, cherché à exposer toutes celles qui, immédiatement ou médiatement, produisaient l'indigence dans les classes inférieures de la société.

Ces causes proviennent à la fois des pauvres, des riches, de la société, des gouvernemens et enfin de l'application de la charité. L'immoralité, l'ignorance et l'imprévoyance chez les pauvres, la cupidité, l'égoïsme, l'absence de charité chez les riches. Dans l'ordre économique, l'accroissement excessif de l'industrie manufacturière et l'abandon de l'agriculture et de l'industrie nationale; chez les gou

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