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des conseils, auxquels ils seraient exactement convoqués ; ils exerceraient près de ces conseils les fonctions de commissaires du roi, donneraient leurs avis et leurs observations, et les feraient, s'il y avait lieu, consigner dans les registres des délibérations.

Les évêques nommeraient dans chaque paroisse rurale un conseil particulier de charité, présidé par le curé, et désigneraient parmi les ecclésiastiques de la paroisse un prêtre chargé des fonctions d'aumônier paroissial. L'organisation actuelle des commissions administratives des hospices et des bureaux de bienfaisance serait conservée; les membres sortans seraient de droit membres du conseil de charité; ils en recevraient le titre du grand-aumônier, sur la proposition des préfets.

Si nous ne nous abusons pas, cette organisation nouvelle, ou toute autre analogue, de l'administration générale des secours publics, appliquée avec la sagesse et le discernement que l'on doit désirer dans une matière si importante, ne saurait manquer de produire les plus heureux résultats. Elle procurerait, avec la connaissance exacte du nombre, de la situation et des véritables besoins de chaque classe de pauvres dans les diverses contrées du royaume, celle des ressources que peuvent offrir chaque ville, chaque commune, chaque hameau. Dans la réunion des hommes charitables et éclairés qui feraient partie des conseils, on examinerait mûrement les moyens les plus convenables, les plus moraux et les plus sûrs de soulager et de prévenir la misère. De toutes parts abonderaient les lumières, les conseils, la vérité. Désormais tous les efforts isolés, réunis et fortifiés par l'association et par la confiance, éclairés par l'expérience et les faits, concourraient à un même but ; l'aumône recevrait la destination la plus utile, la véritable misère serait soulagée, la charité et le travail, la religion et le pouvoir civil, désormais étroitement unis, parviendraient tôt ou tard, nous en avons

l'espérance, à résoudre le grand problème de l'extinction de la misère, autant du moins qu'il est permis aux institutions humaines d'y prétendre.

Nous n'avons pas cherché à présenter ici un projet complet dans tous les détails. Si l'idée principale était admise, son examen et sa rédaction définitive pourraient être confiés à une commission d'hommes d'état (1).

(1) Nous ne nous dissimulons point qu'un système qui tend à replacer la direction principale de la charité publique entre les mains des ministres de la religion, paraîtra étrange, dans les temps où nous sommes. Est-ce notre faute ou celle de l'époque actuelle? Nous laissons aux hommes de bonne foi à décider cette question. Il nous paraît éminemment raisonnable, cependant, que Padministration de la charité soit dirigée et appliquée principalement par les hommes dont l'existence tout entière est consacrée à l'exercice de cette vertu sublime. Il nous semble absurde qu'il en soit

autrement.

Du reste, nous n'avons pas écrit seulement pour la France et pour le moment présent. Dans les pays catholiques, ou même sincèrement chrétiens, l'organisation que nous proposons ne saurait éprouver aucun obstacle, ni aucune objection fondée, du moins, quant à son principe. La France l'adoptera certainement, ou toute autre analogue, lorsqu'elle sera régie par un gouvernement qui voudra fortement améliorer le sort des pauvres, et qui osera avouer et appliquer franchement les principes du christianisme, dans son langage comme dans ses actes.

CHAPITRE III.

bais

DES COMMISSIONS ADMINISTRATIVES DES HOSPICES E1

DES BUREAUX DE BIENFAISANCE.

Le véritable administrateur de la cha

rité, c'est le visiteur du pauvre.

Le choix des membres des commissions administratives des hospices et de charité est d'une haute importance dans le système des secours publics.

Des qualités rares à réunir et à rencontrer sont, en effet, indispensables dans les hommes auxquels un état relevé et une fortune indépendante permettent de consacrer une partie de leur temps à des intérêts aussi sacrés que ceux des pauvres. Ils doivent être recommandables non seulement par leur conduite et par leur probité, mais encore par un caractère particulier de générosité et de bienveillance, et surtout par l'habitude de la charité en action. L'homme le plus régulier dans ses affaires, mais d'une régularité tellement austère qu'elle ne se dément jamais par aucun sacrifice pécuniaire dans les momens qui les sollicitent le plus vivement, n'est pas celui qui compatira aux misères éventuelles des affligés. Sans doute il gérera les affaires de l'administration avec une droiture et une fermeté inaltérables; mais ce stoïcien ne sera sensible

à aucun événement extraordinaire. Il suivra la règle sans jamais permettre aucune exception. Il faut aux malheureux une âme plus compatissante. Mais s'il faut des hommes animés d'un véritable esprit de charité, il faut aussi des hommes à la hauteur des lumières, disposés à accueillir les vues d'amélioration qui leur sont suggérées, empressés à profiter des découvertes nouvelles de l'industrie économique, et surtout convaincus de la nécessité de répandre, dans les classes ouvrières, les bienfaits de l'instruction, le goût et l'amour du travail.

Dans quelques villes considérables une seule commission est ordinairement investie de l'administration des établissemens hospitaliers et des autres secours à distribuer à l'extérieur. Cette double attribution a ses avantages; mais elle offre des inconvéniens: les membres de ces administrations, suffisamment occupés de la direction et de la surveillance des maisons de charité, n'ont point assez de temps à donner à la distribution individuelle des secours publics. Dans les lieux où il existe un grand nombre de pauvres, ils s'en rapportent en général presque exclusivement à la police municipale pour la formation des listes d'indigens et à quelques hommes charitables et officieux pour la distribution des secours à domicile, qui consistent presque toujours en argent ou en pain, périodiquemént réclamés par les pauvres chez chaque distributeur.

Nulle investigation, nul discernement ne président en général à ces distributions qui ne procurent qu'un soulagement momentané et donnent quelquefois lieu à des abus.

Pour suppléer, sur ce point, à l'insuffisance des commissions charitables, il a été établi, dans plusieurs villes importantes, à Paris, à Lille et autres, des bureaux de charité pour chaque paroisse, composés du curé, président, et de quelques personnes charitables. Ce bureau correspond avec la commission administrative, et est chargé de

la répartition, de la distribution des secours entre les pauvres de la paroisse. Cette organisation, si utile, indispensable même, dans les villes où se trouvent beaucoup de pauvres, particulièrement dans les villes manufacturières, devrait être prescrite dans toutes celles où la population s'élève au-dessus de cinq mille habitans; mais, pour la rendre complétement efficace, et en même temps pour faciliter les travaux des commissions administratives, il nous paraîtrait nécessaire de l'accompagner de deux institutions propres à propager l'esprit d'association et de charité, et qui offriraient d'autres avantages sociaux et politiques incontestables. L'une serait la création de jeunes auditeurs ou membres adjoints près des commissions administratives; l'autre, la création de visiteurs des pauvres.

La première de ces institutions aurait pour objet de former en quelque sorte une pépinière d'administrateurs charitables. Elle consisterait à adjoindre, à chaque commission administrative des hospices, un certain nombre de jeunes gens de dix-huit à trente ans, recommandables par leur conduite honnête, leurs vertus et leurs principes. Nommés par le préfet, sur la présentation des commissions administratives, ils assisteraient tour à tour aux séances de la commission, inspecteraient, suivant la mission qui leur en serait donnée, les salles des hôpitaux et des hospices, les écoles, les ateliers de travail et la tenue de la comptabilité; ils pourraient être chargés de vérifier et de contrôler périodiquement la liste des indigens secourus à domicile, de vérifier les demandes d'admission aux hospices ou aux secours; ils s'initieraient ainsi, par des travaux utiles, et surtout par de bonnes œuvres, à la science de la charité administrative.

La seconde institution se composerait de toutes les personnes charitables des deux sexes, âgées de trente ans au moins, qui consentiraient à se dévouer à la charité active et aux nobles, mais souvent pénibles fonctions de visiteur

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