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des pauvres. Leur nombre serait indéfini: elles seraient nommées par le préfet, sur la proposition des administrateurs charitables.

Les visiteurs des pauvres recevraient de leur bureau de charité une liste des indigens qu'ils seraient chargés de visiter, de soigner et de surveiller à domicile. Ils devraient étudier la situation physique et morale de chacun d'eux, leurs besoins, leurs vertus, leurs défauts; s'attacher à les secourir, non seulement dans leur misère matérielle, mais aussi dans leur indigence morale; ils feraient, sur chaque famille, sur chaque individu, un rapport raisonné, dans lequel ils indiqueraient la nature et la quotité du secours nécessaire. Lorsque le bureau aurait fixé ce secours, les visiteurs des pauvres seraient chargés d'en faire l'application la plus utile dans l'intérêt de l'indigent. Ils en surveilleraient l'emploi ; ils tiendraient note des progrès de l'indigent vers une amélioration physique et morale, comme de sa persévérance à demeurer dans la dégradation et les vices dont on veut le faire sortir (1).

Ou nous nous laissons aller à une grande illusion, ou ces deux institutions opéreraient l'amélioration la plus heureuse dans la théorie et la pratique de la charité. Il est facile d'entrevoir d'ailleurs quel avantage on trouverait à placer sur un pareil terrain l'activité et les passions généreuses de la jeunesse.

Nous sommes d'autant plus fondés à avoir foi dans l'excellence d'une telle création, que l'idée première, due à plusieurs philantropes distingués, et entre autres à M. le baron de Woght, se trouve recommandée et appuyée du suffrage précieux de l'auteur du Visiteur du pauvre, ouvrage qui, au mérite littéraire et de la spécialité, réunit

(1) Une institution analogue existe à Leipsik, auprès de l'institut des pauvres; mais elle est particulièrement appliquée au soulagement des personnes malheureuses qui séjournent dans cette ville avec l'agrément de l'autorité.

tant d'onction, de douce sensibilité, d'ardente charité et de spiritualité religieuse, qu'à chaque page on croit lire dans l'âme de l'écrivain, et que l'on s'écrie involontairement : Voilà la véritable philantropie chrétienne !

Le Visiteur du pauvre ne saurait en effet être trop lu, trop médité. Nous avons regardé comme une heureuse inspiration celle d'un grand nombre de bureaux de bienfaisance de la Belgique, qui ont fait imprimer cet ouvrage dans un petit format, à très bon marché, afin de le répandre parmi tous les hommes appelés à s'occuper du ministère de la charité. Cet exemple devrait être suivi en France et dans toute l'Europe chrétienne : on ne saurait offrir de meilleur code de la charité à nos auditeurs et à nos visiteurs charitables (1).

Dans les villes où la population ne s'élève pas à cinq mille habitans, et qui n'ont qu'un canton ou une paroisse, la commission administrative des hospices, s'il y en existe, ou le bureau de bienfaisance, pourraient suffire à la fois à l'administration des établissemens et à la distribution des

(1) Dans cet écrit, M. le baron Degérando a voulu surtout montrer combien il est nécessaire d'établir une entière harmonie entre la bienfaisance publique et la charité privée : comment l'office du visiteur du pauvre est l'instrument le plus utile de la première, le meilleur moyen pour l'exercice de la seconde; comment, à côté de la charité imparfaite et vicieuse qui se borne à donner, il est une charité plus vraie, une charité active, vigilante, qui apporte plus que des dons, qui apporte des soins, des conseils, des encouragemens ; comment cette charité est à la portée de tous. ceux qui prennent quelque intérêt au sort des malheureux; comment cette charité active trouve en elle-mêmc sa récompense en contribuant puissamment à l'amélioration morale de ceux qui s'en rendent les ministres.

M. Degérando a réuni dans cet écrit toutes les considérations qui peuvent engager l'administration publique à invoquer l'assistance du visiteur du pauvre, et les simples particuliers à faire, de la visite du pauvre, la condition essentielle du bon emploi de leurs aumônes. Il s'occupe en même temps de prêter à cette charité active toutes les directions qui peuvent lui être utiles; il la suit dans ses fonctions auprès de l'indigence. Il l'admet dans le sein des divers établissemens publics, appelle son concours pour ramener ces établissemens à leur destination véritable, et la met en rapport avec les

secours. Les visiteurs des pauvres lui serviraient d'agens naturels; mais, dans ces communes, un des ecclésiastiques, désigné par l'évêque du diocèse comme aumônier, devrait être placé à la tête des visiteurs des pauvres, les réunir, les diriger, les éclairer, vérifier et contrôler les listes des indigens, et être consulté sur leur formation. Il devrait être chargé lui-même de distribuer les dons de la charité. On ne doit pas oublier que la main de la religion donnera toujours plus de prix aux secours, et appellera bien davantage la confiance des personnes charitables.

La création de la nouvelle grande-aumônerie de France, des conseils de charité, des auditeurs et des visiteurs des pauvres nous semblent présenter un ensemble propre à satisfaire à tous les besoins de l'administration, et à donner à l'emploi des secours publics une direction sage et éclairée. Nous ajouterons à cet avantage celui d'obtenir des ressources plus considérables; car d'une part, les aumônes viendraient naturellement se verser dans les caisses d'une administration consacrée par la religion et la charité; elles seraient plus abondantes, plus assurées; de l'autre, leur application serait nécessairement meilleure et plus efficace. On parviendrait ainsi à obtenir plus de moyens de faire le bien et plus de certitude de le bien faire, double but que l'on doit se proposer.

associations volontaires de bien public. C'est la vie du visiteur du pauvre qu'il a voulu tracer, telle qu'elle peut convenir cependant aux gens du monde. Il a décrit ses études, ses travaux, recueilli ses observations et le fruit de son expérience. Il a pénétré dans tous les secrets de la pauvreté, du cœur du pauvre, il a également révélé tous les secrets de la charité. L'on est devenu meilleur, lorsqu'on a ouvert ce livre, duquel on peut dire, à juste titre, que ce n'est pas seulement un bon ouvrage, mais une bonne action.

CHAPITRE IV.

DES ASSOCIATIONS DE CHARITÉ.

Nous sommes tous frères et membres d'un même corps, parce que nous n'avons qu'un même père, qui est Dieu. Il s'ensuit qu'ayant la même origine, nous devons avoir les mêmes sentimens, être animés d'un même esprit, et contribuer tous ensemble au bien commun, ainsi que les pierres concourent au maintien d'une voûte par leur assemblage et leur union.

L'ORGANISATION administrative des secours publics se trouvant complétée, il s'agirait d'appeler l'esprit d'association à lui servir d'auxiliaire. Les avantages du principe d'association appliqué à la pratique de la charité ne sauraient être méconnus. Nous avons déjà cherché à les faire apprécier, et il nous paraît superflu de les développer davantage.

Les associations charitables peuvent être classées en quatre catégories.

1o Les associations religieuses, soumises à des vœux, à des statuts, à des noviciats, qui se dévouent exclusivement aux exercices de la charité, soit dans les hôpitaux. et dans les hospices, soit dans l'enseignement des classes

pauvres.

2o Les associations fondées sur l'esprit religieux, mais sans vœux particuliers, soumises seulement à quelques pratiques de piété, et ayant pour but le soulagement de l'indigence dans sa généralité, ou pour des cas spéciaux.

30 Les associations volontaires de bienfaisance ou de philantropie, agissant par un esprit d'humanité et de bien public, indépendant des considérations religieuses, s'appliquant à des actes de bienfaisance générale, ou à des besoins particuliers.

40 Les associations formées entre des personnes de même profession ou réunies par des intérêts communs, pour s'assister mutuellement, en cas de nécessité.

Chacune de ces classes d'associations agit dans sa sphère avec plus ou moins d'efficacité, suivant que le principe sur lequel elle est basée a plus de force et d'empire. Mais quel que soit leur degré d'utilité, toutes nous paraissent devoir être multipliées et favorisées.

Nous n'avons pas besoin de faire sentir ici les motifs. qui placent, au-dessus de toutes les institutions de ce genre, les congrégations religieuses hospitalières et d'enseignement gratuit. Leur dévouement sublime, leur désintéressement, leur perpétuité sont des caractères auxquels on ne peut méconnaître une origine céleste, et une sorte de miracle perpétuel de charité. Spéciales et cependant applicables à toutes les bonnes œuvres sans exception, rien dans les institutions humaines les plus parfaites ne saurait approcher de leur admirable efficacité. Il est donc de la sagesse, de la reconnaissance et du devoir des gouvernemens catholiques de favoriser, autant qu'il est possible, la propagation de ces saintes associations.

La France, heureuse du moins sous ce rapport, n'a pas à désirer que le nombre des congrégations religieuses de charité s'augmente, mais seulement qu'elles étendent leurs rameaux bienfaisans. Nous avons déja fait remarquer que la diversité des instituts serait même plutôt nuisible qu'utile.

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