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les Traités d'Agriculture et de Morale, le Manuel du Jardinier, du laboureur, du menuisier, du menuisier, du maçon, composeraient la bibliothèque des communes. On y joindrait un traité d'architecture rurale, livre précieux pour le bienêtre des villageois, et qui, entre les mains de maires éclairés, changerait en moins de cinquante ans, l'aspect de la France. Rien, au reste, n'est plus facile que d'étendre cette nomenclature. Les meilleurs livres sont toujours le meilleur choix. Je connais un village en Bourgogne, où, durant les longues veillées d'hiver, les jeunes filles se partagent le travail d'une de leurs compagnes, chargée de lire à haute voix les Aventures de Télémaque, livre sublime, composé pour l'éducation des princes, et qui, par les douces peintures de la vie champêtre, charme encore les jeunes filles de nos hameaux. »

M. Aimé Martin exprime aussi le vœu que les curés, seuls légitimes, seuls véritables pasteurs de nos campagnes, pussent joindre au saint enseignement de la véritable religion (qui non seulement expose les dogmes de l'Evangile, mais apprend aussi une morale sublime, l'amour du prochain, l'amour du genre humain), la lecture de quelques bons traités de morale et d'agriculture. Ce désir est louable, et nous ne pouvons que le partager, car nous regardons la participation du ciergé comme éminemment utile à tout ce qui concerne le véritable bonheur du peuple. Ainsi, nous aimerions à voir nos pasteurs appelés de nouveau à contribuer aux progrès d'une industrie qui s'accorde si bien avec des mœurs douces et pures, et qui leur a dû dans tous les siècles, des encouragemens et des exemples que l'on ne peut oublier. Sans rappeler ici les défrichemens de l'ancienne Gaule, opérés par les moines et les perfectionnemens de toute espèce introduits par les ordres religieux, on pourrait citer une foule d'améliorations dues aux efforts et aux lumières de plusieurs évêques ou membres du haut clergé. Nous nous bornerons à rappeler que

les vignobles des environs de Toul, en Lorraine, étaient de nulle valeur avant que le vénérable évêque Drouas eût appris aux propriétaires l'art de bien cultiver les vignes, et de bons procédés pour la confection des vins.

On semble craindre aujourd'hui de voir les ministres de la religion s'associer à l'enseignement public et à l'administration de la charité. Comment ne pas apercevoir, cependant, la relation si naturelle, si nécessaire, si indestructible, qui existera toujours entre la religion et la morale publique, entre la morale, le travail et l'instruction, entre la morale et l'ordre, la prévoyance et l'économie? Qu'on y pense bien : le bien-être des populations qui souffrent ne saurait s'opérer sans l'appui vivifiant de cette religion qui s'appuie sur la charité, sur le développement de l'intelligence, sur l'esprit d'association, sur toutes les vertus enfin, et qui semble elle-même avoir indiqué l'agriculture aux hommes comme la plus morale et la plus profitable de toutes les industries (1).

(1) « Commerce, commerce! c'est le premier cri de quelques politiques ; or et argent! c'est le second. Nous ne condamnons point ces ressources; il est des temps et des états où elles peuvent être utiles. »

<< Mais nous l'avons déjà dit, les anciens législateurs n'y mettaient point leur confiance. De la religion, disaient-ils, des mœurs, une agriculture vigoureuse, un peuple nombreux et content; liberté, sûreté, santé, aisance partout; excès de superflu nulle part. Tels étaient les ressorts et le but de leur administration. Telles furent aussi les vues de Moïse sur les Hébreux. »

« Voulez-vous savoir quelle était à ses yeux la véritable opulence des nations? c'étaient les subsistances, le blé, le vin, les fruits, les bestiaux, tout ce qui sert à nourrir et à vêtir l'homme. »

« Voilà les richesses qu'il ambitionne pour son peuple, les biens qu'il lui annonce et qu'il veut leur procurer. »

« L'or et l'argent, que tant de politiques désirent pour les états, il ne les bannit pas de la république, comme firent quelques législateurs grecs; mais content d'en avoir assez pour faciliter les échanges, il ne crut pas devoir s'occuper beaucoup du soin de les attirer. Moïse ne défend pas le commerce extérieur : mais parce que trop souvent, dans le commerce, les citoyens périssent, les mœurs s'altèrent, l'amour de la patrie s'éteint, il

devait le craindre pour sa colonie naissante. Les plus sages nations du monde, Egyptiens, Indiens, Chinois, le craignaient de mème. »

« Le commerce intérieur n'a point ces inconvéniens. C'est l'âme des grands états. Il leur est très nécessaire, et, presque toujours, du moins très long-temps, il leur suffit. »

« Moïse n'interdit pas non plus les arts à ses concitoyens, comme firent quelques législateurs. Mais, dans l'esprit de sa législation, ils ne devaient être exercés que dans les momens de relâche que leur laissaient les travaux champêtres. Ce devait être plutôt l'occupation des étrangers et des esclaves. Il laisse à ceux-ci ces occupations qui attachent l'homme sur la sellette, ou le renferment dans l'air insalubre des ateliers et des fabriques. L'agriculture est l'art auquel il veut que les Hébreux s'appliquent. C'est à l'air libre et pur, aux travaux fortifians, à la vie saine de la campagne qu'il les appelle. Les législateurs de Rome et de la Grèce pensèrent de même. Dans ces républiques, l'artisan, est l'homme obscur, et le propriétaire cultivateur, le citoyen distingué. Les tribus urbaines le cédaient aux tribus rustiques. C'étaient de celles-ci qu'on tirait les généraux et les magistrats, et leurs suffrages décidaient de toutes les affaires.» (Lettres de quelques juifs portugais.)

CHAPITRE IV.

DE LA RÉVISION DES LOIS CONCERNANT L'AGRICULTURE EN FRANCE.

Les choses en sont encore à peu près au point où elles étaient il y a quarante ans, et l'industrie agricole, toujours entravée par des dispositions législatives qui arrêtent les développemens qu'elle s'efforce de prendre, se traîne péniblement dans cette lutte qui prépare, souvent pour elle, unc carrière de dégoûts et de revers.

(MATH. DE DOMBASLE.)

LA création des établissemens destinés à répandre les lumières pratiques et théoriques de la science agricole en France et la multiplication des communications intérieures propres au transport des produits de l'agriculture (condition impérieuse de toute amélioration), ne sont pas les seuls bienfaits que l'agriculture puisse attendre d'un gouvernement éclairé. Il est des obstacles à son perfectionnement jusque dans nos lois elles-mêmes. Il s'agit de les faire disparaître, ou du moins de les affaiblir.

Depuis long-temps les vices de notre législation rurale ont été l'objet de plaintes générales. Un grand nombre d'écrivains et d'hommes d'état se sont appliqués à les étudier et à les révéler à l'attention du gouvernement et des esprits éclairés. En les examinant aujourd'hui, nous n'obéissons

pas seulement à la conviction qui nous fait envisager les progrès de l'agriculture comme la base la plus sûre du soulagement des classes indigentes. Ce but se trouve intimement uni aux intérêts généraux du pays, et toutes les classes de la société peuvent le revendiquer également.

Parmi les observations inspirées à ce sujet par un amour éclairé du bien public, nous devons citer les réflexions judicieuses et énergiques de l'un des plus savans agronomes dont s'honore la France.

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Depuis que l'on a fait des tentatives pour introduire dans le royaume les améliorations que l'agriculture a reçues de nos jours, dit-il, on s'est aperçu que notre législation agricole, créée pour un autre état de choses, formait des obstacles qui arrêtaient à chaque pas le cultivateur qui voulait donner l'essor à son industrie. »>

<«< Depuis long-temps il était reconnu, par les hommes qui ont apporté quelque attention à cet objet, que cette législation était vicieuse sur plusieurs points très essentiels, même en la considérant dans son application à l'ancien système de culture. Mais les obstacles insurmontables que plusieurs de ces dispositions présentaient à l'adoption de tous les perfectionnemens, a attiré d'une manière plus particulière les regards des agriculteurs sur cette construction gothique, et en ont fait mieux apercevoir les défauts. De toutes parts on en a demandé la réforme, et un cri unanime s'est élevé pour solliciter du gouvernement le bienfait d'un code rural. >>

« A plusieurs reprises, on avait pu espérer que ce vœu serait entendu. Des projets avaient été dressés et discutés. Mais le malheur de nos dissensions civiles, ou la diversion produite par des guerres désastreuses qui absorbaient toute l'attention des hommes placés à la tête du pouvoir, ont empêché que l'on vit se réaliser un projet qui intéressait néanmoins si puissamment la richesse et la prospérité de notre patrie. >>

III.

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