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existent à cet égard en France: il ne s'agit que de les imiter.

Un point important, sur lequel nous devons appeler l'attention de l'autorité publique, c'est la légalité de l'admission des aliénés dans les établissemens publics et particuliers. Trop souvent ces malheureux y sont conduits sans qu'aucune des formes protectrices prescrites par les lois ait été observée. Nous pourrions citer telle grande ville du royaume où la majeure partie des aliénés, placés dans un quartier de l'hôpital général, avaient été reçus sans jugement des tribunaux, sans enquête de l'autorité compétente; et un tel ordre de choses existait depuis un grand nombre d'années!.....

En principe, la famille doit subvenir à l'entretien de l'aliéné dans l'hospice. Si elle est dans l'indigence, les départemens ou les communes y pourvoient en tout ou en partie. Ce système ne semble devoir entraîner aucun inconvénient moral ou économique. Il suffit d'empêcher les abus.

Il existe en France, d'après les renseignemens statistiques, 11,000 aliénés, sur lesquels il faut compter au moins 7,500 indigens. La dépense annuelle d'entretien doit s'élever, pour chacun d'eux, à environ 500 fr. Ainsi, la dépense totale serait de 2,250,000 fr., dont une grande partie peut être supportée par les familles. Des sociétés de bienfaisance, appliquées au soulagement moral des aliénés, auraient un but aussi charitable qu'utile. On ne peut donc qu'exprimer le vœu de les voir se former et s'étendre partout où les besoins peuvent l'exiger.

CHAPITRE X.

DES MAISONS D'AVEUGLES ET DE SOURDS-MUETS.

Dans votre luxe, ingrats! trompant la Providence,
N'épuisez donc pas seuls votre injuste abondance.
Aux droits de votre sang sacrifiez vos droits,
Et corrigez le ciel, le hasard et les lois.

(DELILLE.)

LES aveugles et les sourds-muets indigens se trouvent placés, par le malheur de leur destinée, dans cette catégorie d'êtres infortunés auxquels la charité et l'économie politique reconnaissent, d'un commun accord, que la société doit secours et protection. Ils doivent donc être mis au rang des indigens dont l'état doit se charger, au moins pour leur instruction morale et industrielle, sauf à les rendre ensuite à leurs familles.

L'expérience a prouvé que les aveugles pouvaient acquérir, dans certains métiers, une assez grande capacité pour gagner leur vie au moyen d'un apprentissage suffisant. La belle institution de Paris a résolu ce problème si intéressant pour l'humanité.

Il serait donc convenable que chaque département du royaume envoyât dans cette maison quelques jeunes aveugles qui, après s'y être instruits dans les différentes parties

qu'on y enseigne, pourraient, à leur tour, enseigner la même industrie à leurs compagnons d'infortune.

On calcule qu'il existe en France environ 3,050 aveugles susceptibles de recevoir l'instruction. Sur ce nombre, 2,000 à 2,500 devraient être admis gratuitement dans les instituts spéciaux, à cause de l'indigence de leurs familles.

Les observations qui précèdent s'appliquent aux sourdsmuets, dont le nombre, en France, est évalué environ 20,000, sur lesquels le quart appartient à la classe indigente ou malaisée.

On ne saurait trop réclamer, de la charité publique, la création, au moins, dans chaque chef-lieu de département ou d'ancienne province, d'un établissement spécial enfa veur des jeunes aveugles et des sourds-muets (1). Les villes et les départemens devraient être chargés d'y entretenir gratuitement, pendant le temps nécessaire, ceux reconnus susceptibles de recevoir une instruction suffisante, et dont les familles seraient dans une indigence notoire et constatée.

L'esprit d'association charitable pourrait se diriger avec fruit vers une œuvre aussi recommandable.

Il s'agirait d'entretenir annuellement :

1o Jeunes aveugles indigens, 2,500.

20 Jeunes sourds-muets de naissance, 5,000. La pension est évaluée à 500 par an.

Ainsi la dépense totale s'élèverait à 5,750,000.

(1) L'éducation des jeunes sourds-muets comprendrait l'enseignement des vérités religieuses, d'après les plans de monseigneur d'Astros, archevêque de Toulouse.

(Voir le chapitre XIV du livre III, 2o vol., page 290 et suivantes.)

CHAPITRE XI.

DES HOSPICES D'ORPHELINS ET D'ENFANS ABANDONNÉS.

Visitate pupillos in tribulatione corum.

Le droit des orphelins et des enfans abandonnés indigens, à l'assistance publique, est inscrit en caractères trop manifestes dans le code de la religion et de la charité, pour qu'il soit permis de le révoquer en doute. La seule question qui se présente à leur égard est celle de savoir s'il est préférable de les recevoir et de les conserver dans des hospices spéciaux, ou de chercher à leur donner une famille, en les plaçant en pension chez des maîtres ouvriers ou chez d'honnêtes cultivateurs.

Nous ferons remarquer à ce sujet que les motifs qui engagent à laisser les vieillards pauvres ou les infirmes dans leurs familles, lorsqu'ils en possèdent une, et à se borner en leur faveur à des secours à domicile, ne peuvent s'appliquer entièrement à des enfans auxquels il est plus humain, plus moral, et enfin plus utile, sous le rapport de la société, de donner les moyens de pourvoir un jour par eux-mêmes à leur existence. Nous pensons donc que ce n'est qu'après leur avoir procuré l'éducation morale et l'instruction nécessaires, par les soins de nos admirables hospitalières, qu'il faudrait chercher à confier définitive

ment ces enfans aux soins d'une famille adoptive. Les mesures suivies à ce sujet en Angleterre, et qui sont communes aux enfans trouvés, nous paraissent très sages, et méritent d'être prises pour modèles.

Ces enfans demeurent en nourrice jusqu'à l'âge de cinq ans alors ils reviennent à l'hospice des orphelins pour y recevoir les premiers principes d'une instruction élémentaire. A quatorze ans, on les met en apprentissage chez d'honnêtes maîtres ouvriers ou fermiers, avec la condition expresse qu'on veillera alternativement à la pratique de leurs devoirs religieux. Ce système nous paraîtrait susceptible d'être pratiqué en France; mais nous demanderions que la préférence fût toujours donnée à l'agriculture sur toutes les professions industrielles à enseigner aux enfans.

Réserver spécialement les orphelins et les enfans abandonnés robustes à la carrière des armes, comme cela se pratique dans quelques états, serait une disposition contraire à nos lois. Elle nous semble également opposée aux principes d'une véritable charité. Ainsi nous nous abstiendrons d'en examiner les avantages.

D'après des renseignemens statistiques, il doit exister en France 18,000 orphelins ou enfans abandonnés, dont la dépense individuelle peut être calculée à environ 85 fr. par an. La somme totale s'élève à 1,560,000 fr.

Le soulagement des enfans orphelins ou abandonnés nous paraît devoir exciter à juste titre les efforts des associations de charité. L'on peut donc concevoir l'espérance de ne pas les voir demeurer étrangères à cette œuvre si éminemment pieuse et utile.

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