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CHAPITRE XII.

DES HOSPICES D'ENFANS TROUVÉS.

Qui susceperit parvulum talem
In nomine meo, me suscepit.
(SAINT MATH.)

Les mesures qui pourraient diminuer le nombre des. enfans trouvés, et prévenir les abus de leur admission dans les hospices, appartiennent à des considérations de morale et de législation que nous examinerons ailleurs. Nous ne considérerons donc en ce moment les hospices d'enfans trouvés que dans leur rapport avec le bien-être et l'avenir de ces enfans.

A cet égard, nous pensons que les principes adoptés pour les orphelins et les enfans abandonnés leur sont entièrement applicables.

Ainsi, pendant les six premières années, ils devraient être confiés, comme ils le sont en général aujourd'hui, aux soins de bonnes nourrices, ou, à leur défaut, de sœurs hospitalières; de six à quatorze ans, instruits dans la religion et dans les notions élémentaires qui peuvent leur être utiles. A quatorze ans, placés en apprentissage, et, de préférence, suivant leur force et leur aptitude, chez des fermiers ou cultivateurs, et avec les garanties suffisantes qu'ils recevront des principes et des exemples salutaires.

Notre législation s'oppose à ce que ces enfans soient exclusivement dévoués à servir l'état dans la carrière des armes. Nous n'avons pas non plus à leur accorder la liberté, comme en Russie, ni la noblesse, comme en Espagne. Des philantropes estimables désireraient qu'on dirigeât leur éducation vers les sciences, les arts ou les professions libérales. Nous ne partageons pas leur avis, tout en rendant justice aux motifs qui l'ont dicté. Sans doute, si, parmi ces enfans, il s'en trouvait quelqu'un qui annonçât des dispositions extraordinaires, il faudrait s'empresser de cultiver avec soin, et de favoriser par l'éducation, le développement de ces dons que la nature n'accorde que rarement; mais, hors de ces cas particuliers, nous ne pensons pas que l'état doive faire plus, pour ces enfans, que ce qu'il pourrait faire pour ceux de la classe indigente à laquelle ils appartiennent.

Il est d'ailleurs d'une haute moralité que le préjugé défavorable, attaché à leur naissance illégitime, ne soit pas entièrement détruit. La condition la plus humble, compatible avec un bonheur réel, est donc ce qui leur convient micux, parce qu'elle les expose moins qu'une autre à des blessures de vanité et d'amour-propre. Cette condition, ils la trouveront surtout dans l'agriculture; et c'est pour ce motif, autant que par de nombreuses considérations d'économie sociale, que nous désirerions voir transformer les maisons d'enfans trouvés en institutions agricoles, ainsi que nous aurons l'occasion de l'exposer dans la dernière partie de cet ouvrage.

En Angleterre, l'on a établi en principe, qu'aucun enfant, fruit d'une union illégitime, ne serait admis dans les institutions de charité fondées par l'état ou les particuliers. Les enfans exposés sont recueillis sans doute, mais entretenus comme orphelins. Ce système nous semble parfaitement se concilier avec les lois de la charité qui doivent toujours être empreintes du respect dû à la moralité

publique. Nous conseillerions de l'introduire en France, avec la condition, toutefois, que les précautions les plus exactes fussent prises pour que jamais un orphelin ou un enfant abandonné, de parens légitimes et connus, ne pût être confondu, dans le reste de sa vie sociale, avec les enfans illégitimes.

Les jeunes enfans, adoptés par la charité, sont en Angleterre, l'objet d'une foule d'associations de bienfaisance qui s'occupent spécialement des moyens de leur procurer de l'instruction et un avenir heureux. Sans doute de semblables associations se formeraient en France, si une impulsion suffisante était donnée à la charité particulière. Pour satisfaire de généreuses et libérales intentions, nous émettrons le vœu qu'une société de personnes charitables et amies des lumières, s'occupât spécialement de rechercher, parmi les orphelins, les enfans abandonnés et les enfans trouvés, ceux qui annonceraient une aptitude transcendante pour les sciences ou les arts, ou une sorte de génie, afin que ces rares dispositions ne fussent point enfouies et perdues pour la gloire de la patrie (1).

Dans la dernière partie de cet ouvrage (2), nous examinerons les avantages d'institutions agricoles spéciales en faveur des enfans trouvés.

(1) Voir, pour ce qui concerne l'historique des établissemens d'enfans trouvés, le nombre de ces enfans, les dépenses qu'ils occasionent et la législation dont ils sont l'objet, les chapitres XI du livre III, VI et VII du livre IV, tome II; IV du livre VI, tome III.

(2) Chapitre VIII, livre VII, tome III.

CHAPITRE XIII.

COUP-D'OEIL SUR LES INSTITUTIONS RELATIVES AUX INDIGENS HORS D'ÉTAT DE TRAVAILler.

Je vole aux asiles pieux

Où la tendre pitié, pour adoucir leurs peines, Joint les secours divins aux charités humaines. (DELILLE.)

Les institutions dont nous venons de nous occuper, complètent la série de celles qui s'appliquent aux indigens hors d'état de travailler. Ceux-ci ne pouvant accomplir la loi sociale du travail, devaient avoir pour protecteurs la loi céleste de la charité; et ici, non seulement la charité particulière était appelée à leurs secours, mais encore la charité publique et légale devait intervenir comme tutrice naturelle de ces membres de la société devenus mineurs.

Sans doute, dans le nombre de ces malheureux, il peut s'en trouver qui soient tombés dans l'infortune par leur faute, et que la sagesse, la modération, l'économie, la prévoyance, eussent préservés de ce déplorable état d'abjection et de misère. Mais la société, en abandonnant les principes de la religion et de la morale, en négligeant de répandre l'instruction, en laissant se propager les pernicieuses doctrines de la philosophie matérielle, en donnant elle-même de si funestes exemples, n'a-t-elle pas contribué

à leur malheur? Jusqu'à ce jour, elle a tenu trop peu de compte, dans la théorie et la pratique de l'économie politique, de l'influence des vertus morales. Peut-elle se plaindre de ce que la classe indigente en soit dépourvue? D'ailleurs, dans le système actuel de l'industrie, l'insuffisance des salaires est en quelque sorte consacrée ; peut-elle se concilier avec l'épargne ?

Ainsi, soit par des motifs de charité, soit par des motifs de justice, la charité légale devait s'occuper du soulagement des indigens hors d'état de travailler. Pour ceux-là, nous avons reconnu, sinon le droit à l'assistance obligée de la part de l'état, du moins celui de l'assistance de la charité exercée au nom de l'état.

Nous pensons que ce droit est imprescriptible. Toutefois, il doit être satisfait avec les réserves que prescrit la prudence.

C'est dans ce but que nous avons demandé :

1o Que tout ouvrier malade, ou vieillard, ou infirme, ne fût admis dans les hôpitaux ou dans les hospices, qu'à défaut d'impossibilité d'être soigné dans sa propre famille.

2o Qu'il fût exigé, de tout ouvrier admis aux secours publics, la preuve qu'il a placé dans les caisses d'épargnes ou de prévoyance la portion disponible de son salaire.

30 Qu'aucun individu marié ne soit admis aux secours publics, sans avoir justifié que son union est légitime.

Pour donner à la charité légale un caractère plus marqué de liberté et d'indépendance, nous avons indiqué, comme auxiliaire de chaque institution, des associations volontaires de bienfaisance. Nous en réclamons pour les malades, les vieillards estropiés, les femmes en couche, les aliénés, les enfans orphelins, abandonnés et trouvés, les aveugles les sourds-muets, enfin, pour chaque classe de malheureux. Il importe essentiellement que l'assistance légale soit toujours exercée par les ministres volontaires de la charité. C'est ainsi que le droit du pauvre, reconnu en fait,

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