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se confond aux yeux de tous, dans la pratique d'une charité libre et volontaire. C'était là la difficulté du problème, et il nous semble qu'elle peut être ainsi résolue.

En terminant ces observations, il convient de se rendre compte, du moins par aperçu, de la dépense générale que peut entraîner ce système des secours publics. On en trouvera la récapitulation dans le tableau ci-après :

1

TABLEAU des dépenses annuelles occasionées par le nouveau systèmè d'organisation des secours publics en faveur des INDIGENS HORS D'ÉTAT

DE TRAVAILLER.

MONTANT
DES DÉPENSES

OBSERVATIONS.

ANNUELLES.

1° 4,700 nouveaux indigens des deux! sexes, malades, à entretenir habituellement dans les hôpitaux de malades, au taux moyen de 1 f. par jour.

1,715,500 f.

2° 33,697 malades indigens de la population rurale (1 sur 950 habitans, I sur 47 indigens) à soigner à domicile, au taux de 36 f. pour chacun (dépense renouvelée dix fois dans l'année). . . . 12,140,920

3° 60,000 vieillards des deux sexes (dont 40,000 mendians, I par 533 habitans, 1 sur 26 indigens), à 50 c. par jour ou 182 f. 50 c. par an..

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10,950,000

4° 80,000 infirmes, estropiés, etc., des deux sexes (dont 52,000 mendians, 1 par 400 habitans, I sur 20 indigens), à 50 c. par jour, ou 182 f. 50 c. par an. 14,600,000

5° Enfans trouvés, 130,000 (le 1/246| de la population générale, et le 1/12 de la population indigente), à 85 f. par an.

6° Orphelins et enfans abandonnés 16,000 (1 sur 2,000 habitans, et 1 sur environ 100 indigens), à 85 f. par an.

7° Femmes en couche indigentes, 18,365 à entretenir annuellement (1 sur 1,687 habitans, 1 sur 86 indigens), à 60 f. de secours pendant les couches.

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11,500,000

1,360,000

1,101,900

2,250,000

1,250,000

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10° Sourds-muets indigens, 5,000 susceptibles de recevoir l'instruction ( sur 322 indigens), à 500 f. par an.

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Montant de la taxe des pauvres en Angleterre en 1831 (non compris les institutions de l'état et des particuliers en faveur des pauvres ).

Différence.

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207,000,000

148,231,480 f.

Les hôpitaux en reçoivent en ce moment 40,500 environ.

A fournir par l'état, les communes et les particuliers au moyen de contributions extraordinaires.

Cette dépense est acquittée par les hospices, les communes et les départemens.

Les sociétés de charité maternelles secourent 5,000 femmes en couche et dépensenten viron 300,000 f. L'état devrait pourvoir au surplus par des contributions extraordinaires.

Charge qui concerne également la généra lité de la nation, à défaut de ressources des communes et des familles.

Nota. 59,368,320 f. répartis sur sur 32,000,000 habitans donnent 1 f. 82 c. par individu.

207,000,000 f. répartis sur 23,400,000 habitans donnent 8 f. 85 c. par individu.

CHAPITRE XIV.

DES INSTITUTIONS RELATIVES AUX INDIGENS QUI PEUVENT

TRAVAILLER.

Plus on étudie les causes de l'indigence, et plus on reconnaît que le défaut d'éducation est celle qui fait le plus d'indigens, comme elle est, aussi, celle qui fait le plus de criminels.

(DEGÉRANDO, Visiteur du pauvre.)

DANS notre manière de concevoir ce système des secours publics, les obligations de la charité nationale ou administrative s'arrêtent là où existe la capacité de travail. C'est là aussi que commencent les devoirs et les attributions dc. la charité libre et volontaire.

La carrière que celle-ci est appelée à parcourir est belle, mais est vaste et compliquée. Pour la remplir avec succès, il ne suffit pas seulement de secours matériels. L'intelligence, les lumières, le travail, la morale et la religion doivent se réunir pour procurer les immenses ressources qui deviennent nécessaires.

L'école philantropique anglaise veut que l'on s'adresse uniquement au travail et aux mesures qui arrêtent le principe de la population. Il faut examiner encore une fois si ce système est juste et praticable.

Pour que le travail puisse assurer l'existence d'une famille d'ouvriers, deux choses sont indispensables; d'abord, que la possibilité de trouver du travail existe: ensuite, que le salaire accordé à ce travail suffise, non seulement à la nourriture et à l'entretien journalier de la famille, mais encore à permettre des épargnes capables de pourvoir à des cas de maladie et d'accident, à l'éducation et à l'apprentissage des enfans, et enfin à soutenir l'ouvrier dans sa vieillesse. Si le travail n'obtient pas un tel salaire, il est évident qu'il faut suppléer d'une manière quelconque à son insuffisance.

Or, si le travail ne manque pas habituellement à l'ouvrier valide, il est de fait que, dans les grandes entreprises d'industrie manufacturière, les salaires ne sont pas assez élevés.

Ainsi, l'on est forcé de reconnaître en principe que, dans nos sociétés modernes, le travail ne suffit plus complétement à l'existence des ouvriers, et, par une conséquence forcée, que la charité doit fournir la portion d'existence que le travail ne donne pas.

L'école anglaise attribue l'insuffisance des salaires à la prodigalité et au défaut d'économie des ouvriers. Il est, en effet, trop certain que beaucoup d'ouvriers sont enclins à dépenser leurs profits en boissons et en débauches, et nous avons cité des exemples frappans de cette immoralité. Mais il faut remarquer que ce n'est pas leur superflu, la portion susceptible d'être économisée, qui se consommé de cette manière : le plus souvent, c'est le nécessaire luimême. Un ouvrier débauché se contente de pain pour pouvoir s'enivrer au cabaret de liqueurs fortes et malfai

santes.

Mais à quoi faut-il attribuer ces déplorables penchans? L'économie politique anglaise veut que les ouvriers aient beaucoup de besoins pour être constamment excités au travail. Cette théorie, d'accord avec la philosophie, pré

tendue civilisatrice, du sensualisme, excite les ouvriers à l'amour de toutes les jouissances matérielles et à une consommation progressive. Il le faut, dit-elle, pour maintenir et accroître constamment le travail et la production.

Mais, d'un côté, la production ne peut s'étendre que par le bon marché des produits : la concurrence ne saurait se soutenir qu'à ce prix. De là découle la nécessité des procédés économiques, de la baisse des salaires. Or, comment consommer beaucoup lorsqu'on gagne peu ? C'est un cercle vicieux où l'on arrive toujours forcément à des contradictions manifestes; et, ce qui est plus déplorable, à la nécessité de tenir les classes ouvrières dans un état permanent de dépendance et de misère.

L'insuffisance des salaires est donc une conséquence des principes de l'économie politique, comme la prodigalité des ouvriers l'est des préceptes de la philosophie sensuelle.

Bien plus, les deux théories provoquent également la surabondance de la population. Le penchant réciproque des deux sexes est une loi de la nature; la réunion des jeunes gens des deux sexes dans les manufactures favorise de bonne heure cet attrait puissant. Pour l'ouvrier qui passe la journée enfermé dans un atelier, le mariage devient un double besoin, et il est empressé de le satisfaire. Qui s'opposera à cette disposition? Ce n'est pas la philosophie matérielle qui invite aux jouissances terrestres, dont elle compose la destinée de l'homme. Ce ne sera pas l'économie politique, qui demande à voir s'accroître les besoins de l'ouvrier pour l'exciter incessamment au travail, et qui appelle la multiplication de la race ouvrière pour voir s'augmenter les instrumens de la production à bon marché.

En vain cette philosophie économique place-t-elle l'instruction des ouvriers au premier rang des moyens d'amélioration du sort des classes ouvrières : il est évident que, dans l'application rigoureuse de ses théories, l'instruction

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