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chement et la paresse dans lesquels on les élève les rendent tout-à-fait étrangers à tout principe de moralité et de religion, comme à l'habitude du travail. »

Il est à remarquer qu'en reclamant des écoles de travail, où les enfans indigens seraient obligés de se rendre, LOCKE a moins en vue leur direction industrielle que leur régénération morale. Il n'hésite pas à dire « que si l'on veut chercher une des principales causes de l'accroissement des pauvres et des mendians, on la trouvera bien moins dans le défaut de travail ou la rareté des vivres que dans le relâchement de la discipline et la corruption des

mœurs. >>

Le comité, chargé, en 1817, par la chambre des communes d'Angleterre, de l'examen des lois sur les pauvres, reconnaît que jamais l'exécution fidèle d'une loi recommandée si fortement et par une autorité si puissante ne fut plus indispensable qu'en ce moment. En effet, le sort de la classe indigente a été si cruellement aggravé depuis un siècle et demi, dans la Grande-Bretagne, que l'on comprend combien ce genre de secours est devenu urgent et indispensable.

La France ne représente point encore de besoins aussi impérieux; néanmoins il importe d'y pourvoir à l'avance par des réglemens obligatoires. « Rien n'égale, dit M. le baron Degérando, l'indifférence de certains pauvres d'habitude à l'égard de la direction morale de leurs enfans. Sans usurper les droits des père et mère, il faut suppléer à leur vigilance. On ne peut s'en remettre aveuglément aux parens; il faut craindre leur insouciance, hélas ! même leur égoïsme!... »

M. le comte Delaborde faisait remarquer, en 1821, qu'il existait en France trois millions d'enfans de six à douze ans, dont le quart à peine recevaient de l'éducation. Chez les autres, rien n'arrête la transmission des principes vicieux ou de l'ignorance de leurs pères.

A cette époque, sur 40,000 communes, 25,000 seulement possédaient une ou plusieurs écoles; 14 à 15,000 en étaient totalement dépourvues.

En 1829, on évaluait à 30,000 le nombre total des écoles primaires des garçons, et celui des élèves qui les fréquentent à 1,500,000 seulement. C'est la 1|2 de ce qu'il devrait être. La proportion pour les filles est plus faible encore (1).

la

Nous avons évalué à environ 574,000 le nombre d'enfans indigens susceptibles d'être élevés et secourus par charité publique. La moitié, 287,000, appartient à l'âge de sept à quatorze ans, et pourrait être admise dans des écoles charitables gratuites, entretenues aux frais des associations de bienfaisance, ou, à défaut, par des contributions extraordinaires. Si la charité volontaire se chargeait de pourvoir à leur nourriture, qui n'excéderait guère 15 c. par jour, la dépense annuelle s'élèverait à 15,842,400 fr. Pour 100 enfans, elle serait de 3,475 fr. par an.

10,000 écoles charitables, soutenues par des associations de bienfaisance dont l'entretien est calculé à 600 fr. par an (sans la nourriture des enfans), donneraient lieu à une dépense de 6,000,000 fr.

Aucune application de la charité, nous le répétons, ne serait plus heureuse, plus efficace, plus éclairée.

Mais il faut, avant tout, nous le dirons encore, que la loi oblige les indigens secourus à envoyer leurs enfans aux écoles charitables, et les chefs d'industrie à ne pas les recevoir dans leurs ateliers avant l'âge de quatorze ans.

(1) Voir les chapitres XIX, livre I, tome I"; XXI du livre III; VIII du livre IV, tome II.

CHAPITRE XVII.

DES JEUNES OUVRIERS DE LA CLASSE MANUFACTURIÈRE.

Les jours de la vieillesse Empruntent leur bonheur d'une sage jeunesse.

(DELILLE.)

Au sortir des écoles charitables, le jeune ouvrier n'exige plus sans doute les soins attentifs que réclame la première enfance; mais le voilà à l'âge où les passions commencent à fermenter, où l'atmosphère corrompue du vice va l'entourer. Que de dangers, pour lui, dans ces villes où il trouvera à chaque pas des cabarets, des maisons de débauche, des bureaux de loterie, toutes les séductions, en un mot, dont une société immorale autorise ouvertement l'existence! La charité n'aurait accompli qu'imparfaitement sa noble mission, si, dans cet instant décisif, elle l'abandonnait sans guide à sa périlleuse destinée. Il faut le garantir des mauvais exemples, il faut le faire persévérer dans la carrière de la vertu, de l'ordre et du travail.

Nous craindrions peu, pour lui, si les travaux de l'agriculture l'entraînaient dans les campagnes. Là, il trouverait des mœurs plus simples et plus pures, un salaire plus assuré, des habitudes de frugalité et d'économie. Il est donc important de diriger la vocation vers ce but.

Mais s'il doit embrasser une profession mécanique, que ce soit de préférence dans un atelier isolé, peu nombreux, et qui dépende plus immédiatement de l'industrie agricole. Que s'il faut absolument qu'il travaille dans les grandes manufactures, du moins qu'il puisse y puiser, avec des moyens d'instruction, l'habitude et le respect des pratiques religieuses, le devoir de la tempérance et de l'économie.

Mais la charité volontaire sera impuissante, si les lois ne secondent pas ses efforts, en imposant, aux chefs des manufactures et aux ouvriers, des obligations réciproques que la morale, la justice et l'intérêt social réclament également. Nous demanderons, ailleurs, à la législation les mesures qui pourront garantir aux ouvriers employés dans les manufactures la santé, l'instruction et les bonnes mœurs. Ici, nous nous occuperons seulement des institutions que peut établir parallèlement la charité volontaire.

Le but principal que celle-ci doit se proposer à l'égard des jeunes ouvriers, est de les fortifier dans les principes religieux et moraux et dans l'instruction élémentaire, de leur inspirer l'habitude de la tempérance, de leur faciliter enfin la pratique de l'économie.

Des institutions charitables formées, soit pour procurer aux jeunes ouvriers l'instruction religieuse, soit pour l'établissement de sociétés de tempérance, et de caisses de prévoyance et d'épargnes, auraient, à cet égard, la destination la plus généreuse, et, nous l'espérons, la plus efficace, si elles agissaient avec l'appui des mœurs et des lois.

Il existe, parmi les jeunes ouvriers du royaume, une vaste association, connue sous le nom de compagnonnage, et dont le but est de leur procurer des secours mutuels pendant ce qu'ils appellent leur tour de France. Une initiation mystérieuse (1), des sermens, des signes de recon

(1) Dulaure assure que ces institutions sont de la plus haute antiquité;

naissance, servent à les lier fortement entre eux. Dans toutes les villes où ils s'arrêtent, une vieille femme, sous le titre de mère des compagnons, les reçoit et leur donne les indications nécessaires pour obtenir du travail ou des secours. Une telle institution, si elle était basée sur les vrais principes de la charité chrétienne, pourrait produire d'excellens résultats; mais, dénaturée par des pratiques superstitieuses, par des idées vagues d'indépendance et des habitudes d'immoralité, elle donne lieu à des scènes déplorables et à des désordres qui ont souvent alarmé l'autorité publique. Ce serait un grand bienfait pour des jeunes ouvriers, que de substituer à cette imitation grossière de la franc-maçonnerie une véritable association charitable et fraternelle, digne de la civilisation chrétienne. Nous appelons sur ce point l'attention des hommes éclairés. Il nous semble que les ecclésiastiques, les magistrats, peutêtre la loi elle-même, devraient intervenir pour réformer un ordre de choses qui intéresse la société sous des rapports nombreux et importans.

L'éducation religieuse et l'instruction élémentaire des jeunes ouvriers étant nécessairement incomplète lorsqu'ils sortent des écoles charitables, il est d'un haut intérêt de leur donner les moyens de la rendre plus parfaite et plus solide. A cet effet, des écoles d'adultes pourraient être établies dans les manufactures. La voix des ministres de la religion devrait s'y faire souvent entendre. Ce qui détruit ordinairement les bonnes inclinations de la jeunesse, c'est de ne plus trouver dans le monde les exemples et la pratique des vertus qu'on a cherché à lui inspirer. L'homme est léger et facile à recevoir de funestes impressions. Il a besoin, dans le cours de sa vie, d'un guide protecteur et fidèle; mais où le trouvera-t-il, si ce n'est dans la reli

il prétend même avoir reconnu, dans leurs mystères et dans leurs pratiques, les traces de ceux d'Eleusis. M. le baron C. Dupin a fait l'éloge de cette asciation, que les parlemens de Paris et de Bourgogne avaient interdite.

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