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fut appaisée. Enfin, à l'exception des pays héréditaires de la maifon d'Autriche, où l'on a toujours confervé l'ancienne & l'unique vraie religion, l'héréfie trouva des prédicateurs & des fectateurs dans prefque tous les états de l'empire.

IV.

Il y avoit long-temps que Luther defiroit de fe marier; & il n'avoit été arrêté que par la crainte de l'électeur Frédéric, qui ne pouvoit fouffrir ces mariages de prêtres & de religieux. Dès qu'il fut mort, le prétendu réformateur ne fongea qu'à fatisfaire au plutôt fon infâme paffion. Il épousa publiquement, le treizieme de Juin (4), une jeune religieufe nommée Catherine de Bore, fille de qualité & d'une beauté rare, qui étoit du nombre de celles qu'il avoit fait fortir de leur monaftere deux ans auparavant. Il avoit alors quarantecinq ans, & la religieuse vingt-fix. Tout le monde, fans en excepter même les amis de Luther, fut furpris de voir cet homme, qu'on donnoit à tout l'univers comme le restaura teur de la pureté de l'évangile & le réformateur du genre humain, faire paroître dans un âge déja assez avancé une fi grande foibleffe. Voici ce qu'en écrivit Melanchton à Camérarius dans une lettre en grec. " Luther, dit-il, a épousé la Bore, fans en dire mot à fes amis. Ayant prié à fouper » Poméranus, (c'étoit le nom du pafteur,) un peintre, & un avocat, on fit les cérémonies accoutumées. Onfera étonné » de voir que dans un temps fi malheureux, & où les » de bien ont tant à fouffrir, Luther n'ait pas eu le courage de compatir à leurs maux, & ait même laiffé affoiblir fa réputation, lorsque l'Allemagne avoit le plus befoin de fon autorité & de fa prudence. Au refte, continue le Mélanchton, quoique ce genre de vie foit bas & commun, il est néanmoins faint & honorable.,, Cherchant enfuite à fe confoler avec fon ami, d'un événement fi trifte & fi embaraffant pour eux: " Peut-être, dit-il, y a-t-il ici quelque

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gens

pauvre

(1) [Le continuateur de M. Fleury dit vers la fin du mois de Juin: à la marge on lit le 11.]

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VII.

Ce que pen

foit Erafme de

ces mariages. Ibid. n. 27.

AN. 1526.

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chofe de mystérieux & de divin que nous ignorons. Nous » avons des marques certaines de la piété de Luther. Il est bon qu'il nous arrive quelque chofe d'humiliant, puisqu'il ,, y a tant de péril à être élevé. Après tout, les plus grands faints de l'antiquité ont fait des fautes. Enfin il faut s'attacher à la parole de Dieu pour elle-même, & non pour le mérite de ceux qui la prêchent; & il n'y auroit rien de plus injufte, que de blâmer la doctrine à caufe des fautes où tombent les docteurs.,, La maxime eft bonne fans doute, dit M. de Meaux, mais il ne falloit donc pas tant infifter fur les défauts perfonnels du clergé catholique, ni fe tant appuyer fur Luther, que l'on voyoit fi foible, quoiqu'il fût d'ailleurs fi audacieux; ni enfin nous tant vanter la réfor mation comme un ouvrage merveilleux de la main de Dieu, puifque le principal inftrument de cette œuvre incomparable, étoit un homme non feulement fi vulgaire, mais encore fi emporté. Le mariage de Luther étoit une chose si horrible & fi criante, que dans les commencemens il en fut lui-même honteux & troublé. Mais il fe raffura bientôt, & non-feulement il fit l'apologie de fon action à la face de toute la terre ; mais il eut même l'infolence de fe proposer en cela pour modéle aux moines & aux eccléfiaftiques.

Erafme jugeoit bien autrement de ces mariages fcandaleux des nouveaux réformateurs. On a beau dire, écrivoit-il au fujet de celui d'Oecolampade, que le Luthéranisme est une chofe tragique : pour moi je fuis perfuadé que rien n'eft plus comique; car le dénouement de la piéce eft toujours quelque mariage, & tout finit en fe mariant comme dans les comédies. Et prenant ailleurs un ton férieux: J'admire, dit-il, ces prétendus réformateurs qui prennent la qualité d'apôtres, & qui ne manquent point de renoncer à la profeffion folemnelle du célibat, pour prendre des femmes; au lieu que les vrais apôtres de Jefus-Chrift, afin de n'être occupés que de Dieu & de l'évangile, quittoient leurs femmes pour embraffer le célibat.

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VIII. Luther exhor

te en vain larchevêque de marier. La fie pénétre dans la Pruffe. & fuiv.

Maience à fe.

nouvelle héré

Ibid. n. 28.

AN. 1526.

Luther defiroit fort d'avoir des imitateurs, fur-tout parmi les grands prélats. C'est pourquoi il écrivit en 1526. à Albert de Brandebourg, cardinal, archevêque de Maïence & de Magdebourg, pour l'engager à fe marier, & à ériger ces deux archevêchés en principautés féculieres. Votre exemple, difoit-il, fera capable de retirer tous les autres évêques du célibat, pour les établir dans le faint & heureux état du mariage, où l'on trouve Dieu toujours favorable. L'archevêque méprifa, comme il le devoit, la lettre de ce miférable, & ne lui fit aucune réponse. Il n'en fut pas de même d'un autre Albert de Brandebourg, parent de l'électeur de Maïence, & grand maître de l'ordre Teutonique. Il fe rendit aisément aux follicitations de Luther, embraffa l'héréfie ; & l'année suivante, malgré fon vœu de chafteté, & quoiqu'âgé de foixante-neuf ans, il époufa la princeffe d'Holftein, fille du roi de Danemarc. Dès qu'il eut pris le parti de fe féparer de l'Eglife, il tourna à fon ufage la plus grande partie du tréfor de fon ordre, & en renverfa tous les priviléges. Il profita en même temps de l'abfence de l'empereur pour s'accommoder avec les Polonois, qui depuis cent cinquante ans étoient en guerre avec l'ordre Teutonique. Ils céderent à Albert la Prusse orientale, à condition qu'il la pofféderoit à titre de duché, qu'il feroit leur tributaire pour cette portion de la Pruffe, & qu'elle pafferoit à fes héritiers en qualité de fief. C'est ainsi que le Luthéranisme s'établit dans la Pruffe, où il régne encore aujourd'hui. La même année 1526. Luther écrivit à George, duc de Saxe, pour l'exhorter à laiffer prêcher fon nouvel évangile dans fes états. C'est la parole de Dieu que je prêche dans toute fa pureté, difoit ce féducteur; ne la perfécutez pas, vous qui êtes fi religieux. Je ferois fâché qu'un prince vertueux vint fe brifer contre la pierre angulaire, qui eft JefusChrist. Le duc lui répondit: Nous nous foucions peu de Ibid. n. 35votre évangile, & nous ne négligerons rien pour empêcher & fuiy.

IX. Luther tâche

de fe concilier George de SaVIII. roi d'An gleterre, Ces tent comme il

xe & Henri

princes le trai

le mérite.

X.

Nouveau progrès du Luthéranifme.

Ibid. n. 68.

nos fujets de le recevoir. N'eft-ce pas par les fruits qu'on connoît l'arbre ? Quels font les fruits de l'évangile de Luther? Ils font connus de tout le monde. Gardez donc votre évangile, & nous nous en tiendrons à celui de Jesus Christ, tel que l'Eglife catholique l'a reçu & le conferve: nous en demandons la grace au Seigneur. Ce prince l'exhorte enfuite à rentrer férieusement en lui-même, & à réparer, du moins autant qu'il fera en lui, les maux infinis qu'il a caufés à l'Eglife. Luther n'eut pas plus de fuccès auprès du roi d'Angleterre, à qui il écrivit une lettre fort foumise dans l'efpérance de le gagner. Le roi dans fa réponse lui reprocha les horribles excès dans lesquels il étoit tombé depuis huit ou neuf ans, contre Dieu, contre toutes les puiffances, & contre tout ce qu'il y avoit au monde de plus facré, & fur-tout fon inceftueux & facrilége mariage. Pendant que tu devrois rougir, ajoute ce prince, d'un crime fi détestable, ton impudence te tient lieu de repentir; tu en fais gloire. Luther ne put se contenir en se voyant ainfi traité; & il se déchaîna contre Henri VIII. dans un écrit qu'il intitula : Réponse à l'écrit médifant & injurieux du roi d'Angleterre.

Luther fe confoloit par les conquêtes qu'il faifoit en Allemagne. Au mois de Mars de cette année 1526. le nouvel électeur de Saxe fit entre fes mains une profeffion publique de la prétendue réforme. Enfuite il ordonna qu'on la prêchât publiquement, abolit entiérement l'autorité du pape dans les états, fupprima tous les ordres monaftiques, s'attribua la moitié des revenus du clergé, & donna l'autre aux hôpitaux & aux ministres de la nouvelle religion. Luther acquit auffi dans le même temps un des plus ardens protecteurs de fa fecte, dans la perfonne de Philippe I. furnommé le magnanime, landgrave de Heffe, qui avoit fuccédé à tous les biens de cette maison. Il fe laiffa gagner par les follicitations de l'électeur de Saxe fon ami, malgré les efforts que firent pour l'en détourner, le duc George de Saxe, le duc George de Saxe, fon beau-pere, & la landgrave Anne de Meckelbourg fa mere. Le duc de Brunfvic embraffa auffi le Luthéranisme.

V I.

XI.

Ibid. n. 70.

On tint le vingt-cinquieme de Juin une diete à Spire, où Diete de Spire l'on nomma des commiffaires, pour délibérer fur les moyens en 1526. de conferver la religion Catholique en Allemagne. Comme & fuiy. la plûpart étoient Luthériens, les miniftres de l'empereur, dans la crainte qu'on ne donnât atteinte à l'édit de Vormes, produifirent au commencement d'Août une lettre de ce prince datée de la fin de Mars, où il marquoit qu'il avoit réfolu de pafler en Italie, pour y traiter avec le pape de la convocation d'un concile, & qu'en attendant il vouloir qu'on s'en tînt à l'édit de Vormes. Les députés des villes de la haute Allemagne & d'autres dirent en substance, qu'il n'étoit pas poffible de faire exécuter cet édit, fans s'expofer à une fédition ; que depuis que le pape & l'empereur étoient brouillés, on ne pouvoit plus efpérer de concile, qu'il paroiffoit donc plus convenable de députer vers l'empereur, pour l'informer de la fituation des affaires en Allemagne, & le prier de permettre que l'on affemblât un concile national. Le lendemain l'électeur de Saxe & le landgrave de Heffe demanderent qu'on diminuât le nombre des religieux mendians; qu'on leur permît d'embraffer un autre état; qu'on révoquât les exemptions & les immunités eccléfiaftiques; qu'on abolit les loix de l'Eglife fur l'abstinence; qu'on ne s'opposât point à la prédication de la doctrine de l'évangile, c'est-à-dire de la doctrine de Luther;) qu'on laifsât à chacun la liberté de pratiquer les cérémonies qu'il jugeroit à propos. Ces princes ajoûterent qu'on ne pouvoit leur refufer une églife pour y faire le service divin à leur maniere. L'évêque du lieu auquel la diete les renvoya, ayant rejetté leur demande, ils firent chanter la meffe à la luthérienne dans la cour de leur palais, où le peuple accourut en foule, fans que les magiftrats ofaffent s'y oppofer. On affectoit, les jours de jeûne & les vendredis, de fervir publiquement de la viande à la table de ces princes; & leurs domeftiques avoient fan's ceffe ces mots dans la bouche, la pure parole de Dieu;

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