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XLIV.

Le landgrave

contracte un

fecond maria

ge. Sermon fcandaleux de Luther.

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,, donnât à ses sujets un meilleur exemple: mais enfin, fi ,, votre alteffe eft abfolument déterminée à époufer une seconde femme, nous jugeons qu'elle doit le faire fecréte,, ment; c'est-à-dire, que la chofe ne doit être connue que de la perfonne qu'elle époufera, & de quelques perfonnes fidéles, en les obligeant au fecret fous le fceau de la confellion. C'eft ainfi que nous l'approuvons, & dans les feules circonftances que nous venons de marquer. Votre altefle ,, a donc dans cet écrit non-feulement notre approbation fur ce qu'elle defire, en cas de néceffité, mais encore les réflexions que nous avons cru devoir y ajoûter. A l'égard de l'empereur, à qui votre alteffe dit qu'elle s'adreflera fi elle nous trouve inexorables, nous favons que c'est un perfide qui n'a rien confervé des mœurs allemandes. Il ne » remédie point aux maux de la chrétienté, il laiffe le Turc » en repos, & ne travaille qu'à divifer l'empire, afin d'aggrandir fur fes ruines la maifon d'Autriche. Il est donc à ,, fouhaiter qu'aucun prince Chrétien ne fe joigne à lui, pour l'aider dans fes pernicieux deffeins. Dieu conferve votre alteffe. Nous fommes très prompts à lui rendre fervice.,, La décifion eft fignée de huit théologiens Proteftans, dont les trois premiers font Luther, Bucer, & Mélanchton.

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Le landgrave en conféquence de cette permiffion, époufa Marguerite de Saal, fille d'un gentilhomme de Saxe, après avoir obtenu l'agrément de fa femme Chriftine de Saxe, en lui promettant que les enfans qu'il avoit d'elle, feroient feuls héritiers de fes états, & que fa feconde épouse lui feid. n. 11. roit foumife, Quelque précaution qu'on prît pour cacher cet infâme mariage, on ne laiffa pas d'en foupçonner quelque chofe, & il fut reproché au landgrave & à Luther dans des écrits publics; mais ils s'en tirerent par des équivoques, Je ne connois, difoit Luther, qu'une feule princefle & landgrave de Heffe, qui eft fille de George, duc de Saxe. En effet, on étoit convenu que la nouvelle époufe n'auroit point le titre de landgrave. Se défendre ainfi, dit M. de Meaux, c'étoit reconnoître la honteufe corruption qu'introduifoient dans la doctrine ceux qui ne parloient dans tous leurs écrits

BoJuet.

que du rétabliffement du pur évangile. Après tout, Luther
ne faifoit que
que fuivre les principes qu'il avoit pofés ailleurs. Il
avoit fait long-temps auparavant à Vittemberg un fermon
fcandaleux, que l'on trouve imprimé dans fes œuvres. Les
premieres régles de la bienféance & de la pudeur nous em-
pêchent d'en rien rapporter. Le chef des réformateurs ofa
débiter férieusement dans l'église un difcours qu'on rougi-
roit de prononcer fur le théâtre.

X X.

XLV. Erranges va

riations de Lu

P'élévation de

Phoftic. Son orgueil.

Depuis ce temps-là, le landgrave cut un pouvoir prefque abfolu fur l'efprit de ce patriarche de la réforme ; & après en avoir connu le foible dans une matiere fi effentielle, il ther. Il abolit ne le crut pas capable de lui réfifter fur d'autres. Ce prince étoit peu verfé dans les matieres de controverfe; mais il favoit en habile politique concilier les efprits, ménager les intérêts différens & entretenir les ligues. Sa plus grande paffion étoit de faire entrer les Suiffes dans celle de Smalkalde: Mais il les voyoit choqués de plufieurs pratiques des Luthériens, & en particulier de l'élévation du faint Sacrement, que l'on continuoit de faire au fon de la cloche, le peuple frappant fa poitrine & pouffant des gémiffemens. Le landgrave ne ceffa d'attaquer Luther fur ce point, & il lui fit de fi vives & de fi continuelles inftances, qu'après avoir laiffé abolir cette coutume dans quelques églifes de fon parti, à la fin il l'ôta lui-même dans celle de Vittemberg qu'il conduifoit. Ces changemens arriverent en 1542. & 1543. On en triompha parmi les Sacramentaires. On difoit même parmi les Luthériens, que leur chef s'étoit enfin relâché de cette admirable vigueur avec laquelle il avoit jufqu'alors foutenu l'ancienne doctrine de la préfence réelle, & qu'il commençoit à s'entendre avec les Sacramentaires. Il fut piqué de ces bruits; car il ne fouffroit point patiemment les moindres chofes qui bleffoient fon autorité; & il fit bientôt éclater fon reffentiment. Sa colere devint implacable à l'occasion de deux livres que ceux de Zurich firent imprimer

XLVI.

Scs emportemens contre

taires.

par

dans la même année. L'un fut une verfion de la bible, faite Léon de Juda, Juif, qui s'attacha aux Zuingliens. L'autre fut le recueil des œuvres de Zuingle. Quoiqu'il n'y eût rien. dans ces livres contre la perfonne de Luther, il s'emporta néanmoins à des excès inouis, & fes tranfports n'avoient jamais paru fi violens. Luther ne pouvoit fouffrir qu'un autre lui fe mêlât de traduire la bible. Il en avoit fait une verfion élégante en allemand, & il crut qu'il y alloit de fon honneur que la réforme n'en eût point d'autre. Les œu vres de Zuingle réveillerent fa jaloufie, & il ne pouvoit fouffrir que cet homme lui disputât la gloire d'avoir été le premier des réformateurs.

que

Mélanchton & les Luthériens conviennent qu'après cinq ou fix ans de trève, Luther recommença le premier la les Sacramen- guerre avec plus de fureur que jamais. Quelque pouvoir que le landgrave eût fur fon efprit, il n'en pouvoit pas retenir long-temps les emportemens. Les Suiffes produifent des let tres de la propre main de Luther, où il défend au libraire qui lui avoit fait préfent de la verfion de Léon, de lui jamais rien envoyer de la part de ceux de Zurich, ajoûtant que c'étoient des hommes damnés, qui entraînoient les autres en enfer; que les églifes ne pouvoient plus communiquer avec eux, ni confentir à leurs blafphêmes; & qu'il avoit réfolu de les combattre par fes écrits & par fes prieres jufqu'au dernier foupir, Il tint parole. L'année suivante il publia une explication de la Genèfe, où il mit Zuingle & Oecolampade avec Arius, les Anabaptistes & les idolâtres. Dans sa petite confeffion de foi qui parut enfuite, il les traita encore plus durement, difant qu'il ne vouloit plus avoir aucun cominerce avec eux, s'ils ne confeffoient que le pain de l'Euchariftie étoit le vrai corps naturel de Jefus-Christ, que les impies ne recevoient pas moins par la bouche que les vrais fidéles. Les Sacramentaires étoient encore moins indignés de la doctrine de Luther fur l'Euchariftie, que de fes injures atroces. Ils dirent dans un livre qu'ils publierent contre lui, qu'il deshonoroit fa vieilleffe, & fe rendoit méprifable par fes violences, & qu'il devroit rougir de remplir fes livres de

tant

tant d'injures, & d'y mettre à chaque ligne le mot de diable: Il est vrai que Luther répétoit ce mot odieux jufqu'à faire horreur, inventant de nouvelles phrases pour pénétrer les Zuingliens de démons. C'est l'expreffion dont fe fert M. Boffuet.

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XLVII.

Mélanchton veut réduire la

préfènce réelle précis de l'ufage. Ce qui l'a obligé à inventer ce nouveau dogme.

au moment

Hiftoire des

Mélanchton s'appliquoit en même temps à réduire la préfence réelle au moment précis de l'ufage. Il eft bon de voir comment ce nouveau dogme s'eft introduit dans la fecte. Le grand objet de la haine des réformateurs étoit la meffe, qui au fond n'eft autre chose que les prieres publiques de l'Eglife confacrées par la célébration de l'Euchariftie, où Jefus-Chrift préfent honore fon pere & fanctifie les fideles. Mais deux chofes y choquoient ces novateurs, parce qu'ils variations. ne les avoient jamais bien entendues : l'une étoit l'oblation, & l'autre l'adoration qu'on rendoit à Jefus-Chrift préfent dans ces myfteres. L'oblation n'étoit autre chofe que la confécration du pain & du vin pour en faire le corps & le lang de Jesus-Christ, & le rendre par ce moyen vraiment préfent. Cette action par elle-même ne pouvoit qu'être agréable à Dieu, & la feule présence de Jesus-Christ montré à fon pere, en honorant fa majefté fuprême, étoit capable d'attirer fur nous fa miféricorde. Luther voulut croire qu'on attribuoit à cette préfence une vertu pour fauver les homines indépendamment de la foi ; & fur une fuppofition fi faufse & fi ridicule, la messe devint l'objet de leur averfion, & les paroles les plus faintes du canon leur devinrent odieuses. Luther alloit même, en fuivant fon génie, jufqu'à dire qu'on devoit avoir autant d'horreur du canon que du diable. Comme la présence réelle étoit le fonds d'où la meffe tiroit tout fon prix, les réformateurs auroient bien voulu fapper ce fondement, & une grande partie d'entr'eux le fit. Luther même croyoit que c'étoit le plus court moyen d'abolir la meffe & tout le culte du papifme. Mais en retenant, comme il y étoit forcé, le fens littéral de la préfence réelle, il étoit clair que la messe subsistoit en fon entier. Car dès qu'on Tome VIII.

A a

XLVIII. Contradic

tions entre les réformateurs.

Ils ne peuvent s'attacher à rien de fixe. I's

réglent la doctrine fur leurs Hiftoire des

paffions.

yariations.

retenoit ce fens littéral, les Catholiques en concluoient, que non-feulement l'Euchariftie étoit le vrai corps dans le temps de la manducation, mais même avant la manducation & dès la confécration, puifqu'on ne difoit pas Ceci fera, mais Ceci eft mon corps. Cette conféquence que tiroient les Catholiques de la préfence réelle à la présence permanente & hors de l'ufage, étoit fi claire que Luther l'avoit reconnue, même après qu'il eut ôté l'élévation de l'hoftie. Avec cette foi, il eft impoffible de nier le facrifice de l'autel: car que veut on que faffe Jefus-Chrift avant que l'on mange fon corps & fon fang, fi ce n'eft de fe rendre préfent pour nous devant fon pere?

C'étoit pour empêcher une conféquence fi naturelle, que Mélanchton cherchoit des moyens de réduire cette préfence à la feule manducation. Ce fut principalement à la conférence de Ratisbonne qu'il étala cette partie de fa doctrine. L'empereur avoit ordonné cette conférence en 1541. entre les Catholiques & les Proteftans, pour tâcher de rétablir la paix. Mélanchton y reconnut à fon ordinaire la préfence réelle avec les Catholiques; mais il s'appliqua à faire voir que l'Euchariftie, comme les autres facremens, n'étoit sacrement que dans l'ufage légitime, c'est-à-dire, comme il l'entendoit, dans la réception actuelle ; comme fi JesusChrist n'avoit pu établir des facremens que d'une forte, & que dans les fignes de cette nature, où tout dépend de la volonté de l'inftituteur, ce fût à nous de lui faire la loi. Mélanchton avoit beau faire: fa foible raison ne pouvoit oppofer au myftere de Jefus-Christ que de pures chicanes. & de vaines fubtilités. Il fentoit bien qu'il étoit impoffible que Jesus-Christ, rendu préfent fur l'autel par la feule confécration du pain & du vin, ne fût une chofe par elle-même agréable à Dieu, qui atteftoit fa grandeur fuprême, intercédoit pour les hommes, & avoit toutes les conditions d'une oblation véritable. Ainfi la meffe fubfiftoit, & on ne pouvoit la détruire qu'en niant la préfence hors de la manducation. Auffi quand on vint dire à Luther, que Mélanchton avoit hautement nié cette présence dans la conférence

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