dans la même année. L'un fut une version de la bible, faite XLVI. Ses emporte mens contre taires. Mélanchton & les Luthériens conviennent qu'après cinq ou fix ans de trève, Luther recommença le premier la les Sacramen- guerre avec plus de fureur que jamais. Quelque pouvoir que le landgrave eût fur fon efprit, il n'en pouvoit pas retenir long-temps les emportemens. Les Suiffes produifent des lettres de la propre main de Luther, où il défend au libraire qui lui avoit fait préfent de la verfion de Léon, de lui jamais rien envoyer de la part de ceux de Zurich, ajoûtant que c'étoient des hommes damnés, qui entraînoient les autres en enfer; que les églifes ne pouvoient plus communiquer avec eux, ni confentir à leurs blafphêmes; & qu'il avoit réfolu de les combattre par fes écrits & par fes prieres jusqu'au dernier foupir, Il tint parole. L'année fuivante il publia une explication de la Genèse, où il mit Zuingle & Oecolampade avec Arius, les Anabaptiftes & les idolâtres. Dans fa petite confeflion de foi qui parut enfuite, il les traita encore plus durement, difant qu'il ne vouloit plus avoir aucun cominerce avec eux, s'ils ne confeffoient que le pain de l'Euchariftie étoit le vrai corps naturel de Jesus-Christ, que les impies ne recevoient pas moins par la bouche que les vrais fidéles. Les Sacramentaires étoient encore moins indignés de la doctrine de Luther fur l'Euchariftie, que de fes injures atroces. Ils dirent dans un livre qu'ils publierent contre lui, qu'il deshonoroit fa vieilleffe, & fe rendoit méprifable par fes violences, & qu'il devroit rougir de remplir les livres de tant tant d'injures, & d'y mettre à chaque ligne le mot de diable: Il eft vrai que Luther répétoit ce mot odieux jufqu'à faire horreur, inventant de nouvelles phrases pour pénétrer les Zuingliens de démons. C'est l'expreffion dont fe fert M. Boffuet. .X X I. Mélanchton s'appliquoit en même temps à réduire la préfence réelle au moment précis de l'ufage. Il eft bon de voir comment ce nouveau dogme s'eft introduit dans la fecte. Le grand objet de la haine des réformateurs étoit la messe, qui au fond n'eft autre chofe que les prieres publiques de l'Eglife confacrées par la célébration de l'Euchariftie, où Jefus-Chrift préfent honore fon pere & fanctifie les fideles. Mais deux chofes y choquoient ces novateurs, parce qu'ils ne les avoient jamais bien entendues : l'une étoit l'oblation, & l'autre l'adoration qu'on rendoit à Jefus-Chrift préfent dans ces myfteres. L'oblation n'étoit autre chofe que la confécration du pain & du vin pour en faire le corps & le fang de Jesus-Chrift, & le rendre par ce moyen vraiment préfent. Cette action par elle-même ne pouvoit qu'être agréable à Dieu, & la seule présence de Jesus-Christ montré à fon pere, en honorant fa majefté fuprême, étoit capable d'attirer fur nous fa miféricorde. Luther voulut croire qu'on attribuoit à cette préfence une vertu pour fauver les hommes indépendamment de la foi ; & fur une fuppofition fi fauffe & fi ridicule, la meffe devint l'objet de leur averfion, & les paroles les plus faintes du canon leur devinrent odieuses. Luther alloit même, en fuivant fon génie, jufqu'à dire qu'on devoit avoir autant d'horreur du canon que du diable. Comme la préfence réelle étoit le fonds d'où la meffe tiroit tout fon prix, les réformateurs auroient bien voulu fapper ce fondement, & une grande partie d'entr'eux le fit. Luther même croyoit que c'étoit le plus court moyen d'abolir la meffe & tout le culte du papifme. Mais en retenant, comme il y étoit forcé, le fens littéral de la présence réelle, il étoit clair que la meffe fubfiftoit en fon entier. Car dès qu'on Tome VIII. A a XLVII. Mélanchton veut réduire la préfènce réelle au moment précis de l'ufage. Ce qui l'a obligé à inventer ce nouveau dogme. variations. Hiftoire des temps retenoit ce fens littéral, les Catholiques en concluoient, que non-feulement l'Euchariftie étoit le vrai corps dans le de la manducation, mais même avant la manducation & dès la confécration, puisqu'on ne difoit pas Ceci fera, mais Ceci eft mon corps. Cette conféquence que tiroient les Catholiques de la préfence réelle à la préfence permanente & hors de l'usage, étoit fi claire que Luther l'avoit reconnue, même après qu'il eut ôté l'élévation de l'hoftie. Avec cette foi, il eft impoffible de nier le facrifice de l'autel: car que veut-on que faffe Jefus-Chrift avant que l'on mange fon corps & fon fang, fi ce n'eft de fe rendre préfent pour nous devant fon pere? C'étoit pour empêcher une conféquence fi naturelle, que Mélanchton cherchoit des moyens de réduire cette préfence à la feule manducation. Ce fut principalement à la conférence de Ratisbonne qu'il étala cette partie de fa doctrine. L'empereur avoit ordonné cette conférence en 1541. entre les Catholiques & les Proteftans, pour tâcher de rétablir la paix. Mélanchton y reconnut à fon ordinaire la présence réelle avec les Catholiques; mais il s'appliqua à faire voir que l'Euchariftic, comme les autres facremens, n'étoit facrement que dans l'usage légitime, c'est-à-dire, comme il l'entendoit, dans la réception actuelle ; comme fi JesusChrist n'avoit établir des facremens que pu d'une forte, & que dans les fignes de cette nature, où tout dépend de la volonté de l'inftituteur, ce fût à nous de lui faire la loi. Mélanchton avoit beau faire: fa foible raison ne pouvoit oppofer au myftere de Jefus-Chrift que de pures chicanes & de vaines fubtilités. Il fentoit bien qu'il étoit impoffible que Jefus-Chrift, rendu préfent fur l'autel par la feule confécration du pain & du vin, ne fût une chose par elle-même agréable à Dieu, qui atteftoit sa grandeur fuprême, intercédoit pour les hommes, & avoit toutes les conditions d'une oblation véritable. Ainfi la meffe fubfiftoit, & on ne pouvoit la détruire qu'en niant la préfence hors de la manducation. Auffi quand on vint dire à Luther, que Mélanchton avoit hautement nié cette préfence dans la conférence XLVIII. Contradic tions entre les réformateurs. Ils ne peuvent s'attacher à rien de fixe. I's reglent la doctrine fur leurs paffions. Hiftoire des yariations. de Ratisbonne, Hofpinien rapporte qu'il s'écria: Courage, mon cher Mélanchton: pour cette fois la meffe eft à bas. Tu en as ruiné le myftere, auquel jufqu'à préfent je n'avois pu donner atteinte. Ainfi de l'aveu des Proteftans, le dogme du facrifice eucharistique fera toujours inébranlable, tant qu'on admettra dans ces paroles, Ceci eft mon corps, une efficace présente. Quoique Luther laissât dire à Mélanchton tout ce qu'il vouloit contre la meffe, il n'abandonnoit pas néanmoins abfolument fes anciens fentimens. On voit même que Mélanchton biaifoit avec lui fur ce fujet. Luther déterminoit le temps de la préfence réelle depuis le Pater nofter, qui se difoit dans la meffe luthérienne immédiatement après la confécration, jufqu'à ce que tout le monde eût communić. Mais pourquoi en demeurer-là? Si on eût porté à l'instant la communion aux abfens, comme faint Justin dit qu'on le faifoit de fon temps, auroit-on eu raifon de dire que JesusChrist auroit retiré auffi-tôt sa sainte présence? Mais pourquoi ne la continueroit-il pas quelques jours après, lorfque le faint Sacrement feroit réservé pour l'ufage des malades? Ce n'eft que par une pure fantaifie qu'on voudroit retirer en ce cas la présence de Jefus-Christ. Au refte quelque temps qu'il leur plût d'affigner à cette divine préfence, elle ne pouvoit être fruftrée de tous les avantages qui l'accompagnoient, & le facrifice fubfistoit. Mélanchton le fentoit bien: auffi tendoit-il toujours, quoi qu'en pût dire Luther, à ne mettre la préfence que dans la réception actuelle. Pour Luther, il approuvoit même l'élévation & l'adoration. On peut, dit-il dans un de fes derniers écrits, conferver l'élévation comme un témoignage de la préfence réelle; puifque c'eft dire au peuple: Voyez, Chrétiens; ceci eft le corps de Jefus Christ qui a été livré pour nous. Pourquoi donc, dira-t-on, avoit-il aboli l'élévation, puifqu'après même l'avoir fait, il la croyoit fi utile ? La raison en eft digne de lui, & c'eft lui-même qui nous apprend, que s'il avoit aboli l'élévation, c'étoit en dépit de la papauté; & que s'il l'avoit retenue fi long-temps, c'étoit en dépit de Carloftad. Il la falloit retenir, ajoûtoit-il, lorfqu'on la con- XXIL XLIX. Diete de Spire Au commencement de 1544. Charles-Quint tint à Spire de 1544. Les une diete célébre, à laquelle affifterent tous les électeurs, Proteftans y foit catholiques, foit proteftans. Le pape y envoya un légat, obtiennent ce tholiques s'en l'empereur. t. XXVIII. 1. cxlj. n. 1. & fuiv. AN. 1544 qu'ils fouhai- ordonna des prieres publiques dans toute l'Eglife, & accorda toient. Les Ca- des indulgences femblables à celles du jubilé, à ceux qui plaignent. Le prieroient pour la paix de l'Eglife & des royaumes. La diete pape en écrit à dura depuis le vingtieme de Février jufqu'au dixieme de Cont. de Fl. Juin. L'empereur la commença par un difcours, dans lequel il demanda des fecours extraordinaires contre le Turc & le roi de France. On y traita pendant long-temps des affaires civiles, & on remit à parler de celles de la religion à la diete fuivante. Comme néanmoins l'empereur voyoit que le parti des Luthériens étoit beaucoup augmenté, & qu'il en pouvoit tirer de grands fecours contre fes ennemis, il voulut obliger les princes proteftans; & dans cette vûe, il fit un décret, par lequel il fufpendoit l'exécution de l'édit d'Aufbourg défendant expreflément d'inquiéter perfonne pour caufe de religion. Il ordonnoit de plus, que jufqu'à la tenue du concile, chacun des deux partis jouiroit paifiblement des biens eccléfiaftiques dont ils étoient en poffeffion; & que ces biens feroient employés à l'entretien des miniftres; à l'établiffement des écoles & au foulagement des pauvres ; qu'on choifiroit pour compofer la chambre impériale, autant de juges Luthériens que de juges Catholiques. Les Proteftans furent très-fatisfaits de ce décret, & comblerent l'empereur de louanges. Mais les Catholiques s'en plaignirent hautement. Le nonce alla même jufqu'à protefter contre, & fur-tout de ce qu'on avoit refusé de l'admettre dans l'affemblée. Le pape en écrivit une longue lettre à l'empereur, qui lui répondit qu'il ne méritoit point les reproches; & que fi chacun dans fon ordre avoit eu autant de zèle que lui, on ne verroit pas |