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de Ratisbonne, Hofpinien rapporte qu'il s'écria: Courage, mon cher Mélanchton: pour cette fois la meffe eft à bas. Tu en as ruiné le myftere, auquel jufqu'à préfent je n'avois donner atteinte.

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Ainfi de l'aveu des Proteftans, le dogme du facrifice euchariftique fera toujours inébranlable, tant qu'on admettra dans ces paroles, Ceci eft mon corps, une efficace préfente. Quoique Luther laissât dire à Mélanchton tout ce qu'il vouloit contre la meffe, il n'abandonnoit pas néanmoins abfolument fes anciens fentimens. On voit même que Mélanchton biaifoit avec lui fur ce fujet. Luther déterminoit le temps de la présence réelle depuis le Pater nofter, qui fe difoit dans la meffe luthérienne immédiatement après la confécration, jufqu'à ce que tout le monde eût communié. Mais pourquoi en demeurer-là? Si on eût porté à l'instant la communion aux absens, comme faint Justin dit qu'on le faifoit de fon temps, auroit-on eu raifon de dire que JefusChrist auroit retiré auffi-tôt fa fainte présence? Mais pourquoi ne la continueroit-il pas quelques jours après, lorsque le faint Sacrement feroit réservé pour l'ufage des malades? Ce n'eft que par une pure fantaifie qu'on voudroit retirer en ce cas la présence de Jefus Christ.

Au refte quelque temps qu'il leur plût d'affigner à cette divine présence, elle ne pouvoit être fruftrée de tous les avantages qui l'accompagnoient, & le facrifice fubfiftoit. Mélanchton le fentoit bien: auffi tendoit-il toujours, quoi qu'en pût dire Luther, à ne mettre la présence que dans la réception actuelle. Pour Luther, il approuvoit même l'élévation & l'adoration. On peut, dit-il dans un de fes derniers écrits, conferver l'élévation comme un témoignage de la préfence réelle; puifque c'eft dire au peuple: Voyez, Chrétiens; ceci eft le corps de Jefus Christ qui a été livré pour nous. Pourquoi donc, dira-t-on, avoit-il aboli l'élévation, puifqu'après même l'avoir fait, il la croyoit fi utile ? La raison en eft digne de lui, & c'eft lui-même qui nous apprend, que s'il avoit aboli l'élévation, c'étoit en dépit de la papauté; & que s'il l'avoit retenue fi long-temps, c'étoit en dépit de

Carloftad. Il la falloit retenir, ajoûtoit-il, lorsqu'on la condamnoit comme impie; & il la falloit rejetter, lorsqu'on la commandoit comme néceffaire.

XXII

XLIX. Dicte de Spire

obtiennent ce

tholiques s'cn

t. XXVIII. 1. cxlj. n. L. & fuiv.

AN. 1544

Au commencement de 1544. Charles-Quint tint à Spire de 1544. Les une diete célébre, à laquelle affifterent tous les électeurs Proteftans y foit catholiques, foit proteftans. Le pape y envoya un légat, qu'ils fouhai- ordonna des prieres publiques dans toute l'Eglife, & accorda toient. Les Ca- des indulgences femblables à celles du jubilé, à ceux qui plaignent. Le pricroient pour la paix de l'Eglife & des royaumes. La diete pape en écrit à dura depuis le vingtieme de Février jufqu'au dixieme de Cont. de Fl. Juin. L'empereur la commença par un discours, dans lequel il demanda des fecours extraordinaires contre le Turc & le roi de France. On y traita pendant long-temps des affaires civiles, & on remit à parler de celles de la religion à la diete fuivante. Comme néanmoins l'empereur voyoit que le parti des Luthériens étoit beaucoup augmenté, & qu'il en pouvoit tirer de grands fecours contre fes ennemis, il voulut obliger les princes proteftans; & dans cette vûe, il fit un décret, par lequel il suspendoit l'exécution de l'édit d'Aufbourg, défendant expreflément d'inquiéter perfonne pour caufe de religion. Il ordonnoit de plus, que jufqu'à la tenue du concile, chacun des deux partis jouiroit paifiblement des biens eccléfiaftiques dont ils étoient en poffeffion; & que ces biens feroient employés à l'entretien des miniftres, à l'établissement des écoles & au foulagement des pauvres; qu'on choifiroit pour compofer la chambre impériale, autant de juges Luthériens que de juges Catholiques. Les Proteftans furent très-fatisfaits de ce décret, & comblerent l'empereur de louanges. Mais les Catholiques s'en plaignirent hautement. Le nonce alla même jusqu'à protefter contre, & fur-tout de ce qu'on avoit refufé de l'admettre dans l'affemblée. Le pape en écrivit une longue lettre à l'empereur, qui lui répondit qu'il ne méritoit point fes reproches; & que fi chacun dans fon ordre avoit eu autant de zèle que lui, on ne verroit pas

l'Eglife exposée à tant de malheurs. Luther écrivit un fort long traité contre la lettre du pape, où il n'épargnoit, à son ordinaire, ni les invectives ni les injures.

XXIII

La même année 1544. l'empereur ordonna aux théolo giens de Louvain de s'affembler, pour examiner & mettre par écrit les dogmes qui devoient être propofés dans le concile qui venoit d'être indiqué à Trente, & dont nous parlerons bientôt. Les docteurs drefferent trente-deux articles, qui tous combattent les erreurs de la nouvelle réforme. Ils n'appuyerent leur décifion d'aucun paffage de l'écriture fainte, foit pour être plus courts, foit parce que ces articles avoient été affez prouvés par d'autres écrits. Un an après, Luther attaqua ces trente-deux articles de Louvain, par un écrit allemand & latin en foixante-quinze propofitions, & le répandit de tous côtés. On y voyoit que ce chef des réformateurs, en tirant à fa fin, devenoit de jour en jour plus furieux. En effet on ne peut rien voir de plus emporté que ce qu'il écrivit cette année, qui étoit la derniere de fa vie, contre les docteurs de Louvain & contre les Sacramentaires; & nous ne croyons pas que fes difciples puiffent confidérer fans rougir les prodigieux égaremens de fon efprit. II accufe les théologiens de Louvain d'être des hérétiques & des idolâtres. Enfuite il fait le bouffon, mais de la maniere du monde la plus baffe, rempliffant toutes les thèses de ces miférables équivoques; vaccultas au lieu de facultas, Cacolyca ecclefia, au lieu de Catholica, parce qu'il trouve dans ces deux mots Vaccultas & Cacolyca, une froide allufion aux vaches, aux méchans & aux loups. S'imaginant tourner en ridicule la coutume d'appeller les docteurs nos maîtres, il nomme toujours ceux de Louvain noftrolli magiftrolli, bruta magiftrollia, croyant les rendre fort odieux & fort méprifables par ces impertinens diminutifs qu'il invente. Quand il veut parler plus férieufement, il appelle ces théoLogiens de vraies bêtes, des pourceaux, des Epicuriens, des

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Ibid.

Païens & des Athées, qui prennent, non de l'écriture, mais de la doctrine des hommes, tout ce qu'ils vomiffent. Luther joint au mot vomir deux autres expreffions que nous n'avons garde de tranfcrire, & que des gens de la plus vile populace oferoient à peine prononcer. Ce phrénétique fe foucioit peu de s'immoler lui-même à la rifée publique, pourvû qu'il poufsât tout à l'extrémité contre les adverfaires.

Ce fut auffi à la fin de fa vie qu'il compofa en allemand un écrit contre la papauté romaine, établie, dit-il, par Satan. Il fit mettre à la tête du livre une estampe, dans laquelle le pape étoit affis fur un trône élevé, revêtu de fes habits pontificaux, les mains jointes, avec des oreilles d'âne, & tout autour de lui plufieurs démons de différentes figures, les uns lui mettant la tiare fur la tête après l'avoir remplie d'ordures, les autres le defcendant en enfer avec des cordes: ceux-là apportoient du bois pour le brûler, ceux-ci lui soutenoient les pieds afin qu'il descendît plus à fon aise. Il est incroyable qu'un Luthérien qui réfléchit, puiffe lire fans étonnement ce que fon chef n'a pas craint de laiffer à la poftérité. Le pape, dit-il, eft fi plein de diables, qu'il en crache, qu'il en mouche: n'achevons pas ce que Luther n'a pas rougi de répéter trente fois.. N'est-ce point-là le difcours d'un forcené plutôt que d'un réformateur? Mais c'est qu'il s'agit du pape : à ce feul mot il rentroit dans ses fureurs, & ne fe poffédoit plus. Oferons-nous rapporter la fuite de cette invective infenfée: Il le faut, malgré nos répugnances, afin que l'on comprenne quelles furies poffédoient ce chef de la nouvelle réforme. Faifons-nous donc violence pour transcrire ces mots qu'il adreffe au pape Paul III. Mon petit Paul, mon petit pape, mon petit anon, allez doucement; vous marchez fur la glace; vous vous rompriez une jambe; vous vous gâteriez, & on diroit: Quel diable eft ceci? Comment le petit Papelin s'eft gâté ! Il en coûte pour transcrire de fi indignes bouffonneries; mais l'intérêt de la religion demande que l'on furmonte fes répugnances. Que peut dire un Luthérien sensé, en voyant ainsi ramper dans la boue fon maître & fon apôtre? Mais venons à d'autres beaux endroits.

peur

Ils confiftent dans ces jeux de mots, Cæleftiffimus, Sceleftif
fimus, Sanctiffimus, Šataniffimus ; & c'est ce qu'on trouve à
chaque ligne. Que dira-t-on de cette belle figure? Un âne
fait qu'il eft un âne; une pierre fait qu'elle eft pierre: & ces
anes de Papelins ne favent pas qu'ils font des ânes. De
qu'on ne s'avisât d'en dire autant de lui, il va au-devant de
l'objection: Et, dit-il, le pape ne peut pas me croire un âne;
il fait bien que par la grace de Dieu je fuis plus favant dans
les écritures que lui & tous fes ânes. Voici le stile qui va
s'élever: Si j'étois le maître de l'empire: Où ira-t-il après
un fi beau début? Je ferois un même paquet
du pape
& des
cardinaux, pour les jetter tous enfemble dans ce petit foffe de
la mer de Tofcane. Ce bain les guériroit : j'en donne ma pa-
role, & Jefus-Chrift en eft ma caution. Le nom facré de
Jefus-Chrift n'eft-il pas ici employé bien à propos? Trem-
blons à la vue des terribles jugemens de Dieu, qui pour punir
l'orgueil de l'homme, a permis que de fi groffiers emporte-
mens euffent une telle efficace de féduction & d'erreur.

XXIV.

LI.

Sa mort.
Contin, de

1. cxlij. n. so.

AN. 1546.

Luther étant à Vittemberg où il achevoit fes commentaires fur la Genèfe, les comtes de Mansfeld lui écrivirent pour le prier de fe rendre à Iflebe fa patrie, afin d'y appaifer Fl. t. XXIX. quelques différends qui étoient entre eux au fujet du partage de leur fucceffion. Luther voulant obliger ces feigneurs, fe mit en chemin à la fin de Janvier 1546, quoiqu'il fût incommodé. Il avoit pris avec lui ses trois fils, Jean, Martin & Paul, & quelques amis. Les comtes envoyerent au devant de lui cent treize cavaliers pour l'escorter. Etant arrivé à Iflebe, il y prêcha plufieurs fois, & y fit d'autres fonctions. Mais le dix-feptieme de Février, étant attaqué d'un violent mal d'eftomac, il prit par le confeil de fes amis quelques poudres dans du vin, & alla fe repofer, en exhortant ceux qui étoient préfens, à prier Dieu de maintenir la doctrine de l'évangile; parce que, difoit-il, le pape & le concile de Trente méditoient d'horribles deffeins. Il dormit un peu;

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