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& s'étant réveillé, il fe plaignit des douleurs qu'il fouffroit, & fentit que fa fin approchoit. Il témoigna être plein d'affurance qu'il alloit jouir de la vue de Dieu pendant toute l'éternité, difant que perfonne ne pourroit le ravir d'entre fes mains. Il lui recommanda fon ame, & mourut affez tranquillement, felon le rapport de ceux qui étoient présens. Telle fut la fin de cet héréfiarque, qui avoit environ soixante & trois ans. Dieu permet fouvent que la mort de fes plus grands ennemis n'ait rien qui frappe les hommes, ne voulant point fortir de fon fecret par des marques éclatantes de fa colere, & fe réservant de leur faire éprouver dans l'autre vie les effets terribles de fa vengeance, d'une maniere proportionnée à leur malice & à leur impiété. Les comtes de Mansfeld vouloient que Luther fût enterré à Iflebe , parce que cette ville étoit fa patrie; mais par l'ordre du prince électeur de Saxe, il fut honorablement transporté à Vittemberg, & enterré cinq jours après. Il est inutile de faire ici le portrait de ce malheureux chef de la réforme. Les faits inconteftables que nous avons rapportés dans cet article, fuffifent pour en donner une jufte idée. Avant que d'expofer les fuites qu'eut cette héréfie depuis la mort de fon auteur jufqu'au commencement du dix-feptieme fiecle, il eft à propos de faire connoître les autres réformateurs, & de montrer comment la doctrine de l'Eglife s'eft foutenue & établie contre eux dans le concile de Trente.

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I.

Commence

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PENDANT que le Luthéranifine s'établissoit en Allemamens de Zuin- gne, Ulric Zuingle jettoit en Suiffe les fondemens d'une nouvelle fecte. Il étoit né à Vildehausen en Suiffe, le premier de Janvier de l'an 1487. Il apprit les langues à Bâle XX livre & à Berne, & fit fa philofophie à Vienne en Autriche, & fa

gle.

Contin. de Fleury, tome

CXXV, n. 94.

théologie

théologie à Bâle, où il reçut le bonnet de docteur lan 1505. Il commença à prêcher l'année fuivante avec affez de fuccès, & fut pourvu d'une cure dans un gros bourg de Suiffe. La réputation qu'il s'étoit acquife par fes fermons, le fit appeller [ en 1516. ] à la conduite d'une autre Eglife, qu'on appelloit l'Hermitage de la Vierge, qui étoit un fameux pélerinage. En 1517, il eut une conférence avec le Cardinal de Sion, qui fe trouvoit alors en Suiffe. Il y fut question des maux de l'Eglife, & de la néceffité d'y remédier. Il représenta au cardinal combien ceux qui, comme lui, étoient dans les grandes places, devoient travailler à cet important ouvrage. S'il s'en fût tenu-là, on n'auroit point eu de reproche à lui faire. En 1518. il fut appellé à Zurich, pour y gouverner la principale paroiffe de la ville, & y annoncer la parole de Dieu. Quelque réputation qu'il fe fût acquife, on peut dire qu'il avoit beaucoup moins de fcience que de feu & de vivacité. Ce que l'on trouve en lui de plus fatisfaifant, c'eft la netteté dans le difcours. Aucun des prétendus réformateurs n'a expliqué fes penfées, d'une maniere plus fuivie, plus uniforme, ni plus précife. Aussi aucun n'a été plus loin, ni n'a montré plus de hardiesse.

Zuingle voyant que la publication des Indulgences étoit un moyen fûr d'amaffer de l'argent, & voulant devenir riche afin de s'avancer dans les dignités, cherchoit l'occafion d'avoir des indulgences à publier; mais le pape Léon X. les fit annoncer à Zurich en 1519. par un Cordelier Milanois, qui n'étoit ni moins intéreffé ni moins ambitieux que Zuingle. Ce religieux, d'ailleurs fort ignorant, crioit de toutes les forces, qu'en donnant de l'argent pour avoir beaucoup d'indulgences, on recevoit la remiffion de tous fes péchés, & que l'on délivroit infailliblement les ames du purgatoire. Le peuple féduit par ces fauffes promeffes, ne ceffoit d'apporter de l'argent au cordelier, qui par-là recueillit des fommes confidérables. Zuingle indigné de n'avoir point été chargé d'une commiffion fi lucrative, parla vivement contre les indulgences. Il paffa enfuite des indulgences à l'autorité du Pape, à la nature du facrement de Pénitence, au Tome VIII.

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III. Conférence publique entre

Zuingle & les
Contin. de
Fl. t. XXVI.

Catholiques.

1. cxxviij. n. 46. & fuiv.

AN. 1523.

mérite de la foi, & à l'effet des bonnes œuvres. Hugues évêque de Conftance, croyant d'abord que Zuingle n'en vouloit qu'aux abus, l'autorisa dans fes prédications, & l'exhorta de continuer, lui promettant même fa protection. Mais quand cet évêque fut qu'il attaquoit la foi, il voulut arrêter son faux zéle. Alors Zuingle lui déclara qu'il prê cheroit malgré lui & malgré le legat du pape. Il continua de déclamer non-feulement contre les indulgences, mais auffi contre l'invocation des faints, le facrifice de la meffe, les loix eccléfiaftiques, les vœux, le célibat des prêtres & l'abftinence des viandes, fans rien changer néanmoins alors au culte extérieur & public de la religion. Quand il crut avoir acquis affez de crédit & d'autorité, il prit les moyens de faire autorifer & recevoir publiquement fa doctrine.

Pour cet effet, il engagea le fénat de Zurich à s'affembler au commencement de l'année 1523, pour conférer avec les députés de Hugues, évêque de Conftance, & les autres eccléfiaftiques, touchant la religion. Le fénat indiqua donc une affemblée, à laquelle il invita tous les eccléfiastiques du canton, & avertit l'évêque de Conftance de s'y trouver, ou d'y envoyer quelqu'un de fa part, afin, dit le fénat, de combattre par la feule écriture fainte les erreurs prétendues dont on accuse Zuingle, & de juger enfuite en faveur des fentimens qu'on trouvera plus conformes à la parole de Dieu. C'étoit renverser l'ordre établi par Jesus-Christ, qui n'a donné ce pouvoir qu'aux pafteurs. L'évêque de Conftance envoya à cette affemblée Jean Fabert, fon grand Vicaire, avec deux autres perfonnes; & il s'y trouva un grand nombre d'autres ecclefiaftiques. Après que les députés eurent déclaré qu'ils ne vouloient rien décider, jufqu'à ce que l'évêque eût prononcé avec fon confeil; Zuingle fe leva, & dit, que la lumiere de la parole de Dieu ayant été obscurcie, & prefque éteinte dans ces derniers temps par des traditions humaines, quelques perfonnes avoient entrepris de lui rendre fon ancien éclat, en annonçant l'évangile au peuple dans fa pureté ; qu'il étoit de ce nombre ; & que, comme on l'avoit traité d'hérétique, il vouloit rendre

compte de fa doctrine. Il la réduifit à foixante-fept propofitions, qu'il foutenoit être conformes à l'évangile. Cette doctrine étoit, fur un grand nombre d'articles, la même que celle de Luther, particulierement fur l'autorité de l'Eglise & la néceffité des conciles généraux, que Zuingle ne reconnoiffoit point, prétendant, comme Luther, qu'il n'y a point d'autre régle que l'écriture fainte pour juger les questions de doctrine, & que les fimples fideles pouvoient décider sur les points qui étoient en dispute.

I I.

IV.

Edit du fenat faveur de Zuingle.

de Zurich, en

Ibid. n. 49.

Comme le parti de Zuingle étoit le plus nombreux dans cette affemblée, le fénat, quelque incompétent qu'il fût fur ces matieres, dreffa fur le champ un édit, qui portoit que la doctrine de Zuingle feroit reçûe dans tout le canton de Zurich, & que tous les pasteurs & prédicateurs feroient & Juy. obligés de prendre Zuingle pour modele & pour regle de leur doctrine. Faber protefta contre cet édit, difant que plufieurs propofitions de Zuingle étoient contraires à la doctrine de faint Paul, & par conféquent condamnables. Comme l'édit laissoit fubfifter l'ancien culte extérieur, & qu'on ne pouvoit l'abolir fans autorité, le fénat, à la follicitation de Zuingle, indiqua une autre affemblée pour la fin du mois d'Octobre de la même année 1523. Et pour la rendre plus célébre, le fénat de Zurich y invita les évêques de Conftance, de Coire & de Bâle, l'univerfité de cette derniere Ville, & les douze cantons Suiffes. La conférence dura trois jours. On y parla d'abord de l'église & des images, & enfuite on examina la queftion de la meffe, que Zuingle foutint n'être point un facrifice. Le résultat de la conférence fut un nouvel édit du fénat, par lequel il étoit défendu aux prêtres & aux religieux de faire des proceffions publiques, d'y porter le faint facrement, & de l'expofer à l'adoration des fidéles. On ôta des églifes les reliques des faints & on défendit de jouer des orgues, de fonner les cloches, de bénir des rameaux, du fel, de l'eau, des cierges, & de donner l'onction aux malades.

V.

Ecrits de Zuingle. Sa

principale er

reur, qu'un

cfprit lui ap

prend dans un fonge.

n. 40. & 41. AN. 1526.

Zuingle composa alors plufieurs ouvrages pour appuyer fes erreurs. Il publia d'abord un long éclairciffement fur les foixante-fept propofitions qu'il avoit présentées à l'affemblée de Zurich. Il adreffa enfuite un difcours à tous les cantons Suiffes, pour les exhorter à ne pas s'oppofer au progrès de Ibid. n. 54. fa doctrine, & à ne pas fe fcandalifer du mariage des prê tres. L'évêque de Conftance ayant écrit au fénat de Zurich, pour l'engager à s'opposer à la nouveauté & à conserver l'ancienne religion, Zuingle répondit à cette exhortation de l'évêque, & lui présenta une requête, où il le prioit de ne point s'opposer à la prédication de l'évangile (c'est-à-dire de fes nouveautés), & de tolérer au moins le mariage des prêtres. Il compofa encore, à la fin de cette année 1523. & les deux fuivantes, plufieurs autres écrits, entr'autres, une lettre fur la grace de Jesus-Christ, contre Jérôme EmIb. 1. cxxx. fer. Au commencement de l'an 1526. il publia fon commentaire de la vraie & fauffe religion, qu'il dédia au roi de France François I. & dans lequel il expliquoit affez au long fon fentiment fur l'Euchariftie: & au mois d'Août, il donna un autre écrit fur la même matiere, où il s'étend encore davantage. Il fe trouvoit embarraffé de ces paroles fi fimples de Jefus-Christ: Ceci eft mon Corps, Ceci eft mon Sang. Hiftoire des Quand il leur oppofoit ces autres paroles, Je fuis la Vigne; Je fuis la Porte; La Pierre étoit le Chrift; il fentoit que ces exemples n'étoient pas femblables. Ce n'étoit ni en propofant une parabole, ni en expliquant une allégorie, que Jefus-Chrift avoit dit, Ceci est mon Corps, Ceci eft mon Sang. Ces paroles détachées de tout autre difcours, ne pouvoient être rapportées à aucun autre objet, & devoient néceffairement le prendre à la lettre. D'ailleurs, il s'agiffoit d'une nouvelle inftitution, qui devoit être faite en termes fimples; & on ne pouvoit alléguer aucun paffage de l'écriture, où un figne d'inftitution reçût le nom de la chose, au moment qu'on l'inftituoit, & fans aucune préparation précédente. C'étoit pour Zuingle une terrible difficulté, & il en cherchoit la folution. On ne laiffa pas, en attendant, d'abolir la Meffe par ordonnance du fénat de Zurich, mal

variations.

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