mérite de la foi, & à l'effet des bonnes œuvres. Hugues, évêque de Conftance, croyant d'abord que Zuingle n'en vouloit qu'aux abus, l'autorifa dans fes prédications, & l'exhorta de continuer, lui promettant même fa protection. Mais quand cet évêque fut qu'il attaquoit la foi, il voulut arrêter son faux zéle. Alors Zuingle lui déclara qu'il prê cheroit malgré lui & malgré le legat du pape. Il continua de déclamer non-feulement contre les indulgences, mais auffi contre l'invocation des faints, le facrifice de la meffe, les loix eccléfiaftiques, les vœux, le célibat des prêtres & l'abstinence des viandes, fans rien changer néanmoins alors au culte extérieur & public de la religion. Quand il crut avoir acquis affez de crédit & d'autorité, il prit les moyens de faire autorifer & recevoir publiquement fa doctrine. publique entre Zuingle & les Contin, de Catholiques. Fl. t. XXVI. 1. cxxviij. n. 46. & fuiv. Pour cet effet, il engagea le fénat de Zurich à s'affembler au commencement de l'année 1523, pour conférer avec les députés de Hugues, évêque de Conftance, & les autres eccléfiaftiques, touchant la religion. Le fénat indiqua donc une affemblée, à laquelle il invita tous les eccléfiaftiques du canton, & avertit l'évêque de Conftance de s'y trouver, ou AN. 1523. d'y envoyer quelqu'un de fa part, afin, dit le fénat, de combattre par la feule écriture fainte les erreurs prétendues dont on accuse Zuingle, & de juger enfuite en faveur des fentimens qu'on trouvera plus conformes à la parole de Dieu. C'étoit renverser l'ordre établi par Jesus-Christ, qui n'a donné ce pouvoir qu'aux pafteurs. L'évêque de Conftance envoya à cette affemblée Jean Fabert, fon grand Vicaire, avec deux autres perfonnes; & il s'y trouva un grand nombre d'autres ecclefiaftiques. Après que les députés eurent déclaré qu'ils ne vouloient rien décider, jufqu'à ce que l'évêque eût prononcé avec fon confeil; Zuingle fe leva, & dit, que la lumiere de la parole de Dieu ayant été obfcurcie, & prefque éteinte dans ces derniers temps par des traditions humaines, quelques personnes avoient entrepris de lui rendre fon ancien éclat, en annonçant l'évangile au peuple dans fa pureté ; qu'il étoit de ce nombre ; & que, comme on l'avoit traité d'hérétique, il vouloit rendre III. Conférence compte de fa doctrine. Il la réduisit à foixante-fept propofitions, qu'il foutenoit être conformes à l'évangile. Cette doctrine étoit, fur un grand nombre d'articles, la même que celle de Luther, particulierement fur l'autorité de l'Eglise & la néceffité des conciles généraux, que Zuingle ne reconnoiffoit point, prétendant, comme Luther, qu'il n'y a point d'autre régle que l'écriture fainte pour juger les questions de doctrine, & que les fimples fideles pouvoient décider sur les points qui étoient en dispute. I I. IV. de Zurich, en Ibid. n. 49. Comme le parti de Zuingle étoit le plus nombreux dans cette affemblée, le fénat, quelque incompétent qu'il fût Edit du fenat fur ces matieres, dreffa fur le champ un édit, qui portoit faveur de que la doctrine de Zuingle feroit reçûe dans tout le canton Zuingle. Zurich, & que tous les pafteurs & prédicateurs feroient & fuiy. obligés de prendre Zuingle pour modele & pour regle de leur doctrine. Faber protefta contre cet édit, difant que plufieurs propofitions de Zuingle étoient contraires à la doctrine de faint Paul, & par conféquent condamnables. Comme l'édit laiffoit fubfifter l'ancien culte extérieur, & qu'on ne pouvoit l'abolir fans autorité, le fénat, à la follicitation de Zuingle, indiqua une autre affemblée pour la fin du mois d'Octobre de la même année 1523. Et pour la rendre plus célébre, le fénat de Zurich y invita les évêques de Conftance, de Coire & de Bâle, l'univerfité de cette derniere Ville, & les douze cantons Suiffes. La conférence dura trois jours. On y parla d'abord de l'église & des images, & enfuite on examina la question de la meffe, que Zuingle foutint n'être point un facrifice. Le résultat de la conférence fut un nouvel édit du fénat, par lequel il étoit défendu aux prêtres & aux religieux de faire des proceffions publiques, d'y porter le faint facrement, & de l'expofer à l'adoration des fidéles. On ôta des églifes les reliques des faints & on défendit de jouer des orgues, de fonner les cloches, de bénir des rameaux, du fel, de l'eau, des cierges, & de donner Fonction aux malades. n. 40. & 41. AN. IS26. Zuingle compofa alors plufieurs ouvrages pour appuyer fes erreurs. Il publia d'abord un long éclairciffement fur les foixante-fept propofitions qu'il avoit présentées à l'affemblée de Zurich. Il adreffa enfuite un difcours à tous les cantons Suiffes, pour les exhorter à ne pas s'oppofer au progrès de fa doctrine, & à ne pas fe fcandalifer du mariage des prê tres. L'évêque de Conftance ayant écrit au fénat de Zurich, pour l'engager à s'opposer à la nouveauté & à conserver l'ancienne religion, Zuingle répondit à cette exhortation de l'évêque, & lui préfenta une requête, où il le prioit de ne point s'opposer à la prédication de l'évangile (c'est-à-dire de fes nouveautés), & de tolérer au moins le mariage des prêtres. Il compofa encore, à la fin de cette année 1523. & les deux fuivantes, plufieurs autres écrits, entr'autres, une lettre fur la grace de Jefus-Christ, contre Jérôme EmIb. 1. cxxx. fer. Au commencement de l'an 1526. il publia fon commentaire de la vraie & fauffe religion, qu'il dédia au roi de France François I. & dans lequel il expliquoit affez au long fon fentiment fur l'Euchariftie : & au mois d'Août, il donna un autre écrit fur la même matiere, où il s'étend encore davantage. Il fe trouvoit embarraffé de ces paroles fi fimples de Jefus-Christ: Ceci eft mon Corps, Ceci eft mon Sang. Hiftoire des Quand il leur oppofoit ces autres paroles, Je fuis la Vigne; Je fuis la Porte; La Pierre étoit le Chrift; il fentoit exemples n'étoient femblables. Ce n'étoit ni en propofant une parabole, ni en expliquant une allégorie, que Jesus-Chrift avoit dit, Ceci est mon Corps, Ceci eft mon Sang. Ces paroles détachées de tout autre difcours, ne pouvoient être rapportées à aucun autre objet, & devoient néceffairement fe prendre à la lettre. D'ailleurs, il s'agiffoit d'une nouvelle inftitution, qui devoit être faite en termes fimples; & on ne pouvoit alléguer aucun paffage de l'écrioù un figne d'inftitution reçût le nom de la chofe, au moment qu'on l'inftituoit, & fans aucune préparation précédente. C'étoit pour Zuingle une terrible difficulté, & il en cherchoit la folution. On ne laiffa pas, en attendant, d'abolir la Meffe par ordonnance du fénat de Zurich, mal variations. que ces pas ture, V. Ecrits de Zuingle. Sa reur, qu'un principale er efprit lui apprend dans un Ibid. n. 54. gré les oppofitions du greffier. Quelques jours après, Zuingle eut un fonge qu'il rapporte lui-même dans le dernier ouvrage dont nous venons de parler. Il dit que s'imaginant difputer encore avec le greffier de Zurich, qui le preffoit vivement fur la clarté de ces paroles Ceci eft mon Corps, il vit paroître tout d'un coup un fantôme blanc ou noir, (car il n'étoit pas certain de la couleur,) qui lui dit ces mots: Lâche, que ne réponds-tu ce qui eft dans l'Exode: L'agneau eft la Pâque, pour dire qu'il en eft le figne? Zuingle prit ce fonge pour une vraie révélation,& s'appuyant fur une preuve fi merveilleufe, il foutint que ces mots, Ceci eft mon Corps, fignifioient, Ceci eft la figure de mon Corps. Comment ce docte perfonnage ne favoit-il pas que cette expreffion, t. 1. p. 86. l'agneau eft la pâque ou le paffage, eft un hébraïsme assez commun, où le mot de facrifice eft fous-entendu ? L'écriture s'explique elle-même un peu plus bas, en difant, que l'agneau eft la victime du paffage. Une telle ignorance n'eft point pardonnable à un homme qui vouloit faire la loi à toute l'Eglife. Boffuet, hift. des var. in 2.4. III. VI. par se ces nou Contin. de Fl. t. XXVI. cxxix.n. 31. Ce nouvel apôtre fut bientôt puiffamment secondé un autre féducteur, plus favant & plus modéré que lui. C'est joint a ZuinOecolampade, que nous nous fommes jufqu'à préfent conten- gle. Caractere tés de nommer. Il étoit né en 1482. & étant encore jeune, veaux réfor il fut appellé à Bâle pour prêcher dans la principale églife. En 1515. il écrivit à Erafme avec autant d'efprit que de politeffe. On voit dans fes lettres de grands fentimens de piété. 4. Il avoit coutume d'écrire au pied de fon crucifix, & il ne pouvoit s'empêcher de parler des délices pures qu'il goûtoit dans le faint exercice de la priere. En 1520, il fe fit moine dans le monaftere de faint Laurent, près d'Ausbourg. Mais il quitta bientôt cette retraite pour aller à Bâle, où il fut fait curé. Il fe laiffa enfuite féduire par les nouveaux réformateurs, & fe lia particuliérement avec Zuingle, dont il tâcha d'appuyer les erreurs. Il fut choisi pour premier miniftre de l'Eglise prétendue réformée de Bâle. Erasme nous mateurs. apprend qu'auffi-tôt que fon ami Oecolampade se fut séparé de l'Eglife, il ne le reconnoiffoit plus ; que tous les fentimens de piété difparurent; & qu'au lieu de la candeur qu'il avoit toujours trouvée en lui, il n'y remarqua plus que diffi, mulation & artifices. Il eft bon de le remarquer. La vraie piété, qui n'eft autre chofe que la charité, ne se transporte point hors de l'Eglife. Les chefs de la nouvelle réforme avoient à la vérité de l'efprit, & n'étoient pas fans littérature; mais auffi ils étoient hardis, téméraires dans leurs décifions, & enflés de leur vain savoir. Ils aimoient les opinions extraordinaires & particulieres, croyant par là s'élever, non-feulement au-deffus des hommes de leur fiécle, mais encore de ceux de la plus fainte antiquité. Si Zuingle dans fa véhémence parut être un autre Luther, on peut dire qu'Oecolampade par fa politeffe fembloit être un autre Mélanchton; auffi étoit-il fon ami particulier. Nous avons vu dans l'article précédent, que Carloftad parmi les Sacramentaires étoit le premier qui avoit nié la préfence réelle. Comme il étoit fort ignorant, il fit peu de progrès; mais les écrits de Zuingle accréditerent fort ce nouveau dogme. Oecolampade perfectionna cette œuvre de féduction, & il fit tant d'impreffion par fon érudition & fon éloquence, qu'il y avoit, dit Erafme, de quoi féduire, s'il étoit poffible, les élus même. Dieu les mettoit à cette épreuve: mais fes promeffes & fa vérité foutenoient la fimplicité de la foi de l'Eglife contre les raifonnemens humains. Carloftad répandoit de temps en temps de petits écrits pleins d'ignorance contre la préfence réelle. Quelque méprifables qu'ils fuffent, de l'aveu de tout le monde, le peuple épris de la nouveauté, ne laiffoit pas de les goûter. Cet extravagant fe réconcilioit quelquefois avec Luther, & enfuite fe déclaroit fon ennemi. Il ne ceffa de brouiller toute fa vie ; & les Suiffes qui le reçurent chez eux plufieurs fois, ne purent jamais venir à bout de calmer cet efprit tur bulent. Lorfque le fens figuré eut acquis pour défenfeurs deux hommes tels que Zuingle & Oecolampade; Bucer & Capiton, qui gouvernoient les prétendus réformés de Straf VII. Progrès des Sacramentaires. Pourquoi il a rapide. |