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Il ne fit attention ni à son âge, ni à fa dignité, ni au prétexte qu'il fourniffoit au concile qu'on alloit affembler, de lui faire fon procès. Il parcouroit le camp à cheval: il étoit nuit & jour fur les batteries, hâtant les travaux, faifant placer les canons, excitant les foldats par les careffes & par les menaces, & ne témoignant d'autre defir que d'exterminer les affiégés. Telle étoit la charité de ce pere commun

'des fidéles.

Malgré fon ardeur, il fut contraint de s'éloigner un peu, à caufe du danger auquel il étoit expofé & de la rigueur de la faison. Mais bientôt fa paffion pour la guerre lui fit trouver infupportable le repos qu'il commençoit à goûter. Il retourna donc au fiége malgré tous les obftacles qu'il rencontroit, & fit de tels efforts qu'en peu de temps la place fut ouverte. La glace des foffés fe trouva fi forte, qu'il ne fut pas néceffaire de les combler pour monter à l'affaut. La garnifon capitula pour fortir le vingtieme de Janvier, à condition que les officiers refteroient prifonniers de guerre. Le pape entra dans la ville dans la ville par la bréche, avec tout l'appareil d'un héros victorieux, étalant avec oftentation toute la pompe qu'auroit pu affecter un jeune homme enivré de fa bravoure. La prife de la Mirandole convainquit Louis XII. qu'il avoit eu tort d'ordonner au maréchal de Chaumont d'épargner les terres du pape, & qu'il falloit agir avec Jules II. comme avec un ennemi déclaré. Les nouveaux mouvemens que le pape fe donna enfuite pour détacher l'empereur de Louis XII. les intrigues auxquelles il eut recours pour augmenter fa puiffance; fes violences & fes trahifons le rendirent de jour en jour plus odieux. Bologne étoit la principale des conquêtes du pape. Il en donna l'archevêché au cardinal Alédosi, qui avoit déja l'évêché de Pavie dont il portoit le nom. Jules qui l'aimoit comme fon favori, quoique ce fût un très-indigne fujet, le fit en même-temps gouverneur de fon diocèse.

XX.

Le pape prend la Mirandole,

& excite de

nouveaux

mouvemens

en Italie.
Ibid. n. 2.

& fuiy.

XXI.

Le cardinal de Pavie ayant eu l'imprudence de vouloir faire entrer un corps de troupes dans la ville pour renforcer la garnison, le peuple leur ferma les portes; & en même- tre le pape. Sa

Révolte des Bolonois con

ftatue

temps il s'excita du tumulte. L'archevêque le crut perdu,
& auffi-tôt abandonnant fon archevêché & fon gouverne-
ment, il s'enfuit à Ravennes, escorté de cent cavaliers. Dès
qu'il fut parti, le fénat fe déclara pour les Bentivoglio, qui
furent reçus dans Bologne comme les fouverains légitimes.
Le peuple fit éclater fa haine contre le pape, en mettant
en piéces fa ftatue, qui étoit l'ouvrage du célébre Michel
Ange. Jules étoit représenté debout dans une attitude de
foldat, élevant néanmoins la main droite au ciel, comme
pour donner la bénédiction. C'étoit le pape lui-même qui
avoit fait faire cette ftatue. Dès qu'elle eut été dreffée, le
peuple de Bologne demanda fi c'étoit pour les benir ou les
maudire, que cette terrible ftatue levoit le bras. Le pape
informé de cette demande, répondit un jour : C'eft ou pour
l'un ou pour
l'autre, felon que les Bolonois mériteront d'être
punis ou récompenfés. Ils fe reffouvinrent de cette parole
dans l'occafion dont nous parlons, & ce fouvenir excita
encore davantage leur indignation & leur fureur. Le pape
perdit enfuite plufieurs autres places qu'il avoit prifes au duc
de Ferrare; & il s'attendoit fi bien à fe voir dépouillé de
toutes celles qui lui reftoient, qu'il commença à désespérer
de pouvoir conferver le fouverain pontificat; parce qu'il
n'ignoroit pas combien il étoit odieux, & qu'il ne pouvoit
s'y maintenir que par la force. Il paffa quelques jours à
Ravennes, où fe trouva auffi le cardinal de Pavie. Comme
on attribuoit la perte de Bologne à la lâcheté de ce cardinal,
il rejetta fur le duc d'Urbin, neveu du pape,
pape, l'accufation
qu'on formoit contre lui. Le duc, pour s'en venger, attaqua
un jour le cardinal au milieu de la rue, se jetta fur lui, &
le tua de fa propre main à coups de poignard. Le
pape en
témoigna fa douleur par des cris & par des larmes, qui felon
toutes les apparences étoient bien finceres. Le féjour de
Ravennes lui devenant infupportable depuis le meurtre du
cardinal de Pavie, il partit pour Rome, & vit en paffant à
Rimini les placards affichés pour notifier l'indiction du con-
cile général qu'il appréhendoit fi fort.

Allaffinat du
Pavie fon fa-

cardinal de

vori.

Ibid. n. 21. & fuiy.

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IX.

En effet l'empereur Maximilien & le roi Louis XII. croyant qu'il falloit enfin remédier aux fcandales que le pape ne ceffoit de donner, réfolurent d'employer toute leur autorité pour faire affembler un concile. Maximilien vouloit qu'il le tînt à Conftance, & Louis XII. propofoit la ville de Lyon. Mais pour ménager les cardinaux, on choifit celle de Pife, comme ne pouvant être fufpecte à aucune des parties intéreffées. D'ailleurs le territoire étoit très-fertile ; on y vivoit à peu de frais ; & la proximité de la mer pouvoit faciliter une prompte & fûre retraite, fuppofé que l'on

у

fût infulté. L'empereur & le roi de France firent enfuite représenter au pape, que tout le collége des cardinaux avoit fait un ferment folemnel, que celui d'entre eux qui feroit élu pape, convoqueroit deux ans après fon exaltation un concile général, comme l'unique moyen de remédier aux maux de l'Eglife; qu'il avoit fait ce ferment comme les autres ; & que les maux étant augmentés, il ne pouvoit fe difpenfer d'exécuter au plutôt ce qu'il avoit fi folemnellement promis. Ce difcours fut pour Jules un coup de foudre, & il fit tout ce qu'il put pour le détourner. Les deux princes le voyant inflexible, envoyerent leurs ambaffadeurs à Milan vers les cardinaux de Sainte-Croix, de Narbonne & de Cofence, pour les engager à convoquer eux-mêmes le concile. Ce fut le fixieme (b) de Mai 1511. qu'on leur en fit la propofition. Ils l'agrée rent, à condition que l'empereur & le roi de France accorderoient leur protection au concile; qu'ils ne confentiroient point à sa diffolution fans le confentement de la plus grande partie de l'affemblée ; & qu'on y jouiroit d'une liberté & d'une fureté entiere, obfervant la forme prefcrite par le concile de Conftance.

en y

XXIII.

Ces conditions ayant été acceptées par les ambaffadeurs au nom de leurs maîtres, les cardinaux au nombre de neuf indiquerent le concile général à Pise pour le premier jour du concile. Le

Motifs de la Convocation

Pape, pour fai re diverfion •

(b) Ou felon le continuateur de M. Fleury, le feizieme.]

XXII. Convocation

d'un concile à Pife contre le

Pape.

Ibid. n. 28,

tre concile à Rome.

1

tre,

indique un au- de Septembre. La convocation fut affichée. On y expofoit
que le deffein de ceux qui convoquoient le concile, étoit
Ibid. n. 29. de réformer l'Eglife dans fon chef & dans fes membres, &
& fuiy.
de punir des crimes notoires, qui depuis long-temps scan-
dalifoient l'Eglife univerfelle; que le rang que tenoient
dans l'Eglife ceux qui convoquoient le concile, comme
fes principaux membres & fes protecteurs, leur étoit un
titre fuffifant pour le faire; que d'ailleurs la néceffité de
tenir ces fortes d'affemblées preffoit, & qu'il n'y avoit plus
d'efpérance que le pape voulût en convoquer. Le concile
de Conftance, ajoutoit-on, en a reconnu la néceffité, & a
ordonné expreffément qu'on tînt un concile œcuménique
de dix en dix ans. Ce terme eft expiré depuis long-temps,
& le pape Jules non-feulement néglige d'en convoquer
un, mais il a même éludé la propofition toutes les fois qu'on
la lui a faite. Enfin on citoit le pape lui-même à comparoî-
& on le faifoit en termes affez forts, mais cependant
refpectueux. Jules fut fi allarmé, qu'il réfolut d'abandonner
fes projets de guerre, & de mettre en œuvre toute fon
adreffe & fa politique, pour conjurer la tempête qui le me-
naçoit. Après bien des tentatives inutiles, enfin le cardinal
de Monté lui confeilla d'oppofer concile à concile. Le
pape
goûta cet avis, & le dix-huitieme de Juillet il fit publier une
bulle qu'il adreffa à tous les princes chrétiens, par laquelle
il convoquoit un concile général à Rome dans l'Eglife de
faint Jean de Latran, & ordonnoit à tous les évêques du
monde chrétien de s'y rendre au plutôt, fous peine d'être
privés de leurs dignités. Le pape s'efforce dans cette bulle
de juftifier fa conduite. Il affure qu'il a toujours fort defiré
d'affembler un concile général, & accufe de fchifme & de
rebellion les cardinaux qui en avoient indiqué un fans fa
participation. Il prétend que le terme de trois mois & demi
qu'ils ont donné, n'est pas fuffifant pour affembler les évê-
ques à un concile général; que la ville de Pise n'est point
affez grande ni affez bien bâtie. Il déclare fchifmatique,
cette convocation faite par les cardinaux ; & leur concile,
s'ils le tiennent, une fynagogue de fatan; défend aux

prélats

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prélats de s'y trouver, & interdit les lieux où cette aflem-
blée fe tiendra.

XXIV. Bulle contre

avoient le plus

du concile de

Pife.

Il donna une autre bulle contre les trois cardinaux qui avoient indiqué le concile de Pise, & les avertit que fi les trois cardans foixante-cinq jours ils ne comparoiffoient pas à Rome, dinaux qui ils feroient privés de la dignité de cardinal & de tous leurs contribué a la bénéfices. Cette démarche du pape leur donna de l'in- convocation quiétude, mais ne lui rendit point à lui-même la tranquillité : & comme il étoit fort pétulant, il ne pouvoit pas s'empêcher de faire éclater fon dépit & fon chagrin dans toutes les rencontres. Il publioit par-tout que dans fon concile de Latran il cafferoit le mariage du Roi de France avec Anne de Bretagne, & difpenferoit les provinces de Guyenne & de Normandie du ferment de fidélité prêté à Louis XII, comme ayant été injustement ufurpées fur les Anglois par les prédéceffeurs de ce prince.

X.

Les cardinaux, malgré les menaces du pape, envoye-
rent des procureurs à Pise, pour y faire en leur nom l'ou-
verture du concile, & répondirent à l'évêque d'Alexan-
drie qui leur avoit écrit de la part des cardinaux qui
étoient à Rome, qu'ils les remercioient des bons offices
qu'ils témoignoient leur avoir rendus, quoiqu'ils euffent
lieu de fe plaindre de ce qu'ils avoient confenti à ce que
le pape avoit fait contre eux. Ils juftifient enfuite la con-
duite qu'ils avoient tenue, & ils ajoutent : Nous fommes
perfuadés que la convocation du concile de Pife eft très-
jufte; que nous avons eu droit de la faire, & de nous
joindre aux princes qui la demandoient. Nous remettons
à traiter de ce qui regarde la cour de Rome, jufqu'à ce
que le pape vienne lui-même au concile, qu'il ait caffé
tout ce qu'il a fait contre nous, & qu'il foit convenu d'un
lieu sûr où l'on puiffe s'affembler avec lui. La ville de
Rome dans les conjonctures présentes n'eft ni libre ni sûre.
Les
troupes que le pape y conferve, nous intimident avec
Tome VIII.

D

Ibid. n. 33.

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