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habits pontificaux, ils marcherent en proceffion jufqu'à l'és glife cathédrale de faint Vigile. Les ordres religieux marchoient les premiers; après eux le clergé féculier; ensuite les évêques, archevêques, & enfin les légats, fuivis des ambaffadeurs du roi des Romains. Mendoza, ambaffadeur de l'empereur, étoit malade à Venise ; & ceux du roi de France, après s'être rendus à Trente, avoient été rappellés à cause du trop grand retardement du concile. Le cardinal del Monté, premier des légats, célébra dans la cathédrale une meffe du Saint-Efprit, après laquelle Muffi ou de Muys évêque de Bitonte, fit un difcours qui ne fut point approu vé, quoique ce prélat paffât pour éloquent. Il fit voir d'abord la néceffité du concile. Ensuite relevant les avantages que l'Eglife avoit tirés de ceux qu'on avoit tenus autrefois, il dit que c'étoit dans ces faintes affemblées qu'elle avoit dreffé les fymboles, condamné les héréfies, réformé les mœurs, réuni les nations chrétiennes. Nous ne rapporterons pas d'autres prétendus avantages fur lefquels il infifta, suivant les préjugés de la cour de Rome. Il fit une longue digreffion à la louange du pape,& une autre un peu plus courte pour l'empereur. Il s'étendit fur le mérite des légats, dont il fit un éloge affez ridicule. Adreffant enfuite la parole aux prélats & aux docteurs, il leur dit que le concile étant ouvert, ils devoient s'y renfermer comme dans le cheval de Troye. Il conjura les bois & les forêts d'inviter tous les hommes à fe foumettre au concile, de peur que l'on ne dît que la lumiere du pape étant venue dans le monde, les hommes avoient mieux aimé les ténebres que la lumiere. Ouvrir les portes du concile, s'écria-t-il, c'eft ouvrir les portes du ciel, d'où doit defcendre l'eau vive pour remplir l'univers de la fcience du Seigneur. Il exhorta les peres à ouvrir leurs cœurs pour la recevoir, ajoutant que s'ils ne la recevoient pas, le Saint-Efprit ne laifferoit pas de leur ouvrir la bouche, comme il ouvrit celle de Balaam & de Caïphe, pour empêcher l'Eglife de tomber dans l'erreur. Il y avoit dans ce difcours plufieurs autres traits qui montroient beaucoup d'ignorance & un fort mauvais goût. Tout le monde en fut mécontent,

& on le regarda comme une miférable déclamation, indigne de la gravité d'un évêque, & d'une affemblée fi refpectable. Après qu'il eut été prononcé, les légats firent lire une exhortation affez longue, fur la maniere dont on devoit se conduire dans le concile. Ils difent d'abord qu'exerçant la fonction de présidens & de légats du faint fiége dans ce concile, ils fe croyoient obligés d'exhorter les peres à contribuer autant qu'ils le pourroient à la gloire de Dieu & à l'utilité de l'Eglife. Ils expofent enfuite les motifs qui ont porté le pape à affembler le concile, & les réduisent à trois; l'extirpation des héréfies, le rétablissement de la difcipline eccléfiaftique & la réformation des mœurs. Confidérons, continuent les légats, quels font les maux qui affligent aujourd'hui l'Eglife; examinons leur origine, & nous ferons obligés de reconnoître que nous en fommes la principale cause. Ši nous ne fommes pas les auteurs de l'héréfie, n'y avonsnous pas contribué par notre négligence à enfeigner la bonne doctrine? A l'égard de la corruption des mœurs, il n'eft pas néceffaire d'en parler, parce que perfonne n'ignore que le clergé & les pafteurs étoient corrompus & corrupteurs. Que chacun reconnoiffe donc fes péchés & s'efforce d'appaiser la colere de Dieu, puifque fans cela ils invoqueront en vain le Saint-Esprit, en vain ils commenceront le concile. Ils finiffent en exhortant les peres à éviter toute difpute, & à n'avoir en vûe que la gloire de Dieu, dont les ieux étoient ouverts fur eux, de même que ceux des Anges & de toute l'Eglife. On trouva cette exhortation des légats telle qu'elle devoit être, modefte, folide, édifiante, & elle fut généralement applaudie.

Enfuite tous les peres fe mirent à genoux, & firent une priere tout bas, ce qui s'obferva dans toutes les feffions. Puis le préfident, ou le premier des légats, dit à haute voix une oraifon qui commence par ces paroles, Adfumus, Domine Sancte Spiritus. Cette priere étant finie, on chanta les litanies; le diacre lut un endroit de l'évangile qui convenoit aux circonftances; & après que l'on eut chanté le Veni Creator, les peres s'affirent felon leur rang. Le préfi

VII.

Les légats

écrivent au pape pour lui

demander des

inftructions & des ordres.

Ibid. n. 4.

& fuiy.

dent lut tout haut la bulle de l'indiction du concile, & demanda aux peres, s'il leur plaifoit d'ordonner que le faint concile général de Trente fût déclaré commencé à la gloire de la fainte Trinité, pour l'extirpation des héréfies, la réformation du clergé & du peuple chrétien, & l'humiliation & extinction des ennemis de la religion. Ils répondirent tous Placet, Nous le trouvons bon. Le même légat demanda si à caufe des fêtes de Noel qui approchoient, ils vouloient bien que la feffion prochaine fe tînt le lendemain de l'Epiphanie. Et ils répondirent encore, Placet. Le promoteur du concile dit aux notaires d'en dreffer un acte. Enfin on chanta le Te Deum; & les légats après avoir quitté leurs habits pontificaux, s'en retournerent chez eux, précédés de la croix, & accompagnés de tous les prélats, & des deux ambassadeurs du roi des Romains. Les mêmes cérémonies furent obfervées dans les autres feffions.

I V.

Les légats écrivirent auffi-tôt à Rome pour apprendre au pape que le concile étoit ouvert, & pour lui demander les ordres qu'il plairoit à fa fainteté de leur donner. Ils le prioient d'établir des poftes de Trente à Rome, afin de pouvoir promptement donner & recevoir les avis nécessaires. Ils difoient au pape, qu'ils avoient évité adroitement de montrer aux prélats les pouvoirs de leur légation, ne fachant pas jufqu'où fa fainteté voudroit étendre l'autorité de leur préfidence. Ils lui donnoient avis, que plufieurs prélats vouloient que l'on opinât par nation: ce qui leur paroiffoit intolérable. Une de leurs raifons pour s'y oppofer, c'est, difoient-ils, qu'il ne fervira de rien, que les Italiens, qui font les plus attachés au faint fiége, foient en plus grand nombre que les François, les Allemands, les Espagnols, fi les fuffrages ne fe comptent point par têtes. Enfin ils infiftoient fur la néceffité de leur envoyer avant la feconde feffion, une inftruction pofitive fur tout ce qu'ils avoient à faire. Comme les prélats ne vouloient point paffer leur temps inutilement, ils folliciterent les légats de tenir des congrégations. Ceux-ci

voulant leur donner quelque fatisfaction, en tinrent une le
dix-huitieme de Décembre; mais on n'y parla que du bon
ordre que les prélats devoient garder dans leurs maisons,
du foin avec lequel ils devoient veiller fur leurs domesti-
ques, & de la police qui devoit être observée dans la ville.
Le pape ayant reçu la lettre des légats, établit une congré-
gation de cardinaux pour dreffer l'inftruction qu'il leur en-
verroit. On tint à Trente le refte du mois plufieurs congré-
gations, dans l'une defquelles on propofa de choisir les offi-
çiers du concile; mais les légats voulurent que le
pape fût
chargé de ce choix, & tâcherent d'appaifer les peres, qui
fe plaignoient que le pape
ôtât au concile le pouvoir de
nommer fes officiers. Dans une autre congrégation on fit
deux décrets: l'un qui regardoit les abbés & les généraux
d'ordres, à qui l'on accorda voix délibérative & décifive
dans le concile; l'autre fur le choix de trois prélats, chargés
d'examiner les titres & les procurations des évêques, de
marquer leurs places & celles des ambassadeurs des princes,
afin d'éviter toute conteftation.

que

L'inftruction les légats avoient demandée au pape, arriva à Trente au commencement de Janvier. Elle portoit, qu'il ne falloit pas fuivre ce qui s'étoit obfervé dans les conciles de Conftance & de Baile, où la décision générale se faifoit à la pluralité des nations & non pas des perfonnes; qu'ils ne devoient traiter de la réformation, ni avant les dogmes ni en même temps, parce que ce n'étoit pas le principal motif de la convocation du concile; qu'ils devoient néanmoins fe conduire à cet égard avec une extrême précaution, pour empêcher qu'on ne crût qu'à Rome on vouloit éluder la réformation; que s'il s'élevoit quelque contestation fur la cour de Rome, il faudroit écouter les prélats, non pour les fatisfaire dans le concile, mais pour en informer le fouverain pontife, qui appliquera les remédes convenables; que toutes les expéditions & les actes feront fignés au nom du concile, des préfidens & du pape; en forte néanmoins qu'il paroiffe que le pape a toute l'autorité ; que les

VIII. Réponse du pape.

Ibid. n. 9.

AN. 1546.

IX.' Congréga

tion générale.

Contestations qui s'y élevent.

Ibid. n. 27. & fuiv,

décrets commenceront par cette formule: Le faint concile acuménique légitimement affemblé fous la conduite du SaintEfprit, les légats apoftoliques y préfidant. L'inftruction portoit encore, que les légats devoient expédier les affaires le plus promptement qu'ils pourroient, à moins qu'ils ne reçuffent des ordres contraires. Le pape leur permettoit d'accorder quelques indulgences, pourvû qu'il parût clairement que ce n'étoit point le concile qui les accordoit, n'en ayant, difoit le pape, ni le droit ni l'autorité. Enfin le pape les exhortoit à foutenir la dignité de la préfidence, avec tout l'éclat qui convenoit à des légats du faint fiége; & furtout d'avoir foin que les prélats ne perdiffent point le refpect qui leur étoit dû. Comme plufieurs n'étoient point en état de fubfifter à leurs dépens, le pape fit expédier un bref, par lequel il exemptoit tous les évêques du concile, du payement des décimes, & leur accordoit tous les fruits & les émolumens qu'ils pourroient retirer étant dans leurs diocèfes,

le

Le 5 de Janvier 1546. on tint une congrégation générale, pour régler ce qui devoit fe faire dans la feffion fuivante. On y lut le bref qui exemptoit des décimes les évêques du concile. Mais quelques Efpagnols dirent que cette prétendue faveur leur étoit plus préjudiciable qu'avantageufe; puifqu'en l'acceptant, ils feroient cenfés reconnoître que pape avoit droit de mettre des impofitions fur les églifes, & que le concile n'avoit pas l'autorité de l'empêcher, ni d'exempter ceux qui ne doivent point fupporter de pareilles charges. Il y eut enfuite quelques conteftations dans l'examen que l'on fit de ceux qui auroient voix délibérative & définitive. Elles furent beaucoup plus vives fur le titre que l'on donneroit au concile. La plupart vouloient qu'après ces mots, le faint concile acuménique, on ajoûtât ceux-ci, repréfentant l'Eglife univerfelle, comme il avoit été obfervé dans les conciles de Conftance & de Bafle; mais le général des Servites & quelques autres s'y oppoferent fous différens prétextes. Les légats fe joignirent à ces derniers, & écrivirent

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