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naux fans aucun refpect, jufqu'à dire publiquement qu'il
falloit les réformer; qu'ils n'épargnoient point le pape lui-

même, & difoient hautement qu'il ne donnoit que des pa

roles, & qu'il ne tenoit le concile que pour amufer le pu-
blic fous une vaine efpérance de réformation. Ils ajoutoient
qu'à l'avenir il feroit difficile de contenir les évêques, parce
qu'ils s'affembloient fouvent entre eux & formoient des ca-
bales; qu'enfin il feroit à propos de publier à Rome quelque
réforme avant la feffion. Ils fupplioient enfuite le pape de
leur prefcrire ce qu'ils devoient faire. Que pour eux ils
croyoient qu'il falloit tenir ferme, pour ne pas laiffer aux
évêques l'avantage de pouvoir obtenir par la force ce qu'on
ne vouloit pas leur accorder de bon gré, parce qu'autre-
ment ils feroient les maîtres; que quelque chofe qui fe paf-
fât dans les disputes, ils (les légats) ne molliroient point;
& que
fi les évêques du parti (qui defiroit la réforme ) ne
vouloient pas céder, il faudroit bien en venir aux voix;
mais que comme les fuffrages ne se pesent & qu'on les
compte, il falloit s'aflurer de la pluralité dans la feffion, &
pour cela commander expressément aux évêques qui étoient
allés à Venife, de revenir promptement à Trente. Car, di-
foient-ils en finiffant, felon que la feffion fe terminera, les
obstinés deviendront ou plus hardis ou plus obéiffans. (Quels
foins, quelle prudence, pour tâcher d'éviter la réforme,
dont on eft menacé! Eft-ce-là au refte la conduite & le lan-

gage qu'on doit tenir, fi l'on croit férieufement que le pape
eft au-deffus du concile général ?)

Auffi-tôt que le pape eut reçu la lettre de fes légats, il écrivit à fon nonce à Venife d'engager tous les évêques Vénitiens qui s'y trouvoient prefque tous, à retourner au plutôt à Trente. Le nonce s'y prit fi bien, que tous ces prélats se montrerent très-dociles aux ordres du pape. On examinoit en même temps à Rome dans un confiftoire, l'écrit des évêques Espagnols. On trouva le parti propofé par les légats le plus honorable pour le faint fiége, s'il réussissoit, mais auffi très-dangereux, s'il ne réuffiffoit pas. On voyoit un égal danger à tout refufer & à tout accorder; & l'on con

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clut enfin que fi les légats n'étoient affurés du fuccès, ils pourroient felon le temps & l'occafion, accorder une partie ou le tout avec des modifications. On leur renvoya les onze articles du mémoire des Efpagnols, avec les modifications que l'on jugeoit à propos d'y mettre. Les légats conférerent entre eux fur cette réponse du pape, & le cardinal Cervin crut qu'il falloit tâcher de ramener tous les prélats, en leur accordant quelques-unes des demandes auxquelles Rome confentoit. Mais del Monté difoit qu'en cé dant à son inférieur, & fur-tout à la multitude, c'étoit lui donner lieu de demander davantage : qu'il vouloit auparavant fonder l'efprit des prélats affectionnés au pape ; & que s'ils fe trouvoient le plus grand nombre, il étoit réfolu de ne pas reculer; mais que s'il fe voyoit le plus foible, alors il s'accommoderoit au temps & au befoin. Après plufieurs discours, Cervin céda à fon collégue, fans être perfuadé par fes raisons. Del Monté gagna plufieurs évêques, en leur faifant espérer de grandes faveurs du pape, & il apprit en mê me temps que les prélats Vénitiens étoient fur le point d'arriver à Trente. Des circonftances fi favorables firent espérer aux légats de faire paffer dans la prochaine congrégation ce qu'ils defiroient. Ils firent donc travailler au décret de la réformation, fuivant le modele qui leur étoit venu de Rome. Quelques jours avant la feffion, on tint une congrégation générale, où on lut dabord les canons tout dreffés touchant les facremens, fans aucun chapitre, fuivant les ordres du pape. On lut enfuite le décret de la réformation, dreffé par les légats; mais il ne paffa pas fi aifément. Lorfqu'on lut ces mots, fauf en toutes chofes l'autorité du faint fiége, il s'éleva un grand murmure dans l'affemblée. Les Efpagnols, & particulierement l'évêque de Badajos, demandoient que cette claufe fût ôtée du décret. En effet elle rendoit inutiles toutes les promeffes de réformation, puifqu'elle faifoit toujours le pape maître de tout. Les mêmes prélats propoferent encore des difficultés contre plufieurs articles du décret, & demanderent entre autres chofes, qu'il fût dit que l'article de la réfidence n'étoit que différé, & que les

cardinaux fuflent expreffément nommés. Mais les légats l'emporterent par le grand nombre d'évêques Italiens, & le décret demeura tel qu'ils l'avoient dreffé.

XII.

il a

Tout étant prêt pour la feptieme feffion, elle fe tint le Jeudi troifieme de Mars. L'archevêque de Corfou chanta la meffe; mais il n'y eut point de fermon, à caufe d'une incommodité furvenue à l'évêque qui devoit prêcher. On chanta l'hymne du Saint-Efprit ; & après les prieres & les cérémonies ordinaires, on lut les canons fur les facremens, & le décret de la réformation. Les canons font précédés d'une introduction ou préface, dans laquelle le concile déclare, que pour donner le dernier éclairciffement à la doctrine de la Juftification, qui a été établie dans la derniere feffion, du confentement unanime de tous les peres, jugé à propos de traiter des facremens de l'Eglife, par lefquels toute juftice véritable, ou prend fon commencement, ou s'augmente lorfqu'elle eft commencée, ou fe recouvre quand elle eft perdue. Que dans ce deffein, pour bannir les erreurs & extirper les héréfies que l'on a enfeignées depuis peu au fujet des facremens, le faint concile de Trente œcuménique & général, légitimement affemblé fous la conduite du Saint-Efprit, les mêmes légats du fiége apoftolique y préfidant, s'attachant toujours inviolablement à la doctrine des faintes écritures, aux traditions des apôtres, au sentiment unanime des autres conciles & des peres, a trouvé bon de faire & de publier les canons fuivans. Ils font au nombre de trente avec anathême.

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Canons fur les facremens en général. Ibid. n. 17.

I. Sur les facremens en général, contre ceux qui difent: XXXVIII. 1. Que les facremens de la nouvelle loi n'ont pas tous' été inftitués par Jefus-Chrift, ou qu'il y en a plus ou moins de fept, favoir, le Baptême, la Confirmation, l'Euchariftie, la Pénitence, l'Extrême-Onction, l'Ordre & le Mariage; ou que quelqu'un de ces fept n'eft pas proprement & véritablement un facrement. 2. Que les facremens de la nouyelle loi ne font différens de ceux de l'ancienne, qu'en ce

XXXIX. Canons fur le baptême.

que les cérémonies & les pratiques extérieures font différentes. 3. Que les fept facremens font tellement égaux entre eux, qu'il n'y en a aucun qui foit plus digne que l'autre, de quelque maniere que ce foit. 4. Qu'ils ne font pas néceffaires au falut, mais fuperflus, & que fans eux & fans le defir de les recevoir, on peut obtenir de Dieu par la feule foi la grace de la juftification : quoiqu'il foit vrai que tous ne font pas néceffaires à chaque particulier. 5. Qu'ils n'ont été inftitués que pour entretenir la foi, 6. Qu'ils ne contiennent pas la grace dont ils font fignes, ou qu'ils ne conferent pas cette grace à ceux qui n'y mettent point d'obftacle, comme s'ils étoient feulement des fignes extérieurs de la justice ou de la grace qui a été reçue par la foi, ou de fimples marques par lefquelles on difcerne les Fideles d'avec les Infideles. 7. Que Dieu ne donne pas toujours fa grace par ces facremens, quoiqu'ils foient reçus avec toutes les conditions requifes: mais que cette grace n'eft donnée que quelquefois & à quelques-uns. 8. Qu'ils ne conferent pas la grace par la vertu & la force qu'ils contiennent, mais que la feule foi aux promeffes de Dieu suffit pour obtenir la grace. 9. Que les trois facremens, de Baptême, de Confirmation & d'Ordre, n'impriment point un caractere, c'est-à-dire, une certaine marque fpirituelle & ineffaçable, qui fait que ces facremens ne peuvent être réitérés. 1o. Que tous les Chrétiens ont l'autorité d'annoncer la parole de Dieu & d'adminiftrer tous les facremens. II. Que l'intention au moins de faire ce que l'Eglife fait, n'eft pas requife dans les miniftres des facremens. 12. Que le miniftre qui eft en péché mortel, ne fait ou ne confere pas le facrement, quoique d'aillerus il obferve tout ce qui eft néceffaire. 13. Que les cérémonies approuvées dans l'Eglife, & qui font en usage dans l'administration folemnelle des facremens, peuvent être fans péché, ou méprifées ou omises, felon qu'il plaît au ministre, ou changées par tout pasteur quel qu'il foit,

II. Sur le Baptême, contre ceux qui difent: 1. Que le baptême de faint Jean avoit la même force (ou la même

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vertu) que le baptême de Jefus-Chrift. 2. Que l'eau véri-
table & naturelle n'eft pas néceffaire pour le baptême. 3.
Que l'églife romaine, qui eft la mere & la maîtreffe de
toutes les églises, ne tient pas la vraie doctrine touchant
le baptême. 4. Que le baptême donné, même par les hé-
rétiques, au nom du Pere & du Fils & du Saint-Elprit, avec
intention de faire ce que fait l'Eglife, n'eft pas un vrai bap-
tême. 5. Que le baptême n'eft pas néceffaire à falut, &
qu'on eft libre de le recevoir ou non. 6. Qu'un homme
baptifé ne peut pas, quand il le voudroit, perdre la grace,
quelque péché qu'il commette, à moins qu'il ne veuille
croire. 7. Que ceux qui font baptifés, ne contractent
le baptême, d'obligation qu'à la foi feule, & non pas
garder toute la loi de Jesus-Chrift. 8. Qu'ils ne font point
tenus de garder les commandemens de l'Eglife. 9. Que la
promeffe faite dans le baptême, rend tous les vœux que
l'on fait enfuite, vains & inutiles; comme fi par ces vœux
on dérogeoit & à la foi que l'on a embraffée, & au baptê-
me même. 10. Que les péchés commis depuis le baptême
font remis, ou deviennent véniels, par le feul fouvenir &
par la foi du baptême que l'on a reçu. 11. Que le baptême
doit être réiteré dans ceux qui ont renoncé à la Foi. 12. Que
perfonne ne doit être baptifé qu'à l'âge où Jesus-Chrift l'a
été, ou bien à l'article de la mort. 13. Que les enfans bap-
tifés ne doivent pas être mis au nombre des Fideles, parce
qu'ils ne font pas en état de faire des actes de foi, & qu'il
faut les rebaptifer, lorfqu'ils ont atteint l'âge de raison, ou
qu'il vaut mieux ne les point baptifer du tout à cet âge.
14. Que ceux qui ont été baptifés dans leur enfance, doi-
vent, quand ils font grands, être interrogés s'ils veulent ra-
tifier ce que leurs parrains ont promis pour eux; & que s'ils
ne le veulent pas, on doit les laiffer à leur liberté, fans les
contraindre à vivre en Chrétiens par aucune autre peine
que par la privation de l'Euchariftie & des autres facremens,
jufqu'à ce qu'ils reviennent à réfipifcence.

XL.

III. Sur la Confirmation, contre ceux qui difent: 1. Que ce n'eft point un véritable facrement dans ceux qui font confirmation.

Canons fur la

pas

par

Ibid. n. 18.

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