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Les prélats qui s'étoient oppofés à ce décret dans les congrégations, le firent auffi dans la feffion. Ils approuverent ce qu'il contenoit d'utile; mais en même temps ils représenterent combien les remédes que l'on employoit étoient peu proportionnés à la grandeur du mal qu'il s'agiffoit de guérir. Après la lecture de ce décret, le concile ordonna que feffion fuivante fe tiendroit le Jeudi d'après le Dimanche de Quafimodo, qui cette année 1547. étoit le vingt-unieme d'Avril.

la

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Tranflation du concile de Trente à Bologne. Guerres des Proteftans contre l'empereur. Démarches de ce prince pour rétablir le concile à Frente. Publication de l'interim.

I.

› par

I.

Les légats du

la tranflation

prélats s'y op

pofent.

Contin. de

Fl. t. XXIX.

1. cxliv. n. 21.

&

fuiv.

AN. 1547

DEUX EUX jours après la feptieme feffion, on tint une congrégation, où l'on commença à traiter ce qui regarde le papepropofent facrement de l'euchariftie. Dans ce même temps le bruit fe du concile.Les répandit à Trente, qu'on y étoit menacé d'une maladie contagieufe. Les légats, qui foupiroient après la translation du concile, faifirent avec joie cette occafion. On prétendoit qu'ils ne faifoient en cela qu'exécuter les ordres du pape, & qu'il les avoit autorifés à demander cette tranflation une bulle qu'ils eurent grand foin de tenir fecrette. Pour colorer encore davantage leur entreprise, ils confulterent 'deux médecins ; celui du cardinal del Monté premier légat, & celui du concile, qui déciderent que la maladie qui régnoit à Trente, pouvoit avoir des fuites très fâcheufes & dégénérer en pefte. Avec cette décision, que les légats obtinrent aisément, ils fe crurent autorisés à parler fortement aux peres, du danger dont on étoit menacé, & à propofer la tranflation du concile. C'eft ce qu'ils ne manquerent pas de faire dans une congrégation du neuvieme de Mars, après y avoir expofé ce qui avoit été dit dans la

derniere fur la matiere de l'euchariftie. Le cardinal Pacheco, qui pendant l'absence de l'ambaffadeur de Charles V. agisfoit pour l'empereur, dit qu'il ne croyoit pas qu'il fût permis de parler de transférer le concile, fans avoir auparavant confulté le pape & l'empereur. Tous les évêques Espagnols & plufieurs autres embrafferent cet avis. Les fentimens. étant partagés, Pacheco demanda que l'on prêt du temps; ce qui fut accordé par les légats, qui dans cet intervalle gagnerent plufieurs évêques par tous les moyens que leur politique fut leur fournir. Le cardinal del Monté dit qu'il ne falloit point penser à fufpendre le concife, comme quelques peres l'avoient propofe; mais que fi on étoit obligé de quitter Trente, il étoit plus convenable de transférer le concile dans un endroit fain, commode & peu éloigné. Enfuite il propofa la ville de Bologne, comme celle qui lui paroiffoit renfermer ces avantages. On dit qu'il ajouta que dès le temps de l'ouverture du concile, il avoit eu le pou voir de propofer cette tranflation, & qu'il fit lire la bulle qui lui donnoit ce pouvoir. Le cardinal Pacheco très mécontent de cette conduite des légats, représenta que l'action que l'on méditoit, alloit irriter toute la Chrétienté; qu'au fond la prétendue contagion que l'on faifoit tant valoir, n'étoit qu'un prétexte pour couvrir le dessein que l'on avoit de transférer le concile; que le curé de faint Pierre, dont la paroiffe étoit très nombreuse & remplie de petit peuple, lui avoit dit que depuis deux mois (g) il n'avoit enterré deux perfonnes, dont l'une étoit un enfant & l'autre un hydropique; que tous les autres curés à qui il s'étoit informé de ces maladies, dont on faifoit tant de bruit, l'avoient auffi parfaitement tranquillifé que celui de faint Pierre ; que concile pouvoit en nommer quelques-uns pour faire les mêmes informations, avant que de fe déterminer fur le feul témoignage de deux médecins étrangers, qui ne pouvoit l'emporter fur celui des médecins de la ville qui penfoient autrement, & avoient refufé de foufcrire à l'avis des premiers, quoiqu'on les en eût preffés; qu'on ne devoit point (g) [Le continuateur de M. Fleury dit un mois.]

que

le

pas

transférer le concile fans le confentement unanime des
peres, & fans favoir l'avis de l'empereur, qui felon les appa-
rences ne penseroit pas comme les légats, & ne voudroit
ruiner fon propre ouvrage. Les légats tâcherent de dé-
truire ces raifons. La plupart des évêques Espagnols furent
de l'avis de Pacheco, & protefterent que n'y ayant aucun
fujet légitime de quitter Trente, ils n'en fortiroient
pas, &
l'autorité du concile fubfifteroit toujours & y demeure-
roit avec eux. Mais les légats s'autorisant de leur bulle, per-
fifterent dans leur fentiment.

que

Ils tinrent une congrégation le lendemain 10 de Mars, pour délibérer dans quel lieu le concile feroit transféré; mais on fut un peu embarraffé, quand il fallut fe déterminer. Les légats propoferent la ville de Bologne, qui eft dans les états du pape; & elle fut agréée de tous ceux qui fouhaitoient la tranflation. Les évêques fujets de l'empereur s'y oppoferent fortement; mais on ne fit aucun cas de leur oppofition. Avant que de finir cette congrégation, on dreffa le décret, dont on fit la lecture, & l'on indique la feffion pour le lendemain matin.

Cette huitieme feffion se tint donc le onzieme de Mars. Après les cérémonies & les prieres ordinaires, le premier légat répéta ce qu'il avoit dit la veille & deux jours auparavant. Il infifta fi fortement fur la contagion que l'on difoit régner à Trente, qu'on vit bien ce qu'il defiroit, quoiqu'il affe atât de paroître indifférent. Il fit lire le décret de la tranflation du concile, qui fut approuvé par trente-cinq évêques & trois généraux d'ordres. Mais le cardinal Pacheco à la tête de quinze évêques, s'oppofa au décret, difant entre autres chofes, que l'évidence convainquoit de faufseté les témoins qui avoient certifié l'intempérie de l'air; que le départ de plufieurs prélats, que l'on faifoit valoir, venoit plutôt d'ennui que de la crainte du danger; que le nombre des fuffrages pour la tranflation n'étoit pas fuffifant, n'allant pas aux deux tiers; ce qui néanmoins étoit néceffaire fuivant la décifion du concile de Conftance. (C'est que d'autres évêques s'étoient joints aux Espagnols.) Pacheco ajouta, que

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III.
La plus gran

concile fe rend
à Bologne.
Comment le
pape reçoit

quand il y auroit une vraie néceffité de se transporter ailleurs, c'étoit une ville d'Allemagne qu'il falloit choifir, parce qu'il n'étoit pas permis de paffer d'un état dans un autre fans le confentement de l'empereur, & des autres fouverains; qu'en conféquence il étoit d'avis qu'on prorogeât la feffion, pour procurer aux peres un moyen de fe délaffer, & de fe délivrer de la vaine frayeur dont quelques-uns étoient faisis. Les autres prélats Efpagnols confirmerent cet avis de Pacheco. Celui d'Aftorga repréfenta qu'il n'y auroit aucune liberté à Bologne, & tous les autres infifterent fur le défaut de pouvoir dans les légats. L'évêque d'Agde demeura neutre, de même que celui de Porto. Les légats ayant fait de nouveau recueillir les voix, les deux tiers approuverent le décret de translation.

Dès le lendemain les légats & ceux qu'ils avoient gagnés, de partie du partirent pour fe rendre à Bologne, dont le pape étoit maître abfolu, depuis que Jules II. l'avoit ôtée aux Bentivoglio. Ils y arriverent le vingtieme du même mois de Mars. Les Cette nouvelle. Efpagnols & les autres fujets de l'empereur ne voulurent Ibid. n. 32. point quitter Trente; attendant, difoient-ils, les ordres de & fuiv. ce prince. Les ambassadeurs du roi de France s'étoient retirés à Venise un mois auparavant, prévoyant les troubles que cette tranflation, dont on parloit déja, cauferoit dans le concile. L'évêque de Fiefole intimidé par les reproches du premier légat, fe hâta de faire fa paix avec la cour de Rome, qu'il croyoit très-irritée. Il employa, pour y réuffir, le crédit de fes amis les plus puiffans, entr'autres, des cardinaux Polus & Rodolphe. Ayant reçu une lettre du cardinal Farnèse à ce fujet, il partit auffi-tôt pour Bologne. Les évêques d'Agde & de Porto fortirent auffi de Trente; mais ils n'allerent point à Bologne, & conferverent leur neutralité. Le pape ayant appris la nouvelle de cette tranflation, en parut d'abord comblé de joie, s'imaginant qu'il alloit devenir maître absolu du concile, & que fon autorité croîtroit à proportion que celle du concile diminueroit. Il tint un grand confiftoire, dans lequel il loua la conduite de fes légats, comme pleine de fagefse & de prudence,

Tous les cardinaux, excepté trois, le féliciterent de cet événement. Mais le pape au milieu de fa joie, ne laiffoit pas de prévoir les troubles que cette translation alloit exciter. Il fit écrire à fes légats, que s'ils avoient feulement différé de deux mois cette tranflation, on auroit pu en deux feffions, achever les matieres qui reftoient à examiner touchant les dogmes de la foi & la réformation des mœurs; & qu'alors on auroit pu, non-feulement transférer le concile, mais même le diffoudre: qu'actuellement il ne croyoit pas que l'on dût rien précipiter, puisqu'on avoit pris dans les deux dernieres feffions toutes les mefures néceffaires, pour maintenir l'autorité du faint fiége & le respect qui lui eft dû. Le légat Cervin écrivit à Rome, pour engager le pape à accréditer le concile de Bologne. Îlui confeilloit pour cela trois chofes : d'y envoyer beaucoup de prélats; d'y venir luimême paffer quelques mois, ou du moins de faire courir le bruit qu'il y viendroit ; & de faire traiter de la réformation, pour appaiser l'empereur qui devoit être fort irrité.

Le

pape ayant fort goûté cet avis, envoya plusieurs évêques à Bologne, & répandit le bruit qu'il iroit lui-même. Dès que l'empereur eut été informé de la translation du concile, il donna ordre à Véga fon ambassadeur à Rome, de fe plaindre au pape de ce que le concile avoit été transféré fans fa participation; de lui représenter les fuites fâcheuses de cette tranflation, & de ne rien négliger pour procurer au plutôt le retour du concile à Trente. Le pape écrivit à fon nonce auprès de l'empereur, & lui envoya la réponse qu'il falloit faire à ce prince de fa part. Les légats, à qui on ne manqua pas de communiquer fur le champ les plaintes de Charles V. écrivirent auffi de leur côté au nonce, & lui fournirent toutes les raifons qu'ils purent imaginer pour juftifier leur conduite & celle du pape. Mais quelque ingénieuses que fuffent les réponses du pape & de fes légats, pour donner à la tranflation une couleur favorable, l'empereur ne prit point le change. Il répondit au nonce avec emotion, qu'il favoit parfaitement combien toutes les raifons qu'on alléguoit étoient fauffes & frivoles; qu'on ne lui

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