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transférer le concile fans le confentement unanime des
peres, & fans favoir l'avis de l'empereur, qui felon les appa-
rences ne penferoit pas comme les légats, & ne voudroit
pas ruiner fon propre ouvrage. Les légats tâcherent de dé-
truire ces raifons. La plûpart des évêques Espagnols furent
de l'avis de Pacheco, & protefterent que n'y ayant aucun
fujet légitime de quitter Trente, ils n'en fortiroient
pas, &

que

l'autorité du concile subsisteroit toujours & y demeureroit avec eux. Mais les légats s'autorisant de leur bulle, perfifterent dans leur fentiment.

Ils tinrent une congrégation le lendemain 10 de Mars, pour délibérer dans quel lieu le concile feroit transféré; mais on fut un peu embarrassé, quand il fallut fe déterminer. Les légats propoferent la ville de Bologne, qui eft dans les états du pape; & elle fut agréée de tous ceux qui fouhaitoient la tranflation. Les évêques fujets de l'empereur s'y oppoferent fortement ; mais on ne fit aucun cas de leur oppofition. Avant que de finir cette congrégation, on dreffa le décret, dont on fit la lecture, & l'on indique la feffion pour le lendemain matin.

Cette huitieme feffion se tint donc le onzieme de Mars. Après les cérémonies & les prieres ordinaires, le premier légat répéta ce qu'il avoit dit la veille & deux jours auparavant. Il infifta fi fortement fur la contagion que l'on difoit régner à Trente, qu'on vit bien ce qu'il defiroit, quoiqu'il affectât de paroître indifférent. Il fit lire le décret de la tranflation du concile, qui fut approuvé par trente-cinq évêques & trois généraux d'ordres. Mais le cardinal Pacheco à la tête de quinze évêques, s'oppofa au décret, difant entre autres chofes, que l'évidence convainquoit de fauffeté les témoins qui avoient certifié l'intempérie de l'air; que le départ de plufieurs prélats, que l'on faifoit valoir, venoit plutôt d'ennui que de la crainte du danger; que le nombre des fuffrages pour la tranflation n'étoit pas fuffifant, n'allant pas aux deux tiers; ce qui néanmoins étoit néceffaire fuivant la décifion du concile de Conftance. (C'est que d'autres évêques s'étoient joints aux Espagnols.) Pacheco ajouta, que

II. La tranflation eftréfolue dans

une congréga

tion. Les

gnols perfiftent dans leur Huitieme feffion; le onzie

oppofition.

me de Mars

1547:

Ibid. n. 27. & fuiy.

quand il y auroit une vraie néceffité de fe tranfporter ailleurs, c'étoit une ville d'Allemagne qu'il falloit choifir, parce qu'il n'étoit pas permis de paffer d'un état dans un autre fans le confentement de l'empereur, & des autres fouverains; qu'en conféquence il étoit d'avis qu'on prorogeât la feffion, pour procurer aux peres un moyen de fe délaffer, & de se délivrer de la vaine frayeur dont quelques-uns étoient faifis. Les autres prélats Efpagnols confirmerent cet avis de Pacheco. Celui d'Aftorga repréfenta qu'il n'y auroit aucune liberté à Bologne, & tous les autres infifterent fur le défaut de pouvoir dans les légats. L'évêque d'Agde demeura neutre, de même celui de Porto. Les légats ayant fait de nouveau recueillir les voix, les deux tiers approuverent le décret de tranflation.

que

III.
La plus gran

concile fe rend
à Bologne.
Comment le
pape

Dès le lendemain les légats & ceux qu'ils avoient gagnés, de partie du partirent pour fe rendre à Bologne, dont le pape étoit maître abfolu, depuis que Jules II. l'avoit ôtée aux Bentivoglio. Ils y arriverent le vingtieme du même mois de Mars. Les cette nouvelle. Efpagnols & les autres fujets de l'empereur ne voulurent Ibid. n. 32. point quitter Trente; attendant, difoient-ils, les ordres de & fuiv. ce prince. Les ambassadeurs du roi de France s'étoient retirés à Venise un mois auparavant, prévoyant les troubles que cette tranflation, dont on parloit déja, cauferoit dans le concile. L'évêque de Fiefole intimidé par les reproches du premier légat, fe hâta de faire fa paix avec la cour de Rome, qu'il croyoit très-irritée. Il employa, pour y réuffir, le crédit de fes amis les plus puiffans, entr'autres, des cardinaux Polus & Rodolphe. Ayant reçu une lettre du cardinal Farnèfe à ce fujet, il partit aufli-tôt pour Bologne, Les évêques d'Agde & de Porto fortirent auffi de Trente; mais ils n'allerent point à Bologne, & conferverent leur neutralité. Le pape ayant appris la nouvelle de cette tranflation, en parut d'abord comblé de joie, s'imaginant qu'il alloit devenir maître abfolu du concile, & que fon autorité croîtroit à proportion que celle du concile diminueroit. Il tint un grand confiftoire, dans lequel il loua la conduite de fes légats, comme pleine de fageffe & de prudence,

fef

Tous les cardinaux, excepté trois, le féliciterent de cet événement. Mais le pape au milieu de fa joie, ne laiffoit pas de prévoir les troubles que cette translation alloit exciter. Il fit écrire à fes légats, que s'ils avoient feulement différé de deux mois cette tranflation, on auroit pu en deux sesfions, achever les matieres qui reftoient à examiner touchant les dogmes de la foi & la réformation des mœurs; & qu'alors on auroit pu, non-feulement transférer le concile, mais même le diffoudre: qu'actuellement il ne croyoit pas que l'on dût rien précipiter, puisqu'on avoit pris dans les deux dernieres feffions toutes les mesures néceffaires, pour maintenir l'autorité du faint fiége & le respect qui lui eft dû. Le légat Cervin écrivit à Rome, pour engager le pape à accréditer le concile de Bologne. Îlui confeilloit pour cela trois chofes : d'y envoyer beaucoup de prélats; d'y venir luimême paffer quelques mois, ou du moins de faire courir le bruit qu'il y viendroit ; & de faire traiter de la réformation, pour appaiser l'empereur qui devoit être fort irrité.

Le pape ayant fort goûté cet avis, envoya plufieurs évêques à Bologne, & répandit le bruit qu'il iroit lui-même. Dès que l'empereur eut été informé de la tranflation du concile, il donna ordre à Véga fon ambaffadeur à Rome, de fe plaindre au pape de ce que le concile avoit été transféré fans fa participation; de lui représenter les fuites fâcheuses de cette tranflation, & de ne rien négliger pour procurer au plutôt le retour du concile à Trente. Le pape écrivit à fon nonce auprès de l'empereur, & lui envoya la réponse qu'il falloit faire à ce prince de fa part. Les légats, à qui on ne manqua pas de communiquer fur le champ les plaintes de Charles V. écrivirent auffi de leur côté au nonce, & lui fournirent toutes les raisons qu'ils purent imaginer pour juf tifier leur conduite & celle du pape. Mais quelque ingénieufes que fuffent les réponses du pape & de fes légats, pour donner à la tranflation une couleur favorable, l'empereur ne prit point le change. Il répondit au nonce avec emotion, qu'il favoit parfaitement combien toutes les raifons qu'on alléguoit étoient faufses & frivoles; qu'on ne lui

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perfuaderoit jamais que Paul III. n'avoit point eu de part à Îa translation du concile; que ce pape n'avoit jamais donné que des paroles; qu'il n'agiffoit qu'à la tête, & ne fuivoit que fa fantailie, & que c'étoit un vieux obftiné, qui vouloit Pallavicin, ruiner l'Eglife. Le nonce lui ayant répliqué, que les évêques qui avoient quitté Trente, en étoient fortis librement; au lieu que ceux qui y étoient reftés, y étoient retenus par fes ordres: Allez, monfieur le nonce, lui repartit l'empereur, çe n'eft pas avec vous que je veux difputer: Allez trouver l'évêque d'Arras, ( miniftre de Charles V.) Les évêques Efpagnols, qui étoient restés à Trente, craignant de caufer un fchifme, ne firent aucun acte fynodal, & s'appliquerent uniquement à étudier les matieres que l'on devoit traiter dans les feffions fuivantes, fuppofé qu'on continuât le concile. D'un autre côté, le pape fachant qu'il n'y avoit à Bologne ni évêques ni ambaffadeurs d'aucuns princes catholiques, excepté ceux d'Italie, fut d'avis de faire suspendre les décrets. Il envoya donc un ordre aux prélats de ne rien faire dans la feffion, & de fe contenter de la proroger,

I I,

V.

Neuvieme

Elle fe tint le vingt-unieme d'Avril, comme il avoit été ordonné dans la précédente. Après la meffe & le fermon,

feffion du con

cile à Bologne, on lut un décret qui portoit en fubftance, qu'afin de donner

le 21 d'Avril

gne le 2 de

ordonne de traduire les

1547.Dixieme aux évêques abfens le temps de fe rendre à Bologne, le feffion à Bolo- concile remettoit & différoit la feffion jufqu'au Jeudi dans Juin 1547. On l'octave de la Pentecôte prochaine, c'est-à-dire, au deuxieme de Juin. Elle fut en effet tenue ce jour-là, & l'on y obferva les cérémonies ordinaires, Outre les deux légats, il y avoit fix archevêques, trente-fix évêques, un abbé, les généraux des Cordeliers & des Servites. On y lut un décret qui prorogeoit la feffion jufqu'au quinzicme de Septembre fuivant. Quoiqu'on n'eût point traité des matieres de doctrine dans cette feffion ni dans la derniere, qui furent les deux feules qui fe tinrent à Bologne, on y réfolut néanmoins de faire traduire en langue vulgaire les fermons des peres de

ouvrages des faints peres en langue vulgai

rc.

l'Eglife

Ibid. n. 42. & fuiy.

l'Eglife & des anciens docteurs. On en chargea Galéas Florimonte, évêque de Seffa, qui fit imprimer à Venife en deux volumes in-quarto les fermons de faint Augustin, de faint Chryfoftome, de faint Bafile & de plufieurs autres peres, qu'il avoit traduits en italien. Le travail de Galéas fut continué par deux Bénédictins de Florence, qui traduifirent en italien d'autres ouvrages des peres ; qu'on imprima auffi en deux volumes in-quarto, [à Florence.]

Quoique nous tâchions de nous renfermer dans ce qui eft proprement l'objet de l'histoire eccléfiaftique ; il y a néanmoins certaines affaires temporelles qui ont tant de liaifons avec celles de l'Eglife, qu'il eft impoffible de les omettre entiérement. Paul III. avoit alors des intérêts à démêler avec l'empereur, ce qui n'influoit pas peu dans les entreprises qu'il formoit par rapport à la religion. En fe rendant maître abfolu du concile transféré à Bologne, il favoit bien qu'il mortifioit & embarraffoit l'empereur, & il n'en étoit pas fâché, à cause du différend qu'il avoit avec ce prince par rapport au duché de Parme & de Plaifance. Le pape avoit été marié avant que d'entrer dans l'état eccléfiaftique, & il avoit eu de fon mariage une fille nommée Conftance, & un fils nommé Pierre-Louis Farnèse, qu'il fit duc de Parme & de Plaisance, en retranchant du patrimoine de faint Pierre - ces deux villes que les François lui avoient autrefois confervées. Il attacha au faint fiége à titre d'échange, la principauté de Camerino & la feigneurie de Nepi, qu'il avoit données à fon petit-fils Octavio, lorfqu'il épousa Marguerite d'Autriche, fille naturelle de Charles V. pour en jouir eux & leurs enfans. De plus, il ordonna que pour le duché de Parme & de Plaifance, on payeroit chaque année huit mille écus à la chambre apoftolique. Tout cet arrangement ne fut nullement du goût de l'empereur, qui d'ailleurs avoit des raisons pour n'être pas content de Pierre-Louis Farnèfe. Il refufa donc de ratifier ce qu'avoit fait Paul III. & ce pape chercha les occafions de fe venger. Son fils Farnèfe ne tarda pas à fe faire connoître par la mauvaise conduite. Il foula aux pieds toutes les loix, s'attira la haine de la noblesse & du Tome VIII. Rr

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