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ce Louis XII, contre toutes les cenfures que le pape pourroit fulminer contre eux & leurs états. Enfin on fit un décret par lequel il étoit ordonné au pape de rétracter, dans l'efpace de vingt-quatre jours, tout ce qu'il avoit fait contre le concile de Pife, après lequel tems il feroit procédé con

tre lui.

Ce terme étant expiré, on tint la septiéme feffion le dixneuvième d'Avril. Les promoteurs y demanderent que le pape Jules fût déclaré avoir encouru, comme contumace, la fufpenfe ipfo facto de l'administration du fouverain pontificat, laquelle étoit dévolue de plein droit au concile. On le fit appeller par trois fois; & perfonne n'ayant comparu pour lui, on remit à délibérer fur la demande des promoteurs. On confirma ce qui avoit été réglé dans la feffion précédente touchant l'ordre des députations, & la maniere d'y procéder. Dans la huitiéme Seffion, qui fe tint le vingt-uniême d'Avril, les promoteurs préfenterent une nouvelle requête contre le pape, pour le faire déclarer suspens de toute fonction. Il fut encore cité par plufieurs préÎats; & quand on vit que perfonne ne comparoiffoit, le concile jugea que le pape Jules II étant déclaré notoirement perturbateur du concile, contumace, auteur de schifme, incorrigible, endurci ; comme tel, il avoit encouru les peines portées dans les faints décrets des conciles de Conftance & de Bafle, & la suspense de toute administration pontificale, qui étoit dévolue de plein droit au concile; & en conféquence le concile exhortoit les cardinaux, les évêques, & généralement tous les fidéles de tout état & de toute condition, à ne le plus reconnoître, & défendoit de lui obéir. Ce fut là en quelque forte la derniere action du concile de Pife: car peu de tems après, les François ayant abandonné le Milanez, les prélats furent obligés de quitter Milan & de se retirer à Lyon, où il n'y eut qu'une ombre de concile qui s'évanouit bientôt. Louis XII avoit fait quelques démarches auprès des rois du Nord, pour les engager à reconnoître le concile de Pife; mais on que de belles promeffes qui ne furent point exé

n'en tira

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XXXII.

Indignation du pape contre

le concile de

Pife & contre la France.

Ibid. n. 116

& 117.

cutées. Malgré ce peu de fuccès, le Roi donna des lettres patentes le feiziéme de Juin, par lefquelles il accepta le décret du concile qui fufpendoit le pape; ordonna qu'il feroit exécuté dans tout fon royaume, & fit défenfes à tous fes fujets d'impétrer aucunes provifions du pape, &'d'avoir égard aux Bulles qu'il pourroit expédier. Telle fut la fin du concile de Pise.

Jules irrité plus que jamais, donna une Bulle, par laquelle il prétendoit annuller tout ce qui s'étoit fait à Pife, à Milan & à Lyon. Il n'y épargne point les cardinaux de Carvajal, Briçonnet, de Prié, & de S. Severin, qu'il traite de fchifmatiques & d'hérétiques. Il étendit auffi cette Bulle fur le royaume de France, excommunia Louis XII, mit son royaume en interdit, & dispensa du ferment de fidélité, particuliérement les Normands & les Gafcons. Et parce que la ville de Lyon avoit donné retraite aux cardinaux & autres prélats de Pise, il prétendit priver cette ville du droit qu'elle avoit de tenir des foires franches, & transporta ce droit à Genève. Le roi de France protefta contre cette Bulle, malgré le mauvais état où étoient les affaires en Italie. Il alla même fi loin, dit le célebre M. de Thou, que fans écouter les avis de ceux qu'il avoit coutume de confulter, il répliqua avec hauteur aux vaines imprécations d'un vieillard moribond, par une excommunication contraire qu'il fit prononcer contre lui. Il fit battre des piéces de monnoie, qui d'un côté représentoient fon image, avec les titres de roi de France & de Naples ; & de l'autre côté les armes de France avec ces mots : Perdam Babylonis nomen : Je ruinerai Babylone, C'est en cela, & dans l'excommunication prononcée contre Jules, que le président de Thou trouve avec raifon de l'excès,

'ART. II.

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Entreprises du
pape Jules II. contre la France. Cinquiéme
concile (d) de Latran. Fin du pontificat de Jules II. Com-
mencement de celui de Léon X. Fin du regne de Louis
XII. Commencement de celui de François I.

I.

Jules II entreprend de foulever prefque

ces de l'Europe

ce.

contre la FranContin. de t.

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XXV. cxxij. n. 47 •

& fuiv.
AN. IS12.

LE L pape Jules avoit fait, comme nousl'avo ns dit, une ligue contre la France, avec Ferdinand roi d'Aragon & la république de Venise. Son dessein, en formant cette li- tous les pringue, étoit de dépouiller les François de tout ce qu'ils poffédoient en Italie; & néanmoins on la nommoit la fainte ligue, parce que Jules publioit partout qu'il s'agiffoit de combattre les ennemis de l'Eglife, & de maintenir l'autorité du faint fiége. Le traité en fut figné au commencement d'Octobre 1511. & dès le mois de Janvier fuivant, l'armée des alliés fe mit en campagne. Les François en moins de quinze jours remporterent fur eux plufieurs avantages confidérables, & tout le monde croyoit déja que ç'en étoit fait de la ligue. Mais on changea bientôt de fentimens. Les Florentins intimidés par le pape, renoncerent à l'alliance de Louis XII. les Suiffes menaçoient d'une irruption dans le Milanez; Henri VIII. roi d'Angleterre étoit fur le point de rompre avec la France & d'entrer dans la ligue ; & l'empereur Maximilien lui-même ne cherchoit des

que

prétextes pour faire la même chofe, malgré les engagemens qu'il avoit contractés avec Louis XII. Il feroit trop long de rapporter les intrigues & les artifices qui furent employés par Jules II. pour foulever ainfi prefque toute l'Europe contre la France. Il envoya au roi d'Angleterre un vaiffeau chargé de vins délicieux, & de tout ce qu'il y avoit de meilleur goût en Italie. Et peu de temps après, il lui adressa

(d) [Les Ultramontains le nomment cinquième, en le fuppofant Ecuménique ; mais M. Racine fera lui-même obferyer dans cet article, n. 13, qu'en France,ce con cile n'eft pas réputé tel.]

Tome VIII.

E

I 1.

farmée de la

François.

une bulle qui accordoit indulgence pleniere à tous ceux de fes fujets, qui l'aideroient ou de leurs perfonnes ou de leurs biens dans la guerre qu'il feroit aux François.

Louis XII. ne voulant point avoir affaire à tant d'ennemis Défaite de à la fois, ni leur donner le temps de réunir leurs forces, envoya ordre à Gafton de Foix, duc de Nemours, fon petitneveu, de livrer bataille à l'armée de la ligue par-tout où il Ibid. n. 93. la trouveroit. Gafton, afin d'attirer les ennemis, affiégea Ra& fuiy. venne, qui étoit pour eux une place importante. Ils vinrent en effet pour faire lever le fiége, & la bataille fe donna le onziéme d'Avril, quoique ce fût le jour de Pâques. Après un combat très-fanglant & très-opiniâtre, où il périt de part & d'autre grand nombre d'officiers, les François demeurerent victorieux. Ils firent beaucoup de prifonniers de guerre, entr'autres le cardinal de Médicis légat du pape & général de fes troupes. Gafton, trop fier de la victoire, voulut encore poursuivre un refte de l'infanterie Espagnole qui fe retiroit en bon ordre. Il fit des prodiges de valeur; mais ayant été renversé de fon cheval, il fut tué de plufieurs coups de pique par un Efpagnol qu'il avoit bleffé. Louis XII. en lifant la lettre qui lui apprenoit la nouvelle de cette mort, s'écria: » Je voudrois n'avoir plus un pouce de terre en Italie, & pouvoir à ce prix faire revivre mon neveu Gaston de Foix, & tous les braves hommes qui ont péri avec lui. » Dieu nous garde de remporter jamais de telles victoires. »> Dès le lendemain de la bataille Ravenne fut prife & faccagée par les François. On ne fçauroit exprimer les défordres & les profanations qui s'y commirent ; & on eut bien de la peine à empêcher que les foldats n'y miffent le feu. Telles étoient les triftes fuites de la haine de Jules II. contre la France, & de la folle ambition qu'il avoit d'être seul maître dans toute l'Italie, car c'étoit jufques-là qu'il portoit fes vûes. Prefque toutes les villes de la Romagne ouvrirent leurs portes aux vainqueurs & fe foumirent au roi de France.

III.

Lorfqu'on apprit à Rome les grands fuccès de fon armée; Le pape, per l'allarme & la confternation furent générales. Les cardinaux en corps allerent se jetter aux pieds du pape, & le conju,

fes artifices,

empêche les

pape

François de

profiter de leur

bid. n. 105

& fuiv.

rerent de faire la paix avec la France. Il étoit fur le point de fe rendre à leurs prieres; mais il en fut détourné par les victoire. ambaffadeurs d'Espagne & de Venife, qui lui représenterent que le mal n'étoit pas auffi grand qu'on le difoit, & qu'il feroit bientôt réparé par les Anglois & les Suiffes. Le pape étant un peu remis de fa frayeur, eut recours aux artifices ordinaires de la cour de Rome. Il dit qu'il falloit amuser, c'est-à-dire, tromper le roi de France par des propofitions d'accommodement: mais les cardinaux, dont la plupart étoient prévenus en faveur de ce Prince, parce qu'ils connoiffoient la droiture de fes intentions, perfifterent à demander qu'on travaillât férieusement à une paix folide. Le faifant femblant d'entrer dans leurs vûes, figna dans une afsemblée de tout le facré Collège un projet de paix; & le même jour, il affura les ambaffadeurs de Ferdinand & des Vénitiens, qu'il ne fe conduifoit ainfi que pour empêcher Louis XII. de fonger à pourvoir à fon armée, & pour donner à celle de la ligue le tems de fe fortifier. Il envoya enfuite un nonce en France, pour y faire ratifier les articles du traité que lui-même venoit de figner à Rome. Le roi figna, fans prendre d'autre précaution que de mettre à chacun des articles les conditions auxquelles il y confentoit. Sur la foi d'un pareil traité, les François ne poufferent pas plus loin leurs conquêtes: on licencia une partie des troupes; on ne laiffa que fept mille hommes dans la Romagne, & le refte de l'armée paffa dans le Milanez. Alors le pape ne tarda pas à manifefter ses véritables difpofitions au fujet de la paix. Le roi voyant qu'il l'avoit trompé, refufa de rendre la liberté au cardinal de Médicis. Peu de temps après le pape en fit un crime à ce prince, & dreffa un monitoire par lequel il le frappoit des cenfures les plus féveres, s'il perfiftoit dans fon refus. Mais il ne le publia point, parce que les cardinaux lui en firent fentir le danger.

Louis XII. voyant qu'il n'y avoit point de paix à espérer du côté du pape, fut contraint de fe préparer à la guerre. Mais comme il travailloit à fortifier l'armée d'Italie, il apprit que celle des Anglois étoit arrivée près de Fontarabic

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