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ger les Catholiques dans l'héréfie, au lieu que l'Interim n'approuvoit pas les articles contraires à la pratique de l'Eglife, (le mariage des prêtres & la communion fous les deux efpeces), mais les toléroit feulement pendant un temps & pour ceux qui étoient engagés dans l'héréfie : ce qui étoit beaucoup moins que de tolerer tout le Luthéranifme. Paul III. avoit d'abord formé le deffein d'obliger l'empereur de faire réformer, ou de fupprimer fon Interim; mais quelques-uns des prélats affemblés à Bologne lui confeillerent de n'en rien faire, & il fuivit leur avis. Les évêques qui étoient à Rome ne demeurerent pas fi tranquilles. Il y en eut un qui dit au cardinal del Monté, que tout étoit perdu, & que c'en étoit fait de la religion. D'autres publioient que l'Interim étoit conçu en termes ambigus, qui en apparence pouvoient recevoir un bon fens, mais qui dans le fond étoient pestiférés; & pour le prouver, ils entroient dans le détail, & citoient plufieurs articles pour exemples. Quoiqu'il y eût en différentes parties de l'Eglife des théologiens qui s'élevoient contre ce décret, c'étoient néanmoins les Italiens & les partifans de la cour de Rome qui faifoient plus de bruit. Ils crioient tous qu'il s'agiffoit du capital de la religion; que les fondemens de l'Eglife étoient ébranlés; qu'il falloit appeller tous les princes & tous les évêques au fecours, & que tout le monde s'opposât à un pareil attentat, Les hérétiques ne firent pas un meilleur accueil à l'Interim. Bucer ne le voulut jamais recevoir, difant qu'il rétabliffoit la papauté. Les autres miniftres des principales villes proteftantes, aimerent mieux tout abandonner que d'y foufcrire. L'ancien électeur de Saxe Jean-Frédéric, malgré fon état d'humiliation, le refusa conftamment. On fit, fur-tout dans la Saxe & la Thuringe, des écrits fanglans contre ce décret impérial, Calvin l'attaqua auffi dans fes ouvrages. Plufieurs favans Catholiques prirent la défense de l'empereur, qui faifoit tout ce qu'il pouvoit pour foutenir fon décret. Le dernier jour de juin ce prince termina la diete d'Aufbourg, après qu'il y eut été arrêté qu'on travailleroit à faire continuer le concile à Trente, & qu'on eut publié une feconde fois l'Interim,ayec

un

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un ordre exprès de le recevoir fans aucune restriction. En
congédiant la diete, l'empereur pria les états & les princes
d'envoyer leurs députés au concile, dès
au concile, dès que les obftacles
que le pape y apportoit, feroient levés. Il invita auffi tous
les eccléfiaftiques & les alliés de la confeffion d'Ausbourg,
à s'y rendre fous le fauf-conduit qu'il leur donneroit, leur
déclarant que les affaires s'y traiteroient felon les régles, &
que les décisions feroient fondées fur l'écriture fainte & la
doctrine des faints peres ; qu'enfin on leur accorderoit une
audience favorable, comme la raison l'exigeoit.

V.

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La même année 1548, l'empereur envoya Mendoza à
Rome pour demander quelques légats en Allemagne, afin
d'y maintenir le zèle pour la religion, & la vénération pour
le faint fiége. Le pape répondit qu'il étoit furpris qu'on lui
fit une pareille propofition après la publication de l'Interim.
Il fe plaignit en même temps de ce que l'empereur, pour
qui il avoit toujours eu tant d'égards, lui donnoit fi peu de
fatisfaction fur l'affaire de Plaifance; ajoûtant qu'il auroit
trouvé le moyen de recouvrer cette ville, s'il eût moins
compté fur la droiture de l'empereur. Il eft bon de remar-
quer comment les intérêts temporels des papes, entroient
toujours en concurrence avec les avantages les plus effen-
tiels de la religion. Nous faifons cette obfervation, parce
que cette malheureuse affaire de Plaisance, a été le motif
fecret qui a dirigé Paul III. dans la fufpenfion du concile de
Trente, & qui l'a occupé & tourmenté jusqu'à la mort. Le
pape envoya néanmoins des nonces en Allemagne, qui en-
trerent en négociation fur la tranflation du concile; mais les
affaires demeurerent toujours dans le même état. Au com-
mencement de l'année suivante, l'empereur quitta Auf- & fuiv.
bourg, & alla en Flandre, ayant toujours avec lui le land-
grave & le duc de Saxe Jean-Frédéric. Itvoulut que celui-ci
le fuivît par-tout où il alloit, avec une bonne garde. Pour
le landgrave, quelques jours après fon arrivée à Bruxelles,
Tome VIII.

AN. 1549.

Xx

XXIX.
L'empereur

demande au

pape des lé

gats. Réponfe
dupape.
&fuiv.

Ibid. n. 40.

Ibid. n. 75.

il l'envoya en prifon dans la citadelle d'Oudenarde, efcorté par deux cens Espagnols; & un mois après on le transféra dans la citadelle de Malines, où il demeura jufqu'à ce qu'il eût obtenu la liberté. Cependant on ne finiffoit rien au fujet du concile. Charles V. croyant que la ville de Plaisance, dont il étoit maître, feroit comme un attrait pour faire venir le pape à fon but, qui étoit de faire continuer le concile à Trente, témoigna defirer favoir fur quoi étoient fondées les prétentions du pape fur Parme & Plaifance. Son def fein étoit de gagner du temps, efpérant que le pape qui étoit fort vieux, pourroit mourir avant la conclufion de l'affaire, & en attendant il vouloit le rendre favorable à ce qu'il fouhaitoit. Le pape après bien des difficultés, envoya fa réponse, qui portoit en fubftance que les droits de l'Eglife fur Parme & Plaifance, étoient fondés fur la donation que lui en avoit faite l'empereur Maximilien I. en 1511. L'empereur répondit qu'il y avoit des titres plus anciens, plus authentiques & en plus grand nombre, fur la feigneurie de ces deux villes, en faveur de l'empire. Le pape fut très-offenfé de cette réponse, & affembla un confiftoire où il fit de grandes plaintes du procédé de l'empereur. Mais comme tout le monde favoit que c'étoit pour les intérêts de fa famille, & non pour ceux de l'Eglife, que Paul III. montroit tant de chaleur, & que d'ailleurs perfonne ne vouloit s'expofer au reffentiment de l'empereur, on laiffa faire le pape, fans vouloir lui donner de confeil. Il écrivit à l'empereur pour tâcher de lui donner des fcrupules, en lui repréfentant que dans cette affaire Dieu étoit la partie offenfée, puifque l'on vouloit ôter à l'Eglife ce qui lui appartenoit. Mais bientôt après ne pouvant fe diffimuler que Charles V. bien loin de vouloir rendre Plaifance, avoit envie de fe rendre encore maître de Parme, il lui fit propofer par un de fes nonces, de démembrer de l'empire la république de Sienne, & de la donner en échange au faint fiége, & à Octave Farnese en propriété, pour en jouir lui & fes defcendans. Mais cet ac Ibid. n. 132. commodement n'eut point lieu. Le pape toujours occupé de l'élévation de sa famille, étoit fort inquiet non-feulement

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ART. VIII. Suites de la publication de l'Interim. 347
pour le recouvrement de Plaifance, mais encore pour la
confervation de Bologne & de Pérouse. D'un côté les Ben-
tivoglio, appuyés par le duc de Ferrare, n'oublioient rien
pour rentrer dans Bologne d'où Jules II. les avoit chaflés.
D'un autre côté Rodolphe Baglioné vouloit reprendre Pé-
rouse, dont Léon X. avoit dépouillé fa famille. Le pape,
après s'être flatté pendant quelque temps, que l'empercur
lui donneroit la feigneurie de Sienne pour le dédommager
de Plaisance, s'apperçut enfin qu'on le trompoit, & qu'on
ne cherchoit qu'à l'amufer jusqu'à fa mort, que l'on croyoit
prochaine à caufe de fon grand âge.

Paul III. voulant faire fentir à l'empereur combien il étoit
mécontent, commanda expreffément aux prélats qui étoient
à Trente, de se rendre au plutôt à Rome, fous prétexte de
les employer, comme il l'avoit promis, à commencer la
réformation de l'Eglife & à régler fa difcipline, de concert
avec les évêques des autres nations. Mais l'empereur ne
voulut permettre aux évêques qui étoient à Trente de fe
rendre à Rome, qu'à des conditions qu'il favoit bien que
la cour de Rome n'accepteroit jamais. La principale étoit,
que les réglemens que l'on feroit ne feroient point contrai-
res à l'Interim. Le pape ne voyant aucune apparence de
faire réuffir fon projet, prit d'autres mesures. Il envoya deux
lettres différentes, l'une à quatre des évêques qui étoient
à Trente, & l'autre à quatre de ceux qui étoient à Bologne.
Il leur mandoit en fubftance, qu'ayant deffein de tenir une
congrégation fur les affaires de l'Eglife, il leur ordonnoit
fous peine de défobéiflance, de fe rendre à Rome dans
rante jours, pour lui faire part de ce qu'ils jugeroient né-
ceffaire, particuliérement fur la réforme générale à laquelle
on vouloit travailler. Ceux de Bologne fe rendirent à Rome
fur le champ. Mais les quatre prélats de Trente attendirent
les ordres de l'empereur. Les ayant reçus, ils écrivirent au
pape une lettre dont Mendoza lui-même voulut être
teur. Ils y expofoient les raisons qui les obligeoient de refter
à Trente, pour y attendre le retour du concile que lui-
même avoit assemblé. Le pape témoigna être fort furpris

qua

por

Xx ij

XXX.
Le pape cher-

che a fe venger
de l'empereur.
femblée de Bo-
bid. n. 132.

rompt

logne.

fuiv.

&

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du refus que faifoient les peres de Trente de fe rendre à Rome, & fe plaignit fur-tout du cardinal Pacheco, qui devoit, dit-il, fe rendre à fes ordres, étant honoré de la pourpre, & confeiller du facré collége. Il écrivit une feconde fois aux quatre prélats, pour leur marquer qu'il favoit bien qu'il ne feroit pas obéi; mais qu'il le faifoit pour empêcher qu'ils ne priffent fon filence pour une approbation de leur conduite & de leurs excuses. Enfin, après avoir délibéré fur le parti qu'il prendroit par rapport au concile, il crut qu'il n'y en avoit point de plus avantageux pour lui dans l'embarras où il étoit, que de le fufpendre. Il donna donc ordre au cardinal del Monté de renvoyer les peres de Bologne, & de leur fignifier que l'intention de fa fainteté étoit qu'il n'y eût plus de concile, parce qu'elle avoit réfolu de faire travailler à Rome aux décrets néceffaires pour la réforme des mœurs & de la difcipline. Del Monté s'acquitta de cette commiffion le dix-feptieme de Septembre. Peu de temps après, le pape eut de la part de fes propres III. Election neveux des fujets de chagrin, qui furent, dit Pallavicin, comme un poifon qui s'infinua dans fon cœur, & qui le fir auffi-tôt tomber en foibleffe. La colere, la douleur, l'indi gnation de se voir méprifé, le faifirent: ceux qui étoient auprès de lui l'ayant foutenu, le mirent fur un lit, où il demeura quatre heures fans parler. Revenu à lui-même, & fentant qu'il n'avoit pas encore long-temps à vivre, il appella les cardinaux, & leur dit de régler ce qu'ils croiroient avantageux à l'Eglife. Il mourut le dixieme de Novembre 1549. Il étoit dans fa quatre-vingt-deuxième année & dans la feizieme de fon pontificat. Comme il avoit toujours eu une affection aveugle pour fa famille, on dit qu'étant près d'expirer, il détefta l'ingratitude de fes parens ; & qu'il répéta ce verfet du Pfeaume 18: Si les miens n'avoient pas dominé fur moi, je ferois fans tache & exempt très-grand péché. Après beaucoup de brigues, le cardinal del Monté fut élu le 8 Février [ 1550] pour lui fuccéder. Nous avons déja parlé de lui à l'occafion du concile de Trente où il préfidoit en qualité de légat. Né d'une famille

XXXI. Mort de Paul

de Jules III. Ibid. n. 141. & fuiy.

d'un

AN. ISSO.

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