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IV.

Le pape nom

me des préfidens, & les enavec tous les

voie à Trente

évêques qui fe

trouvoient à

Rome.

& fuiv.

AN. 1551.

I I.

Jules III. tint le quatrieme de Mars de l'année suivante 1551 un confiftoire, dans lequel il nomma pour préfider au concile en fon nom en qualité de légat, le cardinal Marcel Crefcentio, qui joignoit à une grande érudition beaucoup de capacité dans les affaires. Il lui affocia deux évêques, Sébastien Pighin, archevêque de Siponte (k), & Ibid. n. 102. Louis Lippoman, évêque de Vérone. Il leur donna fes inftructions de vive voix, avec une commiffion très-ample par écrit. Il ordonna des prieres publiques le quatorzieme d'Avril, pour demander à Dieu de bénir une entreprise fi importante pour la religion, & envoya à Trente tous les évêques qui étoient alors à Rome au nombre de quatrevingt-quatre. Le cardinal Crefcentio, feul légat, partit avec Les deux adjoints & quelques prélats, & arriva à Trente le vingt-neuvieme d'Avril. Madrucce, cardinal de Trente, avec les treize archevêques & évêques qui étoient déja dans cette ville, allerent au-devant du légat, & le reçurent avec beaucoup d'honneur. Crefcentio & les deux autres préfidens étant arrivés à l'églife la plus proche de la ville, y entrerent pour prendre leurs habits pontificaux. François de Vargas, jurifconfulte Efpagnol, envoyé par l'empereur au concile en qualité de fon procureur fifcal, préfenta fes pouvoirs, & affura les préfidens du zèle de fon maître pour protéger le concile. Il loua beaucoup le pape, le légat & les deux nonces. Crefcentio lui répondit en peu de mots, marquant fon respect & fa reconnoiffance pour l'empereur. Enfin tous étant montés à cheval, entrerent dans la ville deux à deux. Le même jour François de Tolede, ambassadeur de l'empereur, arriva à Trente; & deux jours après, c'eft-à-dire le premier de Mai, on ouvrit le concile la par feffion onzieme.

(k) [Le continuateur de M. Fleury dit Manfredonia; c'eft le nom de la nouvelle ville où fut transféré le fiége de l'ancienne Siponte, ville ruinée près de laquelle fur bâtie la nouvelle, ]

On

On s'affembla dans l'églife cathédrale, où les fiéges étoient encore au même état qu'ils avoient été pendant la tenue du concile fous Paul III. Le légat chanta la meffe du Saint-Elprit, & François Fedrio Diruta, cordelier, prononça le difcours. Après que le légat cut parlé pendant quelque temps fur les bonnes intentions du pape par rapport au fuccès du concile, il dit qu'il croyoit que l'on devoit différer la feffion fuivante jusqu'au premier de Septem bre. Le fecrétaire du concile fit lecture de la bulle de convocation, après laquelle on lut un décret où l'on déclaroit que le concile étoit commencé de nouveau, & continueroit l'examen & la difcuffion des matieres; & où l'on indiquoit la feffion fuivante au premier de Septembre. Philippe d'Autriche, fils de l'empereur, paffa le mois fuivant par Trente, & on lui fit de grands honneurs. L'archevêque de Maience & celui de Trèves y arriverent deux mois après, & furent fuivis de plufieurs autres prélats d'Allemagne. L'empereur & Ferdinand y envoyerent leurs ambassadeurs. Maurice, électeur de Saxe, chargea Mélanchton & quelques autres théologiens de mettre par écrit les articles de doctrine que l'on devoit proposer au concile, & cet écrit fut approuvé par tous les théologiens & miniftres proteftans. Le duc de Vittemberg fit la même chofe, & ceux de Strasbourg publierent auffi une confeffion de foi semblable à celle des autres. Les deux princes écrivirent enfuite conjointement à l'empereur, pour demander que le concile accordât un fauf-conduit à leurs théologiens, afin qu'on ne les traitât point à Trente comme Jean Hus l'avoit été à Conftance. L'empereur leur répondit qu'il chargeroit ses ambasfadeurs d'obtenir ce qu'ils demandoient.

III.

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VI. Douzieme

L'arrivée des évêques d'Allemagne avoit caufé à Trente une joie extraordinaire; & on fe prépara auffi-tôt à la dou- feffione de zieme feffion, qui fe tint le jour marqué premier de Sep- Septembre tembre. L'évêque de Cagliari célébra la messe, après la 1551,

Tome VIII.

YY

& fuiv.

354

Ibid. n. 115. quelle on lut un difcours au nom des préfidens, pour exhorter les peres à ne rien négliger pour défendre l'Eglife catholique, & condamner les héréfies. On y releve la puiffance & l'autorité des conciles généraux, auxquels le SaintEfprit préfide. On ajoute que l'usage d'affembler des conciles eft fondé fur l'exemple même des apôtres, & que leurs fucceffeurs ont toujours eu recours au même remede dans les temps fâcheux où la foi étoit en danger. On exhorte les peres à attirer l'affiftance divine par les larmes, les prieres & une vie irreprochable ; à secourir l'Eglife qui paroiffoit prête à faire naufrage après avoir été agitée de tant de tempêtes, & à se souvenir qu'ils avoient Dieu pour fpectateur & pour juge. Après cette exhortation, le fecrétaire Maffarel lut quelques avis fur la maniere dont on devoit se comporter dans le concile. Enfuite l'évêque de Cagliari monta au jubé, & fit lecture du décret qui indiquoit la feffion fuivante à quarante jours. Le concile annonce dans ce décret, que l'on traitera dans cette feffion du facrement de la très-fainte euchariftie, & exhorte tous les prélats de travailler à appaiser Dieu par le jeûne & par la priere, afin qu'il daigne ramener les hommes à la vraie foi, à l'unité de l'Eglife & à la véritable regle des mœurs.

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Jacques Amyot, abbé de Bellofane, qui étoit alors à Venife avec le cardinal de Tournon, eut ordre de partir pour Trente, & d'y porter une lettre du roi de France au Concile. Pour entendre ce que renfermoir cette lettre, il faut favoir que Henri II. étoit alors en guerre avec le pape; & voici ce qui y avoit donné lieu. Octavio Farnèfe, neveu de Paul III. qui étoit maître de Parme, follicita l'empereur comme avoit fait fon oncle, de lui rendre Plaisance. Char les V. non-feulement refufa la demande de Farnèfe, mais fit même connoître qu'il vouloit s'emparer de Parme. Il amufa le pape Jules III. & fut le mettre dans ses intérêts contre Farnèle, fe gardant bien de faire entrevoir où il en vouloit venir. Farnèfe avoit cru que le pape le foutiendroit; mais n'espérant de lui aucun fecours, & voyant même qu'il fe laiffoit tromper par l'empereur, il eut recours au roi de

France, qui lui promit fa protection, & bientôt après lui envoya des troupes. Le pape fe déclara auffi tôt contre la France, déclara Henri II. excommunié, dit qu'il mettroit tout fon royaume en interdit, & menaça d'excommunication tous ceux qui oferoient foutenir Octavio Farnèfe de quelque maniere que ce fût. Le roi rappella auffi tôt tous les évêques de France qui étoient à Rome, fit défenses à tous fes fujets, fous de rigoureufes peines, d'y porter ou d'y envoyer de l'argent, fous quelque prétexte que ce fût, & d'y avoir recours pour des bénéfices, & ordonna de s'adreffer aux ordinaires pour toutes les affaires eccléfiaftiques. Mais en même temps, pour montrer que fes brouilleries avec le pape ne diminuoient rien de fon zèle pour la religion, il fit un édit très-févere contre les Proteftans qui étoient dans fon royaume, & donna à Jacques Amyot l'ordre dont nous venons de parler. Il parut au concile pendant la feffion fans être attendu, & présenta au légat une lettre du roi fon maître adreffée aux très-faints peres en Jefus-Chrift de l'affemblée de Trente. Les prélats Efpagnols ne vouloient pas qu'on la lût, parce que dès le titre, Henri II. ne donnoit que le nom d'affemblée au concile. Amyot s'efforça de perfuader que le terme conventus dont fon maître fe fervoit, ne devoit point être pris en mauvaise part; que le fecrétaire avoit peut-être cru qu'il étoit plus latin concilium. Après une longue difpute, on convint de fire la lettre fans préjudice. Le roi y déclare en fubftance, que la guerre qu'il a avec le pape & l'empereur l'empêche d'envoyer aucun évêque à Trente; mais en même temps il témoigne fon attachement à la foi catholique & fon zèle contre les hérétiques. Sa lettre eft datée de Fontainebleau, les Ides, c'est-à-dire, le treizieme d'Août 1551. Après la lecture de la lettre, les entendirent celle peres de la proteftation, par laquelle le roi déclaroit que la guerre de ce prince. allumée depuis peu par le pape, ne pouvoit que nuire au concile & caufer des maux infinis dans toute l'Europe; qu'on ne pourroit attribuer tous ces malheurs qu'au fouverain pon tife, s'il persistoit à entretenir la guerre; que tant qu'elle

que

VIII. Proteftation

Ibid. л. 120. & fuiv.

1

IX. Congréga

devoit être

te.

Ibid. 1. cxlvij. ■, 1. & suiv.

dureroit, il ne pourroit envoyer aucun évêque de fon royaume à Trente, & qu'ainfi le concile dont il se voyoit exclus malgré lui, ne pourroit par conféquent être regardé comme œcuménique, mais comme un concile particulier; qu'ainfi la France ne fe croiroit pas obligée de reconnoître un tel concile, ni de fe foumettre à fes décrets. La proteftation ajoute que le roi aura recours aux mêmes remedes dont fes prédéceffeurs fe font fervis en pareille occafion, & qu'il n'aura rien plus à cœur, après la confervation de la foi, que le maintien des libertés de l'Eglife Gallicane ; que néanmoins il est très-éloigné de manquer au refpe&t qu'il doit avoir pour le faint fiége apoftolique, & qu'il fera voir de plus en plus qu'il eft très-digne du nom de roi très chrétien, du titre de fils aîné de l'Eglife & de protecteur de la foi. Cette proteftation n'eut d'autres fuites de la part du roi de France, que de ne pas envoyer à Trente les évêques de fon royaume.

IV.

On tint dans le cours du mois de Septembre plufieurs tions ou on congrégations, dans lesquelles on examina la question de examine ce qui l'euchariftie, qui devoit être décidée dans la prochaine traité dans la feffion. Le légat demanda que les décifions fuffent fi bien feflion fuivan- mefurées, & que les termes en fuffent fi exactement choifis, qu'elles ne donnaflent aucune atteinte aux différens fentimens de l'école, fur lefquels les théologiens catholiques étoient partagés. Il étoit en effet de la prudence des peres de ne pas expofer l'Eglife à de nouveaux troubles, par les difputes qui fe feroient élevées entre les docteurs catholiques, fi le concile avoit voulu difcuter & cenfurer leurs opinions. C'est ce que le pape avoit principalement recommandé, afin de réunir toutes les forces des Catholiques contre les nouvelles erreurs. Auffi peut-on dire que les peres ont été exacts prefque jufqu'au fcrupule, à chercher des expreffions qui ne bleffaffent les fentimens ni des uns ni des autres. Pendant que l'on difcutoit le dogme de l'euchariftie & tout ce qui y a rapport, on examinoit dans d'autres con

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