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V.

Ouverture du

tran..

dans le deffein de s'emparer de la Guyenne. Cet événement
imprévu l'obligea de faire une diverfion qui lui fut très-pré-
judiciable. Dans ces circonstances l'empereur l'abandonna,
retira fes troupes d'Italie, & fit alliance avec le
pape; les
Suiffes arriverent dans le duché de Milan au nombre de
dix-huit mille, & formerent avec les Vénitiens une armée
de trente mille hommes. Celle des François extrêmement
affoiblic, fut obligée d'abandonner le Milanez, & en assez
peu de tems Louis XII.perdit toutes les places qu'il avoit au-
delà des monts.
Dès que le vit l'embarras où fe trouvoient les Fran-
pape
çois en Italie; qu'il n'avoit plus rien à craindre de leur ar-
mée, & que la ligue alloit être puiflamment secourue par
les Anglois & les Suiffes, il se hâta de tenir fon concile de
Latran,
, pour décréditer celui de Pife, convoqué, difoit-il,
par des cardinaux rebelles & fchifmatiques. Il avoit déja éta-
bli dans un confiftoire une congrégation de huit cardinaux,
pour examiner mûrement ce qu'il faudroit propofer, &
pour rédiger avec foin ce qu'ils jugeroient neceffaire pour
le rétablissement de la discipline, la réformation des mœurs,
la correction des abus & des défordres de la cour romaine..
Car, difoit-il, quel fcandale pour les évêques qui viendront
à Rome, de trouver le déréglement, la licence, l'impiété,
enracinées dans un lieu qui devroit être le féjour de la vertu
& le centre de la fainteté, & où toute l'église vient puifer
comme dans une fource pure, les regles des mœurs, auffi-
bien que les principes de la religion ! Le fouverain ponti-
ficat doit fanctifier ceux qu'on y eleve, & l'on ne doit y éle-
ver que ceux qui font déja faints. C'est Mariana qui attribue
au pape ces beaux fentimens. Il eft au moins certain qu'il
auroit dû les avoir.

II.

L'ouverture du concile fe fit le troifiéme de Mai 1512. concile de La Le pape revêtu de ses habits pontificaux, fe rendit dans la Ibid.l.cxxiij. bafilique de Latran, accompagné des cardinaux & des préB. L. & 2. lats. Après la meffe le cardinal de Farnese lut un écrit, dans lequel le pape exhortoit les membres du concile à avoir des

intentions pures,
& à veiller au bien de l'églife. Le
pape in
diqua la premiere session au lundi dixiéme de Mai; & la
cérémonie finit par un long difcours que fit Gilles de Vi-
terbe, général des Auguftins, l'un des plus célebres prédi-
cateurs de fon tems, & qui fut enfuite cardinal & patriar-
che de Conftantinople.

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Après avoir dit que s'étant vû quelques années auparavant dans la néceffité d'expliquer en chaire l'Apocalypfe, il avoit annoncé que l'églife étoit menacée des plus affreux malheurs, & que cependant il y avoit quelqu'efpérance de les pouvoir détourner par une véritable réformation; il continua ainsi : „ Je me réjouis de voir aujourd'hui que ma prédiction n'eft pas entierement fauffe. Les chofes font rédui,,tes aux dernieres extrémités. Nous nous voyons plongés dans un abîme de maux; les plus horribles calamités font fur le point de fondre fur nous: mais ce qui doit nous confoler un peu, c'est qu'un rayon d'efpérance commence à luire après une nuit fi obfcure, & que nous nous flattons de voir renaître le calme après la tempête.,, Il parla enfuite de la néceffité des conciles, & dit qu'il falloit attribuer la plupart des maux de l'Eglise à la ceffation de ces faintes assemblées.,, Heureux, s'écria-t-il, les fiécles qui onɛ. », eu des conciles! Malheureux les tems qui ne les ont point: » connus:,, Il exhorta les peres à fe réunir pour chercher de „Il concert les moyens les plus prompts & les plus efficaces de conferver le précieux dépôt de la foi, & de maintenir la pureté de la morale.

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Peut-on voir, ajouta-t-il, fans verfer des larmes de fang, les défordres & la corruption du fiécle pervers où nous vivons; le déréglement monftrueux qui regne dans les » mœurs; l'ignorance, l'ambition, l'impudicité, le liberti„nage, l'impiété triompher dans le lieu faint, d'où ces vices honteux devroient être à jamais bannis? Qui de nous pourroit regarder avec des ieux fecs, & fans être pénétré: de la plus profonde douleur, les campagnes d'Italie tein„tes, arrofées, &, fi j'ose m'exprimer ainfi, plus imbibées du fang humain qu'elles ne le font des eaux du ciel ? L'in

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„nocence eft opprimée, les villes nagent dans le fang de leurs habitans cruellement égorgés, les places publiques font couvertes de corps morts. Il n'y a qu'un concile qui puisse remédier au déluge de maux qui inonde & défole toute la république chrétienne.,, Il eft fâcheux qu'un difcours fi touchant, & qui convenoit fi bien au trifte état où Jules II. avoit réduit l'Italie, fût en quelque forte gâté par l'éloge que l'orateur fit de ce pape. Il le loua en particulier d'avoir réuni à l'état eccléfiaftique plus de villes qu'aucun de fes prédéceffeurs, & d'avoir par-là immortalifé fon pontificat. Mais, ajouta-t-il, en lui adreffant la parole, l'Europe chrétienne attend de votre courage & de votre zèle quelque chofe de plus grand, &, fi je l'ofe dire, de plus digne de » votre fainteté. Rétablir la paix entre les princes chrétiens, les réunir tous contre l'ennemi commun de notre fainte religion, est un deffein plus glorieux, & feul capable de vous immortaliser. Si vous voulez que le fuccès en foit heu„reux, quittons les armes qu'il paroît que nous n'avons prifes que pour les tremper dans le fang des fideles. Reprenons-en d'autres plus conformes au caractere facré dont nous fommes revêtus, & plus proportionnées à la milice fainte dans laquelle nous fommes engagés. Déclarons une guerre éternelle & implacable à cette foule de vices & d'abus énormes, ,, qui ont inondé l'église & qui deshonorent la religion.,, Il finit par une priere aux apôtres faint Pierre & faint Paul. ,, Protégez-nous, dit-il, ô grands faints; fecourez cette églife arrofée de vos fucurs & de votre fang, cette vigne plantée & cultivée par vos foins, ce faint héritage que le fang de Jefus-Chrift notre divin maître & le vôtre a rendu fertile. Ne fouffrez pas qu'une religion que vous avez fait triompher de la fureur des tyrans par votre courage invincible, » périffe par la négligence de ceux qui fe glorifient d'être vos enfans. Que par votre puiffante protection, tous ces », prélats que l'intérêt de Dieu raffemble ici, foient animés », de ce zèle dont vous avez été remplis : qu'ils n'aient en vûe » que le bien de l'églife: que nulle confidération humaine , ne les arrête : qu'ils emploient des remedes proportionnés

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,, à nos maux, & qu'ils aient moins d'égard à notre foiblefle qu'à la grandeur de nos bleffures. „,

III.

VII.
Les cinq pre-

& fuiy

Le lundi fuivant, dixiéme de Mai, l'on tint la premiere feffion, & le pape y préfida. Il y avoit quinze cardinaux, mieresfeftions. deux patriarches, dix archevêques, cinquante-fix évêques, Ibid. n. 4 tous Italiens, fix abbés ou généraux d'ordres. Il ne s'y pafla rien de confidérable. La feconde feffion fe tint le dix-feptiéme du même mois, & le pape y préfida comme à la premiere. [Thomas de Vio] Cajetan, général des Dominicains, y fit un discours, dans lequel il parla fortement contre le concile de Pife. La troifiéme feffion ne fut tenue que le troifiéme de Décembre. L'évêque de Gurck y comparut de la part de l'empereur Maximilien, & fit un acte par lequel il révoquoit,au nom de fon maître, tout ce qui s'étoit fait dans l'affemblée de Tours & dans le concile de Pife, & approuvoit la convocation du concile de Latran. Le pape y renouvella la bulle dont nous avons parlé, qui annulloit tout ce qui s'étoit fait à Pife, à Milan & à Lyon, mettoit tout le royaume de France en interdit, & transféroit à Geneve les foires de la ville de Lyon. Dans la quatriéme feffion, tenue le dixiéme de Décembre, le pape fit lire les lettres patentes de Louis XI. du 27 Novembre 1461, qui abrogeoient la pragmatique-fanction. L'avocat du concile fit auffi-tôt un difcours contre la pragmatique, en demanda la révocation, & qu'il fût décerné un monitoire contre les prélats, chapitres, princes, parlemens & autres perfonnes du royaume de France, pour comparoître au concile, & alléguer les raifons qu'ils prétendoient avoir pour en empêcher l'abrogation. Le pape qui étoit le mobile de cette étonnante entreprise, ne manqua pas de publier un monitoire conforme à la réquifition, ordonnant que tous ceux qui favorifoient la pragmatique, tels qu'ils puffent être, fuffent cités à comparoître dans foixante jours. Le pape étant tombé malade, ne put affister à la cinquiéme feffion, qui fe tint le feiziéme de Février 1513. Le cardinal de Saint-George, évêque d'Oftie, y présida à sa place. On y confirma la conftitution de Jules II.

AN. 1513

VIII.

Mort du pape
Ibid. n. 62.

Juls II.

fimonie, pape faite

par

qui déclaroit nulle l'élection d'un & l'on décerna une nouvelle monition contre l'Eglife de France pour répondre fur la pragmatique-fanction.

Le concile de Latran n'étoit pas la feule ni même la principale affaire qui occupoit Jules II. Il femble qu'après avoir obligé les François de quitter l'Italie il n'avoit plus rien à defirer, & que l'on pouvoit fe flatter qu'enfin il fe tiendroit en repos. Mais il s'en falloit beaucoup que fon ambition fût fatisfaite, & jamais il ne forma plus de projets & d'entreprises. Après avoir repris Bologne & l'avoir punie rigoureufement, il fit tous les efforts pour s'emparer du duché de Ferrare; & il n'y eut point de moyens, fans en excepter les 'trahifons, qu'il n'employât pour dépouiller le duc, ancien ami & allié de la France. Il entreprit enfuite de rétablir les Médicis à Florence; & cette république refufant de les recevoir, il lui déclara la guerre. Il fe donna de grands mouvemens pour rétablir auffi le duc Sforce à Milan, & il en vint à bout, malgré l'oppofition de l'empereur & de l'Espagne. Il prétendit garder plufieurs villes confidérables d'Italie, que les François venoient d'évacuer ; & il fallut que le miniftre de l'empereur les lui laissât, en faisant une proteftation pour conferver les droits de fon maître. Il abandonna les Vénitiens & se ligua contre eux avec Maximilien, uniquement parce qu'il avoit plus à craindre & à espérer de ce prince que de la république. Il méditoit depuis long-temps le projet de chaffer les Allemands & les Espagnols de l'Italie, & il difoit fouvent, les ayant en vûe, que tous les barbares qui y étoient établis auroient le même fort que les François. Il vouloit commencer par les Efpagnols; & ce fut pour exécuter plus fûrement ce grand deffein, qu'il imagina au commencement de 1513. une nouvelle croifade contre les Turcs. Enfin fa haine contre Louis XII. l'aveugloit tellement, qu'il entreprit de transférer le royaume de France & le titre de roi très-chrétien à Henri VIII. roi d'Angleterre. Il paroît même qu'il en avoit déja dreffé le décret. Ce fut dans de pareilles circonftances & au milieu de tant d'agitations, que ce pape fut appellé au tribunal du fouverain Juge,

pour

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