Page images
PDF
EPUB

XXIX.

Quinzieme feffion. 25 de Janvier 2. tome XXX 1. cxlviij. n. iş. & fuiv.

de Fl.

IX.

Depuis la quatorzieme feffion tenue le vingt-cinquieme de Novembre, on ne ceffoit de préparer les matieres que l'on fe propofoit de décider dans la feffion suivante. On dreffa plufieurs articles fur le facrifice de la meffe, & on commença à examiner ce qui regarde le facrement de l'ordre. Les ambassadeurs du duc de Vittemberg demanderent un fauf-conduit pour leurs théologiens, & voulurent préfenter leur confeffion de foi. Les ambaffadeurs de plufieurs villes proteftantes demanderent la même chofe ; mais on trouva beaucoup de difficultés dans les propofitions qu'ils faifoient, Ceux de l'électeur de Saxe arriverent à Trente à la fin de la même année 1551 (m), & furent entendus dans une congrégation générale. On accorda aux Protestans un fauf-conduit, mais non pas tel qu'ils le defiroient. Ils en vouloient un semblable à celui qui avoit été donné aux Bohémiens par le Concile de Bafle; mais le nom feul de ce concile étoit odieux au légat. Le vingt-cinquième de Janvier 1552. on tint la quinzieme feffion. On y lut un décret par lequel la décifion des matieres étoit différée jufqu'au dixneuvieme de Mars, en faveur des Proteftans qui demandoient cette prorogation. On y lut auffi un nouveau faufconduit qu'on leur accordoit. Mais ils n'en furent point encore contens, & fe plaignirent qu'on leur eût manqué de parole.

X X X.

concile.

& fuiy.

Vargas partit alors pour aller informer l'empereur qui Inaction du étoit à Infpruck, de l'état des affaires du concile. On ne fit Ibid. n. 47. prefque rien jufqu'au retour de ce miniftre, qui revint à Trente le vingt-unieme de Février. A peine fut-il arrivé, que les ambafladeurs demanderent que l'on reprît l'examen des questions, & que l'on commençât par le facrement de mariage, tant pour occuper les évêques & les théologiens, que pour convaincre le public qu'il n'y avoit aucune fufpenfion. Le légat n'y voulut point confentir, & il demanda

(m) [Le continuateur de M, Fleury dit, le 7 Janvier 1552,]

que

[ocr errors][ocr errors]

que l'on terminât ce qui regardoit le facrement de l'ordre,
dont on avoit déja parlé. Mais les ambaffadeurs de Charles
V. qui voyoient clairement que le but du légat étoit d'éta-
blir la monarchie univerfelle du pape, s'oppoferent de tou-
tes leurs forces à ce qu'on proposât les queftions fur le fa-
crement de l'ordre, avant l'arrivée des Proteftans; & pen-
dant toutes ces difputes on n'examinoit rien. Cette inaction
donna lieu à bien des difcours défavantageux. On difoit,
que les miniftres du pape cherchoient à diffoudre le con-
cile. D'autres prétendoient que le pape lui-même avoit def-
fein de le transférer à Mantoue. Mais ce pontife ne fon-
geoit guères alors qu'à fe raccommoder avec la France, &
cette négociation lui tenoit plus à cœur que les intérêts de
la religion.

Cependant Maurice électeur de Saxe levoit ouvertement des troupes, & on commença à parler de guerre entre les Proteftans & l'empereur. Auffi-tôt chacun ne penfa plus qu'à fe retirer. L'archevêque électeur de Trèves fortit le premier, fous prétexte d'une incommodité. Quinze jours après, le deuxieme de Mars, qui cette année étoit le mercredi des cendres, le légat publia des indulgences, & les fit afficher aux portes des églifes, pour l'heureux fuccès du concile. On n'en crut pas moins qu'il feroit bientôt fufpendu. Tout fe difpofe, écrivit Vargas à l'évêque d'Arras (2), à la rupture du Synode. Nous n'efpérons plus que les Proteftans y viennent. Il eft certain que dans l'état où font les affaires d'Allemagne, on n'y recevra point les décrets du concile. Les Proteftans prétendront même qu'ils ne font plus obligés d'obferver Î'Interim, qui ne doit durer que jufqu'à la décifion du concile. Ils attaqueront de toutes leurs forces ce qui a été déterminé à Trente, & ils ne manqueront pas d'en impofer au peuple, qui n'eft pas fort inftruit de l'autorité de l'Eglife. Ce que Vargas écrivoit n'étoit que trop fondé. Le onzieme de Mars, les archevêques électeurs de Mayence & de Cologne partirent de Trente au point du jour, avec

(n) [ Ou plutôt l'évêque d'Arras à Vargas, comme le dit le continuateur de M, Fleury.]

Tome VIII.

Ccc

XXXI.

peres. Retraite

Embarras des des principaux lemagne. évêques d'Albid. n. 54.

& fuiy.

affez de précipitation. Malgré la retraite des trois archevêques électeurs, il y avoit encore à Trente, outre le cardinal Madrucce & les trois présidens, foixante & douze (0) évêques, vingt-cinq Efpagnols, huit Allemands, deux de Sardaigne, quatre de Sicile, un de Hongrie & vingt-deux Italiens. Il s'y trouvoit quarante-deux théologiens, douze Flamands, vingt-cinq Efpagnols, & quelques autres. Les électeurs de Mayence & de Cologne pafferent par Infpruck, virent l'empereur & eurent avec lui de longues conféren ces. Dans le même temps, c'est-à-dire, au mois de Mars, les ambassadeurs du roi de Portugal arriverent à Trente. Il y eut une difpute fur la préféance entre eux & les ambaffadeurs du roi des Romains. L'affaire fut envoyée au pape, qui l'accommoda, fans préjudice du droit des parties & pour le bien de la paix.

X.

XXXII. Divifion entre

les peres. Confedération de

plufieurs prin

ces contre

l'empereur. Prife d'Auf

Les peres du concile étoient fort divifés. Tous les prélats qui étoient fujets de l'empereur, à la follicitation de les miniftres, vouloient que l'on continuât le concile; mais ceux qui favorifoient la cour de Rome, craignant que les Impériaux n'euffent deffein de proposer la reformation de cette cour, n'étoient pas fâchés que quelqu'incident fit naître Ibid. n. 66. une fufpenfion entiere. Et comme les prélats d'Allemagne étoient partis à caufe des approches de la guerre, les évêques Italiens fe retirerent auffi peu de temps après, pour la même raison. Enfin les deffeins de Maurice, électeur de

bourg.

& Juiy.

Saxe, éclaterent le premier d'Avril par le fiége qu'il vint mettre devant la ville d'Aufbourg. Il favoit combien la guerre qu'il entreprenoit étoit périlleuse, & il n'avoit pas oublié ce qu'il en avoit coûté à Jean Frédéric fon cousin, & au landgrave fon beau-pere; mais il fe conduifit avec tant de prudence, qu'en moins de trois mois il fe trouva en état d'attaquer l'empereur, fans que ce prince fe fût prefque apperçu de fes deffeins. Plufieurs princes & feigneurs

(o)[Le continuateur le dit ainfi ; & néanmoins le dénombrement qu'il en donnc &que M. Racine va rapporter, n'en contient que foixante & deux. ]

[ocr errors][ocr errors]

proteftans fe liguerent avec Maurice & le déclarerent leur
chef. Les fecours d'argent & d'hommes que ces ligues lui
procurerent, furent très-prompts & très-abondans, enforte
que cet électeur fe vit bien-tôt à la tête d'une armée de
trente mille hommes, ce qui étoit plus que fuffifant pour
faire la guerre à un empereur défarmé. Les princes confé-
dérés publierent des manifeftes, où ils alléguoient trois mo-
tifs de la guerre qu'ils déclaroient à l'empereur. Premiere-
ment, pour affurer la religion proteftante, que l'on atta-
quoit en Allemagne. Secondement, pour conferver aux
princes & aux villes leur liberté, & empêcher Charles V.
de faire de l'empire germanique, un gouvernement defpo-
tique & une monarchie abfolue pour fa maison. Enfin, pour
tirer de captivité le landgrave de Heffe, beau-pere de Mau-
rice, qu'on y retenoit depuis cinq ans, malgré toutes les
inftances que
que les plus grands feigneurs de l'Empire avoient
faites pour lui procurer la liberté. Henri II. roi de France,
s'unit aux princes d'Allemagne, & publia comme eux con-
tre l'empereur un manifefte, qui fut imprimé en langue vul-
gaire. Maurice mis le fiége devant Ausbourg, le pre-
ayant
mier d'Avril, comme nous l'avons dit, s'en rendit maître
le cinquieme jour.

que

L'empereur qui étoit alors à Infpruck fort incommodé de la goutte, fut très-furpris de cette nouvelle. Une confpiration fi fubite l'étonnoit d'autant plus, qu'il n'en avoit jamais voulu rien croire avant qu'elle éclatât, quelques avis qu'on lui en eût donnés pendant qu'elle fe formoit. Cependant, au lieu d'arrêter l'ennemi avant qu'il fit de plus grands progrès, il demeura prefque dans l'inaction, se flattant cette confpiration fe diffiperoit en peu de temps. Mais il se trompoit. Maurice continua fes conquêtes avec beaucoup de rapidité. Les confédérés après la prise d'Aufbourg vouloient courir vers Infpruck, perfuadés qu'ils pourroient aifément fe faifir de l'empereur. Mais l'électeur leur dit, qu'il n'avoit pas de cage affez grande pour mettre un tel oiseau. Albert de Brandebourg répliqua, qu'il falloit toujours aller à la chasse de cet oifeau, & que quand on l'auroit pris, on

[blocks in formation]
[blocks in formation]

ne manqueroit pas de cage pour l'enfermer. On marcha donc auffi-tôt vers les Alpes: on força les paffages & on s'en rendit maître, après avoir tué la plûpart des l'empereur.

gens de

Comme les confédérés n'étoient pas éloignés alors de la ville de Trente, chacun ne penfa plus qu'à sa fûreté, & la plupart fe retirerent. On tint une congrégation générale le vingt-quatrieme d'Avril, dans laquelle le cardinal de Trente, l'archevêque de Grenade & plufieurs autres, opinerent pour la fufpenfion du concile. C'est ce qui détermina les préfidens à indiquer la feffion pour le vingt-huitieme du même mois, au lieu du premier de Mai auquel elle avoit été affignée. Cette feffion, qui étoit la feizieme du concile, fut donc tenue par le petit nombre des peres qui reftoient. On y lut un décret qui fufpendoit le concile, jufqu'à ce que la paix & la fûreté euffent été rétablies. Tous les peres l'approuverent, excepté douze prélats Espagnols, qui demanderent qu'on attendît au moins quelques jours pour favoir les intentions de l'empereur. Les évêques Italiens firent leurs efforts pour les ramener à l'avis du plus grand nombre ; mais ils perfifterent dans leur oppofition, & firent une proteftation contre la fufpenfion, qu'ils ne pouvoient empêcher. Tous les autres peres prirent le parti de fe retirer; & peu de temps après, les douze Espagnols voyant qu'en effet le danger étoit férieux, furent eux-mêmes obligés de fuivre leur exemple. Le légat Crefcentio, qui étoit dangereusement malade, demeura feul à Trente; mais quelques jours après, on le transporta à Vérone, où il mourut le premier de Juin. Son corps fut enfuite porté à Rome, & inhumé dans l'églife de fainte Marie Majeure.

« PreviousContinue »