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XXVIII.
Mémoire de

renfe.

faire que fa majefté s'emploie au plutôt, afin que le pape &
Les miniftres changent de conduite, & qu'on falle une réfor-
mation férieuse. Je crois pourtant qu'ils ne s'en mettront
point en peine, à moins que Dieu ne faffe un miracle. Il est
étonnant que les affaires de Dieu fe faffent fi mal. Il n'y a
perfonne qui fe déclare pour lui & qui ofe parler. Nous fom-
mes tous des chiens muets, canes muti, non valentes latrare.
Les maux de l'Eglise deviendront incurables; les abus feront
confirmés. La cour de Rome trouve fes avantages dans la
réformation qui a été publiée. Les fubtilités qu'on a mises
dans les décrets, font la femence d'une infinité de procès,
& elles maintiendront les abus. Telle eft la confirmation des
évêques in partibus, qu'on auroit dû abolir. Ils causent de
grands maux dans l'Eglife. J'en dis autant des juges confer-
vateurs. C'est un pofte dans le monde. Leur emploi n'est
propre qu'à caufer de la confufion dans l'état, à commet
tre ensemble les deux jurifdictions, civile & eccléfiaftique,
& à faire dépenfer bien de l'argent. Voila pourquoi on
a confirmé cet abus, qu'il falloit abolir. Le décret du
concile eft dreffé comme il faut pour produire l'effet que
je prévois. Nous fommes dans un fiecle bien malheureux. Si
la cour de Rome vous accorde quelque chose, c'est
vous faire encore plus de mal.

pour

Nous apprenons par un mémoire de l'évêque d'Orenfe, l'évêque do que quand le légat traita fi indignement l'évêque de Verdun, l'archevêque de Cologne fe tourna vers l'évêque d'Orense qui étoit affis auprès de lui, & lui dit : Monfieur l'évêque d'Orenfe, avouez-moi la vérité; croyez-vous que ce concileci foit bien libre? Monfeigneur, répondit l'évêque d'Orense, vous me propofez une question difficile à réfoudre. Je ne puis y répondre fur le champ. Tout ce que je puis dire maintenant, c'eft que le concile doit être libre. Parlez nettement, reprit l'électeur: trouvez-vous qu'il y ait de la liberté dans le concile? Monseigneur, répliqua l'évêque d'Orenfe, je vous prie de ne me point parler de cette affaire maintenant. Je vous répondrai dans votre maison. Les deux archevêques de Cologne & de Maïence, qui avoient d'abord

&

parlé ensemble fur le procédé du légat, recommencerent encore à s'entretenir à voix baffe, paroiffant defirer qu'on vît bien qu'ils parloient de cette affaire. (On voit premiérement, que toutes les plaintes qui fe font, ne regardent point le concile, mais la cour de Rome & fes miniftres. Secondement, que fi l'on donne quelque atteinte à la liberté du concile, ce n'eft point en ce qui regarde les dogmes de foi, pour empêcher qu'ils ne foient décidés fuivant l'écriture & la tradition; mais feulement fur ce qui a rapport à la réforme, pour empêcher que l'on ne fafle certains réglemens, que l'on n'aboliffe certains abus. On n'en peut donc rien conclure contre l'autorité & l'infaillibilité du concile prononçant fur les dogmes de foi & fur les régles des mœurs. Mais la parfaite foumiffion que nous avons pour fes décifions, ne doit pas nous rendre aveugles fur l'injuftice & les mauvais procédés de ceux qui y préfidoient, ni fur la profonde corruption de la cour de Rome dont ils exécutoient les ordres. Voila le troifieme concile général que nous voyons affemblé depuis environ cent [ quarante ] ans, (7) pour travailler au grand ouvrage de la réforme de l'Eglife dans fon chef & dans fes membres. La néceffité en étoit évidente: les évêques, les empereurs, les rois, tous les fouverains catholiques, le demandoient avec les plus vives inftances. La cour de Rome vient à bout de rendre inutiles tant de foins & de travaux, par fon oppofition invincible à toute réforme férieuse & vraiment falutaire. Les malheurs qui font arrivés depuis les conciles de Conftance & de Bafle, & qui ont été la fuite de cette prévarication, n'en doivent-ils point faire craindre de plus grands encore, pour les temps qui fuivront le concile de Trente?)

(2) [Les cent ans n'embrafferoient que le concile deLatran de 1512. qui ne fut point véritablement œcuménique, & qui n'eut point pour objet la réforme de l'Eglife dans fon chef & dans fes membres. Ileft

manifefte que M. Racine a ici en vue les conciles généraux de Conftance & de Bafle: mais il faut remonter de 1951 à 1414, ce qui donne environ cent quarante ans.].

IX.

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que

Depuis la quatorzieme feffion tenue le vingt-cinquieme de Novembre, on ne ceffoit de préparer les matieres l'on fe propofoit de décider dans la feffion suivante. Ôn dreffa plufieurs articles fur le facrifice de la messe, & on commença à examiner ce qui regarde le facrement de l'ordre. Les ambassadeurs du duc de Vittemberg demanderent un fauf-conduit pour leurs théologiens, & voulurent préfenter leur confeffion de foi, Les ambassadeurs de plufieurs villes proteftantes demanderent la même chofe ; mais on trouva beaucoup de difficultés dans les propofitions qu'ils faifoient, Ceux de l'électeur de Saxe arriverent à Trente à la fin de la même année 1551 (m), & furent entendus dans une congrégation générale. On accorda aux Proteftans un fauf-conduit, mais non pas tel qu'ils le defiroient. Ils en vouloient un femblable à celui qui avoit été donné aux Bohé, miens par le Concile de Bafle; mais le nom feul de ce concile étoit odieux au légat. Le vingt-cinquiéme de Janvier 1552. on tint la quinzieme feffion. On y lut un décret par lequel la décifion des matieres étoit différée jusqu'au dixneuvieme de Mars, en faveur des Proteftans qui demandoient cette prorogation. On y lut auffi un nouveau faufconduit qu'on leur accordoit. Mais ils n'en furent point encore contens, & fe plaignirent qu'on leur eût manqué de parole.

que

Vargas partit alors pour aller informer l'empereur qui étoit à Infpruck, de l'état des affaires du concile. On ne fit prefque rien jufqu'au retour de ce miniftre, qui revint à Trente le vingt-unieme de Février. A peine fut-il arrivé, ue les ambaffadeurs demanderent que l'on reprît l'examen les queftions, & que l'on commençât par le facrement de mariage, tant pour occuper les évêques & les théologiens, que pour convaincre le public qu'il n'y avoit aucune fufpenfion. Le légat n'y voulut point confentir, & il demanda (m) [Le continuateur de M, Fleury dit, le 7 Janvier 1552.]

que

que

l'on terminât ce qui regardoit le facrement de l'ordre, dont on avoit déja parlé. Mais les ambaffadeurs de Charles V. qui voyoient clairement que le but du légat étoit d'établir la monarchie univerfelle du pape, s'oppoferent de toutes leurs forces à ce qu'on proposât les queftions fur le facrement de l'ordre, avant l'arrivée des Proteftans; & pendant toutes ces difputes on n'examinoit rien. Cette inaction donna lieu à bien des difcours défavantageux. On disoit, que les miniftres du pape cherchoient à diffoudre le concile. D'autres prétendoient que le pape lui-même avoit deffein de le transférer à Mantoue. Mais ce pontife ne fongeoit guères alors qu'à fe raccommoder avec la France, & cette négociation lui tenoit plus à cœur que les intérêts de la religion.

Cependant Maurice électeur de Saxe levoit ouvertement des troupes, & on commença à parler de guerre entre les Proteftans & l'empereur. Auffi-tôt chacun ne penfa plus qu'à fe retirer. L'archevêque électeur de Trèves fortit le premier, fous prétexte d'une incommodité. Quinze jours après, le deuxieme de Mars, qui cette année étoit le mercredi des cendres, le légat publia des indulgences, & les fit afficher aux portes des églifes, pour l'heureux fuccès du concile. On n'en crut pas moins qu'il feroit bientôt fufpendu. Tout fe difpofe, écrivit Vargas à l'évêque d'Arras (2), à la rupture du Synode. Nous n'efpérons plus que les Proteftans y viennent. Il eft certain que dans l'état où font les affaires d'Allemagne, on n'y recevra point les décrets du concile. Les Proteftans prétendront même qu'ils ne font plus obligés d'obferver T'Interim, qui ne doit durer que jusqu'à la décision du concile. Ils attaqueront de toutes leurs forces ce qui a été déterminé à Trente, & ils ne manqueront pas d'en impofer au peuple, qui n'eft pas fort inftruit de l'autorité de l'Eglife. Ce que Vargas écrivoit n'étoit que trop fondé. Le onzieme de Mars, les archevêques électeurs de Mayence & de Cologne partirent de Trente au point du jour, avec

(n) [ Ou plutôt l'évêque d'Arras à Vargas, comme le dit le continuateur de M, Fleury.]

Tome VIII.

Ccc

XXXI.

Embarras des peres. Retraite

des principaux lemagne.

évêques d'Al

Ibid. n. 54.

& fuiv.

. XXXII. Divifion entre

les peres. Confedération de

plufieurs prin

ces contre

affez de précipitation. Malgré la retraite des trois archevêques électeurs, il y avoit encore à Trente, outre le cardinal Madrucce & les trois préfidens, foixante & douze ( o ) évêques, vingt-cinq Espagnols, huit Allemands, deux de Sardaigne, quatre de Sicile, un de Hongrie & vingt-deux Italiens. Il s'y trouvoit quarante-deux théologiens, douze Flamands, vingt-cinq Efpagnols, & quelques autres. Les électeurs de Mayence & de Cologne pafferent par Infpruck, virent l'empereur & eurent avec lui de longues conférences. Dans le même temps, c'est-à-dire, au mois de Mars, les ambassadeurs du roi de Portugal arriverent à Trente. Il y eut une difpute fur la préféance entre eux & les ambasfadeurs du roi des Romains. L'affaire fut envoyée au pape, qui l'accommoda, fans préjudice du droit des parties & pour le bien de la paix.

X.

Les peres du concile étoient fort divifés. Tous les prélats qui étoient fujets de l'empereur, à la follicitation de les miniftres, vouloient que l'on continuât le concile; mais ceux qui favorifoient la cour de Rome, craignant que les Impériaux n'euffent deffein de proposer la reformation de cette cour n'étoient pas fâchés que quelqu'incident fit naître Ibid. n. 66. une fufpenfion entiere. Et comme les prélats d'Allemagne étoient partis à caufe des approches de la guerre, les évêques Italiens fe retirerent auffi peu de temps après, pour la

l'empereur. Prite d'Auf bourg.

& Juiy.

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même raison. Enfin les deffeins de Maurice, électeur de Saxe, éclaterent le premier d'Avril par le fiége qu'il vint mettre devant la ville d'Aufbourg. Il favoit combien la guerre qu'il entreprenoit étoit périlleuse, & il n'avoit pas oublié ce qu'il en avoit coûté à Jean Frédéric fon coufin, & au landgrave fon beau-pere; mais il fe conduifit avec tant de prudence, qu'en moins de trois mois il fe trouva en état d'attaquer l'empereur, fans que ce prince fe fût prefque apperçu de fes deffeins. Plufieurs princes & feigneurs

(o)[Le continuateur le dit ainfi ; & néanmoins le dénombrement qu'il en donnc &que M. Racine va rapporter, n'en contient que foixante & deux. ]

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