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proteftans fe liguerent avec Maurice & le déclarerent leur chef. Les fecours d'argent & d'hommes que ces ligues lui procurerent, furent très-prompts & très-abondans, enforte que cet électeur fe vit bien-tôt à la tête d'une armée de trente mille hommes, ce qui étoit plus que fuffifant pour faire la guerre à un empereur défarmé. Les princes confédérés publierent des manifeftes, où ils alléguoient trois motifs de la guerre qu'ils déclaroient à l'empereur. Premierement, pour affurer la religion proteftante, que l'on attaquoit en Allemagne. Secondement, pour conferver aux princes & aux villes leur liberté, & empêcher Charles V. de faire de l'empire germanique, un gouvernement defpotique & une monarchie abfolue pour la maison. Enfin, pour tirer de captivité le landgrave de Heffe, beau-pere de Maurice, qu'on y retenoit depuis cinq ans, malgré toutes les inftances que les plus grands feigneurs de l'Empire avoient faites pour lui procurer la liberté. Henri II. roi de France, s'unit aux princes d'Allemagne, & publia comme eux contre l'empereur un manifefte, qui fut imprimé en langue vulgaire. Maurice ayant mis le fiége devant Ausbourg, le premier d'Avril, comme nous l'avons dit, s'en rendit maître le cinquieme jour.

L'empereur qui étoit alors à Infpruck fort incommodé de la goutte, fut très-furpris de cette nouvelle. Une confpiration fi fubite l'étonnoit d'autant plus, qu'il n'en avoit jamais voulu rien croire avant qu'elle éclatât, quelques avis qu'on lui en eût donnés pendant qu'elle fe formoit. Cependant, au lieu d'arrêter l'ennemi avant qu'il fit de plus grands progrès, il demeura prefque dans l'inaction, fe flattant que cette confpiration fe diffiperoit en peu de temps. Mais il fe trompoit. Maurice continua fes conquêtes avec beaucoup de rapidité. Les confédérés après la prise d'Aufbourg vouloient courir vers Infpruck, perfuadés qu'ils pourroient aifément se faifir de l'empereur. Mais l'électeur leur dit, qu'il n'avoit pas de cage affez grande pour mettre un tel oiseau. Albert de Brandebourg répliqua, qu'il falloit toujours aller à la chasse de cet oifeau, & que quand on l'auroit pris, on Ccc ij

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XXXIII princes Proteftans. & 74.

Progrès des

Ibid. n. 73

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ne manqueroit pas de cage pour l'enfermer. On marcha donc auffi-tôt vers les Alpes: on força les paffages & on s'en rendit maître, après avoir tué la plupart des l'empereur.

gens de

Comme les confédérés n'étoient pas éloignés alors de la ville de Trente, chacun ne penfa plus qu'à fa fûreté, & la plûpart fe retirerent. On tint une congrégation générale le vingt-quatrieme d'Avril, dans laquelle le cardinal de Trente, l'archevêque de Grenade & plufieurs autres, opinerent pour la fufpenfion du concile. C'est ce qui détermina les préfidens à indiquer la feffion pour le vingt-huitieme du même mois, au lieu du premier de Mai auquel elle avoit été aflignée. Cette feffion, qui étoit la feizieme du concile, fut donc tenue par le petit nombre des peres qui reftoient. On y lut un décret qui fufpendoit le concile, jufqu'à ce que la paix & la fûreté euffent été rétablies. Tous les peres l'approuverent, excepté douze prélats Espagnols, qui demanderent qu'on attendît au moins quelques jours pour favoir les intentions de l'empereur. Les évêques Italiens firent leurs efforts pour les ramener à l'avis du plus grand nombre ; mais ils perfifterent dans leur oppofition, & firent une proteftation contre la fufpenfion, qu'ils ne pouvoient empêcher. Tous les autres peres prirent le parti de fe retirer; & peu de temps après, les douze Efpagnols voyant qu'en effet le danger étoit férieux, furent eux-mêmes obligés de fuivre leur exemple. Le légat Crefcentio, qui étoit dangereusement malade, demeura feul à Trente; mais quelques jours après, on le tranfporta à Vérone, où il mourut le premier de Juin. Son corps fut enfuite porté à Rome, & inhumé dans l'église de fainte Marie Majeure.

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Progrès des prétendus Réformés. Leurs mouvemens en France.
Colloque de Poiffi.

I.

MAURICE, électeur de Saxe, & les confédérés, s'avan

I.

Progrès des

reur.

Contin. de. Fl. t. XXX.

.

cxlviij. n. 81. & fui.

AN. 1552

çoient vers Infpruck pour fe faifir de l'empereur, & faifoient Proteftans. chaque jour de nouvelles conquêtes, lorfque Ferdinand Leurs avantavint propofer à Maurice un accommodement. L'électeur ges fur l'empeécouta les propofitions de Ferdinand; mais il demanda de fon côté que le Landgrave fût mis en liberté, qu'on appaisât les différends fur la religion, qu'on reglât le gouvernement de l'empire, qu'on fît la paix avec le roi de France. & qu'on rappellât les profcrits. On convint que le vingtfixieme du même mois de Mai (p), on s'affembleroit à Paffau pour régler les conditions de l'accommodement, & qu'en attendant il y auroit une trève. Cependant auffi-tôt après ces conventions, les confédérés vinrent attaquer Infpruck, d'où l'empereur fut obligé de fe fauver avec préci- ' pitation. Maurice y entra le lendemain, & abandonna au pillagé tous les équipages de l'empereur & des feigneurs de la cour. Pendant que les confédérés agiffoient si vivement en Allemagne, le roi de France, pour fatisfaire au traité de la ligue qu'il avoit faite avec eux, s'avança fur les frontieres de la Champagne du côté de la Lorraine, & l'armée commandée par le connétable de Montmorency prit en très-peu de temps, Metz, Toul, Verdun, & plufieurs autres places confidérables. Ces trois villes font toujours depuis demeurées à la France. Le roi vouloir auffi fe rendre maître de l'Alface, & il vint jufqu'à Saverne, qui n'eft qu'à quatre lieues de Strasbourg; mais il ne crut pas devoir entreprendre le fiége de cette ville. Etant de retour en France,

(p) [Le continuateur de M. Fleury dit, du mois de Mai fuivant; parceque cette engreyue le fit au mois d'Avril. ]

II.

de Pallau avan

tageufe aux Proteftans. Albert de Bran

debourg refufe

des'accommo.

percur. Rava

& fuiv.

il reçut des nouvelles de l'électeur Maurice, qui lui mandoit qu'il avoit été obligé d'en venir à un accommodement, pour conferver la vie au landgrave fon beau pere, dont l'empereur menaçoit de lui envoyer la tête, s'il n'acceptoit les conditions qu'on lui offroit; & que c'étoit dans cette vûe qu'il se rendoit à Passau pour entrer en conférence le vingt-fixieme de Mai.

En effet, les princes confédérés, Maurice à leur tête, y Conference vinrent au jour marqué, & travaillerent au traité, qui fut conclu le premier d'Août. Ferdinand affiftoit à cette conférence avec plufieurs autres princes attachés aux intérêts de Charles V. Après beaucoup de conteftations, de lettres der avec l'em écrites à l'empereur & de réponses de fa part, on convint ges qu'il caufe que les confédérés licencieroient toutes leurs troupes ; que en Allemagne. le landgrave feroit mis en liberté, demeurant toujours fouIbid. n. 91. mis à l'empereur; que fa majefté impériale n'attaqueroit aucun de ceux qui étoient compris dans le préfent traité, non pas même pour cause de religion ; qu'on n'inquiéteroit point les Luthériens, & que ceux-ci ne troubleroient point les Catholiques; que l'empereur donneroit des ordres pour faire caffer & annuller tout ce qui pourroit être un obftacle au repos & à la fûreté des Proteftans. Ce traité de Paffau étoit, comme l'on voit, très-avantageux aux Luthériens d'Allemagne; & ils l'ont toujours regardé depuis, comme le fondement le plus ferme fur lequel ils puffent s'appuyer, dans les contestations qui font furvenues entr'eux & les Catholiques. Cependant il ne plut pas à Albert de Brandebourg, & il ne voulut point y être compris. L'empereur n'ayant pu le déterminer à fe foumettre à cet Edit de pacification, fut forcé de le mettre au ban de l'Empire comme un rebelle. Maurice te preffa d'offrir fes fervices à l'empereur contre Albert: ce prince les accepta volontiers, & déclara Maurice chef de l'armée impériale. Albert n'en fut que plus animé. Il brûla cent villages, foixante & dix châteaux, & les maifons de campagne des habitans de Nuremberg. Il n'épar-: gna pas même les églises; mais il n'y mit le feu qu'après les avoir pillées. Il alla enfuite dans une grande forêt, dont il

brûla plus de trois mille arpens, & déclara la guerre à toute la nobleffe du pays fi elle n'embraffoit fon parti. Les évêques de Bamberg & de Vurtzbourg furent contraints de s'accommoder avec ce fier Protcftant à des conditions très-dures. Il affiégea Nuremberg, & n'en leva le fiége qu'après lui avoir impofé des loix fort rigoureuses. Il prit Vormes & Spire, & en tira une grande fomme d'argent. Il jetta une fi grande épouvante dans tout le pays, que les prêtres & les évêques même se cachoient, ou prenoient la fuite, Au milieu de tous ces défordres, l'empereur fe rendit à Ulm, d'où il manda à tous les peuples des provinces voifines de se réunir pour défendre leurs frontieres contre l'ennemi commun; & il alla ensuite à Strasbourg. On ne fauroit exprimer les ravages que les troupes impériales firent dans l'Alface. On ne voyoit partout qu'embrafemens & pillages; & l'on n'entendoit de tous côtés que les cris & les gémiffemens de ceux qui abandonnoient tout pour fauver leur vie. Pendant que l'on voyoit dans toute l'Allemagne des effets fi terribles de la colere de Dieu, l'héréfie s'étendoit ailleurs & faifoit des progrès furprenans. Elisabeth, reine de Hongrie, permit l'exercice du luthéranisme dans la Tranfilvanie, qui étoit alors fous fa domination & fous celle du roi Jean. Cette permiffion occafionna de grands maux dans la Hongrie. Les évêques y étoient méprifés, les eccléfiaftiques dépouillés de leurs biens, chaffés de leurs églifes, & les religieux de leurs cloîtres. Les défordres furent fi crians, que Soliman, tout infidele qu'il étoit, en fut irrité & scandalifé. Il en écrivit même à la reine, & lui manda qu'elle ne devoit pas fouffrir dans la religion ces nouveautés, qui entraîneroient fa ruine & celle du royaume ; qu'elle avoit de vant les ieux les meurtres, les féditions, les guerres civiles que cette malheureuse fe&te caufoit en Allemagne ; que G elle n'en arrêtoit pas le progrès en rétablissant la religion de fes peres, il la priveroit de fa protection & fe déclareroit fon ennemi. La reine fut furprise de ces menaces; & comme elle en craignoit les fuites, elle révoqua l'édit qu'elle avoit donné en faveur du Luthéranifme, & en fit publier

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