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ARTICLE

X.

Progrès des prétendus Réformés. Leurs mouvemens en France.
Colloque de Poifi.

I.

I.

Progrès des

reur.

MAURICE, électeur de Saxe, & les confédérés, s’avan-
çoient vers Infpruck pour fe faifir de l'empereur, & faifoient Proteftans.
chaque jour de nouvelles conquêtes, lorfque Ferdinand Leurs avanta-
vint propofer à Maurice un accommodement. L'électeur ges fur l'empe-
écouta les propofitions de Ferdinand; mais il demanda de
fon côté que le Landgrave fût mis en liberté, qu'on appai-
sât les différends fur la religion, qu'on reglât le gouverne-
ment de l'empire, qu'on fit la paix avec le roi de France,
& qu'on rappellât les profcrits. On convint que le vingt-
fixieme du même mois de Mai (p), on s'affembleroit à Paf-
fau pour régler les conditions de l'accommodement, &
qu'en attendant il y auroit une trève. Cependant auffi-tôt
après ces conventions, les confédérés vinrent attaquer Inf
pruck, d'où l'empereur fut obligé de fe fauver avec préci-'
pitation. Maurice y entra le lendemain, & abandonna au
pillage tous les équipages de l'empereur & des feigneurs de
la cour. Pendant que les confédérés agiffoient fi vivement
en Allemagne, le roi de France, pour fatisfaire au traité
de la ligue qu'il avoit faite avec eux, s'avança fur les fron-
tieres de la Champagne du côté de la Lorraine, & l'armée
commandée par le connétable de Montmorency prit en
très-peu de temps, Metz, Toul, Verdun, & plufieurs au-
tres places confidérables. Ces trois villes font toujours de-
puis demeurées à la France. Le roi vouloit auffi fe rendre
maître de l'Alface, & il vint jufqu'à Saverne, qui n'eft qu'à
quatre lieues de Strasbourg; mais il ne crut pas devoir en-
treprendre le fiége de cette ville. Etant de retour en France,

#

(p) [Le continuateur de M. Fleury dit, du mois de Mai suivant; parceque cette ́engreyue se fit au mois d'Avril. ]

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Contin. de. Fl. t. XXX.

. cxlviij. n. 81. &fy.

AN. 1552%

il reçut des nouvelles de l'électeur Maurice, qui lui man-
doit qu'il avoit été obligé d'en venir à un accommodement,
pour conferver la vie au landgrave son beau
pere, dont
l'empereur menaçoit de lui envoyer la tête, s'il n'acceptoit
les conditions qu'on lui offroit; & que c'étoit dans cette
vûe qu'il fe rendoit à Paffau pour entrer en conférence le
vingt-fixieme de Mai.

En effet, les princes confédérés, Maurice à leur tête, y vinrent au jour marqué, & travaillerent au traité, qui fut conclu le premier d'Août. Ferdinand affiftoit à cette conférence avec plufieurs autres princes attachés aux intérêts de Charles V. Après beaucoup de conteftations, de lettres écrites à l'empereur & de réponses de fa part, on convint que les confédérés licencieroient toutes leurs troupes ; que le landgrave feroit mis en liberté, demeurant toujours foumis à l'empereur; que fa majefté impériale n'attaqueroit aucun de ceux qui étoient compris dans le présent traité, non pas même pour cause de religion; qu'on n'inquiéteroit point les Luthériens, & que ceux-ci ne troubleroient point les Catholiques; que l'empereur donneroit des ordres pour faire caffer & annuller tout ce qui pourroit être un obstacle au repos & à la fûreté des Proteftans. Ce traité de Paffau étoit, comme l'on voit, très-avantageux aux Luthériens d'Allemagne ; & ils l'ont toujours regardé depuis, comme le fondement le plus ferme fur lequel ils puffent s'appuyer, dans les conteftations qui font furvenues entr'eux & les Catholiques. Cependant il ne plut pas à Albert de Brandebourg, & il ne voulut point y être compris. L'empereur n'ayant pu le déterminer à fe foumettre à cet Edit de pacification, fut forcé de le mettre au ban de l'Empire comme un rebelle.. Maurice te preffa d'offrir fes fervices à l'empereur contre Albert: ce prince les accepta volontiers, & déclara Maurice chef de l'armée impériale. Albert n'en fut que plus animé. Il brûla cent villages, foixante & dix châteaux, & les maifons de campagne des habitans de Nuremberg. Il n'épargna pas même les églifes; mais il n'y mit le feu qu'après les avoir pillées. Il alla enfuite dans une grande forêt, dont il

II.

Conference

de Pallau avan-
tageufe aux
Proteftans. Al-
bert de Bran-

percur.
ges qu'il caufe

debourg refufe der avec l'em perqu Ravi en Allemagne. Ibid. n. 9.

& fuiv.

brûla plus de trois mille arpens, & déclara la guerre à toute la nobleffe du pays fi elle n'embraffoit fon parti. Les évêques de Bamberg & de Vurtzbourg furent contraints de s'accommoder avec ce fier Proteftant, à des conditions. très-dures. Il affiégea Nuremberg, & n'en leva le fiége qu'après lui avoir impofé des loix fort rigoureuses. Il prit Vormes & Spire, & en tira une grande fomme d'argent. Il jetta une fi grande épouvante dans tout le pays, que les prêtres & les évêques même se cachoient, ou prenoient la fuite. Au milieu de tous ces défordres, l'empereur fe rendit à Ulm, d'où il manda à tous les peuples des provinces voisines de fe réunir pour défendre leurs frontieres contre l'ennemi commun; & il alla ensuite à Strasbourg. On ne fauroit exprimer les ravages que les troupes impériales firent dans l'Alface. On ne voyoit partout qu'embrafemens & pillages; & l'on n'entendoit de tous côtés que les cris & les gémiffemens de ceux qui abandonnoient tout pour fauver leur vie. Pendant que l'on voyoit dans toute l'Allemagne des effers fi terribles de la colere de Dieu, l'héréfie s'étendoit ailleurs & faifoit des progrès furprenans. Elisabeth, reine de Hongrie, permit l'exercice du luthéranifme dans la Tranfilvanie, qui étoit alors fous fa domination & fous celle du roi Jean. Cette permiffion occafionna de grands maux dans la Hongrie. Les évêques y étoient méprifés, les eccléfiaftiques dépouillés de leurs biens, chaffés de leurs églifes, & les religieux de leurs cloîtres. Les défordres furent fi crians, que Soliman, tout infidele qu'il étoit, en fut irrité & fcandalifé. Il en écrivit même à la reine, & lui manda qu'elle ne devoit pas fouffrir dans la religion ces nouveautés, qui entraîneroient fa ruine & celle du royaume ; qu'elle avoit de vant les ieux les meurtres, les féditions, les guerres civiles que cette malheureuse fe&te caufoit en Allemagne ; que G elle n'en arrêtoit pas le progrès en rétablissant la religion de fes peres, il la priveroit de fa protection & fe déclareroit fon ennemi. La reine fut furprise de ces menaces; & comme elle en craignoit les fuites, elle révoqua l'édit qu'elle avoit donné en faveur du Luthéranifme, & en fit publier

i.

III. L'héréfie s'é

tend en Hon

grie & en Po

Ibid. n. 124.

& fuiv.

I I.

Ib. 1. cxlix.

AN. 1553.

Les Calvinistes de leur côté cherchoient à s'établir en France; mais on punit févérement tous ceux que l'on put découvrir. Le roi Henri II. avant que de partir pour la guerre n. 84. & fuiv. d'Allemagne contre Charles V. alla au parlement pour recommander aux magiftrats d'avoir foin de conferver la foi & de réprimer ceux qui s'efforçoient de la corrompre. On en brûla en 1553 un grand nombre, que les Suiffes du canton de Berne avoient fecrétement envoyés en France pour y établir la prétendue réforme. Le juge ayant commandé qu'on épargnât l'ignominie de la corde à Louis de Marzac, qui avoit porté les armes pour le roi, cet officier demanda au magiftrat pourquoi il ne lui donnoit pas le même collier qu'aux autres, & pourquoi on ne le créoit pas chevalier d'un ordre fi illuftre. Par cette raillerie fi déplacée, il faifoit allufion à la coutume des princes, qui en recevant quel qu'un dans leur ordre, donnoient leur collier comme une marque d'honneur. L'héréfie fit de grands progrès en France pendant la guerre que Henri II. fit à l'empereur; mais la paix ayant été conclue en 1559, le roi penfa férieusement aux moyens de remédier à un fi grand mal. La duchesse de Valentinois, qui profitoit des biens de ceux qui étoient profcrits & condamnés, excitoit le zèle du roi ; & les princes de Guife de leur côté lui repréfentoient que le venin de l'héréfie fe répandoit partout dans la France, & qu'un roi ne regnoit pas véritablement dans les provinces où ce mal dominoit. Enfin le premier préfident du parlement & le procureur général dirent au roi, qu'il lui feroit peu d'avoir établi la paix au dehors, s'il fouffroit qu'il s'allumât dans le royaume une guerre beaucoup plus cruelle & plus dangereufe que toutes les guerres étrangeres,

utile

Ces

IV. Hérétiques poursuivis en

France.

un autre tout contraire. Mais la plus grande partie du mal étoit déja fait; & le nouvel édit fut très-mal exécuté. En Pologne le Luthéranifine faifoit auffi de continuels progrès, fans que le roi ni les évêques puffent l'empêcher.

Ib. t. XXXI. 1. clin. 16.

AN. 1559.

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V.

France pour

grès de l'héréIbid. n. 101.

Ces magiftrats firent encore entendre au roi, à la folli- Nouvelles citation des princes de Guife, que fi l'on diffimuloit plus mesures que long-temps, on ne pourroit plus remédier au mal par les fon prend en voies ordinaires de la justice, & qu'on feroit obligé de lever arrêter le prodes armées, comme on avoit fait contre les Albigeois; e qu'on travailleroit même fort inutilement à purger le royau-jui. me d'une fi pernicieuse contagion, tant qu'on n'iroit point à la fource du mal, en puniflant ceux des Magiftrats qui en étoient infectés : Qu'il étoit donc à propos que le roi vînt à fon parlement fans y être attendu, dans le temps qu'on feroit la mercuriale. C'étoit une affemblée qu'on tenoit le mercredi, & que Charles VIII. avoit le premier établie en 1493. François I. avoit ordonné qu'elle fe tînt une fois chaque mois, & Henri II. une fois feulement tous les trois mois. Elle ne fe tient plus à préfent que deux fois l'année : le mercredi d'après la rentrée de la faint Martin, & le mercredi d'après la semaine de Pâque. Le procureur général & l'avocat général y procédoient juridiquement contre ceux des confeillers qui étoient accufés de quelque prévarication dans l'exercice de leur charge. Ils avoient reçu ordre d'y parler furtout de ce qui concernoit la foi & la religion, & de traiter févèrement les confeillers fufpects d'héréfie. Le roi avoit publié à Château-Briant un édit qui condamnoit à mort les hérétiques obstinés. Il n'étoit point obfervé, parceque plufieurs membres du parlement étoient Calviniftes. Le procureur général nommé Bourdin, requit dans une mercuriale qu'on tînt la main à l'exécution de l'édit de Château-Briant, mais plufieurs confeillers s'y oppoferent, ce qui irrita fort le roi. Ĉe prince vint lui-même le quatrieme & le treizieme de Juin au parlement, qui fe tenoit aux Auguftins, parcequ'on faifoit dans le palais les préparatifs du mariage d'Elisabeth de France avec Philippe II. roi d'Ef-. pagne. Après avoir parlé des progrès de l'héréfie en Franil ordonna par la bouche du cardinal Bertrandi, garde des fceaux, qu'on continuât la délibération déja commencée. La présence du roi n'empêcha pas la liberté des fuffrages. Quelques confeillers, & entre autres Louis du Faur Tome VIII. Ddd

ce,

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