IV. Hérétiques poursuivis en France. Ib. 1. cxlix. AN. 1553. un autre tout contraire. Mais la plus grande partie du mal étoit déja fait ; & le nouvel édit fut très-mal exécuté. En Pologne le Luthéranifine faifoit auffi de continuels progrès, fans que le roi ni les évêques puffent l'empêcher. I I. Les Calvinistes de leur côté cherchoient à s'établir en France; mais on punit févérement tous ceux que l'on put découvrir. Le roi Henri II. avant que de partir pour la guerre n. 84. & fuiv. d'Allemagne contre Charles V. alla au parlement pour recommander aux magiftrats d'avoir foin de conferver la foi & de réprimer ceux qui s'efforçoient de la corrompre. On en brûla en 1553 un grand nombre, que les Suiffes du canton de Berne avoient fecrétement envoyés en France pour y établir la prétendue réforme. Le juge ayant commandé qu'on épargnât l'ignominie de la corde à Louis de Marzac, qui avoit porté les armes pour le roi, cet officier demanda au magiftrat pourquoi il ne lui donnoit pas le même collier qu'aux autres, & pourquoi on ne le créoit pas chevalier d'un ordre fi illuftre. Par cette raillerie fi déplacée, il faifoit allusion à la coutume des princes, qui en recevant quel qu'un dans leur ordre, donnoient leur collier comme une marque d'honneur. L'héréfie fit de grands progrès en France pendant la guerre que Henri II. fit à l'empereur; mais la paix ayant été conclue en 1559, le roi penfa férieufement aux moyens de remédier à un fi grand mal. La duchesse de Valentinois, qui profitoit des biens de ceux qui étoient profcrits & condamnés, excitoit le zèle du roi ; & les princes de Guife de leur côté lui repréfentoient que le venin de l'héréfie fe répandoit partout dans la France, & qu'un roi ne regnoit pas véritablement dans les provinces où ce mal dominoit. Enfin le premier préfident du parlement & le procureur général dirent au roi, qu'il lui feroit peu utile d'avoir établi la paix au dehors, s'il fouffroit qu'il s'allumât dans le royaume une guerre beaucoup plus cruelle & plus dangereufe que toutes les guerres étrangeres, Ib. t. XXXI. L. clij.n. 106. AN. 1559. Ces par les V. Nouvelles l'on prend en France pour arrêter le progrès de l'héré e Ibid. n. 107. & fuiv. Ces magiftrats firent encore entendre au roi, à la follicitation des princes de Guife, que fi l'on diffimuloit plus mesures que long-temps, on ne pourroit plus remédier au mal voies ordinaires de la justice, & qu'on feroit obligé de lever des armées, comme on avoit fait contre les Albigeois; qu'on travailleroit même fort inutilement à purger le royaume d'une fi pernicieuse contagion, tant qu'on n'iroit point à la fource du mal, en puniffant ceux des Magiftrats qui en étoient infectés : Qu'il étoit donc à propos que le roi vînt à fon parlement fans y être attendu, dans le temps qu'on feroit la mercuriale. C'étoit une affemblée qu'on tenoit le mercredi, & que Charles VIII. avoit le premier établie en 1493. François I. avoit ordonné qu'elle fe tînt une fois chaque mois, & Henri II. une fois feulement tous les trois mois. Elle ne fe tient plus à préfent que deux fois l'année: le mercredi d'après la rentrée de la faint Martin, & le mercredi d'après la semaine de Pâque. Le procureur général & l'avocat général y procédoient juridiquement contre ceux des confeillers qui étoient accufés de quelque prévarication dans l'exercice de leur charge. Ils avoient reçu ordre d'y parler furtout de ce qui concernoit la foi & la religion, & de traiter févèrement les confeillers fufpects d'héréfie. Le roi avoit publié à Château-Briant un édit qui condamnoit à mort les hérétiques obftinés. Il n'étoit point obfervé, parceque plufieurs membres du parlement étoient Calviniftes. Le procureur général nommé Bourdin, requit dans une mercuriale qu'on tînt la main à l'exécution de l'édit de Châreau-Briant, mais plufieurs confeillers s'y oppoferent, ce qui irrita fort le roi. Ĉe prince vint lui-même le quatrieme & le treizieme de Juin au parlement, qui fe tenoit aux Auguftins, parcequ'on faifoit dans le palais les préparatifs du mariage d'Elisabeth de France avec Philippe II. roi d'Ef-. pagne. Après avoir parlé des progrès de l'héréfie en France, il ordonna par la bouche du cardinal Bertrandi, garde des fceaux, qu'on continuât la délibération déja commencée. La préfence du roi n'empêcha pas la liberté des fuffrages. Quelques confeillers, & entre autres Louis du Faur Tome VIII. Ddd & Anne du Bourg parlerent hardiment pour les prétendus réformateurs. Les préfidens Christophe de Harlai & Pierre Seguier représenterent au roi, que le parlement s'étoit toujours fidelement acquitté de fes devoirs, & continueroit de les remplir pour la plus grande gloire de Dieu. Chriftophe de Thou, pere du célebre hiftorien de ce nom, dic librement que les gens du roi mériteroient d'être repris, pour avoir ofé donner atteinte à l'autorité de la cour. Le roi, après avoir eu la patience d'écouter tout ce que chacun voulut dire, témoigna beaucoup de mécontentement. Il se leva enfuite fort irrité des difcours de du Faur & de du Bourg, qui furent bientôt arrêtés & conduits à la bastille, de même que plufieurs autres confeillers. Le lendemain les chambres s'affemblerent ordre du roi faire le pro par pour cès à Spifame, évêque de Nevers, qui après s'être marié en fecret s'étoit retiré à Genève. III Toutes ces pourfuites du roi pour arrêter les progrès du Calvinifme, n'empêcherent pas les miniftres de s'affembler la même année 1559. dans le fauxbourg faint Germain à Paris. Leur fynode dura quatre jours, & l'on y fie plufieurs réglemens touchant la difcipline, la forme des fynodes, les élections, les devoirs des miniftres & des diacres, les cenfures, la maniere de contracter & diffoudre les mariages, l'excommunication, l'uniformité dans la doctrine. On croit communément que la confeffion de foi des prétendus Réformés fut compofée dans ce fynode, avec leur difcipline chacune en quarante articles: mais il eft plus probable que l'une & l'autre venoient de Genève, & qu'elles étoient l'ouvrage de Calvin qui vivoit encore. Cette confeffion de foi & cette difcipline ne fut rendue publique que fous les regnes fuivans. Calvin engagea les princes proteftans d'Allemagne à écrire au roi Henri II. pour le conjurer de ménager un peu ceux de leur religion, dont les prifons étoient remplies. Ils écrivirent au roi de leur propre main, & en voyerent leurs lettres par des ambassadeurs. Ils prioient ce prince d'examiner mûrement cette affaire, où il s'agiffoit de la gloire de Dieu & du falut des ames. Ils ajoutoient que ce n'étoit pas d'aujourd'hui qu'on fe plaignoit de la corruption de la cour de Rome; qu'il y avoit long-temps qu'on favoit en France ce que Guillaume, évêque de Paris, Jean Gerfon, Nicolas Clémangis & tant d'autres favans en avoient écrit. Il eft vrai que ces grands hommes dont parlent ces princes, s'étoient élevés avec force contre les abus: mais pouvoit-on leur reprocher aucun des excès dont les Proteftans étoient coupables? Ces illuftres docteurs s'étoientils révoltés contre l'Eglife? Avoient-ils enfeigné aucune erreur? Avoient-ils confondu avec les abus l'autorité légitime? Hs gémiffoient fur les maux de l'Eglife; ils en faifoient connoître la fource & l'étendue ; ils demandoient avec refpect la réformation, & apprenoient aux fideles à la commencer par eux-mêmes; ils faifoient tout le bien qui dépendoit d'eux, felon les talens qu'ils avoient reçus de Dieu, & le degré d'autorité qu'ils avoient dans l'Eglife. Si les Proteftans avoient fuivi ce modele, ils auroient épargné à l'Eglife bien des larmes, & ils l'auroient confolée dans fa douleur, bien loin de mettre le comble à ses maux. IV. pour Le roi reçut les ambaffadeurs des princes proteftans avec bonté, & promit de leur répondre & de les fatisfaire. Mais il nomma en même temps des juges pour examiner l'affaire des confeillers qui étoient en prifon. Du Bourg, qui étoit prêtre, fut interrogé juridiquement; & ayant donné toute réponse une confeffion de foi hérétique, Eustache du Bellai, évêque de Paris, le dégrada & l'abandonna au bras féculier. Henri II. mourut pendant que le procès de du Bourg fe poursuivoit. Les Calviniftes crurent pouvoir former de nouvelles entreprises fous le règne de François II. Ce prince, pour arrêter leurs mouvemens, donna une déclaration qui fut enregistrée au parlement, par laquelle il VIE Du Bourg, Confeiller au parlement, condamné à attachement défendoit toute assemblée nocturne, où, fous prétexte de religion, il fe commet, dit-il, des actions déteftables. II voulut encore que l'on établît une chambre en chaque parlement, où l'on ne jugeroit que les crimes qui regardent la religion. On la nomma chambre ardente, parcequ'on y condamnoit au feu tous ceux qui perfiftoient dans l'héréfie. On reprochoit aux Calviniftes toutes fortes d'abominations; mais plufieurs perfonnes furent convaincues d'avoir rendu contre eux de faux témoignages. Les Calviniftes, au lieu de fe renfermer dans les bornes d'une jufte défense fur les prétendus crimes qu'on leur imputoit, répandirent un grand nombre de libelles diffamatoires contre l'autorité de la reine mere Catherine de Médicis, & des princes de Guife, prétendant qu'ils avoient ufurpé l'administration du royaume au préjudice des princes du fang. Les Guifes eurent recours à divers moyens pour empêcher l'effet que pouvoient produire ces écrits. Ils ajouterent des Italiens aux gardes ordinaires, plutôt pour leur propre fûreté que pour celle de la perfonne du roi. Mais comme l'autorité de la reine mere étoit attaquée dans les mêmes libelles, Jean du Tillet, greffier au parlement, très-favant dans le droit François, réfuta les raifons frivoles des hérétiques, en prouvant que les rois après l'âge de quinze ans, pouvoient avoir des confeillers. de leur choix, & donner le gouvernement à ceux qu'ils en jugeoient les plus capables. Il s'éleve avec force contre les Proteftans, qu'il appelle les auteurs des troubles, & dit qu'on eft obligé de prendre les armes contre eux. Les princes de Guife, pour engager les Catholiques dans leur parti, prefferent le jugement d'Anne du Bourg & des autres confeillers qui étoient en prison. Un célébre avocat être pendu & nommé Marillac qui lui fut donné pour confeil, l'engagea brûlé pour fon à faire une rétractation de fes erreurs. Mais les Calviniftes au Calvinifime, trouverent le moyen de faire entrer dans la prifon un miIbid. n. 136. niftre nommé Jean Malon qui avoit été carme, pour lui re& fuiy, préfenter qu'il ne devoit point abandonner la caufe de Dieu, ni montrer moins de courage que tant de perfonnes de la lic du peuple, qui l'avoient foutenue au milieu des feux fous lę |