des moyens pour appaifer les troubles du royaume; que Auffi-tôt cet hérétique fe mit à genoux avec les autres dit au roi, que les prélats n'étoient venus à ce colloque Le murmure qui s'éleva en fit voir combien on étoit frappé d'une nouveauté fi étrange. On fe reffouvenoit de l'horreur que Beze avoit témoignée pour la propofition qui difoit que Jefus-Chrift n'étoit pas plus dans la cêne que dans la boue, & on ne pouvoit pas comprendre comment il y revenoit fans que perfonne l'en prefsât. La reine ayant dit qu'avant de répondre à ce que Beze venoit d'avancer, il falloit lui laiffer achever fon difcours; cet hérétique continua de parler, & d'expofer avec tout l'artifice poffible les principes de fa fecte. Mais enfuite, étonné lui-même d'en avoir tant dit fur la cène, il fongea aux moyens de détruire l'impreffion fâcheuse qu'il avoit faite fur l'efprit de la reine en s'exprimant fi clairement. Quelque temps après, il lui écrivit qu'il étoit fâché d'avoir parlé devant leurs majeftés, comme il avoit fait dans le colloque; & il ne ceffa de fatiguer cette princeffe par les requêtes qu'il préfentoit, pour obtenir la liberté d'expliquer & de mieux développer, difoit-il, fa pensée. Mais il ne falloit pas tant de paroles pour expliquer ce que l'on croyoit. Auffi peut-on affurer que le chagrin de Beze n'étoit point de ne s'être pas affez expliqué, mais de l'avoir fait trop clairement; & d'avoir montré que ces grands mots de fubftance,& les autres dont les Réformés fe fervoient pour conferver quelque idée de réalité, n'étoient que des illufions. On fut à quoi s'en tenir, quand on vit dans fa lettre à la reine, qu'il proteftoit reconnoître que Jesus-Chrift étoit véritablement dans la cène ; que le fils de Dieu avoit inftitué XXXI. même étonné d'en avoir tant Ibid, n. 8. dit fur la cène. & 9. Hift. des variations. ce vénérable myftere, afin que nous devinffions de plus en XII. XXXII. Difcours folide du cardi ne. Le cardinal de Lorraine répondit à Beze par un long & très-folide discours, qu'il divifa en deux parties. Dans la premiere, il traita la matiere de l'Eglife; & dans la feconde, nal de Lorraicelle de l'euchariftie. On se réduifit proprement à ces deux points de doctrine au colloque de Poiffi, & on avoit raifon d'y rappeller toute la controverfe. L'article de l'Eglife étoit regardé par les Catholiques, comme un principe général, qui renverfoit par le fondement toutes les églifes nouvelles; & parmi les articles particuliers fur lefquels on difputoit, aucun ne paroiffoit plus effentiel que celui de la cène. Le cardinal de Lorraine au commencement de fon difcours, parla de l'obéiffance que l'on doit au roi, & dit que le roi étoit membre & non pas chef de l'Eglife; que fon devoir étoit de la défendre ; qu'à l'égard des chofes qui concernoient la doctrine, il devoit être foumis à l'Eglife & à ses miniftres. Il prouva que l'Eglife jugeoit fouverainement les controverfes de la religion; que l'écriture ne s'interprétant pas elle-même, il falloit un juge vivant & parlant, qui par fon autorité abfolue, décidât quels font les livres de l'écriture fainte & quel eft fon vrai fens; que l'Eglife n'eft pas feulement compofée d'élus, mais que dans l'aire du Seigneur, la paille eft mêlée avec le bon grain. Il s'étendit enfuite fur l'infaillibilité de l'Eglife. Dans la feconde partie il parla de la cène, & expofa la doctrine catholique d'une maniere auffi claire & auffi précise, que les Proteftans expofoient pour l'ordinaire la leur d'une maniere obfcure & enveloppée. Tous les autres prélats applaudirent à cet excellent difcours, & protefterent qu'ils vouloient vivre & mourir dans la foi que le cardinal de Lorraine venoit d'expliquer. Ils fupplierent le roi & la reine d'y perfévérer & de la défendre, & dirent que fi ceux qui avoient abandonné cette précieuse doctrine, refufoient de la foufcrire, on ne "Cont. de Fl. tome XXXII. 1. devoit plus les écouter, mais plutôt les chaffer du royaume. pas néceffaire pour la vocation légitime; que l'effentiel XXXIV. Les Protef tans préfentent leur profeffion bei Comtoient peu ferchés. de foi. mement atta riations. tome XXXII. l. fuiv. Après que Beze eut parlé autant qu'il voulut, les miniftres présenterent publiquement leur confeffion de foi au nom de toutes leurs églifes. Elle avoit été dreffée dans leur premier fynodę tenu à Paris fous le régne d'Henri II. Mais les miniftres jugerent à propos d'y faire plufieurs additions. C'eft ce qui doit paroître fort furprenant: car ils avoient fans doute fait tous leurs efforts pour bien expliquer leur Hit. des va doctrine dans cette confeffion de foi, & ils auroient dû Cont. de Fl. demeurer attachés à un acte fi authentique. Mais par rap- clvij. n. 15. port à la cène, ils donnerent une profeffion de foi nouvelle, où l'on trouve de grandes phrafes, des expreffions empoulées, & de longs difcours qui ne fignifient rien. Après cette expofition fort ample, ils ajouterent encore une nouvelle explication; & tous leurs longs & ennuyeux difcours se réduifoient au fond, à dire que les fignes du corps & du fang reçus avec foi, nous uniffent par cette foi infpirée deDieu, au corps & au fang qui font au ciel. Cette feule phrase auroit fuffi, s'ils euffent voulu parler nettement. Mais ils ne ceffoient de répéter que nous jouiffons substantiellement du corps vraiment & réellement préfent, & employoient d'autres termes femblables, qui ne donnoient que des idées confufes. La confufion augmentoit encore par les chofes qu'ils ajoutoient, enforte qu'une partie de leur discours renversoit l'autre. Pourquoi, difoient les Catholiques, tant prêcher la fubftance de la chair & du fang réellement reçue, dès que tout fe réduit à la figure? Pierre Martyr, Florentin, un des plus favans miniftres qui fût dans cette assemblée, étoit d'avis qu'on cefsât de tant rafiner, & qu'on employât des termes propres. Pour lui, il y alloit de meilleure foi & s'énonçoit en parfait Zuinglien. Lorfque les prélats eurent vû comment les miniftres & |