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tre Beze & les

devoit plus les écouter, mais plutôt les chaffer du royaume. XXXIII Beze pria néanmoins la reine de lui permettre de réponDisputes en- dre fur le champ au difcours étudié du cardinal de LorCatholiques. raine; mais le roi remit la féance à un autre jour. Comme Ibid. n. 12. on tiroit l'affaire en longueur, les miniftres firent des inftan& fuiy. ces pour obtenir que l'on continuât la conférence. On différa de les écouter, parceque leur requête contenoit des expreffions injurieufes au pape & aux évêques. Enfin le vingt-quatrieme de Septembre ils furent mandés, & fe préfenterent au nombre de douze devant la reine, le roi de Navarre, & d'autres feigneurs. Le roi & le cardinal de Tournon ne s'y trouverent point. Beze commença à parler, & choifit la queftion de l'Eglife, dont il expofa, felon fes idées, la nature, les caracteres & l'autorité. A peine fut-il entré en matiere, que le cardinal de Lorraine l'interrompit, pour lui demander quelle étoit fa miffion. Il répondit qu'il avoit été élu par le peuple, confirmé par le magiftrat civil, & envoyé ministre de Dieu. Le docteur Defpenfe lui demanda qui lui avoit impofé les mains. Beze dit qu'il n'avoit point été établi miniftre par cette voie : & continuant son discours, il fit confifter l'Eglise dans l'affemblée des élus; & donna pour les marques auxquelles on devoit la reconnoître, la prédication de la pure parole de Dicu, la pure administration des facremens, la fucceffion de la doctrine & des perfonnes, ajoutant que cette fucceffion avoit été fouvent interrompue. Defpenfe dit qu'il étoit étonnant que les Proteftans fe fuflent ingérés dans le miniftere, n'ayant ni autorité ni vocation, & ne pouvant nommer perfonne qui leur eût impofé les mains. Comme Beze avoit diftingué dans fon difcours deux fortes de vocations, l'une ordinaire, l'autre extraordinaire, Despense dit qu'il étoit évident que les miniftres protestans n'avoient pas été établis par une vocation ordinaire. Or, ajouta-t-il, les miracles font néceffaires pour une vocation extraordinaire, & les Proteftans n'en produifent aucun : donc ils ne font entrés dans la maifon de Dieu ni par la voie ordinaire, ni par la voie extraor dinaire. Beze répliqua que l'impofition des mains n'étoit

pas néceffaire pour la vocation légitime; que l'effentiel étoit l'élection & l'information fur la doctrine & les mœurs; qu'ils n'avoient eu garde de recevoir l'imposition des mains des ordinaires, dont ils déteftoient les déréglemens & les fuperftitions, & qu'il ne falloit point toujours des miracles pour une vocation extraordinaire.

XXXIV.

Les Proteftans préfentent

leur profeffion
bien ils
toient peu fer-
chés.

de foi. Com

mement atta

riations.

tome XXXII.

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clvij. n. 15. fuiv.

Après que Beze eut parlé autant qu'il voulut, les miniftres préfenterent publiquement leur confeffion de foi au nom de toutes leurs églifes. Elle avoit été dreffée dans leur premier fynodę tenu à Paris fous le régne d'Henri II. Mais les miniftres jugerent à propos d'y faire plufieurs additions. C'eft ce qui doit paroître fort furprenant : car ils avoient fans doute fait tous leurs efforts pour bien expliquer leur Hift. des va doctrine dans cette confeffion de foi, & ils auroient dû Cont. de Fl. demeurer attachés à un acte fi authentique. Mais par rapport à la cène, ils donnerent une profeffion de foi nou velle, où l'on trouve de grandes phrafes, des expreffions empoulées, & de longs difcours qui ne signifient rien. Après cette expofition fort ample, ils ajouterent encore une nouvelle explication; & tous leurs longs & ennuyeux discours se réduifoient au fond, à dire que les fignes du corps & du sang reçus avec foi, nous uniffent par cette foi infpirée deDieu, au corps & au fang qui font au ciel. Cette feule phrafe auroit fuffi, s'ils euffent voulu parler nettement. Mais ils ne ceffoient de répéter que nous jouiffons fubstantiellement du corps vraiment & réellement préfent, & employoient d'autres termes femblables, qui ne donnoient que des idées confuses. La confusion augmentoit encore par les chofes qu'ils ajoutoient, enforte qu'une partie de leur discours renverfoit l'autre. Pourquoi, difoient les Catholiques, tant prêcher la fubftance de la chair & du fang réellement reçue, dès que tout fe réduit à la figure? Pierre Martyr, Florentin, un des plus favans miniftres qui fût dans cette assemblée, étoit d'avis qu'on cefsât de tant rafiner, & qu'on employât des termes propres. Pour lui, il y alloit de meilleure foi & s'énonçoit en parfait Zuinglien.

Lorsque les prélats eurent vû comment les miniftres

XXXV.

Caractere de

avoient expliqué l'article de la cène, ils déclarerent cette explication hérétique, captieufe, & infuffifante : hérétique, parce qu'elle ne reconnoiffoit point la présence substantielle & proprement dite: captieufe, parcequ'en la niant, elle fembloit vouloir l'admettre: infuffifante, parcequ'elle ne faifoit point mention du miniftere des prêtres, de la force des paroles facramentelles, & du changement de substance qui en eft l'effet naturel. Les prélats oppoferent de leur côté aux ministres, une déclaration de leur foi, auffi parfaite & auffi précife, que celle des Calvinistes avoit été défectueufe & enveloppée. Beze la rapporte en ces termes : Nous croyons & confeffons qu'au faint facrement de l'autel, le vrai corps & le fang de Jefus-Christ est réellement & transfubftantiellement fous les efpéces du pain & du vin, par la puiffance & la vertu de la divine parole prononcée par le prêtre, feul miniftre ordonné à cet effet, felon l'inftitution & le commandement de Notre Seigneur Jesus-Christ. Il n'y a rien-là d'équivoque ni de captieux; & Beze avoue que c'eft tout ce qu'on put tirer alors du clergé, pour appaiser les troubles de la religion; Les prélats, dit-il, s'étant rendu juges, au lieu de conférens amiables. Ce témoignage de Beze fuffit pour montrer que les évêques firent leur devoir, en expliquant nettement leur foi, en évitant les grands mots qui éblouiffent fans rien fignifier de net & de précis, & en refufant d'entrer dans aucune compofition fur ce qui regarde la foi. Une telle fimplicité n'étoit pas du goût des miniftres, (femblables en cela à tous les partifans de l'erreur;) & ainfi une fi grande affemblée fe fépara fans rien avancer, Dieu confondit la politique & l'orgueil de ceux qui crurent par leur éloquence, par de petites adreffes & de foibles ménagemens, éteindre un feu qui étoit dans toute la force de l'embrafement,

XIII.

La réformation de la difcipline ne réuffit guères mieux, l'évêque de Va. On fit de belles propofitions & de beaux difcours, dont on lence qui pro- ne vit que peu d'effet, L'évêque de Valence difcourut

pola la réfor

admirablement

mation dans le

colloque. Hiftoire des

admirablement à fon ordinaire, contre les abus & fur les devoirs des évêques. Duval, évêque de Séez,s'accordoit parfaitement avec lui; & l'un & l'autre devoient être bien fuf- variations. pects, ayant donné tant de juftes foupçons de leur attachement fecret à la nouvelle réforme. Montluc de Valence insista sur le devoir de la réfidence, qu'il gardoit moins que perfonne. Mais il ne dit mot fur le célibat, que les faints peres nous ont toujours propofé comme le plus bel ornement de l'ordre eccléfiaftique. Il n'avoit pas craint de le violer, malgré les canons, par un mariage clandeftin. D'ailleurs, un hiftorien proteftant, qui ne laiffe pas de faire fon éloge & de lui donner tous les caracteres d'un grand homme, nous a fait connoître fes emportemens, fon avarice, & les défordres de fa vie, qui éclaterent jufqu'en Irlande de la maniere du monde la plus fcandaleuse.

Par rapport aux Calviniftes, ils regarderent comme un triomphe, qu'on les eût feulement écoutés dans une fi grande affemblée. Mais ce triomphe imaginaire fut court. Le cardinal de Lorraine avoit depuis long-temps médité en luimême, de leur proposer la fignature de l'article dixieme de la confeffion d'Aufbourg. En le fignant, ils confeffoient la réalité, que tous les partifans de la confeffion d'Aufbourg défendoient avec tant de zèle. En refufant cette fignature, ils condamnoient dans un point effentiel Luther, qui étoit le premier auteur de la nouvelle réformation & fon princi pal appui. Pour mieux faire éclater aux ieux de toute la France la divifion de tous ces réformateurs, le cardinal avoit pris de loin des mefures avec les Luthériens d'Allemagne, afin qu'on lui envoyât trois ou quatre de leurs principaux docteurs, qui paroiffant à Poiffi, fous prétexte de concilier tous les différends, y combattroient les Calvinistes. Ainfi on auroit vû ces nouveaux docteurs qui donnoient tous l'écriture pour fi claire, s'attaquer mutuellement par fon autorité, fans jamais pouvoir convenir de rien. Les théologiens luthériens vinrent trop tard; mais le cardinal no laiffa pas de faire fa propofition. Beze & fes affociés ne vouJurent point foufcrire au dixieme article de la confeffion Tome VIII. Hhh

XXXVI.
Les Calvi-

niftes refufent de figner tous la confeffion d'Ausbourg.

les articles de

+

XXXVII, Etranges va riations des Proteftans.

Aveux remar

vin. Fin du

colloque de Poiffi.

Boffuet. Ibid.

d'Aufbourg. Ils crurent s'échapper en demandant de leur
côté aux Catholiques, s'ils vouloient figner les autres arti-
cles. Mais c'étoit une fubtilité & une vaine défaite : car les
Catholiques ne fe foucioient en aucune forte des Luthériens
ni des défenfeurs de la confeffion d'Aufbourg: au lieu que
c'étoit aux Calviniftes à les ménager & à les refpecter, pour
ne point paroître condamner les premiers chefs de la pré-
tendue réforme. Le cardinal n'en tira rien davantage; & il
laiffa féparer l'affemblée, content d'avoir montré à toute
la France, que ce parti de réformateurs qui paroiffoit au-
dehors fi puissant, étoit si foible au-dedans par fes divifions.
Antoine de Bourbon, roi de Navarre, & premier prince du
fang, jufqu'alors affez favorable à la nouvelle fecte qu'il ne
connoiffoit que
fous le nom de Luther, s'en défabusa; & au
lieu de la piété qu'il croyoit y régner, il commença dès-lors
à n'y reconnoître qu'un zèle amer & un prodigieux entê-

tement.

Au reste ce ne fut pas un petit avantage pour la bonne cause, d'avoir obligé les Calvinistes à recevoir de nouveau dans une telle affemblée toute la confeffion d'Aufbourg, quables de Cal- excepté le feul article de la cène. En effet ils renonçoient par ce moyen à un grand nombre de points importans de leur doctrine. Beze en fit folemnellement la déclaration du confentement de tous fes collégues. Mais malgré cet aveu que la politique & le defir de s'appuyer autant qu'ils pou voient de la confeffion d'Aufbourg, tira de leur bouche, ils avoient toute autre chose dans le cœur. On ne peut en douter quand on lit les lettres que Calvin écrivit à ceux de fes difciples qui affiftoient au colloque. Vous devez prendre garde, leur dit-il, de ne point paroître opiniâtres en voulant trop foutenir votre bon droit, & de ne point faire rejetter fur vous toute la caufe de la rupture. Vous favez que la confeffion d'Ausbourg est le flambeau dont se servent vos furies , pour allumer le feu dont toute la France eft embrasée: mais il faut bien voir pourquoi on vous presse tant de la recevoir. Sa molleffe a toujours déplu aux perfonnes fenfées. Mélanchton son auteur s'eft fouvent repenti

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