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de l'avoir dreflée, & enfin elle a été faite à l'usage de l'Allemagne. Ainfi parloit Calvin. On voit bien que ce n'étoit pas le feul article de la cène; mais en général le gros de la confeffion d'Aufbourg, qui lui déplaifoit. On n'exceptoit néanmoins que cet article, & fouvent même on ne trouvoit pas à propos de l'excepter. C'est ce qui paroît clairement par une autre lettre du même Calvin écrite auffi pendant le colloque. Il y reçoit en tout la confeffion d'Aufbourg, même dans l'article de la cène, en écrivant aux princes d'Allemagne pour les habitans de Strasbourg. Mais dans le colloque de Poiffi, fes difciples, par fon ordre, excepterent formellement l'article de la cène. En un mot, quand Calvin parloit confidemment à fes amis, il ne témoignoit que du mépris pour toute la confeffion d'Aufbourg: tandis qu'il l'adoptoit toute entiere en d'autres occafions. Qui reconnoîtra dans de telles variations fur une profeffion de foi, la conduite d'un apôtre qui prétend réformer l'Eglife?

ARTICLE XI.

Troifiéme convocation du concile de Trente. Ce qui s'y passe pendant une année.

I.

I. Motifs qui engagent le

pape Pie IV. à nouveau le Trente.

convoquer de

concile de

QUOIQUE le concile de Trente n'eût été
que fufpen-
du, & qu'on fût convenu de le rétablir, dès que l'accident
qui l'avoit fait interrompre, feroit paffé; néanmoins on n'en
parla plus pendant plufieurs années, & le pape ne fe mit
point en peine de le convoquer. Jules III. mourut en 1555.
& eut pour fucceffeur Marcel II. dont le pontificat ne fut
que de douze (9) jours. Le cardinal Caraffe, comme nous
l'avons dit, fut élevé fur le faint fiége, & prit le nom de & fuiv,
Paul IV. Ferdinand, fucceffeur de Charles V. qui se démit
de l'empire au commencement de 1556. confirma le traité

(g) [ Ou plutôt vingt & un : c'eft-à-dire, 21 au lieu de 12. Voyez au tome fuivant art. XVIII. n. 26. ]

Cont. de Fl tome XXX.

l. cl. n. 88.

II.

Légats nomfider. Dix-fep tieme feffion.

més pour pré

Le 18 de Janvier 1562.

Contin. de Fl. t. XXXII.

& fuiy

de Passau, fi favorable aux Proteftans, dans la diete qu'il tint à Aufbourg en 1558. Paul IV. mourut en 1559. & on élut en fa place le cardinal de Medicis, qui prit le nom de Pie IV. Nous avons vû ce qui se passa de plus remarquable par rapport aux nouveaux hérétiques, pendant cette longue fufpenfion du concile. Les motifs que l'on avoit eus pour le convoquer, devenoient tous les jours plus puiffans, & fembloient devoir en hâter le rétablissement. La cour de Rome qui avoit toujours été ennemie du concile, auroit bien voulu qu'il n'en fût plus queftion; mais l'empereur menaçoit d'avoir recours à des conférences publiques, & les François parloient d'un concile national. Le pape en fut tellement allarmé, que malgré fon oppofition pour le concile général, il fe détermina à le rétablir à Trente. Il publia la bulle de convocation à la fin de Novembre 1560. Il y eut beaucoup de difficultés à éclaircir & d'obftacles à lever, mais dont le détail nous meneroit trop loin. C'étoit une fuite du trifte état où fe trouvoit alors l'Eglife.

Hercule de Gonzague, cardinal de Mantoue, fut nommé premier légat. Il eut beaucoup de peine à accepter cette commiffion, dont le succès lui paroifloit très-douteux & le travail très-certain. Le pape lui donna pour collegue le cardinal Jacques Dupui, archevêque de Bari. Il étoit de Nice en Provence; il paffoit pour excellent jurifconfulte, & étoit 1. clvi. n. 35. comme l'oracle de la cour de Rome. Le pape leur affocia enfuite les cardinaux Seripand, Napolitain, général des Augustins & archevêque de Salerne ; Hofius, Polonois [évêque de Culm, & enfuite de Warmie ], & Simonette [Milanois], évêque de Péfaro. Hercule de Mantoue & Seripand arriverent à Trente au mois d'Avril 1561. Les évêques & les théologiens s'y rendirent dans le cours de l'année; en forte qu'on fut en état de tenir la dix-feptieme feffion le dixhuitieme de Janvier 1562. [Le cardinal Dupui étant infirme, le pape avoit nommé pour fixiéme légat le cardinal d'Altemps fon neveu, évêque de Conftance ]. Tous les prélats, qui étoient au nombre de cent douze, & tous ceux qui avoient droit d'affifter au concile, s'affemblerent dans

l'églife de faint Pierre, d'où ils allerent proceffionnellement à la cathédrale. Le cardinal de Mantoue y chanta la messe du Saint-Efprit, & l'archevêque de Regge en Calabre y prêcha fur l'autorité de l'Eglife, & l'obligation d'imiter les apôtres. Il parla avec peu d'exactitude des prérogatives du fiège & de l'églife de Rome. Après que l'on eut chanté l'hymne du Saint-Efprit, Veni, Creator Spiritus, Maffarel, évêque Italien & fecrétaire du concile, lut la bulle de convocation, & l'archevêque de Regge, un décret pour la continuation du concile, que tous les peres approuverent, excepté quatre évêques d'Efpagne, qui s'oppoferent fortement à ces mots, les légats y prefidans & propofans. Ils dirent que cette clause étoit nouvelle, & deshonoroit les conciles œcuméniques, où chacun devoit avoir la liberté de propofer ce qu'il jugercit à propos. Mais la clause passa malgré leur oppofition. On lut enfuite un deuxieme décret pour fixer la feffion fuivante au vingt-fixieme de Février (r), & un troisieme pour régler le rang que les primats auroient dans le concile.

I I.

On tint la dix-huitieme feffion au jour marqué. Antoine Elius, patriarche de Jerufalem, célebra la meffe, & le fermon fut prononcé en latin par l'archevêque de Patras nommé à l'archevêché de Corfou. Il s'étendit fur les efforts que faifoient les hérétiques pour étendre leur fecte, & exhorta les peres à s'y oppofer. Après les prieres accoutumées, on lut les lettres de créance & les pouvoirs des ambassadeurs. On fit auffi la lecture de différentes lettres du pape, qui laiffoit au concile le foin de dreffer le catalogue des livres défendus ; & d'un bref qui régloit le rang des évêques fuivant leur ordination, fans avoir égard aux priviléges des primats. Le patriarche de Jerufalem lut enfuite un décret touchant l'examen des livres qui devoient être prohibés. Le concile ordonne que les peres choifis pour faire cet exa

(r) [Le continuateur de M. Fleury dit Mars, mais enfuite il revient à Février, lorfqu'il parle de la tenue de cette feffion. ]

III.

Diuitieme

feffion. Le 26 › de Février

1562.

Ibid. 1. clviij.

n. 26. & July,

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men,

lui en faffent enfuite leur rapport, afin qu'il regle ce qui femblera le plus convenable. Ce décret portoit encore qu'on pourroit accorder dans une congrégation générale, un fauf-conduit aux Proteftans ; & qu'il auroit la même force que s'il avoit été donné dans une feffion folemnelle & publique.

Enfin on lut le décret qui indiquoit la feffion fuivante au quatorzieme de Mai, jour de l'octave de l'Afcenfion. Ces deux décrets furent approuvés de tous les peres, à l'exception de l'archevêque de Grenade, qui renouvella la dispute fur le titre du concile, voulant qu'on y ajoutât ces mots, représentant l'Eglife univerfelle. Il y eut douze évêques qui demanderent que l'on marquât à quoi s'occuperoient les peres pendant près de trois mois qui devoient s'écouler jufqu'à la feffion, afin qu'on ne pût pas leur reprocher de vivre à Trente dans la molleffe & l'inaction. D'autres fouhaitoient que l'on fit quelques bons réglemens fur la réformation des mœurs. Un évêque demanda que la feffion ne fût pas remise à un temps fi éloigné. Mais les légats n'eurent aucun égard à toutes ces remontrances ; ils fe leverent, & la feffion finit.

Auffi-tôt après, les légats chargerent quatre évêques do dreffer le fauf-conduit, & ils en accorderent un fans aucune reftriction. Il fut publié à Trente le 8 de Mars, & envoyé dans toutes les cours. Le cardinal Seripand fut enfuite chargé de travailler à la réformation avec plufieurs évêques des plus vertueux & des plus zèlés. Le cardinal Simonette, comme très-habile dans le droit canonique, eut ordre de rédiger les matieres. Seripand propofa de commencer d'abord par ce qui concernoit la cour de Rome ; & cet avis fut fortement appuyé par le célebre Dom Barthélemi des Martyrs, archevêque de Brague. Nous parlerons ailleurs de ce grand homme. D'autres peres, fans être oppofés à la réformation du clergé & de la cour de Rome, vouloient qu'on attendît, pour traiter ce point fi important, qu'il y eût à Trente un plus grand nombre d'évêques, & qu'il en fût arrivé au moins quelqu'un de la France & de l'Alle:

magne,

V. Plaintes contre les cardinaux. Ibid. n. 35.

Quelques prélats ayant demandé fi les cardinaux devoient être compris dans la réformation générale du clergé, il y en eut parmi les vieux, qui dirent que les illuftriffimes cardinaux n'avoient pas befoin d'être réformés. Mais & 36. le même archevêque de Brague dit d'un ton ferme, que pour lui il croyoit au contraire, que les très-illuftres cardinaux avoient befoin d'une très-illuftre réforme. La premiere chofe, ajouta-t-il, qu'ils devroient changer, eft la maniere dont ils traitent aujourd'hui les évêques. L'autorité épifcopale a été comme anéantie depuis que l'on a introduit ce nouvel ordre des cardinaux, qui étoit autrefois inconnu à l'Eglife. On les avoit toujours mis au rang des autres prêtres & des diacres; & ce n'eft que depuis le dixieme fiecle qu'ils ont commencé de s'élever au-dessus de leur état, mais néanmoins fans ofer tout d'un coup fe comparer aux évêques. Ils les ont encore reconnus pour leurs fupérieurs jufqu'au douzieme fiecle : mais alors ils fe font tellement élevés au-deffus d'eux, qu'ils les foulent maintenant aux pieds, & les tiennent dans leurs palais au rang de leurs ferviteurs. Il n'y a point, continue ce généreux prélat, d'efpérance d'établir une véritable réformation dans l'Eglife, tant que les évêques ne jouiront point de l'autorité qui leur appartient. Tel eft l'ordre de Dieu, qui, comme le dit S. Paul, a lui-même placé chaque membre dans le corps de JesusChrist, qui eft fon Eglife, felon le rang qui lui eft propre. Il conclut en difant, que lorfqu'il confidere ce que les évêques & les cardinaux étoient autrefois & ce qu'ils font aujourd'hui, il ne peut s'empêcher de dire en gémiffant devant Dieu, & en fe plaignant à l'Eglise de l'Eglife même, que les chofes n'étoient pas ainfi au commencement. Ab Matt.xix. 8. initio non fuit fic. Ce difcours de Dom Barthélemi des Martyrs furprit beaucoup de perfonnes de l'affemblée; mais tout le monde y applaudit, parcequ'on favoit qu'il ne parloit ainfi que par zèle pour la gloire de Dieu & l'utilité de l'Eglife. Les cardinaux eux-mêmes écouterent tranquillement fes remontrances, & ne lui en témoignerent pas moins d'eftime & de confiance dans la fuite. Cependant fon avis, qui

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