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l'église de faint Pierre, d'où ils allerent proceffionnellement
à la cathédrale. Le cardinal de Mantoue y chanta la messe
du Saint-Efprit, & l'archevêque de Regge en Calabre y prê-
cha sur l'autorité de l'Eglife, & l'obligation d'imiter les apô-
tres. Il parla avec peu d'exactitude des prérogatives du fiège
& de l'églife de Rome. Après que l'on eut chanté l'hymne
du Saint-Efprit, Veni, Creator Spiritus, Maffarel, évêque
Italien & fecrétaire du concile, lut la bulle de convoca-
tion, & l'archevêque de Regge, un décret pour la conti-
nuation du concile, que tous les peres approuverent,
cepté quatre évêques d'Efpagne, qui s'oppoferent fortement
à ces mots, les légats y prefidans & propofans. Ils dirent
que cette claufe étoit nouvelle, & deshonoroit les conciles
œcuméniques, où chacun devoit avoir la liberté de pro-
pofer ce qu'il jugercit à propos. Mais la clause passa malgré
leur oppofition. On lut enfuite un deuxieme décret
pour
fixer la feffion fuivante au vingt-fixieme de Février (r), &
un troisieme pour régler le rang que les primats auroient
dans le concile.

I I.

On tint la dix-huitieme feffion au jour marqué. Antoine Elius, patriarche de Jerufalem, célebra la meffe, & le fermon fut prononcé en latin par l'archevêque de Patras, nommé à l'archevêché de Corfou. Il s'étendit fur les efforts que faifoient les hérétiques pour étendre leur fecte, & exhorta les peres à s'y oppofer. Après les prieres accoutumées, on lut les lettres de créance & les pouvoirs des ambassadeurs. On fit auffi la lecture de différentes lettres du pape, qui laiffoit au concile le foin de dreffer le catalogue des livres défendus; & d'un bref qui régloit le rang des évêques fuivant leur ordination, fans avoir égard aux priviléges des primats. Le patriarche de Jerufalem lut enfuite un décret touchant l'examen des livres qui devoient être prohibés. Le concile ordonne que les peres choifis pour faire cet exa

(r) [Le continuateur de M. Fleury dit Mars, mais enfuite il revient à Février, lorfqu'il parle de la tenue de cette feffion. ]

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IV.

Ce qui fe palle après la feffion. Exa

men des ma

tieres.

Ibid. n. 31. & fuiv.

men, lui en faffent enfuite leur rapport, afin qu'il regle ce qui femblera le plus convenable. Ce décret portoit encore qu'on pourroit accorder dans une congrégation générale, un fauf-conduit aux Proteftans ; & qu'il auroit la même force que s'il avoit été donné dans une feffion folemnelle & publique.

Enfin on lut le décret qui indiquoit la feffion fuivante au quatorzieme de Mai, jour de l'octave de l'Afcenfion. Ces deux décrets furent approuvés de tous les peres, à l'exception de l'archevêque de Grenade, qui renouvella la difpute fur le titre du concile, voulant qu'on y ajoutât ces mots, repréfentant l'Eglife univerfelle. Il y eut douze évêques qui demanderent que l'on marquât à quoi s'occuperoient les peres pendant près de trois mois qui devoient s'écouler jufqu'à la feffion, afin qu'on ne pût pas leur reprocher de vivre à Trente dans la molleffe & l'inaction. D'autres fouhaitoient que l'on fît quelques bons réglemens fur la réformation des mœurs. Un évêque demanda que la feffion ne fût pas remife à un temps fi éloigné. Mais les légats n'eurent aucun égard à toutes ces remontrances ; ils fe leverent, & la feffion finit.

Auffi-tôt après, les légats chargerent quatre évêques do dreffer le fauf-conduit, & ils en accorderent un fans aucune reftriction. Il fut publié à Trente le 8 de Mars, & envoyé dans toutes les cours. Le cardinal Seripand fut enfuite chargé de travailler à la réformation avec plufieurs évêques des plus vertueux & des plus zèlés. Le cardinal Simonette, comme très-habile dans le droit canonique, eut ordre de rédiger les matieres. Seripand propofa de commencer d'abord par ce qui concernoit la cour de Rome ; & cet avis fut fortement appuyé par le célebre Dom Barthélemi des Martyrs, archevêque de Brague. Nous parlerons ailleurs de ce grand homme. D'autres peres, fans être oppofés à la réformation du clergé & de la cour de Rome, vouloient qu'on attendît, pour traiter ce point fi important, qu'il y eût à Trente un plus grand nombre d'évêques, & qu'il en fût arrivé au moins quelqu'un de la France & de l'Alles magne,

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V. Plaintes contre les cardiIbid. n. 35.

Quelques prélats ayant demandé fi les cardinaux devoient être compris dans la réformation générale du clergé, il y en eut parmi les vieux, qui dirent que les illuftriffi- naux. mes cardinaux n'avoient pas befoin d'être réformés. Mais &36. le même archevêque de Brague dit d'un ton ferme, que pour lui il croyoit au contraire, que les très-illuftres cardinaux avoient befoin d'une très-illuftre réforme. La premiere chose, ajouta-t-il, qu'ils devroient changer, eft la maniere dont ils traitent aujourd'hui les évêques. L'autorité épifcol'on a introduit ce pale a été comme anéantie depuis que nouvel ordre des cardinaux, qui étoit autrefois inconnu à l'Eglife. On les avoit toujours mis au rang des autres prêtres & des diacres ; & ce n'eft que depuis le dixieme fiecle qu'ils ont commencé de s'élever au-dessus de leur état, mais néanmoins fans ofer tout d'un coup fe comparer aux évêques. Ils les ont encore reconnus pour leurs fupérieurs jufqu'au douzieme fiecle : mais alors ils fe font tellement élevés au-deffus d'eux, qu'ils les foulent maintenant aux pieds, & les tiennent dans leurs palais au rang de leurs ferviteurs. Il n'y a point, continue ce généreux prélat, d'efpérance d'établir une véritable réformation dans l'Eglife, tant que les évêques ne jouiront point de l'autorité qui leur appartient. Tel eft l'ordre de Dieu, qui, comme le dit S. Paul, a lui-même placé chaque membre dans le corps de JefusChrist, qui eft fon Eglife, felon le rang qui lui eft propre. Il conclut en difant, que lorfqu'il confidere ce que les évêques & les cardinaux étoient autrefois & ce qu'ils font aujourd'hui, il ne peut s'empêcher de dire en gémiffant devant Dieu, & en fe plaignant à l'Eglise de l'Eglise même, que les chofes n'étoient pas ainfi au commencement. Ab Matt.xix. 8. initio non fuit fic. Ce difcours de Dom Barthélemi des Martyrs furprit beaucoup de perfonnes de l'affemblée; mais tout le monde y applaudit, parcequ'on favoit qu'il ne parloit que par zèle pour la gloire de Dieu & l'utilité de l'Eglife. Les cardinaux eux-mêmes écouterent tranquillement fes remontrances, & ne lui en témoignerent pas moins d'estime & de confiance dans la fuite. Cependant fon avis, qui

ainfi

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étoit de commencer la réforme du clergé par les cardinaux, ne fut point fuivi, & on réfolut de s'attacher d'abord à ce qu'il y avoit de plus aifé. On finit cette congrégation du onzieme de Mars, par la lecture de douze articles de réfor mation, que l'on propofa à examiner, & qui furent difcu, tés dans les congrégations fuivantes.

I I I.

V I.

nouveau

réfidence. Les ment le pape

de la difpofition où font les

Tout le reste du mois fut employé en cérémonies pour On agite de la réception de quelques ambaffadeurs. On reprit au comqueftion de la mencement d'Avril l'examen des articles de la réforme; & dans plufieurs congrégations, on agita de nouveau la grande queftion de la réfidence des évêques; favoir, fi elle étoit de droit divin, c'est-à-dire, fi Jesus-Christ en établissant les évêques pafteurs du troupeau qu'il s'eft acquis par fon fang, leur a ordonné de veiller fur ce troupeau & de le garder; ou, s'il leur a laiffé la liberté de le quitter, pour vaquer à d'autres affaires. On n'auroit jamais ofé, comme nous l'avons déja dit, propofer une pareille queftion dans les beaux fiecles de l'Eglife; & elle auroit été bientôt décidée au concile de Trente, fi la cour de Rome n'y avoit pas pris un auffi vif intérêt qu'elle le faifoit. On difputa long-temps fur cette question dans les congrégations dont nous parlons; & on ne conclut rien. Dans le même temps les légats dé puterent à Rome un théologien, pour informer le pape de l'état du concile. Ils lui mandoient, que dès qu'ils étoient arrivés à Trente, ils avoient reconnu que tous les peres souhaitoient une véritable & fincère réformation de la difcipline; qu'ils la regardoient comme le feul remede qu'on pût appliquer avec fuccès aux nouvelles héréfies; que des décrets & des définitions étoient des remedes trop foibles; eu égard à la grandeur du mal, comme il étoit aifé d'en juger par l'experience de ce qu'on avoit fait fous le pontificat des deux derniers papes ; que tous les peres publioient hautement qu'on ne pouvoit rendre la réformation durable & folide, fans toucher à la cour de Rome & fans la réfor

mer

peres du con

au fujet de la réforme.

Ibid. n. 37. & fuiy.

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mer. Les légats ajoutoient, que le pape devoit leur mar-
quer tous les chefs fur lefquels il vouloit qu'on délibérât
dans le concile, pour être examinés, difcutés & publiés dans
les différentes feflions ; que par-là on diffiperoit les mauvais
bruits qui fe répandoient, que les décrets venoient de Rome
tout dreffés pour être publiés à Trente: Ils envoyoient en
même temps au pape un mémoire de quatre-vingt-quinze
articles, propofés par plufieurs évêques ou d'autres perfon-
nes bien intentionnées, fans y faire mention de la décla-
ration qu'on demandoit touchant la réfidence. Dans une
congrégation du vingtiéme d'Avril, les légats voulurent
favoir le nombre des voix qui demandoient que la rési-
dence fût décidée de droit divin. Il fe trouva que c'étoit
le plus grand nombre. Comme ils ne s'y attendoient point,
ils furent fort embarraffés, parcequ'ils avoient ordre du pape
de ne pas laiffer décider cette queftion, & ils prirent le
parti de remettre l'affaire à une autre congrégation.

I V.

VII. Les peres fe plaignent de ce

qu'on ne fuit fur la réfiden

leur avis

Ibid. n. 73.

No

Les peres qui étoient pour la réfidence de droit divin, fe
plaignoient hautement de ce qu'on n'avoit point égard à
leurs fuffrages, & de ce qu'on renvoyoit à une autre con-
grégation une affaire fi long-temps difcutée, & qui devoit
être regardée comme finie. Eustache du Bellai, évêque de ce.
Paris, qui étoit arrivé depuis peu à Trente, témoigna fon &fuiv.
étonnement de ce que le pape s'attribuoit le droit de dé-
cider après les déterminations des peres. L'archevêque de
Brague, qui penfoit comme l'évêque de Paris, dit qu'il pa-
roiffoit bien que l'on n'étoit pas porté à établir une bonne
réforme, puifque le plus grand nombre des peres ayant été
d'avis de déclarer la réfidence de droit divin, l'on vouloit
néanmoins en renvoyer la décision au pape, qu'on avoit
être d'un fentiment fort oppofé, de même que
fes prédé-
ceffeurs ; & que c'étoit ôter entierement la liberté au con-
cile, que
, que de laiffer le pape maître de décider fur toutes
les délibérations prifes. On examina dans les congrégations
Tome VIII

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Iii

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