Page images
PDF
EPUB

tient donc pas auffi la fienne? Pourquoi donc demeurer à. Trente avec tant d'incommodités & de dépenfes, puisque celui de qui on prétend qu'ils tiennent leur pouvoir, peut décider lui-même avec plus d'autorité? Eft-il poffible que nous en foyons à examiner, fi notre autorité vient de Dieu ou du pape ? Si j'avois pu le prévoir, je ferois resté dans mon églife. Les Proteftans qui cherchent tous les moyens de décréditer le concile, n'en trouveront point de plus efficace, que de dire qu'il doute de fa propre autorité. Cinquante-trois évêques furent de l'avis des archevêques de Grenade & de Brague, & demanderent qu'on ajoutât au décret ces mots de droit divin,

VIII.

XXVIII.

Lainez, général des Jésuites

fait un dif concentre tou la hiérarchie Ibid. n. 111.

cours où il

Dans la congrégation du vingtieme d'Octobre au matin, Lainez, général des Jéfuites, fucceffeur immédiat de S. Ignace, parla plus de deux heures avec beaucoup de chaleur. Son difcours étoit divifé en deux parties. Dans la premiere, il entreprit de prouver que la puiffance de jurifdic-te tion appartenoit au pape feul, & que les évêques tenoient de lui la portion qu'ils en avoient. Tant que Jefus-Christ fut fur la terre, dit-il, il gouverna l'Eglife avec une autorité abfolue & monarchique. Quand il fut prêt à quitter le monde, il établit S. Pierre fon vicaire pour gouverner l'Eglife comme il avoit fait lui-même, en lui donnant à lui & à fes fuccefleurs un pouvoir abfolu fur cette Eglife ; afin qu'elle lui fût autant afsujettie qu'à la majefté divine: de forte que le pape eft un vrai monarque, dont l'autorité n'eft pas plus bornée que l'étoit celle de Jefus-Chrift. Ce général des Jéfuites, non content d'établir fi clairement une pareille erreur, entreprit dans la feconde partie de fon étrange difcours, de répondre aux raifons de ceux qui foutenoient que les évêques reçoivent leur autorité de Jefus Christ. Il foutint hardiment que, felon plufieurs docteurs catholiques, les apôtres avoient été ordonnés évêques par S. Pierre, & avoient reçu leur jurisdiction de lui feul; que Tome VIII. Mmm

dans le pape.

XXIX.

qu'excita ce

difcours.

Ibid. n. 112.

ceux qui difoient que les apôtres avoient été ordonnés évêques par Jefus-Chrift, ajoutoient qu'il fit cette fois là l'office de faint Pierre, en donnant aux apôtres ce qu'ils devoient recevoir de leur collegue. Lainez néanmoins avoit déclaré dans fon exorde, qu'il ne fortiroit de sa bouche aucune parole de flatterie, & il avoit eu la témérité d'en prendre à témoin Dieu même, juge des vivans & des morts. On vient de voir avec quelle exactitude il tint fa promeffe.

Il n'eft pas difficile, dit le continuateur de M. Fleuri, Soulevement de s'imaginer combien ce discours dut plaire aux partisans des opinions ultramontaines. Mais les plus fenfés & les plus inftruits le trouverent plein de flatteries baffes & indignes d'un grave théologien. Eustache du Bellai, évêque de Paris, qui n'avoit pû entendre ce difcours de Lainez, parcequ'il s'étoit trouvé incommodé, ayant appris ce qu'il contenoit, en fut indigné, & dit que dans la premiere congrégation il vouloit parler contre cette doctrine, inouie dans les fiecles paffés, inventée depuis cinquante ans par Cajetan, qui vouloit être cardinal, & dès-lors cenfurée par la Sorbonne. Il ajouta, que s'il n'y avoit qu'un feul évêque de droit divin & diftributeur de toute la puiffance des autres, comme le prétendoit Lainez, il s'enfuivroit qu'il n'y auroit qu'un feul évêque, & que les autres ne feroient que des vicaires que cet unique évêque pourroit deftituer : Qu'il vouloit exciter tous les peres à empêcher que l'autorité epifcopale, déja fi rabaiffée, ne fût entierement anéantie, pendant que toutes ces congrégations de réguliers qui pulluloient fi prodigieufement, lui donnoient de fi rudes fecouffes. Lorfque l'évêque de Paris parloit ainsi, la fociété des Jéfuites faifoit par toute la terre les progrès les plus furprenans, comme nous le verrons dans la fuite. Le difcours de Lainez avoit révolté beaucoup de perfonnes, & les ambaffadeurs de France témoignerent dans un repas qu'ils donnerent aux autres ambassadeurs, combien ils en étoient indignés.

XXX.

Zèle de plu

[Le cardinal d'Altemps fe retira de Trente, &.fe démir feurs peres du de fa commiffion de légat. ] Les [ autres ]légats voyant quel

conferver à

cives.

étoit le partage des avis fur le principal point controverfé, concile pour & combien on demandoit de changemens dans les autres répifcopat les décrets, ajouterent quatre autres peres à ceux qui avoient juttes prérogaété déja nommés pour dreffer les chapitres & les canons. Il "Ibid. n. 115. eft incroyable combien l'on inventa de nouvelles formules du feptieme canon, fur lequel rouloient toutes les difficultés. On le tourna & retourna en cent manieres, pour trouver une déclaration jufte & précise du dogme, qui ne donnât occafion à aucune nouvelle difpute & qui prévînt toutes les chicanes. Enfin les légats en porterent une toute digerée aux Efpagnols, pour la préfenter enfuite dans la congrégation. Mais plufieurs de ces prélats, à la tête defquels étoit Dom Pierre Guerrero, archevêque de Grenade, demanderent une conférence, dans laquelle ils parlerent avec beaucoup de force. Ils dirent que puifqu'on traitoit du facrement de l'ordre & de la hiérarchie, on ne devoit point diffimuler les prérogatives que Jesus-Chrift avoit accordées à l'épifcopat, qui eft le premier ordre de la hiérarchie : que fi on le refusoit, ils s'en plaindroient au roi catholique & aux autres princes, & n'affifteroient plus au concile. L'archevêque de Grenade qui portoit la parole, étoit un prélat très-éclairé & plein de zèle pour l'Eglife, dont il demandoit fincerement la réformation: & c'est pour cela qu'il étoit intimement lié avec tous les autres évêques bien intentionnés.

IX.

que ce

La lettre que Pie IV. avoit écrite au roi d'Espagne, & dont nous avons parlé plus haut, eut tout l'effet pape en attendoit. Philippe II. fit dire expreffément aux évêques de fon royaume, d'être en tout favorables au pape, & de ne point se laiffer entraîner par les François, s'ils attafe quoient fon autorité. (C'est-à-dire, s'ils la renfermoient dans fes juftes bornes.) L'Empereur Ferdinand, plus judicieux à cet égard que le roi d'Espagne, recommandoit au contraire aux évêques de fes états, d'imiter la vigueur des François, & de preffer comme eux le grand ouvrage de la réforma

[blocks in formation]

XXXII. Le cardinal de

d'évêques de

théologiens de

France.

Ibid. n. 6.

& fuiv.

tion. Il leur fit même dire, que s'ils ne pouvoient pas obte nir une réformation auffi férieufe que les intérêts de la religion le demandoient, ils n'avoient d'autre parti à prendre que de fe retirer dans leur pays. Il vouloit qu'on remédiât fur-tout aux défordres des clercs, à la fimonie, au luxe, & à la mauvaise dispensation des revenus eccléfiaftiques. Comme le douzieme de Novembre qui avoit été marqué Lorraine arri. pour la vingt-troisieme session, approchoit, les ambassadeurs ve à Trente de France prierent les peres de la différer pour quelques avec beaucoup jours, parceque le cardinal de Lorraine étoit près d'arriver avec les évêques de France; & ils obtinrent ce délai d'autant plus aisément, que le pape y avoit confenti. Quand on fut que le cardinal n'étoit pas éloigné de Trente, le cardinal Madrucce, accompagné de plufieurs prélats, alla audevant de lui, & les légats le reçurent à la porte de la ville, & le menerent en cavalcade à fon logis. Les cardinaux de Mantoue & Seripand lui donnerent la place du milieu. Les deux autres légats & le cardinal Madrucce alloient derriere, fuivis des ambaffadeurs eccléfiaftiques de l'Empereur & de Pologne, & de cent trente-un Prélats. Les ambassadeurs laïcs de France, de Venise & de Florence, alloient devant à cheval. Le cardinal de Lorraine arriva à Trente avec quatorze évêques François, trois abbés, dix-huit théologiens, dont douze étoient docteurs de la faculté de théologie de Paris, & d'autres que les évêques avoient amenés. Ils étoient tous défrayés aux dépens du roi de France (s). L'arrivée du cardinal de Lorraine qu'on avoit fi fort appréhendée, causa beaucoup de joie. Ce cardinal avoit une très-grande autorité, & pouvoit rendre à l'Eglise des fervices confidérables. Il avoit beaucoup d'efprit & une grande érudition. Il étoit illuftre par fa dignité d'archevêque de Reims, par fa naiffance & par fa générofité. Mais il avoit auffi une ambition fans bornes: il vouloit dominer par-tout, & ne pouvoit fouffrir aucun rival. Dès la premiere vifite que ce cardinal rendit aux légats, il les exhorta à travailler à une férieuse ré

(s) [Selon le continuateur de M. Fleury, les douze étoient défrayés aux dépens du roi, les autres étoient amenés par des évêques particuliers. ]

formation, & leur dit que fi on ne remédioit aux abus, en commençant par ceux de la cour de Rome, on devoit s'attendre aux plus grands malheurs.

Le

pape

étoit fort inquiet au fujet du cardinal de Lorraine; & voulant se précautionner contre fes entreprises, & celles des évêques François qui venoient d'arriver à Trente, il envoya un grand nombre de prélats Italiens au concile, afin que s'uniflant à ceux qui y étoient déja, ils puffent contrebalancer les fuffrages des François unis aux Espagnols. Il ordonna donc à tous les évêques, foit titulaires, foit coadjuteurs, & à ceux mêmes qui s'étoient démis de leurs évêchés, de partir inceffamment pour Trente. Il y envoya l'évêque d'Aofte, ambaffadeur de Savoie à Rome, & défendit au contraire à l'archevêque de Saffari de s'y trouver; parceque du temps de Paul III. ce prélat avoit foutenu fortement que la réfidence des évêques étoit de droit divin. Gualtieri, évêque de Viterbe, ayant fait entendre au pape qu'il favoit manier l'efprit du cardinal de Lorraine, & découvrir adroitement toutes fes intentions, le pape lui témoigna beaucoup d'amitié, & le fit partir auffi-tôt pour Trente. Le vingt-troifieme de Novembre, on lut dans la congrégation les lettres du roi de France au concile. Enfuite le cardinal de Lorraine fit une énumération des maux infinis que les Calvinistes avoient caufés en France. Il ajouta que le roi demandoit au concile qu'il travaillât férieufement à la réformation des mœurs & de la difcipline eccléfiaftique, & que l'on commençât par celle de la maison

de Dieu.

parle

Du Ferrier, maître des requêtes, & préfident au parlement de Paris, qui fe trouvoit au concile en qualité d'ambaffadeur du roi de France, parla auffi fur la néceffité d'une véritable réformation. Après avoir loué la piété & le zèle du roi fon maître, il dit en substance: Que les propofitions que l'Eglife de France avoit à faire aux peres du concile, des demandes qui leur étoient faites que par toute la Chrétienté, & qui étoient toutes renfermées dans l'écriture fainte, dans les anciens conciles & dans les

ne contenoient

[blocks in formation]
« PreviousContinue »