conferver à tives. étoit le partage des avis fur le principal point controverfé, concile pour IX. La lettre que Pie IV. avoit écrite au roi d'Efpagne, & dont nous avons parlé plus haut, eut tout l'effet que ce pape en attendoit. Philippe II. fit dire expreffément aux évêques de fon royaume, d'être en tout favorables au pape, & de ne point fe laiffer entraîner par les François, s'ils attaquoient fon autorité. (C'est-à-dire, s'ils la renfermoient dans fes juftes bornes.) L'Empereur Ferdinand, plus judicieux à cet égard que le roi d'Espagne, recommandoit au contraire aux évêques de fes états, d'imiter la vigueur des François, & de preffer comme eux le grand ouvrage de la réforma XXXI. Le roi d'Ef pagne écrit aux royaume de ne évêques de fon point s'unir aux François. demande la réformation to. XXXIII. de Fl. 1. clxj. n. z. &. tion. Il leur fit même dire, que s'ils ne pouvoient pas obte Comme le douzieme de Novembre qui avoit été marqué pour la vingt-troisieme feffion, approchoit, les ambaffadeurs de France prierent les peres de la différer pour quelques jours, parceque le cardinal de Lorraine étoit près d'arriver avec les évêques de France; & ils obtinrent ce délai d'autant plus aifément, que le pape y avoit confenti. Quand on fut que le cardinal n'étoit pas éloigné de Trente, le cardinal Madrucce, accompagné de plufieurs prélats, alla audevant de lui, & les légats le reçurent à la porte de la ville, & le menerent en cavalcade à fon logis. Les cardinaux de Mantoue & Seripand lui donnerent la place du milieu. Les deux autres légats & le cardinal Madrucce alloient derriere, fuivis des ambaffadeurs eccléfiaftiques de l'Empereur & de Pologne, & de cent trente-un Prélats. Les ambaffadeurs laïcs de France, de Venise & de Florence, alloient devant à cheval. Le cardinal de Lorraine arriva à Trente avec quatorze évêques François, trois abbés, dix-huit théologiens, dont douze étoient docteurs de la faculté de théologie de Paris, & d'autres que les évêques avoient amenés. Ils étoient tous défrayés aux dépens du roi de France (s). L'arrivée du cardinal de Lorraine qu'on avoit fi fort appréhendée, caufa beaucoup de joie. Ce cardinal avoit une très-grande autorité, & pouvoit rendre à l'Eglife des fervices confidérables. Il avoit beaucoup d'efprit & une grande érudition. Il étoit illuftre par fa dignité d'archevêque de Reims, par fa naiffance & par fa générofité. Mais il avoit auffi une ambition fans bornes: il vouloit dominer par-tout, & ne pouvoit fouffrir aucun rival. Dès la premiere vifite que ce cardinal rendit aux légats, il les exhorta à travailler à une férieuse ré XXXII. Le cardinal de Lorraine arri. ve à Trente avec beaucoup d'évêques & de théologiens de France. Ibid. n. 6. & fuiv. (s) [Selon le continuateur de M. Fleury, les douze étoient défrayés aux dépens du roi, les autres étoient amenés par des évêques particuliers.] formation, & leur dit que fi on ne remédioit aux abus, en Le pape Le en concile, dans le deffein de les opposer aux aux Espagnols. Demande que François unis fait le de Lorraine. Ibid. n. 18. & fuiv. XXXIII. étoit fort inquiet au fujet du cardinal de Lorraine; & voulant fe précautionner contre fes entreprises, & voie beaucoup celles des évêques François qui venoient d'arriver à Trente, d'Italiens au il envoya un grand nombre de prélats Italiens au concile, afin que s'uniflant à ceux qui y étoient déja, ils puffent contrebalancer les fuffrages des François unis aux Efpagnols. I ordonna donc à tous les évêques, foit titulaires, foit coadjuteurs, & à ceux mêmes qui s'étoient démis de leurs évêchés, de partir inceffamment pour Trente. Il y envoya l'évêque d'Aofte, ambaffadeur de Savoie à Rome, & défendit au contraire à l'archevêque de Saffari de s'y trouver; parceque du temps de Paul III. ce prélat avoit foutenu fortement que la réfidence des évêques étoit de droit divin. Gualtieri, évêque de Viterbe, ayant fait entendre au pape qu'il favoit manier l'efprit du cardinal de Lorraine, & découvrir adroitement toutes fes intentions, le pape lui témoigna beaucoup d'amitié & le fit partir auffi-tôt pour Trente. Le vingt-troifieme de Novembre, on lut dans la congrégation les lettres du roi de France au concile. Enfuite le cardinal de Lorraine fit une énumération des maux infinis que les Calvinistes avoient caufés en France. Il ajouta que le roi demandoit au concile qu'il travaillât férieufement à la réformation des mœurs & de la difcipline eccléfiaftique, & que l'on commençât par celle de la maison > de Dieu. Du Ferrier, maître des requêtes, & président au parleparlement de Paris, qui fe trouvoit au concile en qualité d'ambaffadeur du roi de France, parla aussi sur la néceffité d'une véritable réformation. Après avoir loué la piété & le zèle du roi fon maître, il dit en fubftance: Que les propofitions que l'Eglife de France avoit à faire aux peres du concile, ne contenoient que des demandes qui leur étoient faites par toute la Chrétienté, & qui étoient toutes renfermées dans l'écriture fainte, dans les anciens conciles & dans les Difcours de de France.L'é XXXIV. du Ferrier, ambaffadeur veque de Liria parle très-bien grégation. bid. n. 33. & fuiy. une con conftitutions des peres & des papes. Car, ajouta-t-il, tout ce que fa majesté très-chrétienne, en qualité de Fiis aîné de l'Eglife, vous demande comme à des juges établis par Jefus-Chrift, eft que vous rétabliffiez l'Eglite dans fon entier, non par un décret qui ne contiendroit que des claufes générales; mais felon les paroles expreffes de cet édit perpétuel & divin, contre lequel, ni la prescription, ni l'ufurpation n'ont jamais lieu: enfin que ces faintes regles que fatan tenoit depuis fi long-temps en captivité, en for tent pour rentrer dans la cité de Dieu. C'eft ainfi que Jofias réforma les Juifs, en leur faifant lire & obferver le livre de la loi, qui après avoir demeuré long-temps caché par la malice des hommes, avoit été trouvé par le grand prêtre Helcias; & rétablit par cette voie les anciens ufages, & remit en vigueur les préceptes de Dieu. C'est ainfi que ces braves foldats de Néhémias, dont Saint Jean Chryfostôme fait un fi grand éloge, rebâtirent les murailles de Jerufalem, tenant d'une main l'épée & de l'autre la truelle. Voila ce que vous devez faire: autrement, ce feroit en vain que vous nous demanderiez fi la France ne jouit pas d'une profonde paix. Car nous vous répondrons comme Jehu fit au roi Joram: Comment feroit-elle en paix pen dant que durent.... Vous favez le refte. Ainfi à moins que vous ne travailliez à la réformation, c'eft en vain que nous aurons recours à des alliances avec les puiffances catholi ques. Tous ces fecours, croyez-moi, feront fort inutiles, fi vous ne vous employez à réformer l'Eglife. Vous ferez coupables de la perte de ceux qui périront, quoique ce foit par leur faute; & ce fera avec juftice que Dieu vous demandera compte de leur vie. Ce difcours de du Ferrier ne déplut pas moins à plufieurs des peres, & fur tout aux légats, qu'avoit fait celui de Pibrac le jour que les ambaf fadeurs de France furent reçus au concile; mais la crainte qu'ils avoient des François, fit qu'ils n'en parlerent point. Le lendemain l'évêque de Liria voulant inftruire le cardinal de Lorraine de ce qui avoit indifpofé les légats contre les Espagnols, fit dans une congrégation une très-belle ré capitulation de tout ce que ces derniers avoient dit fur l'inftitution des évêques, pour prouver qu'elle étoit de droit divin. Il ajouta que rien n'étoit plus favorable aux Luthériens, que de la fuppofer de droit humain; que c'étoit fortifier l'entreprise par laquelle ils avoient ofé établir des miniftres & des docteurs pour gouverner l'Eglise à la place des évêques inftitués par Jesus-Chrift. X. par Comme la feffion devoit se tenir deux jours après, & que les décrets n'étoient point encore en état d'être publiés, on la remit à un temps indéfini. Dans la congrégation du premier Décembre, l'évêque de Guadix parlant fur le canon où il étoit dit que les évêques appellés & confirmés par le pape, font les véritables évêques, repréfenta qu'il falloit étendre davantage ce canon; parceque fi quelqu'un étoit élu felon les anciens canons, il feroit un véritable évêque, quoiqu'il ne fût ni appellé ni confirmé le pape. Quelques Italiens turbulens & animés d'un faux zèle, s'écrierent qu'il falloit chaffer ce prélat comme un hérétique, & même le brûler. Il s'éleva en même temps un grand bruit parmi les prélats; les uns se déclarant pour l'évêque, les autres le condamnant. Ceux-ci allerent même fi loin qu'ils fe déchaînerent contre tous les Espagnols, comme fi en embrassant le sentiment de l'évêque de Guadix, ils euffent été fauteurs de quelque héréfie monftrueuse. Ces Efpagnols, dirent-ils, quoique Catholiques, nous caufent plus d'embarras que les hérétiques mêmes. Les Efpagnols repoufferent vivement cette injure, en disant aux Îtaliens: C'est vous-mêmes qui êtes des hérétiques. Les légats continuerent de faire prendre les avis, pour tâcher d'appaifer le tumulte; mais ils eurent beaucoup de peine. Palavicin Le cardinal de Lorraine, qui pendant la congrégation avoit diffinulé fon chagrin, dit enfuite d'un ton affez bas, Liv. 1 mais paroiffant émû, que cette conduite étoit fort extraordinaire, & qu'il n'auroit jamais cru des évêques capables XXXV. Vivacité des Italiens contre un évêque Elpagnol qui di foit fon avis. Plaintes qu'en de Lorraine. Ibid. 43. fait le cardinal & fuiy. |