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conftitutions des peres & des papes. Car, ajouta-t-il, tout ce que fa majefté très-chrétienne, en qualité de Hiis aîné de l'Eglife, vous demande comme à des juges établis par Jefus-Chrift, eft que vous rétabliffiez l'Eglite dans fon entier, non par un décret qui ne contiendroit que des claufes générales; mais felon les paroles exprefles de cet édit perpétuel & divin, contre lequel, ni la prescription, ni l'ufurpation n'ont jamais lieu : enfin que ces faintes regles que fatan tenoit depuis fi long-temps en captivité, en fortent pour rentrer dans la cité de Dieu. C'eft ainfi que Jofias réforma les Juifs, en leur faifant lire & obferver le livre de la loi, qui après avoir demeuré long-temps caché la malice des hommes, avoit été trouvé par le grand prêtre Helcias; & rétablit par cette voie les anciens ufages, & remit en vigueur les préceptes de Dieu. C'eft ainfi que ces braves foldats de Néhémias, dont Saint Jean Chryfoftême fait un fi grand éloge, rebâtirent les murailles de Jerufalem, tenant d'une main l'épée & de l'autre la truelle. Voila ce que vous devez faire : autrement, ce feroit en vain que vous nous demanderiez fi la France ne jouit pas d'une profonde paix. Car nous vous répondrons comme Jehu fit au roi Joram: Comment feroit-elle en paix pendant que durent.... Vous favez le reste. Ainfi à moins que vous ne travailliez à la réformation, c'est en vain que nous aurons recours à des alliances avec les puiffances catholi ques. Tous ces fecours, croyez-moi, feront fort inutiles, fi vous ne vous employez à réformer l'Eglife. Vous ferez coupables de la perte de ceux qui périront, quoique ce foit par leur faute; & ce fera avec juftice que Dieu vous demandera compte de leur vie. Ce difcours de du Ferrier ne déplut pas moins à plufieurs des peres, & fur tout aux légats, qu'avoit fait celui de Pibrac le jour que les ambaffadeurs de France furent reçus au concile; mais la crainte qu'ils avoient des François, fit qu'ils n'en parlerent point. Le lendemain l'évêque de Liria voulant inftruire le cardinal de Lorraine de ce qui avoit indifpofé les légats contre les Efpagnols, fit dans une congrégation une très-belle ré

capitulation de tout ce que ces derniers avoient dit fur l'inftitution des évêques, pour prouver qu'elle étoit de droit divin. Il ajouta que rien n'étoit plus favorable aux Luthériens, que de la fuppofer de droit humain; que c'étoit fortifier l'entreprise par laquelle ils avoient ofé établir des miniftres & des docteurs pour gouverner l'Eglise à la place des évêques inftitués par Jesus-Christ.

X.

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Comme la feffion devoit se tenir deux jours après, & que les décrets n'étoient point encore en état d'être publiés, on la remit à un temps indéfini. Dans la congrégation du premier Décembre, l'évêque de Guadix parlant fur le canon où il étoit dit que les évêques appellés & confirmés par le pape, font les véritables évêques, représenta qu'il falloit étendre davantage ce canon; parceque fi quelqu'un étoit élu felon les anciens canons, il feroit un véritable évêque, quoiqu'il ne fût ni appellé ni confirmé le pape. Quelques Italiens turbulens & animés d'un faux zèle, s'écrierent qu'il falloit chaffer ce prélat comme un hérétique, & même le brûler. Il s'éleva en même temps un grand bruit parmi les prélats; les uns fe déclarant pour l'évêque, les autres le condamnant. Ceux-ci allerent même fi loin qu'ils fe déchaînerent contre tous les Efpagnols, comme fi en embraffant le sentiment de l'évêque de Guadix, ils euffent été fauteurs de quelque héréfie monftrueuse. Ces Espagnols, dirent-ils, quoique Catholiques, nous caufent plus d'embarras que les hérétiques mêmes. Les Efpagnols repoufferent vivement cette injure, en difant aux Îtaliens: C'est vous-mêmes qui êtes des hérétiques. Les légats continuerent de faire prendre les avis, pour tâcher d'appaifer le tumulte ; mais ils eurent beaucoup de peine.

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Palavicin

Le cardinal de Lorraine, qui pendant la congrégation avoit diffimulé fon chagrin, dit enfuite d'un ton affez bas, Liv. 19 mais paroiffant émû, que cette conduite étoit fort extraordinaire, & qu'il n'auroit jamais cru des évêques capables

que

d'un tel excès. (Il parloit des évêques Italiens. ) Visconti & l'évêque de Verceil l'ayant abordé, il leur dit: Que fi un évêque François avoit été traité comme venoit de l'être l'évêque de Guadix, lui même auroit auffi-tôt appellé de cette affemblée à un concile plus libre ; & que fi l'on ne remédioit à cette licence, ils prendroient tous le parti de s'en retourner. Il dit encore en d'autres occafions, que fi on continuoit de donner de pareilles fcènes, on iroit tenir un concile national en France: Qu'il étoit ridicule de faire paroître tant de paffion & d'appeller héréfie ce qui ne l'étoit nullement: Que fi les prélats Italiens avoient fait réflexion fur la conduite des anciens peres, qui examinoient trèsmûrement avant que de prononcer anathême contre quelqu'un, ils n'auroient pas fi légerement condamné un évêd'une fi grande probité : mais que ce qu'il trouvoit encore de plus abfurde, étoit que pour un feul, quand même il auroit avancé une héréfie, on eût ofé calomnier une nation entiere fi confidérable, (les Espagnols) & qui mérite d'être honorée, Dans la fuite on reconnut que l'évêque de Guadix n'avoit point mal parlé, puifqu'on corrigea dans le canon les mots que ce prélat avoit jugés défectueux. Le car dinal de Lorraine étant réfolu de parler dans la congrégation fuivante d'une conduite fi peu convenable à des évêques, les légats qui en furent avertis, engagerent Gualtieri à l'en détourner, prétendant que c'étoit à eux à faire cette correction. Le cardinal de Mantoue la fit en effet; mais foiblement, fe bornant d'abord à exhorter chacun à dire fon avis moins au long & avec plus de modération, & à ne contredire qu'avec modeftie & feulement dans la néceffité. Il ajouta enfuite que fi l'on voyoit encore un pareil défordre, lui & fes collegues fortiroient de la congrégation pour n'en être pas témoins. Le cardinal de Lorraine dit qu'il ne convenoit pas que les légats se retiraffent pour toute forte de fujets, mais qu'il falloit punir les auteurs du défordre. Le cardinal de Mantoue propofa auffi dans la même congrégation d'affigner la feffion au dix-feptieme du mois, & fon avis prévalut, après avoir fouffert plufieurs contradictions,

Dans

Dans la congrégation du lendemain. troifieme de Dé, cembre, l'évêque d'Alife, Efpagnol, releva en opinant ce qu'avoit avancé le général des Jefuites, que la puiffance de jurifdiction eft donnée à un feul, qui la communique aux autres comme il lui plaît; & il foutint que les évêques recevoient leur pouvoir de Jefus-Chrift & non du pape. Après qu'il eut fini, le cardinal Hofius prit la parole & dit, que le point principal de la difpute entre les catholiques & les hérétiques, confiftoit à favoir fi on devoit regarder comme évêques légitimes ceux qui avoient été élus par le pape: Que les Luthériens prétendoient le contraire, & que c'étoit cette erreur qu'il falloit condamner; fans perdre le temps à difputer fur des chofes tout-à-fait étrangeres. Cette remontrance du cardinal Hofius fit beaucoup d'impression fur l'affemblée. On a pu remarquer jufqu'ici combien le concile de Trente étoit attentif à mettre à l'écart, tous les articles fur lefquels il y avoit partage entre les catholiques. L'é vêque de S. Papoul qui étoit un jeune prélat fort eftimé, parla avec tant de fageffe qu'il contribua beaucoup à la conciliation des efprits. Le cardinal de Lorraine opina fur cette même matiere dans la congrégation du quatrieme de Décembre. Il parla long-temps, mais d'une maniere fi ambigue, qu'il fembloit dire le pour & le contre. Les évêques de France en furent choqués, & foutinrent avec autant de force que de clarté, que l'autorité des évêques eft de droit divin. Comme ils étoient fur ce point parfaitement d'accord avec les Espagnols, quelques Italiens parlerent avec indécence de cette union; & le cardinal de Lorraine s'en plaignit hautement.

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XXXVII.

Les ambala den: Ja, ter legats confultent le pape fur la queftion de Pinftitution des évêques.

deurs demanla réfor

mation. Les lé

Cependant les légats follicitoient à Rome la décision fur les articles de l'inftitution & de la réfidence des évêques. En attendant la réponse du pape, ils communiquerent aux ambaffadeurs les chapitres de réformation fur les abus qui s'étoient introduits touchant le facrement de l'ordre. Les évêques & les ambassadeurs de France s'affemblerent chez le cardinal de Lorraine pour les examiner, & choifirent quatre prélats François, pour voir s'il n'y avoit rien qui fût, n. 1. & fuir, Tome VIII.

Nnn

Ibid. l. clxij.

contraire aux libertés de l'Eglife Gallicane, & fi l'on y pou voit ajoûter quelque chofe pour l'utilité de ce royaume. Mais les Impériaux voyant qu'on ne parloit d'aucun des points qu'ils avoient propofés, affemblerent tous les ambasfadeurs, à qui l'archevêque de Prague repréfenta combien le concile avoit déja perdu de temps, & combien de fois les légats avoient promis qu'on travailleroit à la réformation ; & que cependant on s'amufoit à des questions de pure spéculation. Il ajoûta qu'il étoit honteux qu'on fe bornât à corriger quelques légers abus, tandis qu'on négligeoit les befoins les plus preffans; qu'il falloit fe réunir tous, pour demander l'exécution de tant de promeffes faites par le pape & par fes légats. Tous convinrent de demander la réformation en général; mais on fut partagé fur les articles particuliers qu'il falloit réformer. Les ambaffadeurs de France en drefferent plufieurs, conformément à ce qui étoit porté dans leurs inftructions. Pendant qu'ils y travailloient, le pape écrivit aux légats fur la question de l'institution des évêques, & leur marqua que c'étoit une erreur de dire abfolument, que l'inftitution des évêques eft de droit divin; parce que, difoit-il, la feule puiffance de l'ordre vient de Jesus-Chrift, & que celle de jurisdiction dérive du pape, fans que l'on puiffe dire qu'elle foit donnée par Jefus-Chrift, finon en tant que le pape tient toute fon autorité de lui, & que tout ce que le pape fait, eft fait immédiatement par Jefus-Chrift. Sur l'article de la réfidence, il difoit qu'ayant l'autorité de difpenfer, il vouloit qu'il y eût une exception pour lui dans le decret, & que par conféquent il falloit bien fe donner de garde d'y mettre la claufe, de droit divin. Telle fut la décision du pape; mais ce ne fut point le fentiment du concile qui, comme nous le verrons, crut devoir mettre à l'écart le fond de cette question, pour ne pas s'exposer à une entiere rupture de la part de la cour de Rome. La feffion ne fe tint point le dix-feptieme de Décembre, comme il avoit été réglé dans la congrégation du deuxieme de ce mois, parceque le pape avoit jugé à propos de la faire différer.

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