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d'un tel excès. ( Il parloit des évêques Italiens. ) Visconti & l'évêque de Verceil l'ayant abordé, il leur dit: Que fi un évêque François avoit été traité comme venoit de l'être l'évêque de Guadix, lui même auroit auffi-tôt appellé de cette affemblée à un concile plus libre ; & que fi l'on ne remédioit à cette licence, ils prendroient tous le parti de s'en retourner. Il dit encore en d'autres occafions, que fi on continuoit de donner de pareilles fcènes, on iroit tenir un concile national en France: Qu'il étoit ridicule de faire paroître tant de paffion & d'appeller héréfie ce qui ne l'étoit nullement : Que fi les prélats Italiens avoient fait réflexion fur la conduite des anciens peres, qui examinoient trèsmûrement avant que de prononcer anathême contre quelqu'un, ils n'auroient pas fi légerement condamné un évêque d'une fi grande probité : mais que ce qu'il trouvoit encore de plus abfurde, étoit que pour un feul, quand même il auroit avancé une héréfie, on eût ofé calomnier une nation entiere fi confidérable, ( les Espagnols ) & qui mérite d'être honorée, Dans la fuite on reconnut que l'évêque de Guadix n'avoit point mal parlé, puifqu'on corrigea dans le canon les mots que ce prélat avoit jugés défectueux. Le car dinal de Lorraine étant réfolu de parler dans la congrégation fuivante d'une conduite fi peu convenable à des évêques, les légats qui en furent avertis, engagerent Gualtieri à l'en détourner, prétendant que c'étoit à eux à faire cette correction. Le cardinal de Mantoue la fit en effet; mais foiblement, fe bornant d'abord à exhorter chacun à dire fon avis moins au long & avec plus de modération, & à ne contredire qu'avec modeftie & feulement dans la néceffité. Il ajouta enfuite que fi l'on voyoit encore un pareil défordre, lui & fes collègues fortiroient de la congréga tion pour n'en être pas témoins. Le cardinal de Lorraine dit qu'il ne convenoit pas que les légats fe retiraffent pour toute forte de fujets, mais qu'il falloit punir les auteurs du défordre. Le cardinal de Mantoue propofa auffi dans la même congrégation d'affigner la feffion au dix-feptieme du mois, & fon avis prévalut, après avoir fouffert plusieurs contradictions, Dans

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Dans la congrégation du lendemain. troifieme de Dé,
cembre, l'évêque d'Alife, Efpagnol, releva en opinant ce
qu'avoit avancé le général des Jéfuites, que la puiffance de
jurifdiction eft donnée à un feul, qui la communique aux
autres comme il lui plaît; & il foutint que les évêques re-
cevoient leur pouvoir de Jesus-Chrift & non du pape. Après ́
qu'il eut fini, le cardinal Hofius prit la parole & dir, que
le point principal de la difpute entre les catholiques & les
hérétiques, confiftoit à favoir si on devoit regarder comme
évêques légitimes ceux qui avoient été élus par le pape:
Que les Luthériens prétendoient le contraire, & que c'étoit
cette erreur qu'il falloit condamner; fans perdre le temps
à difputer fur des chofes tout-à-fait étrangeres. Cette re-
montrance du cardinal Hofius fit beaucoup d'impreffion sur
l'affemblée. On a pu remarquer jufqu'ici combien le con-
cile de Trente étoit attentif à mettre à l'écart, tous les arti
cles fur lefquels il y avoit partage entre les catholiques. L'é
vêque de S. Papoul qui étoit un jeune prélat fort eftimé,
parla avec tant de fageffe qu'il contribua beaucoup à la con-
ciliation des efprits. Le cardinal de Lorraine opina fur cette
même matiere dans la congrégation du quatrieme de Dé-
cembre. Il parla long-temps, mais d'une maniere fi ambi-
gue, qu'il fembloit dire le pour & le contre. Les évêques
de France en furent choqués, & foutinrent avec autant de
force
que de clarté, que l'autorité des évêques eft de droit
divin. Comme ils étoient fur ce point parfaitement d'accord
avec les Espagnols, quelques Italiens parlerent avec indé-
cence de cette union; & le cardinal de Lorraine s'en plai-
gnit hautement.

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20 I

XXXVII. Les ambaffa. deurs deman

dent la réfor

mation. Les lé

Cependant les légats follicitoient à Rome la décision fur les articles de l'institution & de la résidence des évêques. En attendant la réponse du pape, ils communiquerent ils communiquerent aux ambaffadeurs les chapitres de réformation fur les abus qui s'étoient introduits touchant le facrement de l'ordre. Les évêques & les ambassadeurs de France s'affemblerent chez inftitution le cardinal de Lorraine pour les examiner, & choifirent des évêques. quatre prélats François, pour voir s'il n'y avoit rien qui fût, n. 1. & fuir, Tome VIII.

gats confultent le pape fur la

queftion de

Ibid. l. clxij.

Nnn

contraire aux libertés de l'Eglife Gallicane, & fi l'on y pou voit ajoûter quelque chofe pour l'utilité de ce royaume. Mais les Impériaux voyant qu'on ne parloit d'aucun des points qu'ils avoient propofés, affemblerent tous les ambasfadeurs, à qui l'archevêque de Prague repréfenta combien le concile avoit déja perdu de temps, & combien de fois les légats avoient promis qu'on travailleroit à la réformation; & que cependant on s'amufoit à des questions de pure fpéculation. Il ajoûta qu'il étoit honteux qu'on fe bornât à corriger quelques légers abus, tandis qu'on négligeoit les befoins les plus preffans; qu'il falloit fe réunir tous, pour demander l'exécution de tant de promeffes faites par le pape & par fes légats. Tous convinrent de demander la reformation en général; mais on fut partagé fur les articles particuliers qu'il falloit réformer. Les ambaffadeurs de France en drefferent plufieurs, conformément à ce qui étoit porté dans leurs inftructions. Pendant qu'ils y travailloient, le pape écrivit aux légats fur la question de l'institution des évêques, & leur marqua que c'étoit une erreur de dire abfolument, que l'inftitution des évêques eft de droit divin; parce que, difoit-il, la feule puiffance de l'ordre vient de Jefus-Christ, & que celle de jurifdiction dérive du pape, fans que l'on puiffe dire qu'elle foit donnée par Jefus-Chrift, finon en tant que le pape tient toute fon autorité de lui, & que tout ce que le pape fait, eft fait immédiatement par Jesus-Chrift. Sur l'article de la réfidence, il difoit qu'ayant l'autorité de difpenfer, il vouloit qu'il y eût une exception pour lui dans le decret, & que par conféquent il falloit bien fe donner de garde d'y mettre la clause, de droit divin. Telle fut la décision du pape; mais ce ne fut point le fentiment du concile qui, comme nous le verrons, crut devoir mettre à l'écart le fond de cette question, pour ne pas s'expofer à une entiere rupture de la part de la cour de Rome. La feffion ne fe tint point le dix-feptieme de Décembre, comme il avoit été réglé dans la congrégation du deuxieme de ce mois, parceque le pape avoit jugé à propos de la faire différer.

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ARTICLE XII.

Dernieres feffions du concile de Trente. Sa fin.
Son autorité,

{

I.

Au

u commencement de l'année 1563. les ambaffadeurs de France présenterent aux légats les articles de réformation qu'ils avoient dreffés. Les légats les ayant examinés, les envoyerent au pape par l'évêque de Viterbe. (t) Ces articles étoient au nombre de trente-quatre, dont voici les principaux. On y demandoit que perfonne ne fût ordonné prêtre, qu'il n'eût un âge mûr, & un témoignage avantageux du peuple, fondé fur la bonne vie paffee: Que les interftices fuffent gardés: Que l'on ne fit point d'évêques qui ne fuffent vertueux, & capables d'inftruire & de faire toutes leurs fonctions par eux-mêmes: Qu'on abolit la pluralité des bénéfices, fans s'arrêter à la diftinction des compatibles & incompatibles, inconnue à toute l'antiquité : Que l'on n'exigeât rien pour l'administration des facremens, & qu'on fit en forte que chaque curé eût affez de revenu pour entretenir deux cleros & exercer l'hofpitalité : Qu'on expliquât à la messe l'evangile au peuple, d'une maniere proportionnée à fes befoins: Qu'on expliquât en françois la vertu des facremens, avant que de les adminiftrer: Que les bénéfices ne fuffent donnés ni à des étrangers ni à des indignes: Qu'on abolît, comme contraires aux canons, les expectatives, les regrès, les réfignations, les commendes: Qu'on réunît les prieurés fimples aux bénéfices à charge d'ame dont ils auroient été démembrés: Qu'on abolît les penfions, afin que les revenus des églifes fuffent employés à l'entretien des miniftres & à la nourriture des pauvres: Que les évêques ne fiffent rien d'important fans

(t) [ Selon le continuateur de M. Fleury, ils les envoyerent par Visconti, évêque de Vintimille, qui fut fuivi de Gualtério, évêque de Viterbe, dont le cardinal de

Lorraine avoit fait choix pour cette dépu
tation. Néanmoins il femble enfuite fup-
pofer que ce fut l'évêque de Viterbe qui les
préfenta au pape, n. 30. ]

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l'avis de leurs chapitres: Que les chanoines réfidaffent continuellement dans leurs églifes; qu'ils fuffent pieux & édifians: Qu'on ne difpensât des degrés de parenté pour le mariage, que les princes fouverains, à cause du bien public: Qu'on retranchât les abus par rapport aux images, aux reliques, aux indulgences, aux pélerinages, aux confrairies : Qu'on rétablît la pénitence publique pour les péchés publics, & les jeûnes & autres exercices propres à appaifer la colere de Dieu : Qu'on n'excommuniât qu'après trois monitions, & feulement pour de grands péchés: Qu'on abolit la nouvelle diftinction du pétitoire & du poffeffoire en matiere de bénéfices; & qu'il fût ordonné aux évêques de les donner à ceux qui les fuyoient, & non à ceux qui les demandoient, & qui par cette demande même s'en déclaroient indignes: Que les fynodes diocéfains s'affemblaffent au moins une fois tous les ans, les provinciaux tous les trois ans, les généraux tous les dix ans.

ce projet.

coup

& fuiy.

La premiere fois que le pape lut ces articles, il s'écria que les François vouloient donc abolir la daterie, la rote, & enfin toute l'autorité apoftolique. Mais l'évêque de Viterbe, en habile politique, lui dit que les princes demandoient beaude chofes, pour obtenir celles qui les touchoient le Ibid. n. 30. plus, comme la communion fous les deux efpeces, l'ufage de la langue vulgaire dans les offices, le mariage des prêtres, chofes qui n'intéreffoient guères le faint fiége. Le pape s'étant un peu appaisé, & ayant pris confeil, écrivit au cardinal de Ferrare fon nonce en France, de compter quarante mille écus au roi fans aucune condition, & de lui déclarer enfuite que les articles propofés par les ambaffadeurs à Trente, ferviroient beaucoup à la réformation de l'Eglife, & qu'il voudroit qu'on en eût déja formé des decrets: mais qu'il y en avoit quelques-uns qui tendoient à diminuer l'au torité royale, & à ôter à sa majesté la nomination aux abbayes, l'un des meilleurs moyens qu'elle eût de récompenfer fes bons ferviteurs: Que les articles propofés par les ambaffadeurs, rendroient les évêques plus puiflans; quoiqu'il fût néanmoins de l'intérêt du roi de les abaiffer & de ne point

II.

Chagrin qu'en Moyens qu'il

a le

prend pour faire tomber

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