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Dernieres feffions du concile de Trente. Sa fin.
Son autorité.

I.

I. Articles de

réformation dreffés par les de France, & préfentés aux envoient au

ambaffadeurs

légats qui les

Cont. de Fl.

to. XXXIII. clij. n. 1.

& fuiv.

AN. 1563.

Au commencement de l'année 1563. les ambassadeurs de
France présenterent aux légats les articles de réformation
qu'ils avoient dreffés. Les légats les ayant examinés, les en-
voyerent au pape par l'évêque de Viterbe. (t) Ces articles
étoient au nombre de trente-quatre, dont voici les princi-
paux. On y demandoit que perfonne ne fût ordonné prêtre,
qu'il n'eût un âge mûr, & un témoignage avantageux du pape.
peuple, fondé fur la bonne vie paffee: Que les interstices
fuffent gardés : Que l'on ne fit point d'évêques qui ne fuffent
vertueux, & capables d'inftruire & de faire toutes leurs fonc-
tions par eux-mêmes: Qu'on abolît la pluralité des bénéfices,
fans s'arrêter à la diftinction des compatibles & incompati-
bles, inconnue à toute l'antiquité : Que l'on n'exigeât rien
pour l'administration des facremens, & qu'on fit en forte que
chaque curé eût affez de revenu pour entretenir deux cleros
& exercer l'hofpitalité: Qu'on expliquât à la meffe l'evangile
au peuple, d'une maniere proportionnée à fes befoins: Qu'on
expliquât en françois la vertu des facremens, avant que de
les adminiftrer: Que les bénéfices ne fuffent donnés ni à des
étrangers ni à des indignes : Qu'on abolît, comme contraires
aux canons, les expectatives, les regrès, les réfignations, les
commendes: Qu'on réunît les prieurés fimples aux bénéfices
à charge d'ame dont ils auroient été démembrés: Qu'on
abolît les penfions, afin que les revenus des églises fuffent
employés à l'entretien des miniftres & à la nourriture des
pauvres: Que les évêques ne fiffent rien d'important fans

(t) [Selon le continuateur de M. Fleury, ils les envoyerent par Visconti, évêque de Vintimille, qui fut fuivi de Gualtério, évêque de Viterbe, dont le cardinal de

Lorraine avoit fait choix pour cette dépu
tation. Néanmoins il femble enfuite fup-
pofer que ce fut l'évêque de Viterbe qui les
préfenta au pape, n. 30. ]

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Chagrin qu'en Moyens qu'il prend pour faire tomber ce projet.

a le pape.

& fuiy

l'avis de leurs chapitres: Que les chanoines réfidaffent continuellement dans leurs églifes; qu'ils fuffent pieux & édifians: Qu'on ne difpensât des degrés de parenté pour le mariage, que les princes fouverains, à cause du bien public: Qu'on retranchât les abus par rapport aux images, aux reliques, aux indulgences, aux pélerinages, aux confrairies : Qu'on rétablit la pénitence publique pour les péchés publics, & les jeûnes & autres exercices propres à appaifer la colere de Dieu : Qu'on n'excommuniât qu'après trois monitions, & feulement pour de grands péchés: Qu'on abolît la nouvelle diftinction du pétitoire & du poffeffoire en matiere de bénéfices; & qu'il fût ordonné aux évêques de les donner à ceux qui les fuyoient, & non à ceux qui les demandoient, & qui par cette demande même s'en déclaroient indignes: Que les fynodes diocéfains s'affemblaffent au moins une fois tous les ans, les provinciaux tous les trois ans, les généraux tous les dix ans.

La premiere fois que le pape lut ces articles, il s'écria que les François vouloient donc abolir la daterie, la rote, & enfin toute l'autorité apoftolique. Mais l'évêque de Viterbe, en habile politique, lui dit que les princes demandoient beaucoup de chofes, pour obtenir celles qui les touchoient le Ibid. n. 30. plus, comme la communion fous les deux efpeces, l'ufage de la langue vulgaire dans les offices, le mariage des prêtres, chofes qui n'intéressoient guères le faint fiége. Le påpe s'étant un peu appaisé, & ayant pris confeil, écrivit au cardinal de Ferrare fon nonce en France, de compter quarante mille écus au roi fans aucune condition, & de lui déclarer enfuite que ·les articles propofés par fes ambassadeurs à Trente, ferviroient beaucoup à la réformation de l'Eglife, & qu'il voudroit qu'on en eût déja formé des decrets: mais qu'il y en avoit quelques-uns qui tendoient à diminuer l'au torité royale, & à ôter à sa majesté la nomination aux abbayes, l'un des meilleurs moyens qu'elle eût de récompenfer fes bons ferviteurs: Que les articles propofés par les ambaffadeurs, rendroient les évêques plus puiffans; quoiqu'il fût néanmoins de l'intérêt du roi de les abaiffer & de ne point

III. Plaintes des

qui troubloient

la

liberté du concile. RéIbid. n. 37.

ponse du pap e.

& fuiv.

leur donner trop d'autorité. Il ajoûtoit, que comme les décimes appartenoient à l'Eglife de droit divin, de même toutes les églifes doivent au fouverain pontife la décime des décimes, qui avoit été convertie en annates pour la commodité; que fi elles étoient onéreuses à la France, il en viendroit volontiers à une compofition. Enfin il manda à fon nonce, 'de prier le roi de donner d'autres ordres à ses ambassadeurs. Il envoya en même temps à Trente le projet des decrets qu'il avoit dreffés, tant fur l'inftitution que fur la réfidence François condes évêques. Les legats les propoferent dans les congréga- tre les brigues tions qu'ils tinrent à la fin de Janvier. Mais les évêques d'Efpagne & de France les trouverent très-défectueux, & les combattirent fur plufieurs points. Il s'éleva à cette occafion entre ces prélats & les Italiens une dispute affez vive, que les légats ne purent arrêter, qu'en propofant un autre projet fur cette matiere, dreffé par les cardinaux de Lorraine & Madrucce. Comme les légats y avoient retranché ce qui déplaifoit à leurs canoniftes, entre autres ces mots, les évêques Jont obligés de précepte divin de veiller en perfonne fur leur troupeau, ces deux cardinaux s'en plaignirent. Le cardinal de Lorraine dit qu'il ne vouloit plus fe mêler de rien, & qu'il se borneroit déformais à expofer fimplement fon avis. Le cardinal Madrucce ne fit point difficulté de dire,qu'il y avoit dans le concile un autre concile fecret qui prenoit toute l'autorité. Les légats fort embarraffés, cefferent de tenir des congrégations: ce qui donna occasion au cardinal de Lorraine de dire qu'on cherchoit à diffoudre le concile. Il en fit fes plaintes à tous les ambaffadeurs, les priant d'en écrire à leurs maîtres, & de les conjurer de demander au pape de faire ceffer les brigues, & de laiffer aux peres la liberté d'opiner; fans quoi on alloit permettre en France à chacun de vivre comme il voudroit, jufqu'à ce qu'il y eût un concile libre, celui de Trente ne l'étant pas, puifque tout s'y faifoit fuivant la volonté des légats, qui exécutoient en tout les ordres du pape. Que pour lui, il prendroit patience jufqu'à la prochaine feffion; & qu'alors, fi les chofes n'alloient pas mieux, il protesteroit, & s'en retourneroit en France avec

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les ambaffadeurs & les évêques, pour y tenir un concile national, où les Allemands viendroient peut-être. Prefque dans le même temps, les miniftres de France firent à Rome les mêmes plaintes que le cardinal de Lorraine faisoit à Trente, & les mêmes menaces d'un concile national. Mais le pape leur répondit, que leurs menaces ne l'épouvantoient point; qu'il ne craignoit pas les conciles nationaux; que celui de Trente avoit toute la liberté poffible; que pour lui il n'avoit aucune part aux intrigues ni à tout ce que faifoient les évêques Italiens; qu'il avoit eu de belles occafions de rompre le concile; mais qu'il en vouloit la continuation,

efpérant que Dieu n'abandonneroit pas fon églife, & que toutes les entreprises qu'on formoit contre elle, tourne: roient à la confufion de leurs auteurs.

I I.

Les légats craignant que le concile ne vînt à fe rompre d'une maniere deshonorante pour eux & pour le pape, envoyerent à tous les ambassadeurs un écrit contenant les difficultés qu'ils avoient fur l'état préfent du concile, & demanderent leur avis. Les François répondirent à cet écrit, que quelques-uns vouloient fe fervir du concile pour augmenter les abus, quoiqu'il n'eût été affemblé que pour y remédier; qu'il falloit avant toutes chofes empêcher les brigues qui fe faifoient ouvertement; que dès qu'elles cefferoient, & que chacun auroit la liberté de dire fon avis, on feroit bientôt d'accord; que le pape eft le chef de l'Eglife, mais qu'il n'est pas pour cela au - deffus d'elle; qu'il doit juger les autres membres, mais non pas dominer fur tout le corps; que le meilleur remede étoit de fuivre les decrets du concile de Conftance, qui ayant trouvé l'Eglise en combustion, l'avoit remise dans un état tranquille; qu'une des causes de la difcorde qui paroiffoit dans le concile, venoit du fecrétaire qui, faute d'écrire fidélement les avis, faifoit paffer le contraire de l'avis commun; qu'ainfi il falloit nommer encore un autre secrétaire, afin qu'il y en eut toujours deux qui écri

viffent. Les Impériaux répondirent prefque de la même maniere, infiftant encore davantage fur la demande d'un fecond fecrétaire. Les autres ambassadeurs fe contenterent de dire qu'il falloit continuer le concile, & travailler à la réunion des efprits.

Dans la congrégation du troifieme de Février, le cardinal de Mantoue propofa de différer la feffion jusqu'après Pâque; mais les François & les Efpagnols demanderent qu'on affignât un terme plus court. Après de grandes conteftations, il fut arrêté l'on différeroit jufqu'au vingt-deuxieme d'Avril. que Deux jours après, on propofa huit articles touchant le mariage, pour être examinés par les théologiens. Ils y travaillerent avec beaucoup d'application, & s'affemblerent deux fois le jour; pendant que des prélats étoient occupés de leur côté à dreffer les articles de réformation concernant le facrement de l'ordre. Dans la congrégation du onzieme de Février, les ambaffadeurs de France préfenterent au concile une lettre du roi leur maître datée du 18 de Janvier, dans laquelle après avoir parlé de la victoire de Dreux qu'il venoit de remporter fur l'armée des Proteftans, il ajoûtoir, que la chrétienté ayant toujours trouvé dans les conciles généraux les remedes néceffaires à fes maux, il prioit les peres pour l'amour de Jefus-Chrift de faire une réformation qui répondît à l'attente où l'on étoit. Après la lecture de cette lettre, du Ferrier fit un discours affez long, où il repréfentoit d'abord combien il étoit néceffaire que le concile fecondât les efforts du roi, pour arrêter les progrès de l'héréfie en France. Il dit enfuite, que ce que la France demandoit au concile, lui étoit commun avec toute l'Eglife catholique: Que les reproches que l'on faifoit aux François, jufqu'à les traiter d'impies à cause de leur zèle contre les abus, ne méritoient point de réponse; qu'il falloit confidérer ce qu'avoit produit la réformation fuperficielle qui avoit été faite dans le concile de Conftance; ( ce fut la cour de Rome qui empêcha ce concile d'en faire une plus férieuse, comme on l'a vû ailleurs ;) & celle qui fut faite dans le concile fuivant (de Bafle) que nous nous abstenons, dit-il, de nommer, de

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