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V I. Mort du car

dinal de Mantoue président

du concile. Plaintes de l'empereur contre ceux

crainte de déplaire (aux légats & aux Italiens ;) quel fruic on avoit tiré des conciles de Ferrare, de Florence & de Latran; & combien de nations avoient abandonné l'Eglife depuis ces conciles. Le concile répondit entr'autres chofes, qu'il employeroit tous fes foins à faire les réglemens néceffaires pour la réformation générale de l'Eglife, fans rien oublier de ce qui feroit à l'avantage particulier de la couronne de France & de l'Eglife Gallicane. Les Italiens fe plaignirent du difcours de du Ferrier, particulierement de ce qu'il avoit dit que lui & fes collégues, dans une requête qu'ils préfenterent, s'adreffoient au concile: ce qui paroiffoit contraire au prétendu droit que les légats s'étoient attribués, d'être les feuls qui propofaffent au concile les fujets de délibération. Le douzieme du même mois de Février, le cardinal de Lorraine alla voir l'empereur à Infpruck, avec neuf évêques & les quatre plus habiles théologiens François. Ce voyage donna beaucoup d'inquiétude, fur-tout aux légats. Ils firent tous leurs efforts, après le retour du cardinal, pour tirer des prélats & des théologiens qui l'avoient accompagné, ce qui s'étoit paffé entre lui & l'empereur; mais comme il ne s'en étoit ouvert à perfonne, ils n'en purent rien apprendre. Le cardinal leur rapporta lui-même ce qu'il voulut de ses entretiens avec l'empereur, & il ne manqua pas de leur faire part des plaintes que ce prince faifoit des légats eux-mêmes, de l'abus de l'autorité du pape, & des refforts secrets qu'on faifoit jouer dans le concile pour traverser ses bons deffeins.

Le duc de Mantoue arriva à Trente quelques jours après le retour du cardinal de Lorraine, & ce prince y fut témoin de la mort de fon oncle premier légat. Il mourut le deuxieme de Mars, âgé d'environ cinquante fept (u) ans. Le duc de Mantoue & Céfar Gonzague fon frere, fuivirent le corps de leur oncle jufqu'à Mantoue, où ils lui firent faire cile. Réponte des funérailles magnifiques. L'empereur ayant appris cette mort, forma le deflein d'engager le pape à lui fubftituer le

qui traver foient le con

du pape à ces plaintes.

Ibid. n. 76.

& fuiy.

(u)[Le continuateur de M. Fleury dit cinquante-huit, ajoutant qu'il étoit né ça 1505. T

cardinal

cardinal de Lorraine, comme étant plus agréable aux prin-
ces qu'aucun des cardinaux. Mais le pape prévint fes follici-
tations, en se hâtant de nommer légats au concile, les
cardinaux Moron & Navagéro. L'empereur écrivit dans le
même temps
aux légats qui étoient à Trente, & au pape. 11
faifoit de vives plaintes de ce que les affaires du concile al-
loient fi mal, au grand scandale de ceux qui s'étoient fépa-
rés de l'Eglife, & même des Catholiques; & il exhortoit le
pape
à laiffer au concile une entiere liberté : ajoûtant, que
les decrets de réformation devoient fe faire à Trente & non
pas à Rome. Le pape fit à l'empereur une réponse très-
longue, & appuyée d'un grand nombre de paffages, qui
n'étoient pas fort concluans pour les prétentions qu'il fou-
tenoit. Il en fit répandre plufieurs copies, auffi-bien que de
l'extrait des citations qu'elle contenoit. Le cardinal de Lor-
raine assembla plusieurs fois les évêques & les théologiens de
France, pour examiner fi les paffages cités étoient fidélement
rapportés & pris dans leur vrai fens ; & après cet examen, ils
firent une réponse aux Italiens, qui prenoient vivement la
défense de la lettre du pape. L'archevêque de Grenade ne
voulut pas fe mêler de cette affaire; mais dans les occafions.
mêmes où il ne fe croyoit pas obligé de contredire le pape,
il témoignoit combien il étoit affligé de l'oppreffion dans
laquelle la cour de Rome vouloit tenir l'épiscopat. Quelques
évêques Espagnols ayant propofé d'écrire au pape, pour dé-
truire la mauvaife impreffion qu'il auroit pu prendre contre
eux à cette occafion, l'archevêque de Grenade s'y opposa,
difant qu'il ne vouloit point imiter la baffe flaterie des Ita-
liens. Que le pape, ajoûta-t-il, nous rende ce qui eft à nous,
puifque nous lui laiffons plus que ce qui lui appartient : il
n'eft pas jufte que d'évêques que nous fommes, nous deve-
nions fes vicaires.

III.

VII. Mort d'un

Le 17 de Mars le concile perdit encore un de fes légats, en la perfonne du cardinal Seripand qui mourut à Trente autre légat. Le âgé de 70 ans. Lorfqu'on lui apporta le faint Viatique, il fe pape en cuvoie

Tome VIII.

Ooo

deux nou

veaux au con

préféance en

fadeurs de

France & d'Ef

pagne.

& fuiv.

leva & fe mit à genoux pour le recevoir. Après qu'on l'eut cile. Contefta- recouché, il fit en latin un difcours très-édifiant. Quelques tions fur la heures avant fa mort, ayant oui murmurer quelques prélats, tre les ambaf- qui difoient, qu'il avoit fait paroître dans les congrégations des fentimens particuliers touchant le péché originel & la juftification, il les appella & fit devant eux fa profeffion de Ibid. n. 85. foi, entiérement conforme à la créance de l'Eglise. Le vingtieme de Mars les légats crurent devoir suspendre les affaires du concile, jufqu'à l'arrivée de leurs nouveaux collègues. On fut néanmoins obligé de tenir une congrégation générale le vingtieme d'Avril, pour y ordonner la prorogation de la feffion, qui avoit été indiquée pour le vingt-deux. Mais comme on ne fe trouvoit point en état de fixer le jour, on remit à le faire au vingtieme de Mai, & enfuite au dixieme (v) de Juin. Ce qu'il y eut de plus remarquable après que les deux nouveaux légats eurent paru dans le concile, fut la conteftation fur la préféance, entre les ambassadeurs de France & celui d'Efpagne. Nous avons vû que le pape avoit promis au roi d'Espagne de favoriser son ambaffadeur au concile au préjudice de ceux de France, s'il vouloit engager les prélats Efpagnols à ne point s'unir aux François. Le pape tint parole, & feconda fous main les entreprises de l'ambaffadeur du roi d'Espagne. Cette querelle dura long-temps, & augmenta les troubles & les embarras du concile. Il eft certain que les ambaffadeurs de France avoient toujours eu la premiere place dans les conciles après ceux de l'empereur, & que ceux d'Efpagne avoient été placés immédiatement après les François. Les légats vouloient que l'ambaffadeur d'Espagne eût une place extraordinaire, croyant appaifer les François à qui on confervoit la place qu'ils avoient après l'ambaffadeur de l'empereur. Le cardinal de Lorraine approuva même d'abord cet arrangement; mais les miniftres de France dirent, que leur devoir étoit de ne point laiffer révoquer en doute la préféance que le roi de France avoit fur celui d'Efpagne, ce qui arriveroit néanmoins, fi on donnoit à l'ambaffadeur d'Efpagne une autre place que celle qui eft immédiatement après celle de l'ambaffadeur de France. Ils ajouterent, que fi on ne (y) [ Au quinzieme, felon le continuateur de M. Fleury. I. clxiv. n. 38. ]

leur donnoit fatisfaction fur ce fujet, ils ordonneroient à tous les prélats François de fe retirer, fous peine de défobéiffance & de faifie de leur temporel. Les légats s'imaginant qu'une oppofition vigoureuse vaincroit enfin la fermeté des François, leur dirent que leur dureté & leur obftination n'étant point raifonnables,ils ne laifferoient pas de paffer outre,& de donner à l'ambaffadeur d'Espagne la place qu'ils lui avoient deftinée. Les ambaffadeurs de France crurent alors que les légats n'en ufoient ainfi, qu'afin d'offenfer la France, de l'obliger de révoquer fes ambassadeurs & fes prélats, & de donner lieu par-là à la dissolution du concile.

Le cardinal de Lorraine en écrivit à la reine régente, qui répondit que, quelqu'affection qu'elle eût pour le roi d'Efpagne fon fils, (elle l'appelloit ainfi quoiqu'il ne fût que fon gendre,) elle ne pouvoit préjudicier au droit qu'avoit le roi de France fon fils, de précéder tous les autres rois dans toutes les occafions: qu'au concile de Conftance, l'illustre Gerfon, ambaffadeur de France, avoit été placé avant l'ambaffadeur d'Espagne, & que pendant la minorité du roi, la reine ne pouvoit rien innover à fon défavantage & contre l'honneur de la nation. Le pape à qui les légats en avoient écrit, leur manda de fatisfaire le roi d'Espagne, & de donner à fon ambaffadeur la place qu'il leur marquoit dans un plan deffiné du concile qu'il leur envoyoit ; que telle étoit fon intention; que c'étoit à eux à l'exécuter avec leur dextérité accoutumée ; & que s'ils trouvoient de l'oppofition, ils laiffaffent protester ceux qui en auroient envie, pourvu que fon ordre fût exécuté & qu'ils n'y manquaffent pas. Le cardinal Borromée, neveu & miniftre de Pie IV. ajouta à cette réponse du pape, une lettre en chiffres, où il difoit que l'intention de fa fainteté étoit que l'affaire demeurât fecrete jufqu'au temps de l'exécution, afin de furprendre les François; qu'ils feroient peut-être mécontens, mais qu'il falloit les laiffer protefter, & même s'en retourner chez eux s'ils vouloient. Outre cette lettre générale aux légats, le cardinal Borromée en écrivit une fecrete au cardinal Moron pour lui apprendre comme un grand fecret, que le roi d'EL

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pagne avoit promis d'employer toute son autorité en faveur du pape & du faint fiége, & qu'ainfi c'étoit avec raison qu'on vouloit donner fatisfaction à ce prince. Les légats firent une nouvelle tentative fur le cardinal de Lorraine, qui ne ménageant pas affez l'honneur & l'intérêt du roi fon maître, obligea les ambaffadeurs François de confentir que l'on donnât une place extraordinaire au comte de Lune, ambaffadeur d'Espagne.

pas

Le pape craignant que cette trop grande facilité du cardinal de Lorraine ne lui attirât du défagrément du côté de la France, chargea fes légats de lui témoigner beaucoup d'amitié & de refpect. En conféquence, le cardinal Moron le pria de confeiller, de commander & d'agir, comme s'il étoit un des légats; ajoutant, que le pape vouloit la réformation, & qu'il en avoit même envoyé vingt-quatre articles très-rigoureux: mais que fa fainteté fe réservoit à ellemême la réforme de fa cour, pour maintenir la dignité du fiége apoftolique. Le cardinal de Lorraine répondit qu'il n'avoit point affez de force pour porter le poids de la légation; qu'il lui fuffifoit de dire fon avis comme archevêque; qu'il louoit le zèle du pape pour la réformation des églifes; mais que fa fainteté ne devoit trouver mauvais que les évêques donnaflent auffi un pareil nombre d'articles pour réformer les cardinaux & la cour de Rome; que plus le fiége apoftolique étoit digne de refpect, moins on devoit y1 fouffrir d'abus. On fent bien que le légat dut être peu fatisfait de cette réponse; mais il crut pour lors devoir diffimuler. Comme le temps de la feffion approchoit, on tint de fréquentes congrégations, dans lesquelles on s'éleva en particulier contre les annates, contre les évêques titulaires fans diocèfes, dont on ne voyoit point d'exemple dans l'antiquité, & contre l'ufage où l'on étoit à Rome, d'y ordonner des prêtres étrangers, en violant toutes les regles. Ce fut l'évêque de Nimes qui parla avec le plus de force contre les annates. Mais le cardinal de Lorraine foutint avec beaucoup de dignité la fupériorité du concile sur le pape; jufqu'à prétendre qu'il y avoit de la folie à la con

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