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ieur cœur, & fe féliciterent mutuellement d'avoir mis la derniere main à ce grand ouvrage, commencé depuis dix-huit ans, & continué au milieu de tant d'embarras & de difficultés. Les acclamations retentiffoient de toutes parts, pour imiter ce qui s'étoit pratiqué dans les anciens conciles. Mais pour y obferver quelque ordre, le cardinal de Lorraine en compofa lui-même, & les prononça à haute voix. Elles renfermoient des fouhaits, des bénédictions & des actions de graces, pour le pape, l'empereur, les rois, les princes, les républiques, les légats préfidens du concile, les cardinaux, les ambaffadeurs & les évêques. Tous les peres répondoient en applaudiffant. Le cardinal termina les acclamations un applaudiffement aux decrers du concile, en difant: C'est la foi de faint Pierre & des apôtres ; c'eft la foi des peres; c'eft la foi des orthodoxes. Enfin les peres prononcerent tous enfemble deux fois anathême contre les hérétiques. Les légats défendirent enfuite à tous les peres, fous peine d'excommunication, de fe retirer de Trente fans avoir signé de leur propre main les actes du concile, & fans les avoir tous approuvés. Le promoteur chargea tous les secrétaires qui étoient préfens, de les infcrire. Après qu'on eut chanté le Te Deum, le légat Moron qui l'avoit entonné, donna la bénédiction aux peres, & leur dit: Allez en paix. Les fecrétaires firent un recueil de tous les décrets, & reçurent les fignatures des peres, comme il leur avoit été ordonné. Ceux qui foufcrivirent étoient au nombre de deux cens cinquante-cinq: favoir, quatre légats, deux cardinaux, trois patriarches, vingt-cinq archevêques, cent foixante-huit évêques, trente-neuf procureurs revêtus de pouvoirs pour les abfens, fept abbés, fept généraux d'ordres. Tous, à ce mot, J'ai foufcrit, ajouterent, en définiffant, excepté les procureurs, à qui on n'avoit point accordé le droit de fuffrage.

Après toutes ces foufcriptions, ces actes furent atteftés comme vrais & finceres, par Ange Maffarel, évêque de Telefe, fecrétaire du faint concile de Trente; Marc-Antoine Péregrin de Côme, greffier du même concile; Cinthius

Pamphile,

Pamphile, clerc du diocèse de Camerin, auffi greffier. Deux
jours après que le concile eut été terminé, tous les ambassa-
deurs qui étoient à Trente, excepté celui d'Efpagne, reçu-
rent les decrets & y foufcrivirent: ceux de France étoient
reftés à Venise. Dès que le
pape eut reçu la nouvelle de la
conclufion du concile, il affembla les cardinaux pour leur
en faire
part, & ordonna que le lendemain treizieme de
Décembre, on fit une proceffion en actions de graces,
depuis l'église de saint Pierre jusqu'à celle de la Minerve,
accordant des indulgences à tous ceux qui y affisteroient,
Palavicin dit qu'on ne peut exprimer combien le pape eut de
joie en apprenant la conclufion du concile. Le même auteur
ajoute que le pape étoit bien aife d'avoir été malade, puisque
fa maladie avoit été fi avantageuse à l'Eglife. Pendant ce
temps-là les prélats & les autres députés au concile, s'en re-
tournerent chez eux, & les légats fe hâterent d'aller à Rome,
pour rendre compte au pape de ce qui s'étoit paffé au con-
cile, c'eft-à-dire, pour lui répéter de vive voix tout ce qu'il
favoit déja, en ayant continuellement été informé par leurs
lettres.

X I.

Quelques jours avant la fin du concile, le cardinal de Lorraine avoit fait une déclaration par écrit, au nom de l'Eglife Gallicane, & demandé qu'elle fût inférée dans les actes. Elle eft conçue en ces termes: Il y a quelques jours, que difant mon avis fur quelques articles de reformation, je déclarai en même temps, que je fouhaitois que l'on rétablit l'Eglife dans fon ancienne difcipline. Mais néanmoins confidérant qu'en un fiecle auffi malheureux que le nôtre, & dans une fi grande dépravation de mours, on ne peut pas employer d'abord les remedes qu'on juge être les plus néceffaires; je fuis contraint de recevoir cependant, & d'approuver les decrets qui ont été faits touchant la réformation:non pas que je juge qu'ils foient fuffifans pour guérir entiérement les maladies de l'Eglife; mais parceque j'efpere qu'après qu'on aura ufé de ces remedes plus doux, l'Eglife fera capable d'en Tome VIII.

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XXXVIII.

Le pape con

firme le con

cile, qui eft fieurs royau

ines.

Ibid. n. 10.

& fuix.

514
fupporter de plus forts, & que les fouverains pontifes, &
particuliérement N. T. S. P. Pie IV. fe portera de lui-même
par le mouvement de fa piété & de fa fagefle, à fuppléer à
ce qui y manque: Que fe fervant de remedes plus efficaces,
& mettant en vigueur les anciens canons qu'on laifle abolir
depuis long-temps, & principalement ceux des quatre pre-
miers conciles œcuméniques, que nous croyons devoir être
obfervés autant qu'il fera poffible; ou, s'il le juge à propos,
faifant célébrer plus fouvent des conciles œcuméniques, il
guérira entiérement les maux de l'Eglife, & la rétablira dans
fon ancienne fplendeur. C'eft-là mon fentiment, & c'est la
déclaration que je fais au nom de tous les évêques, dont je
demande acte, & que je defire être inférée dans les actes du
concile.

Le trentieme jour de Décembre, le affembla tous
pape
les cardinaux, & leur fit un difcours dans lequel il loua les
légats & les peres du concile de Trente, & témoigna qu'il
approuvoit les decrets qu'ils avoient faits touchant la réfor-
mation, & qu'il vouloit qu'ils fuffent exécutés. Il ordonna
en conféquence à tous les évêques, d'aller réfider dans leurs
églifes. Il déclara enfin que fon intention étoit de confir-
mer les decrets du concile fans aucune réserve. Cette con-
firmation fut faite folemnellement dans le confiftoire du
vingt-fixieme de Janvier 1564. La bulle en fut dreffée le
même jour, & fignée de tous les cardinaux. Les Vénitiens
furent les premiers à recevoir les decrets du concile de
Trente. Le fénat les fit publier folemnellement dans l'église
de faint Marc, & en ordonna l'exécution. Le roi d'Efpagne,
après avoir délibéré quelque temps & fait examiner dans
des fynodes ce qu'il étoit à propos de faire, conclut dans
fon confeil, que le concile feroit reçû & publié dans fes
états; mais avec un tempérament qui mettoit à couvert les
droits du prince & du royaume. Il fut publié de la même
maniere en Flandre, dans les royaumes de Naples & de Si-
cile. Le roi de Portugal ne fit aucune difficulté d'en rece-
voir les decrets purement & fimplement. Ils furent aussi
reçus en Pologne, dans une diete du mois d'Août de la

même année. En Allemagne, les princes proteftans ne voulurent point entendre parler du concile; & les miniftres de la confeffion d'Aufbourg protefterent contre fes décrets. L'empereur, le duc de Baviere & les autres princes catholiques, demanderent avec instance au pape qu'il accordât aux fideles la communion fous les deux efpeces, & qu'il permît aux prêtres qui étoient mariés de retenir leurs femmes en rentrant dans l'Eglife, l'affurant que c'étoit le moyen de conferver les reftes de la religion catholique en Allemagne. Le pape n'accorda rien fur le mariage des prêtres; mais il permit à quelques prélats d'Allemagne de laiffer communier les laïcs fous les deux efpeces, à certaines conditions qui étoient marquées, & dans les lieux où il y auroit des raifons légitimes d'accorder cette permission.

XII.

On ne trouva pas en France la même facilité à faire recevoir le concile de Trente, que l'on avoit trouvée dans les autres états catholiques. Quelques inftances qu'aient fait les papes par leurs nonces, nos rois n'ont jamais voulu en publier les decrets dans le royaume, pour y avoir force de loi. Profper de Sainte-Croix nonce en France, y étant revenu auffi-tôt après la conclufion du concile, demanda à la reine Catherine de Médicis, qu'elle le fit recevoir & publier. Elle répondit qu'il falloit en faire examiner les decrets, & attendre le retour du cardinal de Lorraine. Lorfqu'il fut arrivé, la reine assembla son confeil, où elle fit peller quatre préfidens du parlement, & quelques avocats dont elle prit les avis. Il fut réfolu, malgré les inftances du cardinal de Lorraine, qu'il feroit furfis à la publication du concile. Le pape ne voulant rien omestre pour l'obtenir du roi, la lui fit demander par l'empereur Ferdinand, Maximilien, roi des Romains, Philippe, roi d'Efpagne, & le duc de Savoye. Tous ces princes envoyerent pour ce fujet des ambaffadeurs au roi; mais il leur répondit, qu'une affaire de cette importance ne pouvoit être concluc, fans avoir

ap

aupa

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ravant affemblé les princes & les grands du royaume. La contestation fur la préféance entre l'ambassadeur de France & celui d'Espagne,s'étant renouvellée à Rome,le pape jugea ce différend en faveur de la France: croyant par-là faciliter la réception du concile dans ce royaume. Il y envoya un nouveau nonce avec un bref, par lequel il accordoit au roi la permiffion d'aliéner une partie des biens du clergé, & offroit en même temps de donner la légation d'Avignon au cardinal de Bourbon. Le nonce joignit ses inftances au bref du pape, pour obtenir la publication du concile; mais on lui répondit qu'il falloit attendre que les guerres des Hugue nots fuffent finies. Depuis ce temps-là, les papes & les prélats de France ont fait fouvent diverfes tentatives, pour faire recevoir & publier les decrets du concile; mais les rois, leur confeil, le parlement de Paris, & les états du royaume ont toujours rejetté cette propofition. En 1572. le cardinal Alexandrin paffant en France, fit de nouvelles inftances, qui furent fans effet. Le cardinal de Lorraine écrivit à Grégoire XIII. peu de temps après le maffacre de la faint Bar thélemi, que les conjonctures étoient favorables pour faire recevoir le concile. Ce pape envoya pour ce fujet en France le cardinal des Urfins, dont la négociation n'eut pas plus de fuccès.

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Après la mort de Charles IX. le pape poursuivit auprès d'Henri III. l'acceptation du concile. Le roi dit au nonce qui le preffoit:,, Qu'il ne falloit point de publication du » concile pour ce qui étoit de foi; que c'étoit chofe gardée dans fon royaume; mais que pour quelques autres articles, ne pouvant le concile être publié pour quelque occafion de ce qui s'étoit paffé, il feroit exécuter par fes ordonnances ce qui étoit porté par le concile. » On voit clairement par cette réponse, que ces articles dont parle Henri III. ne regardoient que la difcipline. Aux Etats de Blois tenus en 1576, douze ans après le concile, le clergé en demanda la réception ; mais les chapitres des églifes cathédrales y formerent oppofition, & le concile ne fut point reçu. Armand de Pontac, évêque de Bazas, fit trois ans

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