Page images
PDF
EPUB

que

après la même demande au roi au nom du clergé, & il ne put rien obtenir, non plus que René de Beaune, archevêde Bourges, en 1582. Les états étant affemblés à Blois en 1588, le clergé fit encore de nouvelles inftances pour la publication du concile. Le roi, avant de répondre, affembla fes principaux officiers, qui lui repréfenterent qu'il ne devoit pas y penfer. Henri IV. ne fut pas moins follicité, foit par la cour de Rome, foit par le clergé de France, que fon prédéceffeur, , pour la réception du concile de Trente. On l'affura même, qu'à Rome on fe contenteroit de la publication, quand même elle ne feroit pas fuivie de l'exécution; & on offrit de remédier par une claufe de deux ou trois lignes, aux chofes dont le parlement pouvoit se plaindre. Le roi, pour faire plaifir au pape, fit un édit pour la publication du concile; mais le parlement fit tant de difficultés pour l'enregistrement, que le roi crut devoir le retirer, & changea lui-même de fentiment & de deffein. C'eft ce qui paroît par la fermeté avec laquelle il refufa de confentir à la publication du concile, malgré les follicitations qui lui en furent faites par fix affemblées du clergé tenues l'espace de dix années, depuis 1595. jufqu'en 1605. Celle qui fe tint en 1606. renouvella fes inftances auprès de Henri IV. & fa réponse fut: Que le roi ne peut paffer outre à la publication du concile, pour les mêmes raifons & confidérations qui ont retenu fes prédéceffeurs, lefquels ont, à la requête du clergé, fait inférer dans leurs ordonnances la plupart de ce qui eft dans les articles du concile ; qu'il avoit fait conférer fes ambaffadeurs avec le feu pape Clément VIII. & que fa fainteté étoit demeurée contente de fon zèle & affection, & avoit pris en bonne part ce qu'il lui avoit fait repréfenter. Dans l'affemblée des Etats de 1615. le clergé redoubla fes efforts. Il repréfenta que la foi du concile étoit pure; & que par rapport à la difcipline, il n'avoit donné aucune atteinte aux droits de la couronne ni aux libertés de l'Eglife Gallicane ; & que ce qu'il avoit ordonné pour l'Italie & l'Espagne ne devoit pas s'étendre à la France; qu'enfin le clergé offroit, comme il avoit déja fait,

[ocr errors][merged small]

Raifons qui ont empêché de recevoir en

France le con

cile de Trente.

M. Dupin,

16. fecle,

part. 3. page 1295

Rafficod, Differt. furla réception du

concile de

Trente, p. 31.

(a) Self. 25.

ch. 19. de la Ref.

(b) Seff. 21.

ch. 2. Self 22.

chap. 10.

(c) Seff. 24.

(d) Seff.

ch. 1. & 4. de

la Ref.

(e) Seff. 5.

d'entrer en conférence, foit avec le parlement, foit avec les députés du tiers-état, fur les difficultés qu'il pouvoit y avoir à ce fujet. L'affaire ayant été mise en délibération, il fut conclu qu'il n'étoit point à propos de publier le concile de Trente. Le clergé préfenta une feconde fois l'article qu'il avoit dreffé pour la réception du concile, avec cette clause: Sans néanmoins préjudicier aux ufages de l'Eglife de France, ni aux droits de l'Etat, pour lefquels fa fainteté feroit fuppliée de modifier le concile La réponse fut: Que la compagnie ne pouvoit quant à préfent recevoir ledit concile; que néanmoins elle embrasfoit la foi y contenue; mais que pour la police on n'y pouvoit entendre, puisqu'elle étoit préjudiciable aux droits de l'Etat. Les remontrances du clergé au roi pour la réception du concile ayant été imprimées, le prévôt de Paris donna une fentence pour la fuppreffion de cet écrit. Les affemblées générales du clergé de France ont toujours depuis demandé la publication des décrets du concile de Trente, & ne l'ont point encore pû obtenir.

XIII.

Les raifons pour lesquelles on n'a point voulu l'accorder, peuvent fe réduire à deux chefs : l'entreprise fur la jurifdiction des princes & des magiftrats; l'atteinte donnée aux libertés de l'Eglife Gallicane. Voici les principaux articles fur lefquels on prétend que le concile de Trente a entrepris fur la jurifdiction des rois & des magiftrats, & qu'il s'est attribué une autorité temporelle qu'il n'avoit point. Il déclare (a) les empereurs, les rois & les princes qui permettent les duels, privés du domaine de la ville, château ou autre lieu dans lequel ils auront permis que fe fît le duel. La peine de privation de biens, (b) eft encore portée contre les rois dans deux autres articles. Le concile donne (c) pouvoir aux évêques de punir les auteurs & imprimeurs des livres défendus, & de les mulcter d'une amende pécuniaire. Il enjoint (d) aux évêques de contraindre les eccléfiaftiques par la privation du revenu de leurs bénéfices. Il donne (e) aux évêques la

18. ch. 8. Self.

ch.

4.

ch. 10.

6.& 8.

(h) Ib. ch. 8.

(i) Seff. 23.

ch. 6. (k) Self. 24. ch. 8.

(7) Seff. 25.

(m) Ib. ch. 8. & 9.

difpofition entiere des hôpitaux. Il accorde (ƒ) aux évêques ch. 15. Seff. le pouvoir de contraindre les habitans à donner un revenu 22. ch.8. aux curés, & à faire les réparations des églifes, & de met- (f) Seff. 21. tre les fruits des bénéfices en féqueftre. Il leur permet (g)(g) Seff. 22. de mulcter les notaires impériaux & royaux, & de leur interdire l'exercice & la fonction de leur charge. Il donne (h) encore aux évêques pouvoir de commuer les volontés des teftateurs. Il confirme (i) la conftitution de Boniface VIII. par laquelle les clercs tonfurés, quoique mariés, font cxempts de la jurifdiction laïque. Il permet (A) aux ordinaires de bannir les concubinaires, & de les punir même de plus grandes peines. Il permet aux juges eccléfiaftiques (7) de faire exécuter leurs fentences contre les laïcs, par la faifie des ch. 3. fruits de leurs biens, & même par l'emprisonnement de leurs perfonnes. Il donne (m) pouvoir aux évêques de convertir les revenus des hôpitaux en d'autres ufages. Tous ces décrets par lefquels le concile s'attribue ou accorde aux évêques une autorité fur les biens & les perfonnes, parurent aux magistrats une entreprise de jurifdiction. Mais ce qui choquoit davantage, eft que le concile fembloit renverler les fondemens des libertés de l'Eglife Gallicane, & en ruiner les principaux articles. La fupériorité des conciles généraux au-deffus du pape en eft le fondement. Le concile de Trente, non-feulement ne l'a point reconnue, comme avoient fait les conciles de Conftance & de Bafle; mais il paroît avoir favorifé l'opinion contraire, en foumettant fes décrets, comme il a fait dans la derniere feffion, au jugement du pape, en ordonnant qu'on lui en demandât la confirmation, & en déclarant dans le chapitre 21 de la réformation, que tous les décrets du concile devoient être entendus & expliqués, sauf l'autorité du faint fiége apostolique.

Un des principaux articles des libertés de l'Eglife Gallicane, eft l'usage ancien par rapport à la maniere de juger les évêques. Le concile de Trente s'en est éloigné dans la feffion 24. chapitre 5. en difant qu'ils ne pourroient être dépofés, même pour caufe d'héréfie, que par le feul pontife

Romain. Cette ordonnance eft entierement contraire à la discipline des anciens canons & à l'ufage autorifé en Françe : elle est même contraire au concordat & aux loix du royaume, qui ne permettent pas que les fujets du roi foient obligés d'aller en perfonne plaider hors de fes états. Le concile, dans la fixiéme feffion, chapitre 1. de la réformation, donne auffi pouvoir au pape de dépofer les évêques qui ne réfident pas, & d'en mettre d'autres à leur place. C'est encore une entreprise contre l'autorité des évêques & une infraction du concordat. Le concile, dans la session 24. chapitre 20. permet au pape d'évoquer à Rome les caufes des eccléfiaftiques pendantes devant l'ordinaire; ce qui eft contraire aux droits & aux libertés de l'Eglife Gallicane. Le concile femble encore avilir le caractere épifcopal, & ôter aux évêques la jurisdiction qui leur appartient de droit divin, en ne leur donnant pouvoir de l'exercer en plusieurs occafions, qu'en qualité de délégués du faint fiége. Enfin le concile de Trente déroge en plufieurs endroits aux usages reçus dans le royaume, par exemple, aux appels comme d'abus & au droit de patronage laïc. Ce font là les principaux motifs pour lefquels les magiftrats fe font oppofés jufqu'à préfent à la réception & à la publication du concile de Trente en France, & qui ont empêché nos rois de l'accorder. Mais quoiqu'il ne faffe point loi dans le royaume, on doit néanmoins avoir pour cette fainte & augufte assemblée, une très-profonde vénération, & la regarder comme un concile vraiment œcuménique. Sa doctrine a toujours été enfeignée en France comme dans toutes les autres parties de l'Eglife; & il a fait, même par rapport à la difcipline, plufieurs réglemens très-utiles, que l'Eglife de France a adoptés, comme étant conformes à l'efprit des anciens ca‐

nons,

REFLEXIONS

521

REFLEXIONS

Sur l'état de l'Eglife pendant le feizieme fiecle.

I.

PLUSIEURS réflexions que nous avons déja eu lieu de faire

fur les maux des derniers ficcles, reviennent ici naturelle-
ment & même avec une nouvelle force. L'état où nous avons
vû l'Eglife pendant le cours du feizieme fiecle, n'auroit pas
paru poffible avant l'événement; & les épreuves auxquelles
elle fut expofée, l'auroient fait périr fans reffource, fi elle
n'étoit point appuyée fur des promeffes immuables, contre
lefquelles tous les efforts de l'enfer viendront toujours fe
brifer. Les différens fcandales qui avoient été féparés dans
les fiecles précédens, furent réunis dans celui-ci ; & l'efprit
féducteur en ajouta même de nouveaux, dont on n'avoit
point eu d'exemple jufqu'alors. L'Eglife eut à foutenir des
combats de tout genre, & elle fut dans une agitation qui
a dû nous caufer le plus grand étonnement. C'est dans ce
trifte fiecle que les malheurs précédens
les malheurs précédens ont trouvé leur con-
fommation à l'égard de plufieurs grandes portions de l'E-
glife:& c'eft auffi dans ce même fiecle, que des maux d'une
nouvelle efpece ont eu leur principe & leur germe, qui
ont produit depuis les fruits les plus empoisonnés. A la vûe
d'un tel fpectacle, nos pieds feroient chancelans, fi nous
n'entrions point dans le fanctuaire de Dieu, pour y confi-
dérer avec admiration la fidélité inviolable de fa parole.
Nous attendions ces grands fcandales, parcequ'ils ont été
prédits; & leur accompliffement, bien loin de donner at-
teinte à la certitude de la religion, vient dépofer en faveur
de fa divinité. Mais d'ailleurs, ce fiecle fi fécond en mal-
heurs, nous a présenté plufieurs objets confolans. En les
envisageant avec foi, nous nous fommes convaincus de plus
en plus, que fi fatan a reçu le pouvoir de livrer à l'Eglife les
plus terribles attaques, il n'a point eu celui de la renverfer;
Tome VIII.

Vuu

I.. Idée générale de l'état de l'Eglife dans le feizieme fiecle.

« PreviousContinue »