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II.

Le concordat

que.

manquer de s'attacher à lui & de lui être parfaitement fou-
mis; que cet attachement & cette foumiffion deviendroient
univerfels dans toutes les familles ; qu'ayant beaucoup de
graces à accorder, on lui deviendroit plus dévoué; que
c'étoit un grand avantage de pouvoir donner fans s'appau-
vrir ; qu'un évêché, une abbaye, tiendroient lieu de ré-
compenfe pour les fervices rendus à la guerre & dans le
cabinet; que le defir de procurer un riche & honorable
bénéfice à fon fils, à fon frere, à fon neveu, retiendroit
tout le monde dans la foumiffion. On fent combien il étoit
aisé à un homme auffi adroit & auffi perfuafif que Léon X.
d'éblouir un jeune prince par des avantages fi fpécieux, &
dont la foi feule fait connoître le péril. Auffi le roi eut-il
la foibleffe de fe rendre.

Ibid. n. 84. cane,

II.

Ce prince, impatient de retourner à Paris, réfolut de laíf-
elt fubftitué à fer la conduite de toute cette affaire au chancelier du Prat,
la pragmati. qui, fans aucun ordre ni aucun pouvoir de l'églife Galli-
cane, fut d'avis que l'on abolît la pragmatique-fanction,
& que l'on fît un concordat, par lequel le pape donneroit
au roi de France le droit de nommer aux évêchés & aux
abbayes de France & du Dauphiné; & le roi accorderoit
au pape
les annates de ces grands bénéfices fur le pied du
revenu courant. C'est-à-dire, comme tout le monde l'a ob-

fervé, que le pape & le roi fe donneroient l'un à l'autre
ce qui ne leur appartenoit pas. Cet avis du chancelier, qui
montroit, dit le continuateur de M. Fleury, beaucoup d'i-
gnorance, ou une ame vendue à l'intérêt, le rendit odieux
à tous les gens de bien, & fur-tout aux feigneurs de la fui-
te du roi, qui ne vouloient point qu'on mît en négociation
une affaire fi importante. Mais du Prat, fans avoir égard
à leurs plaintes, fuivit les ordres qu'on lui avoit donnés,
& agit avec les cardinaux d'Ancone & de Santiquatro, que
le pape nomma de fon côté. Le pape fe chargea de faire
recevoir le concordat dans fon concile de Latran, & le
roi dans fon royaume. Ils fe féparerent affez contens l'un

de

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de l'autre, du moins en apparence. Après leur départ de Bologne, le concordat fut dreffé en peu de jours, & figné par les deux cardinaux & le chancelier.

Les motifs que le roi difoit avoir eus dans cet accommodement avec Léon X. étoient qu'il craignoit que Rome faifant quelque coup d'éclat, la France ne retombât dans de nouveaux malheurs ; qu'il appréhendoit de voir l'argent du royaume porté à Rome, les collateurs ordinaires privés de leurs droits, les bénéfices conférés à des étrangers, les graces expectatives mifes fur tous les bénéfices, les causes portées à Rome, & les sujets du roi obligés d'y aller plaider; qu'il avoit cru devoir céder au temps, en faifant un traité qui confervât du moins plufieurs articles de la pragmatique, & en facrifiant quelque chofe, pour ne point s'expofer à perdre tout.

que

Il eft vrai que le concordat renferme quelques articles de la pragmatique; mais il n'en eft pas moins vrai qu'il eft effentiellement contraire à cette loi, Charles VII. & tous les ordres du royaume avoient jugée fi néceffaire, & que l'on appelloit avec tant de raison le rempart de l'Eglife Gallicane. Ce que l'on s'étoit principalement propofé en la faifant, étoit 1o. De rétablir le droit ancien & naturel par rapport aux élections. 2°. D'abolir les annates & les autres exactions que faifoit la cour de Rome fur les bénéfices, comme étant visiblement fimoniaques. 3°. De faire reconnoître l'autorité des conciles généraux & leur fupériorité au-deffus du pape, & de les rendre plus fréquens dans l'Eglife. 4°. D'établir en particulier l'autorité du concile de Bâle comme vraiment œcuménique. Voila les objets les plus importans de la pragmatique-fanction, & pour lefquels il auroit fallu tout facrifier. Que fait-on dans le concordat? On commence par renverfer ce que la pragmatique avoit fi fagement ordonné touchant les élections. Les chapitres des églifes cathédrales de France, dit le premier article du concordat, ne feront plus à l'avenir l'élection de leurs prélats, lorfque le fiége fera vacant; mais le roi nommera au pape dans l'efpace de fix mois, à compter du Tome VIII

H

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V.

Bulle de Léon X. contre la

Jour de la vacance du fiége, un docteur ou licencié en théologie, âgé au moins de vingt-fept ans, & le pape le pourvoira de l'église vacante. Si le roi ne nomme pas une perfonne capable, il en nommera une autre trois mois après avoir été averti, à compter du jour du refus ; au défaut de quoi le pape y pourvoira. Il en fera de même des abbayes & prieurés vraiment électifs, à l'exception de l'âge, qui eft réduit à vingt-trois ans.

A l'égard des annates, fi féverement défendues par le concile de Bâle & la pragmatique-sanction, on n'ola pas exprimer dans le concordat, que le pape auroit droit de les exiger, c'est-à-dire, de fe faire payer le revenu d'une année entiere des évêchés & des abbayes, lorfqu'il en pourvoiroit ceux que le roi auroit nommés. Cette claufe auroit été trop odieufe & trop groffierement fimoniaque. On prit donc le parti de ne point parler des annates. Mais les contractans, comme tout le monde le fait, étoient convenus entre eux qu'elles feroient payées au pape : c'étoit une condition effentielle du nouveau traité, & les papes ne l'ont pas oubliée. Les articles de la pragmatique qui établiffent l'autorité des conciles généraux, & en particulier de celui de Bâle, furent pareillement omis dans le concordat. Léon X. n'avoit garde de fouffrir qu'on les y adoptât, puifque c'étoit ce qui lui déplaifoit davantage dans la pragmatique: mais il ne pouvoit pas non plus exiger d'un roi de France qu'il en établit de contraires, dans un réglement qui devoit faire loi dans fon royaume. Ainfi l'on n'en parla point dans le concordat. Le pape étoit content de ce que le roi étoit cenfé les abandonner, en abandonnant la pragmatique qui les contenoit, & en lui fubftituant une autre loi, où ils n'étoient point rappellés.

IIL

Avant que le concordat fût publié dans le concile de Latran, le roi envoya à Rome Roger de Barme, Avocat

fanction.

AN. 1516.

général (f) au parlement de Paris, avec ordre d'obtenir pragmatique. du les bulles convenables touchant cette affaire, & Ibid. n. 121. pape d'empêcher qu'on ne fit quelque changement aux articles & fuiv. dont on étoit convenu à Bologne ; mais ce magiftrat ne put engager le pape à accorder au roi une chose si juste & fi raifonnable, & ce prince eut encore la foiblesse de céder. Dans la bulle que donna Léon X. pour abroger la pragmatique-fanction, & qui fut publiée dans fon concile de Latran; après avoir recommandé l'obéissance au pape, (comme à Dieu même,) voici en substance ce qu'il ajoute. Le pape Jules II. d'heureuse mémoire, notre prédéceffeur, ayant affemblé, pour des causes très-légitimes, le faint concile de Latran, & confidérant avec ce concile que la pragmatique-sanction, qu'on peut appeller la dépravation du royaume de France, étoit encore en vigueur, au péril des ames & au détriment du faint fiége, choisit un certain nombre de cardinaux pour l'examiner : & quoiqu'elle parûc notoirement nulle par beaucoup d'endroits, notre prédéceffeur voulut néanmoins en faire examiner les abus, & citer les évêques de France, les chapitres des églises & des monafteres, & les parlemens qui la foutenoient. Mais été prévenu par la mort avant l'accomplissement de cette affaire, nous avons cru devoir la reprendre, & citer plufieurs fois les parties intéreffées, fans que perfonne ait comparu.

ayant

C'est pourquoi, continue le pape, en marchant fur les traces de Léon I. (le grand faint Léon) qui fit révoquer dans le concile de Chalcédoine ce qui avoit été témérairement ordonné dans le (faux) concile d'Ephèse contre la foi catholique & la juftice, & pour fatisfaire à notre confcience & à l'honneur de l'églife, nous croyons pouvoir & devoir abolir cette pernicieuse pragmatique & tout ce qu'elle contient, fans nous arrêter à l'autorité qu'elle a reçue & dans le concile de Bâle, & dans l'affemblée de Bour

(f) [Ou Avocat du roi, comme on parloit alors: car, felon la remarque de M. le Préfident Hénault, Antoine Séguier

qui vivoit à la fin de ce fiecle, eft le pre-
mier à qui le titre d'Avocat général fur
donné. ]

peu

ges; l'acceptation n'en ayant été faite qu'après la translation de ce concile par le pape Eugene IV. ce qui ne luí laiffe aucune force. On voit ici une nouvelle preuve du de fincérité de Léon X. Il est vrai que la pragmatique ne fut dreffée dans l'affemblée de Bourges qu'après la tranflation du concile de Bâle faite par Eugene IV. mais Léon X. pouvoit-il ignorer que cette tranflation ne fe fit qu'en 1437. & que les décrets du concile, fur lefquels furent dreffés les vingt-trois articles de la pragmatique- fanction, avoient tous été faits avant l'année 1433. excepté deux qui font de 1438. & qui ont été fuivis dans le concordat; qu'en 1433. Eugene IV. ratifia tout ce qui avoit été fait dans le concile de Bâle ; qu'ainfi, de vingt-trois articles contenus dans la pragmatique, vingt-un avoient été approuvés par ce pape, & devoient par conféquent être regardés par tout le monde comme des décrets d'un concile général, fans qu'il reftât le moindre prétexte d'en douter? Léon X. pour fortifier ce qu'il venoit de dire, ajoute qu'il eft manifeste que le fouverain pontife a une autorité entiere & une pleine puiffance fur les conciles, pour les convoquer, les transférer & les diffoudre : ce que l'on démontre, dit-il, nonfeulement par le témoignage de l'écriture fainte, des faints peres, des papes nos prédéceffeurs, des faints canons, mais par l'aveu des conciles mêmes. ( Il eft difficile d'avancer avec plus de confiance une plus grande fauffeté.) Defirant donc finir cette affaire, continue le de notre science certaine & par la plénitude de notre puiflance & autorité apoftolique, avec l'approbation du faint concile (compofé de cardinaux & d'évêques Italiens) nous déclarons que la pragmatique-fanction n'eft d'aucune autorité. Nous caffons les décrets, ftatuts, ordonnances & réglemens qui y font contenus, (quelque juftes & néceffaires: qu'ils puiffent être.) Pour plus grande sûreté & précaution, nous annullons tout ce qui s'eft fait à ce fujet dans l'assemblée de Bourges, & défendons à tous fideles laïcs & clercs,. même aux cardinaux, aux patriarches, archevêques, évêques, ducs, princes, comtes, barons, juges, parlemens,

pape;

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