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des indulgen

ces.

penfer aux moyens de fe procurer de l'argent. Ses uniques à faire publier reffources étoient la foumiffion du clergé, & la dévotion du peuple, toujours libéral quand on fait l'intéreffer. La premiere lui manqua : lui-même fe l'étoit ôtée du côté de la France & de l'Allemagne, en accordant aux fouverains de ces états par reconnoiffance ou par des vûes d'intérêt, la dîme des biens eccléfiaftiques. L'Espagne à laquelle il s'adreffa, fous prétexte de lever une armée pour s'opposer aux Turcs, n'eut point égard à fes demandes. Le célebre Ximenes qui gouvernoit alors la Caftille, traita cette affaire avec beaucoup de fermeté, & avec un certain air de grandeur & de générofité qui dut couvrir de confufion Léon X. & le faire repentir des ordres qu'il avoit envoyés. Ce cardinal commença par défendre en Caftille la levée de l'impofition exigée par le nonce : enfuite il donna ordre à fon agent à Rome de s'inftruire exactement de ce que le concile de Latran avoit prefcrit à ce fujet; car le nonce citoit ce concile en Espagne & s'appuyoit de fon autorité. L'agent de Ximenès étoit encore chargé d'aller offrir au pape toutes les richesses des églises d'Espagne; mais en lui faifant entendre qu'on le fupplioit avant toutes chofes, de déclarer nettement ce que c'étoit que cette guerre fainte dont on ne voyoit aucun préparatif; & que fi les befoins n'étoient ni preffans ni raisonnables, on ne fouffriroit point que les églifes d'Espagne devinfsent tributaires. Le pape déconcerté défavoua fon nonce, & dit qu'il n'avoit point encore impofé de décimes; ajoutant qu'il ne feroit rien à cet égard en Espagne, que de concert avec Ximénès, dont il connoiffoit la fageffe & l'autorité.

Ce premier moyen ayant eu un si mauvais fuccès, Léon X. employa le fecond, c'eft-à-dire, qu'il intéreffa la dévotion des peuples. Il avoit entrepris d'achever le fuperbe édifice de la bafilique de faint Pierre que fon prédéceffeur avoit commencé. Cette entreprise fut le prétexte dont il fe fervit pour tirer des fidéles beaucoup plus que ce qu'elle pouvoit Ïui coûter. On annonça par-tout ce grand deffein, dont on exagéra l'importance; & furtout on fit monter bien haut la

I.

Publication

gne. Divers ex

cent.

dépenfe, & on releva le zèle du fouverain pontife. On fuppola que les fidéles étoient obligés de feconder ses pieux efforts; & pour achever de les déterminer, on accorda des indulgences plénieres à tous ceux qui contribueroient libéralement à l'exécution de cette fainte entreprise. Afin de mettre les efprits en mouvement, on fit publier ces indulgences par des prédicateurs célebres, & capables d'animer les peuples à les gagner. Ces prédicateurs en relevoient l'excellence, & vantoient la bonté du pape, qui pour une fomme modique donnoit des graces fi précieuses. On dit même que l'on propofa à des partisans, ce que l'on efpéroit tirer de la contribution des fidéles, & que par-là on reçut d'avance des fommes fort confidérables. Ces publications d'indulgences fe firent tranquillement en France, en Angleterre, en Espagne, dans les royaumes du Nord. On y leva beaucoup d'argent, & perfonne ne s'en fcandalifa, du moins avec éclat, Il n'en fut pas de même en Saxe. La publication des indulgences y caufa des troubles dont les fuites furent terribles. C'est ce que nous allons voir dans les articles fuivans.

ARTICLE IV.

Héréfie de Luther.

I.

ALBERT de Brandebourg, archevêque de Maïence & de des indulgen- Magdebourg, & depuis cardinal, avoit été chargé par Léon X. ces en Allema de nommer en Allemagne les prédicateurs qui devoient pu cès de ceux blier les indulgences. Ce prélat affigna la Saxe aux Domiqui les annon- nicains, à la tête desquels il mit Jean Tetzel, religieux du Contin. de même ordre, & inquifiteur de la foi. Il avoit déja été choisi 1. cxxy.. 30. par les chevaliers Teutoniques pour la même commiffion dans la guerre qu'on fit aux Mofcovites, & il y avoit amassé beaucoup d'argent. Les hermites de faint Auguftin quiétoient depuis long-temps en poffeffion de publier les indulgences dans les grandes occafions, ne virent pas tranquillement la

Fl. to. XXV.

& 31.
AN. 1517.

préférence

préférence que l'on donnoit en celle-ci à d'autres religieux. Ils chercherent des prétextes pour les décrier, & malheureusement les Dominicains leur en fournirent de trop réels dans leurs fermons & dans leur conduite. Ils exagéroient beaucoup la vertu des indulgences, & anéantifloient tous les travaux de la pénitence, en perfuadant au peuple ignorant, qu'on étoit affuré d'aller au ciel auffitôt qu'on auroit compte l'argent néceffaire pour gagner les indulgences. Ils en faifoient un trafic honteux; & tenoient leurs bureaux dans des cabarets, où chacun les voyoit confumer en débauches une partie de l'argent qu'ils recevoient. Les Auguf tins avoient alors pour vicaire général en Allemagne Jean Staupitz, des premieres familles du pays, & même allié à la maifon de Saxe. Il fit usage de fon crédit auprès de l'électeur Frédéric, pour l'indifpofer contre les prédicateurs des indulgences, & excita fes religieux à les attaquer vivement. Aucun n'entra avec plus d'ardeur dans fes vûes que Martin Luther, qui avoit alors beaucoup de réputation, & qui paffoit pour un des plus habiles docteurs de l'univerfité de Vittemberg.

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de

II. Luther s'éleve

indulgences.

cette matiere,

Jufte milicu

entre deux ex

cès oppofés,

Ibid. n. 32.

Il étoit né à Iflebe, ville du comté de Mansfeld,l'an 1483. Ses parens quoique d'une condition affez médiocre, prirent contre les prébeaucoup de foin de lui, & le firent étudier. Il prit à Erford dicateurs des le dégré de maître-ès-arts en 1503. Comme il fe promenoit Doctrine de un jour aux environs de cette ville, le tonnerre tua fon l'Eglife fur compagnon à ses côtés: ce qui le toucha fi fort, qu'il fit vœu dans le moment d'être religieux. Il entra peu temps après chez les hermites de faint Augustin d'Erford, & fut ordonné prêtre en 1507. Enfuite il fut appellé à Vittemberg par Staupitz, vicaire général, qui lui fit prendre le bonnet de docteur dans cette univerfité, & le choifit pour être profeffeur. Il remplit cette place avec beaucoup de diftinction, & fe fit admirer de tout le monde par la vivacité de fon efprit, fa grande mémoire, & fon éloquence naturelle. Ce fut alors que Staupitz le chargea de s'élever contre la maTome VIII.

L

& fuis.

niere dont les Dominicains prêchoient les indulgences. Luther commença fa miffion en 1517. ravi de trouver une fi belle occafion de paroître & de faire parler de lui. Il fe contenta d'abord d'attaquer l'abus que les quêteurs & les prédicateurs faifoient des indulgences. Mais il étoit trop ardent pour se renfermer dans ces bornes; & des abus il paffa bientôt à la chofe même, avançant des propofitions qui réduifoient presque à rien les indulgences. La querelle s'échauffa entre les Auguftins & les Dominicains; & elle devint publique par des déclamations, des thèfes, & des écrits faits de part & d'autre.

Il n'auroit pas été difficile dans ces commencemens d'étouffer cette difpute & d'en prévenir les fuites; mais on la regardoit comme une querelle particuliere qu'il falloit mépriser. Le pape lui-même qui en fut informé, n'y fit pas beaucoup d'attention, & laiffa continuer de prêcher les indulgences comme auparavant. Cependant l'imprudence des prédicateurs, & en particulier de Tetzel faifoit beaucoup de mal, & donnoit occafion à Luther de fortifier fon parti. Les uns & les autres perdoient de vûe le jufte milieu, qui confifte à reconnoître que l'Eglife a le pouvoir d'accorder des indulgences, mais que c'est toujours fans préjudice des faintes régles de la pénitence. La peine éternelle n'eft remise par le facrement de pénitence qu'à ceux qui font véritablement convertis, & qui ont commencé à aimer Dieu par-dessus toutes choses. A l'égard des peines temporelles que mérite le péché, les pénitens doivent faire toutes les fatisfactions qui font en leur pouvoir, & les indulgences n'en font que le fupplément. Celui qui veut gagner les indulgences, dit le cardinal Cajétan, doit premierement être en état de grace. Secondement accomplir les œuvres ordonnées pour cet effet par l'Eglife. Troifiemement avoir une réfolution fincere de fatisfaire à Dieu, autant qu'il pourra, par les travaux de la pénitence. Il ajoûte que les indulgences font abfolument inutiles à ceux qui ne veulent point fatisfaire eux-mêmes à Dieu pour leurs péchés quand ils le peuvent. D'où il tire cette conféquence, que dans la vérité il y en a très-peu qui

reçoivent le fruit des indulgences, parmi un fi grand nombre de chrétiens qui vifitent les églifes, & font leurs ftations dans le temps d'un jubilé.

I I I.

Luther fit foutenir en 1517. une thèse fur les indulgences, qui contenoit quatre-vingt-quinze propofitions. Il l'envoya à Albert, archevêque de Maïence, & lui écrivit en mêmetemps pour le prier de remédier aux maux que caufoient les quêteurs d'indulgences, & de faire défabufer les peuples qui, féduits par les fermons qu'ils entendoient fur cette matiere, s'imaginoient qu'en donnant quelque argent, ils étoient affurés de leur falut, fans fe mettre en peine de faire de dignes fruits de pénitence. Il écrivit la même chose à l'évêque de Brandebourg. Dans la plupart de fes propofitions il s'élevoit contre des erreurs & des abus manifeftes ; & dans d'autres il parloit d'une maniere peu exacte fur cette matiere. Mais pour faire croire qu'il étoit très-éloigné de vouloir combattre les indulgences en elles-mêmes, il s'exprimoit ainsi dans la foixante-onzieme propofition: Si quelqu'un nie la vérité des indulgences du pape, qu'il foit anathême.

De la matiere des indulgences, Luther paffa à celle de la juftification & de l'efficace des facremens, & cette nouvelle dispute devint bientôt la plus importante. La juftification n'eft autre chose que la grace qui nous remettant nos péchés, nous rend en même-temps agréables à Dieu. On avoit cru jufqu'alors que ce qui produifoit cet effet, devoit à la vérité venir de Dieu, mais enfin devoit être en nous; & que pour être juftifié, c'est-à-dire, de pécheur être fait juste, il falloit avoir en foi la justice; comme pour être favant & ́vertueux, il faut avoir en foi la fcience & la vertu. Mais Luther n'avoit pas fuivi une idée fi fimple. Il vouloit que ce qui nous juftifie & ce qui nous rend agréables aux ieux de Dieu, ne fût rien en nous: mais que nous fuffions juftifiés, parce que Dieu nous imputoit la justice de Jesus-Christ comme fi elle cût été la nôtre propre, & parce qu'en effet nous pouvions nous l'approprier par la foi. C'est par cette

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