quant; parce que dans les facremens il n'y avoit qu'une chofe à craindre, qui étoit de ne pas croire affez fortement que tous nos péchés nous étoient pardonnés, dès que nous avons pû gagner fur nous de le croire. Dans des thèses qu'il foutint au mois d'Avril dans le monaftere des auguf tins d'Heidelberg, pendant qu'on y tenoit le chapitre, il commença à attaquer le libre-arbitre, difant que c'étoit un titre fans réalité; qu'il n'y avoit dans l'homme aucune liberté pour le bien; que toutes les fois que le libre-arbitre agit par lui-même, il pèche mortellement; qu'il n'eft point une puiffance active à l'égard du bien ; que le feul jufte eft celui qui croit en Jefus-Chrift fans oeuvres; & qu'un homme, par la feule foi, pouvoit être jufte indépendamment des bonnes œuvres. Luther répandoit toutes ces erreurs un an après qu'il eut commencé à attaquer les prédicateurs des indulgences. Cependant il faifoit encore paroître beaucoup de fou miffion, & déclaroit qu'il attendroit avec refpect le jugement de l'églife. Sachant qu'il avoit été déféré au pape comme hérétique par plufieurs théologiens, il écrivit à Léon X. des lettres fort foumifes, proteftant qu'il écouteroit fa voix comme celle de Jefus-Chrift même. Il fit les mêmes proteftations pendant plus de trois ans ; mais il y avoit dans fes écrits quelque chofe de fier & de véhément qui le trahiffoit. Il s'étendoit dans fa lettre au pape fur les propofitions scandaleuses que les prédicateurs des indulgences avoient débitées, fur leur avarice, & leurs autres excès. On m'accuse, difoit-il, de mettre le feu dans l'églife; mais n'ai-je pas droit, en qualité de docteur, de difputer dans les écoles publiques? Eft-ce ma faute, fi mes thèses, qui n'étoient que pour ce pays-ci, ont été répandues dans tout l'univers? Que faire à préfent? Je ne puis me rétracter; & je vois qu'on veut me rendre odieux. Il joignit à cette lettre une défense des quatre-vingt-quinze propofitions de fa premiere thèfe, & une proteftation de fon attachement inviolable à la doctrine de l'écriture, des faints peres & des facrés canons. V I. Ibid. n. 75× & fuiv. Silveftre de Prierio, dominicain, maître du facré palais, & auteur de la Somme des cas de confcience, qu'on appelle de défendre Silveftrine,dédiée à Léon X. compofa la même année 1518. fort mal la caufe de l'Egli un écrit contre Luther, dans lequel il qualifia très-forte- fe. Luther eft ment plufieurs de fes propofitions. Il donnoit au pape, dans cité a Rone. cet ouvrage, la fouveraineté de la puiffance temporelle & fpirituelle, & employoit des expreffions qui paroîtroient exceffives aux plus zèlés ultramontains. Jacques Hochstrat, autre dominicain, attaqua auffi Luther, qui n'eut pas d'adverfaire plus ardent. Il exhortoit le pape à ne plus employer contre Luther que le fer & le feu, pour en délivrer au plutôt le monde. Luther fit contre lui une espece de manifefte, & lui reprocha fes emportemens & fon ignorance. Il étoit fâcheux que la caufe de l'églife ne fût point en de meilleures mains. L'empereur Maximilien, qui tenoit la même année une diete à Aufbourg pour les affaires de l'empire, y ayant appris les troubles que Luther excitoit dans la Saxe, en écrivit au pape pour le prier d'arrêter ces difputes. Mais le pape ayoit déja pris des mefures avant qu'il eût reçu la lettre de l'empereur. Il avoit cité Luther pour comparoître dans foixante jours à Rome. Il écrivit en même-temps à Frédéric électeur de Saxe, pour le prier de ne point accorder fa protection à Luther, & de le remettre entre les mains du cardinal Cajétan fon légat. Il menaça même d'excommunication & de peines temporelles ceux qui le protégeroient. V. Malgré ces menaces, l'électeur de Saxe & l'université de Vittemberg écrivirent fi fortement au pape en faveur de Luther, & lui demanderent fi inftamment de faire exami- à ner l'affaire en Allemagne, que le pape y confentit : à condition néanmoins que Luther,au lieu de demeurer en Saxe, fe rendroit en Souabe pour y comparoître devant le légat, ce que l'électeur accorda volontiers. Luther écrivit auffitôt au cardinal Cajétan, pour lui témoigner le regret qu'il avoit de s'être laiffé emporter trop loin dans la dispute, & VII. Saxe favorable Ibid. n. 78. fuiv. & VIII. Luther paroit à om bourg devant je legat Cajé Ibid. n. 80. & fuiv. tan. Quoique Luther ne fût pas fort content d'avoir pour le Lorfqu'elle fut finie, comme le légat infiftoit beaucoup fur une rétractation, Luther lui demanda du temps pour délibérer, & fe retira. Le lendemain il comparut une fe conde d'avoir manqué au refpect qu'il devoit au pape. Quoique du conde fois, accompagné de quatre Sénateurs d'Aufbourg, & apporta une proteftation qu'il lut au cardinal légat en leur préfence. Il y témoignoit une entiere foumiffion à ce que l'Eglife Romaine décideroit, & même aux avis des célebres univerfités de Bâle, de Fribourg & de Louvain, & fur-tout de celle de Paris, qui eft, difoit-il, la mere des sciences, & qui a toujours été la plus floriffante dans les études de théologie. Le légat répéta ce qu'il avoit dit le jour précédent fur la prétendue fouveraine autorité du pape, & preffa de nouveau Luther de fe rétracter, le menaçant des cenfures eccléfiaftiques s'il n'obéiffoit. Luther ne répondit rien, mais lui présenta un écrit, où il s'efforçoit de défendre fes fentimens fur les indulgences, & fur la maniere dont le pécheur eft juftifié. Le légat en recevant cet écrit, dit à Luther qu'il ne vouloit point entrer en difpute avec lui, le menaça encore des cenfures, s'il ne fe rétractoit, & lui défendit de paroître davantage en fa présence s'il ne lui apportoit une rétractation. Luther qui n'ignoroit pas ce qui étoit arrivé dans le fiecle précédent à Jean Hus & à Jérôme de Prague, & qui étoit informé que le légat avoit ordre de le faire arrêter & conduire à Rome s'il ne fe rétractoit, follicita par fes amis un fauf-conduit de l'empereur. Après qu'il l'eut reçu, il écrivit le 17 Octobre une lettre fort refpectueufe au légat, demandant pardon de n'avoir point affez ménagé dans fes réponses la perfonne & la dignité de Léon X. mais il ajoutoit qu'il ne pouvoit en confcience ni changer de sentimens ni se rétracter. Le lendemain il partit fecrétement d'Aufbourg, après y avoir fait afficher un acte d'appel, où il fe plaint de la conduite qu'avoit tenue à fon égard le cardinal Cajétan, & déclare qu'il fe trouve obligé d'appeller de tout ce qui s'eft fait ou fe feroit dans la fuite contre lui, au pape mieux informé. Il écrivit en même-temps une feconde lettre à ce cardinal, dans laquelle il lui donnoit avis de fa retraite, & le prioit de ne pas trouver mauvais qu'il eût fait cet acte d'appel; ajoutant qu'il étoit toujours foumis au jugement de l'églife, mais que comme il n'avoit Tome VIII. M X. plus puillant Il devient en Allemagne. Ibid. n. 86. &fuiv. point mérité les cenfures, il ne les craignoit pas. Pour juger de la validité de cet appel de Luther, & de la fincérité de fa foumiffion à l'églife; il fuffifoit de favoir qu'il foutenoit une doctrine manifeftement contraire à ce qui étoit unanimement & univerfellement enfeigné dans l'églife; par exemple, que la justice qui nous rend justes & agréables à Dieu, n'eft point en nous quelque chofe de réel, & que pour être juftifiés il eft néceffaire & il fuffit de croire fermement que nous le fommes. Le lecteur sent toute l'importance de cette obfervation. Luther en faisant fon appel, étoit bien affuré de la protection de l'électeur de Saxe, & il l'avoit même fait entendre clairement au légat dans fa feconde lettre. C'est pour quoi ce cardinal, au lieu de lui répondre, écrivit à l'électeur le 25 d'Octobre; pour se plaindre de ce que Luther étoit parti d'Aufbourg fans prendre congé de lui & à fon infû, & de ce qu'après avoir fait efpérer qu'il fe foumettroit, il avoit conftamment refufé de fe rétracter. Il le prioit enfuite, ou d'envoyer Luther à Rome, ou de le chaffer de fes états. Frédéric communiqua cette lettre à Luther, qui lui préfenta de fon côté un écrit contenant fon apologie contre les accufations du légat. Il avouoit qu'en parlant de la foi néceffaire pour la juftification, il avoit dit que les bonnes œuvres étoient inutiles. Ce féducteur ajoutoit, qu'il lui feroit glorieux de mourir pour la défense de la vérité. L'électeur dans la réponse qu'il fit à Cajetan, s'efforçoit de juftifier Luther, fur le refus qu'il faifoit de se rétracter, à moins qu'on ne lui montrât les erreurs qu'il avoit avancées, (ce qui n'étoit pas difficile.) Il ajoutoit qu'il ne vouloit pas priver fes états ni l'univerfité de Vittemberg d'un fi favant homme. Luther fe voyant ainfi appuyé, continua d'enseigner ses erreurs à Vittemberg. Il eut même l'infolence de donner un défi par écrit à tous les inquifiteurs, de venir difputer contre lui, leur offrant un fauf-conduit de la part de fon prince, & les affurant qu'ils feroient bien reçus, & que l'on fourniroit à leur dépenfe pendant leur féjour à Vittemberg. Ce qui augmentoit encore fa hardiesse, |